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11/03/2015 | FRANCE | N°13-88318

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mars 2015, 13-88318


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Geert X..., - M. Etienne Y..., - M. Christian Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 12 novembre 2013, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, les a condamnés, le premier, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende, les deuxième et troisième, à un an d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie ci

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La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 janv...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Geert X..., - M. Etienne Y..., - M. Christian Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 12 novembre 2013, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, les a condamnés, le premier, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende, les deuxième et troisième, à un an d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 janvier 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Nocquet, conseiller rapporteur, Mme Ract-Madoux, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I-Sur le pourvoi de M. Geert X... ;
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II-Sur les autres pourvois ;
Vu les mémoires, en demande et en défense, produits ;
Sur le premier moyen de cassation ;
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen n'est pas de nature à être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1743 et 1745 du code général des impôts, des articles 121-1 et 121-3 du code pénal et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré MM. Christian et Etienne Y...chacun coupable de fraude fiscale par omission de déclaration en 1995 et 1996, de fraude fiscale par dissimulation de sommes en 1995 et 1996 et d'omission d'écriture dans un livre comptable et fraude fiscale commis en 1995 et 1996, et est entré en voie de condamnation à leur égard ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article 1741 du code général des impôts, le délit de fraude fiscale est caractérisé, soit par l'omission volontaire de déposer les déclarations requises dans les délais prescrits, soit par la dissimulation volontaire d'une part des sommes sujettes à l'impôt, lorsque cette dissimulation excède le dixième de la somme imposable, ou la somme de 153 euros ; qu'en l'espèce, l'administration fiscale, constatant les carences dans les obligations déclaratives de TVA et de l'impôt sur les sociétés, procédait à une vérification de comptabilité de la société Super boissons en 1996 ; que sur la base de données de recoupements intracommunautaires, il était constaté, pour l'année 1995, un écart de 12 527 789 francs entre les acquisitions effectuées par la société Super boissons et les acquisitions déclarées au titre de la TVA, la dissimulation partielle des sommes à déclarer étant ainsi parfaitement constituée ; qu'en 1996, des acquisitions intracommunautaires étaient constatées pour un montant de 8 204 698 francs, alors qu'aucune déclaration de TVA n'avait été effectuée depuis novembre 1995, constituant une dissimulation totale des sommes à déclarer ; que ces constatations, non sérieusement remises en cause par les prévenus qui ne démontrent pas leur caractère erroné, permettent d'établir l'élément matériel du délit de fraude fiscale ; qu'il ne saurait être sérieusement soutenu que la fraude fiscale commise au nom de la société Super boissons n'a pas été réalisée par elle, et par voie de conséquence, par ses représentants légaux ; qu'en effet, c'est bien dans le cadre de l'activité de la société Super boissons que les acquisitions intracommunautaires ont été réalisées, et à son profit ; que c'est par une argumentation particulièrement fallacieuse que MM. Christian Y...et Etienne Y...viennent prétendre que M. Antoine Z...aurait agi à leur insu, en s'emparant de l'apparence sociale de la société Super boissons, alors même qu'ils affirment ne pas pouvoir être poursuivis en qualité de gérants de droit, puisqu'ils pensaient légitimement avoir cédé leur société à ce même M. Antoine Z...et aux sociétés qu'il représentait ; que par ailleurs, les témoignages circonstanciés des salariés et les formalités douanières réalisées permettent de conforter les constatations de l'administration fiscale, en démontrant la réalité de l'existence des flux de marchandises pour la période incriminée ; que le délit d'omission de passation des écritures comptables est également caractérisé dans son élément matériel, aucune comptabilité conforme aux prescriptions légales n'ayant été présentée au vérificateur fiscal, et pas davantage au mandataire chargé de la liquidation de la société Super boissons ; qu'il n'est pas prétendu, ni justifié, qu'une comptabilité régulière ait été tenue pour la période incriminée ; que les prévenus contestent surtout l'imputabilité de ces délits, se rejetant mutuellement la responsabilité ; qu'il convient d'observer, tout d'abord, que la responsabilité d'un éventuel gérant de fait n'est en aucun cas exclusive de la responsabilité des gérants de droit ; que le dirigeant de droit est personnellement tenu des obligations fiscales et comptables qui pèsent sur l'entreprise, sauf à ce qu'il rapporte la preuve de ce qu'il a délégué ses pouvoirs auprès d'un tiers qui dispose de la compétence et des moyens suffisants pour satisfaire aux obligations pesant sur l'entreprise, mais qu'il n'est pas allégué, ni justifié d'une telle délégation de pouvoirs en l'espèce ; qu'après avoir tenté de faire croire qu'ils n'étaient plus gérants, en raison de la cession de leur entreprise qui serait intervenue le 24 mars 1995, MM. Etienne Y..., Christian Y..., Peter C...et Geert X...affirment qu'ils pensaient légitimement être dégagés de leurs obligations, jusqu'à ce qu'ils s'aperçoivent du contraire à l'occasion du contrôle fiscal notamment ; qu'ils prétendent avoir accompli des actes de gérance postérieurement à cette cession uniquement pour la finaliser, conformément aux prescriptions de leur avocat Me D..., puis, après s'être rendu compte de l'inefficacité de la cession qu'ils pensaient avoir opérée ; que toutefois l'information a établi que MM. Peter C..., Christian Y..., Etienne Y...et Geert X...étaient les cogérants de la société Super boissons depuis sa création en 1993, et qu'aucun changement de cette situation n'a été régulièrement enregistré, ni au registre du commerce et des sociétés, ni auprès de l'administration des impôts ; qu'il n'a même pas été entériné par une décision des associés prise en assemblée générale, l'assemblée générale du 30 juin 1995, pourtant postérieure à la prétendue cession, ne faisant mention ni d'une cession, ni d'un changement de gérant, et se contentant d'approuver les comptes pour l'exercice clos fin 1994, ce que les gérants étaient tenus de faire dans les six mois de la première clôture intervenue le 31 décembre 1994, soit au plus tard le 30 juin 1995, comme le leur avait rappelé Me D...par courrier du 20 janvier 1995 ; qu'il résulte des pièces, remises par les experts comptables au juge d'instruction, relatives à l'organisation et la tenue de cette assemblée générale d'associés du 30 juin 1995, que les convocations des associés, le rapport spécial du gérant, la feuille de présence, le texte des résolutions proposées et le procès-verbal des délibérations portaient les signatures des quatre gérants en titre ; que les experts comptables n'ont d'ailleurs pas manqué de relever la contradiction entre la cession apparente de la société et les démarches accomplies par les quatre gérants pour cette assemblée générale obligatoire, car s'il y avait eu cession, c'était au repreneur d'approuver le cas échéant les comptes pour l'exercice précédent ; que si Me D..., avocat lillois intervenu dans le cadre de la constitution de la société Super boissons en 1993, a confirmé avoir été chargé de procéder aux formalités légales permettant de rendre opposable aux tiers la cession de la société, il a affirmé n'avoir toutefois reçu aucun document relatif à la cession, ni aucune précision sur le prix de cession ou la nomination de M. Antoine Z...en qualité de gérant ; que certes la majorité des courriers qu'il a adressés concernant la société Super boissons étaient envoyés à l'adresse de la société et au nom de M. Antoine Z...; que toutefois, l'un de ces courriers a été envoyé à M. Marc E..., réviseur de la société appartenant à M. Peter C..., à laquelle copie dudit courrier a été envoyée également, le 7 avril 1995, au sujet des éléments manquants et nécessaires à la poursuite du dossier ; que ce courrier mentionnait la déclaration faite auprès du ministère de l'économie et des finances, lequel risquait de réclamer un certain nombre de documents dont Me D...ne disposait pas ; que ladite déclaration, en date du 19 avril 1995, informait le ministère de l'intention des associés de la société Super boissons de céder l'intégralité de leurs parts à deux sociétés de droit britannique et à deux personnes physiques, en l'occurrence M. Antoine Z...pour trois parts, et M. Dominique F...pour une part, et qu'il était précisé : « compte tenu des pertes enregistrées par la société Super boissons, soit la somme de 1 194 490 francs, ces cessions se feront moyennant le prix de 1 franc » ; que pourtant, l'acte de cession figurant au dossier ne mentionne pas M. Dominique F...comme acquéreur d'une part, et que surtout, il a été établi par l'information, et cela a été confirmé à l'audience, qu'un prix de vente a été versé pour le stock, d'au moins quatre millions de francs, selon justificatif produit par MM. Y...et Y..., confirmé par les déclarations de M. C...au cours de l'instruction ; que manifestement Me D...ne disposait pas de tous les éléments précis concernant la cession de la société Super boissons, ni de tous les documents justificatifs permettant de la finaliser ; que d'ailleurs, MM. Y...et Y...admettent dans leurs écritures que Me D...leur avait indiqué s'occuper de tout et faire procéder au changement de gérance, et ce au mois d'août 1995, soit cinq mois après la cession supposée, ce qui démontre qu'à cette date, rien n'était acquis et que les gérants de droit le savaient ; qu'en s'abstenant de fournir les renseignements et documents demandés par Me D...et en ne s'assurant pas que les formalités étaient en règle, Peter C..., MM. Y..., Y...et X...n'ont pas pu ignorer qu'ils étaient toujours gérants de droit, et donc tenus de s'assurer que les déclarations de TVA étaient correctement remplies et de tenir une comptabilité ; qu'ils étaient d'ailleurs parfaitement informés de la persistance de leur qualité de gérant, puisqu'ils ont consenti, les 20 et 24 juillet 1995, soit quatre mois après la prétendue cession, à M. Antoine Z...des procurations limitées exclusivement à la signature des actes officiels relatifs à l'immeuble commercial dans lequel la société Super boissons exerçait son activité, se comportant en gérants et manifestant ainsi l'intention de ne pas lui déléguer la gestion totale de la société ; qu'ils ne sauraient exciper, comme ils l'ont fait devant le juge d'instruction, de leur nationalité belge pour affirmer qu'ils étaient dans l'ignorance des formalités à accomplir, non seulement parce qu'elles leur avaient été rappelées par leur conseil et par leurs comptables, mais aussi parce que le changement de gérance est soumis à publication en Belgique comme en France ; que par ailleurs, postérieurement à l'assemblée générale du 30 juin 1995, le cabinet d'expertise comptable français alertait le comptable belge AC SERV sur la nécessité de statuer sur la perte de la moitié du capital social, par assemblée générale extraordinaire, ce qui justifierait la tenue d'une telle assemblée générale extraordinaire le 30 octobre 1995 ; qu'à cette date, les associés ayant décidé de vendre, auraient voté la poursuite de l'activité, et ce malgré la mauvaise situation financière de la société ; qu'à partir de février 1996, les gérants de droit ont représenté la société Super boissons dans les rapports salariaux avec Mme Anne-Sophie G..., épouse H..., seule employée française restante après la fermeture brutale du magasin, notamment en payant ses salaires de janvier et février 1996, établissant les fiches de paie pour cette période, signant sa lettre de licenciement, le certificat de travail et l'attestation Assedic, et représentant la société dans le contentieux prud'homal ; qu'en outre, en juin 1996, l'avocat de MM. Christian Y..., Etienne Y...et Peter C...adressait au cabinet comptable DMV KPMG une correspondance, aux termes de laquelle les associés manifestaient leur intention de récupérer la comptabilité de la société Super boissons, moyennant paiement des honoraires du cabinet, lesquels étaient acquittés par chèque établi par M. Geert X...; que d'ailleurs, l'information n'a pas permis d'établir ce qu'est devenue cette comptabilité, puisque tant l'administration fiscale que le mandataire liquidateur ont affirmé ne l'avoir jamais vue ; que destinataires personnellement des avis de vérification établis à l'occasion du contrôle fiscal en octobre 1996, puis des convocations les 14 octobre, 12 novembre et 6 décembre 1996, alors qu'ils avaient parfaitement conscience d'être toujours gérants de droit, MM. Peter C..., Christian Y..., Etienne Y...et Geert X...ont préféré rester silencieux ; qu'ils ont néanmoins déclaré la cessation des paiements de la société Super boissons en décembre 1996, et qu'ils ont d'ailleurs été les uniques interlocuteurs du mandataire liquidateur ; que cette chronologie des actes réalisés pour la gestion de la société Super boissons ne révèle pas de véritables interruption dans la gérance exercée par les quatre gérants de droit ; que c'est parfaitement de mauvaise foi qu'ils ont fait dire au vérificateur, le 9 juin 1997, par courrier de leur avocat Me Gevers, que les co-gérants déclinaient leur responsabilité, au vu de la cession faite au profit de M. Antoine Z..., par acte sous seing privé du 24 mars 1995 ; que, suite à la plainte, déposée le 21 octobre 1998 du chef de fraude fiscale et d'omission de passation d'écritures comptables, à l'encontre de MM. Peter C..., Christian Y..., Etienne Y...et Geert X..., ils ont choisi de porter plainte à leur tour, le 9 avril 1999, avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction de Lille pour escroquerie, faux et usage de faux, à l'encontre de M. Antoine Z..., dans une manoeuvre manifestement destinée à tenter d'échapper à leur responsabilité ; qu'au surplus, s'agissant de M. Geert X..., il a admis avoir maintenu des relations commerciales entre sa société et la société Super boissons ; qu'il est présenté par MM. Antoine Z...et Stéphane B...comme ayant gardé officiellement la mainmise sur la société afin d'y développer une activité frauduleuse d'importation d'alcool, telle que celle commise en Belgique, ce qui est corroboré par l'existence de virements très importants et toujours inexpliqués à ce jour, malgré les demandes répétées en ce sens au profit de sa société, après l'acte de cession ; qu'en conséquence, MM. Peter C..., Christian Y..., Etienne Y...et Geert X..., gérants de droit, dont la mauvaise foi a été établie, ne pourront s'exonérer de leur responsabilité dans les délits fiscaux réalisés ; que s'agissant de M. Antoine Z..., il a reconnu lui-même lors de sa première audition avoir été recruté par M. Geert X...en vue d'exercer les fonctions de gérant salarié de la société Super boissons, et a admis encore à l'audience devant la cour s'être comporté comme un gérant de fait, au vu de ce qu'on lui aurait fait miroiter ; qu'il était impliqué personnellement dans l'opération de rachat des titres de la société Super boissons, et avait reçu procuration des deux sociétés britanniques, en vue de les représenter ; qu'il a participé aux négociations et signé l'acte de cession ; qu'il ne saurait tirer argument d'une mauvaise compréhension de la langue, et que n'étant pas placé sous mesure de protection, il devrait être conscient de la valeur donnée à sa signature ; que son implication a d'ailleurs été confirmée tant par les salariés de la société Super boissons, que par le cabinet comptable DMV KPMG, dont l'expert comptable chargé du dossier de la société Super boissons a affirmé que pour la période d'avril 1995 à décembre 1995, M. Antoine Z...était devenu leur interlocuteur, et leur avait confié une nouvelle mission ; que selon lui, ils préparaient les déclarations de TVA, qui étaient signées par M. Antoine Z..., sur la base des factures communiquées par ce dernier, et que, sur ses instructions, ils avaient préparé le bilan de l'exercice 1994-1995 ; que le 18 août 1995, M. Antoine Z...s'est déclaré gérant de la société Super boissons auprès de la direction des douanes, et que c'est d'ailleurs lui qui faisait viser les déclarations de TVA et s'occupait des relations avec les douanes, même s'il affirme l'avoir fait sur ordre de M. Stéphane B...; qu'il a aussi admis avoir embauché M. Dominique F...et licencié M. Bernard I... ; qu'il a même été condamné le 4 décembre 1997 par le tribunal correctionnel de Lille pour travail dissimulé suite à un contrôle de l'inspection du travail dans la société Super boissons ; que M. Antoine Z...s'est comporté comme un dirigeant de la société Super boissons, et que sa responsabilité sera donc retenue, à compter du 24 mars 1995, dans les infractions fiscales poursuivies ; qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré MM. Peter C..., Christian Y..., Etienne Y..., Geert X..., en qualité de gérants de droit, et M. Antoine Z..., en qualité de gérant en fait, coupables des infractions de fraude fiscale et d'omission de passation des écritures comptables obligatoires reprochées dans les termes de la prévention ;
" 1°) alors qu'un dirigeant de droit d'une société ne peut être condamné, pour fraude fiscale ou omission d'écritures ou passation d'écritures inexactes et fictives, en l'absence d'une délégation de pouvoirs régulière à un tiers, que s'il est établi sa participation personnelle aux faits reprochés ; qu'en déclarant coupables des faits reprochés MM. Christian et Etienne Y..., sans constater d'actes personnels imputables à ces deux gérants de droit de la Société Super Boissons parmi les quatre gérants en titre, qui caractérisent leur implication, la cour n'a pas justifié légalement sa décision ;
" 2°) alors que nul ne peut être condamné que de son propre fait ; qu'en relevant comme élément matériel des délits de fraude fiscale, par dissimulation de sommes sujettes à la TVA ou omission de déclarations mensuelles de TVA, des montants de TVA afférents à des acquisitions intracommunautaires, soit, d'une part, « sur la base de données de recoupements intracommunautaires, (¿) pour l'année 1995, un écart de 12 527 789 francs entre les acquisitions effectuées par la société Super boissons et les acquisitions déclarées au titre de la TVA », soit, d'autre part, « en 1996, des acquisitions intracommunautaires (¿) constatées pour un montant de 8 204 698 francs, alors qu'aucune déclaration de TVA n'avait été effectuée depuis novembre 1995 », tout en constatant que « le 18 août 1995, M. Antoine Z...s'était déclaré gérant de la société Super boissons auprès de la direction des douanes, et que c'est d'ailleurs lui qui faisait viser les déclarations de TVA et s'occupait des relations avec les douanes, même s'il affirme l'avoir fait sur ordre de M. Stéphane
B...
», et en relevant comme élément matériel du délit d'omission de passation d'écritures comptables « aucune comptabilité conforme aux prescriptions légales (¿) présentée au vérificateur fiscal, et pas davantage au mandataire chargé de la liquidation de la société Super boissons » tout en constatant que « l'expert comptable chargé du dossier de la Société Super boissons a affirmé que pour la période d'avril 1995 à décembre 1995, M. Antoine Z...était devenu leur interlocuteur », que « selon lui, son cabinet comptable DMV KPMG préparait les déclarations de TVA, qui étaient signées par M. Antoine Z..., sur la base des factures communiquées par ce dernier, et que, sur ses instructions, ils avaient préparé le bilan de l'exercice 1994-1995 », sans relever d'actes personnels, en lien avec les éléments matériels des infractions, imputables à MM. Christian et Etienne Y..., dirigeants de droit de la société Super boissons, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations en ne retenant pas l'unique responsabilité pénale du dirigeant de fait M. Antoine Z...;
" 3°) et alors que le juge répressif doit caractériser les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; qu'en se bornant à relever qu'« en s'abstenant de fournir les renseignements et documents demandés par Me D...pour finaliser la cession de mars 1995 de la société Super boissons, et en ne s'assurant pas que les formalités étaient en règles, MM. Peter
C...
, Christian Y..., Etienne Y...et Geert X...n'ont pas pu ignorer qu'ils étaient gérants de droit et donc tenus de s'assurer que les déclarations de TVA étaient correctement remplies et de tenir une comptabilité » sans constater que la minoration reprochée des montants de TVA déclarés du 1er janvier au 31 octobre 1995, les omissions reprochées de déclaration mensuelles de TVA de novembre 1995 à décembre 1996, et la non-tenue d'une comptabilité, ont revêtu un caractère volontaire de la part de MM. Christian et Etienne Y..., qui étaient deux des quatre dirigeants de droit de la société Super boissons, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel des délits reprochés de fraude fiscale par dissimulation de sommes sujettes à l'impôt et par omission de déclarations dans les délais prescrits et du délit reproché d'omission d'écritures ou passation d'écritures inexactes et fictives et n'a ainsi pas justifié légalement sa décision " ;
Attendu que, pour déclarer MM. Etienne et Christian Y..., gérants de droit de la société Super Boisson, coupables de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'en l'absence de toute délégation de pouvoirs, le dirigeant légal ou statutaire d'une société est personnellement tenu de se conformer aux obligations comptables et fiscales incombant à l'entreprise, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze mars deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-88318
Date de la décision : 11/03/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 12 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 mar. 2015, pourvoi n°13-88318


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.88318
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