LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 27 juin 2013), que par acte authentique du 24 mai 2005, Jean-Nicolas X..., Jean-Marc X..., Denis X... et Thierry X... (les consorts X...) ont vendu à la la SARL Immobilière luxembourgeoise CEI (la SARL) une maison d'habitation ; que se plaignant de désordres et de la présence d'amiante dans la toiture, la SARL a, après expertise, assigné les consorts X... en restitution d'une partie du prix de vente et dommages-intérêts sur le fondement de la garantie des vices cachés ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SARL fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes, alors, selon le moyen, que le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées ; qu'en se référant expressément aux écritures récapitulatives déposées le 1er septembre 2011 par la société Immobilière luxembourgeoise CEI, cependant que celle-ci avait ultérieurement déposé d'autres conclusions, dont les dernières en date le 14 mai 2012, complétaient l'argumentation, la cour d'appel, dont les motifs ne permettent pas d'établir qu'elle a pris connaissance des nouveaux éléments, et notamment des nouvelles pièces, soumis au débat par la société Immobilière luxembourgeoise CEI, a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le visa des conclusions des parties et l'indication de leur date n'est nécessaire que si le juge n'expose pas de façon succincte leurs prétentions respectives et leurs moyens ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a rappelé les prétentions et moyens de la SARL dont l'exposé correspond à ses dernières conclusions du 14 mai 2012 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la SARL fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ; qu'en jugeant que la société Immobilière luxembourgeoise CEI était un professionnel de l'immobilier par la considération qu'elle avait pour activité l'achat, la vente, l'exploitation et la gestion d'immeubles, sans rechercher, d'une part, si elle effectuait cette activité à titre régulier ou si, elle avait été uniquement constituée en vue de l'acquisition de l'immeuble litigieux dans lequel son gérant, M. Y... devait habiter, d'autre part, si le gérant de cette société était un professionnel de l'immobilier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du code civil ;
2°/ que la présomption de connaissance du vice de l'acquéreur professionnel est réfragable ; qu'en jugeant que la société Immobilière luxembourgeoise CEI ne pouvait invoquer la garantie des vendeurs comme étant un professionnel de l'immobilier, sans rechercher, si elle disposait des compétences techniques nécessaires pour déceler les vices, notamment celui tenant à la présence d'amiante dans la toiture de l'immeuble vendu, dès lors d'une part, que le professionnel requis par les cédants avant la vente n'avait pas relevé cette présence, d'autre part, que, comme le soutenait la société Immobilière luxembourgeoise CEI, celle-ci avait été uniquement constituée en vue de l'acquisition de l'immeuble litigieux dans lequel son gérant, M. Y... devait habiter, lequel au surplus n'était pas un professionnel de l'immobilier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du code civil ;
3°/ que la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés est écartée si le vendeur est un professionnel ; que, par motifs éventuellement adoptés, la cour d'appel a retenu que les vendeurs étaient des profanes en matière immobilière ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si, comme le soutenait la société Immobilière luxembourgeoise CEI, les consorts X... n'étaient pas des professionnels dès lors qu'ils dirigeaient la société Entreprise
X...
, spécialisée dans les métiers de la construction de structures métalliques, la maintenance en milieu industriel, l'étude et l'implantation de bâtiments industriels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1643 et 1644 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'acte de vente comportait une clause de non-garantie des vices cachés, et relevé, par motifs propres et adoptés, que les consorts X... n'étaient pas des professionnels de l'immobilier, qu'ils n'avaient pas connaissance du vice tenant à la présence d'amiante dans la toiture et que leur mauvaise foi n'était pas établie, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, et qui a souverainement retenu que la SARL était une professionnelle de l'immobilier et qui a pu déduire de ces seuls motifs que ses demandes en garantie des vices cachés devaient-être rejetées, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la quatrième branche du second moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Immobilière luxembourgeoise CEI aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Immobilière luxembourgeoise CEI à payer la somme globale de 3 000 euros aux consorts X... ; rejette la demande de la société Immobilière luxembourgeoise CEI ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille quinze, signé par M. Terrier, président, et par M. Dupont, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Immobilière luxembourgeoise CEI
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Immobilière luxembourgeoise de toutes ses demandes à l'encontre des consorts X... ;
AUX MOTIFS QU'au terme de conclusions récapitulatives déposées le 1er septembre 2011, auxquelles il est expressément référé pour l'exposé plus ample de ses moyens, la société Immobilière luxembourgeoise demande à la cour d'appel d'infirmer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, au visa des articles 1109 et suivants, subsidiairement, 1641 et suivants du code civil, de condamner solidairement les consorts X... au paiement de la somme de 218.560,45 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation et de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile, outre les frais et dépens de la procédure comprenant le coût de l'expertise judiciaire ; qu'à l'appui de son appel, elle fait valoir pour l'essentiel qu'un employé de la société X... a affirmé qu'il y avait tous les ans, à sa connaissance, des infiltrations d'eau à l'intérieur de la propriété, chaque fois qu'il faisait grand froid et quand il y avait de la neige sur le toit et dans les chéneaux ; que la mauvaise foi des vendeurs leur interdit de se prévaloir de la clause d'exonération ; qu'indépendamment de toute connaissance qu'avaient les vendeurs de la situation et de toute usure, la garantie des vices cachés est due du seul fait de la présente d'amiante dans la toiture de l'immeuble ; que ce soit pour les fuites, les tuyauteries, les canalisations et la présence d'amiante dans le toit, les vendeurs ne pouvaient, pour avoir vécu de nombreuses années dans l'immeuble, ignorer la situation qu'ils ont parfaitement dissimulée à leur acquéreur qui n'était pas un professionnel de l'immobilier ; que l'immeuble était destiné à être habité par son dirigeant et sa famille ; que les vendeurs étaient dirigeants de la société X..., un des leaders dans les métiers de la construction de structure métallique, la maintenance en milieu industriel, l'étude et l'implantation de bâtiments industriels, de sorte qu'ils ne peuvent être considérés comme des profanes en matière de construction ;
ALORS QUE le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées ; qu'en se référant expressément aux écritures récapitulatives déposées le 1er septembre 2011 par la société Immobilière luxembourgeoise, cependant que celle-ci avait ultérieurement déposé d'autres conclusions, dont les dernières en date le 14 mai 2012, complétaient l'argumentation, la cour d'appel, dont les motifs ne permettent pas d'établir qu'elle a pris connaissance des nouveaux éléments, et notamment des nouvelles pièces, soumis au débat par la société Immobilière luxembourgeoise, a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Immobilière luxembourgeoise de toutes ses demandes à l'encontre des consorts X... ;
AUX MOTIFS QU' il convient de constater qu'aux termes de l'acte de vente, l'acquéreur a pris le bien vendu dans l'état où il se trouvait le jour de son entrée en jouissance « sans aucune garantie de la part du vendeur pour raison ...de l'état des constructions et de leurs vices même cachés...» ; qu'en l'état de cette clause contractuelle d'exonération, la Sarl Immobilière luxembourgeoise CEI, qui est une professionnelle de l'immobilier, comme ayant pour activité l'achat, la vente, l'exploitation et la gestion d'immeubles, ne peut invoquer la garantie des vendeurs, peu importe que l'immeuble était destiné à être habité par son dirigeant et sa famille ; que la législation relative à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante dans les immeubles bâtis, n'oblige le propriétaire de l'immeuble qu'à transmettre à l'acquéreur un état établi par le professionnel ; qu'au cas présent, il a été annexé à l'acte de vente un état établi par un professionnel révélant la présence d'amiante dans le local poubelle au sous-sol, à l'endroit du conduit vide-ordures en fibre ciment ; qu'il ne peut être reproché aux consorts X... d'avoir manqué à leur obligation légale d'information ; que rien au dossier ne permet d'affirmer, voire même de supposer, que les consorts X... avaient connaissance du vice tenant à la présence d'amiante dans la toiture ; que ces derniers sont en droit d'invoquer la clause d'exonération de la garantie des vices cachés, même en l'état du vice concernant la présence d'amiante dans la toiture et qu'il ne peut leur être reproché d'avoir manqué à leur devoir de loyauté ; que l'attestation de M. Z... constitue un témoignage indirect et au demeurant est contredite par M. A..., lui-même, qui atteste n'avoir jamais eu de conversation avec le premier nommé ; qu'elle ne peut faire preuve de la mauvaise foi des consorts X... ; que l'expert judiciaire a relevé que les désordres liés aux fuites et fissures relevaient de l'usure et qu'il s'agissait de désordres dont l'acheteur, compte tenu notamment de la date de la construction (plans datés du 26 juin 1973), avait pu se convaincre lui-même ; que les infiltrations au sous-sol ne constituaient pas un vice caché ; qu'il n'est pas démontré l'existence de manoeuvres dolosives ou d'une réticence dolosive ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'immeuble litigieux a été acquis le 24 mai 2005 ; qu'il résulte de l'acte de vente qu'il a été construit au cours des années 1974-1976 : / - que l'acquéreur prendra le bien dans l'état où il se trouvera le jour de l'entrée en jouissance, / - sans aucune garantie de la part du vendeur, notamment pour les vices cachés ; que les vendeurs ne sont pas des professionnels de l'immobilier, de sorte que la clause d'exclusion de garantie a vocation à s'appliquer ; que la société Immobilière luxembourgeoise agissant sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil doit par conséquent prouver non seulement l'existence des vices cachés allégués mais également la mauvaise foi des vendeurs, c'est à dire la connaissance et la dissimulation desdits vices ; que l'expert relève dans son rapport du 25 mai 2010 : / - une fissure de la dalle haute du sous-sol et des traces d'infiltrations d'eau à travers le béton, / -une fissure du mur extérieur du local à outils, / - des traces d'infiltrations au pied des murs de la salle de musculation, / - un défaut d'étanchéité de la bonde d'évacuation de la baignoire de la salle de bains du rez-de-chaussée du fait d'un revêtement endommagé, - / - un certain nombre de travaux de reprise effectués, sans détail de l'état antérieur ; que l'expert considère : / - que les installations de réseaux d'alimentation et d'évacuation, mises en place. 30 ans avant la vente ont, eu égard à leurs caractéristiques techniques, vieilli au fil du temps ; que les désordres en cause, à savoir les fuites et fissures apparues, relèvent donc de l'usure de ces dernières et non pas d'un vice caché ; que ces phénomènes étaient par ailleurs visibles lors de la visite ; qu'aucune garantie ne sera dès lors due de ce chef ; que les infiltrations au sous-sol ne constituent pas un vice caché ; qu'au demeurant, leur connaissance par les vendeurs n'est pas établie ; qu'aucune garantie n'est due ; que la présence d'amiante dans le toit n'a pas été détectée lors du constat technique au moment de la vente, de sorte que ce vice n'était pas connu par les vendeurs ; qu'aucune garantie n'est due de ce chef, la société Immobilière luxembourgeoise pouvant. éventuellement se retourner contre l'auteur du diagnostic erroné ; qu'il résulte de ces éléments que les prétentions de la société Immobilière luxembourgeoise ne sont pas fondées et seront intégralement rejetées ;
1°) ALORS QUE le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ; qu'en jugeant que la société Immobilière luxembourgeoise était un professionnel de l'immobilier par la considération qu'elle avait pour activité l'achat, la vente, l'exploitation et la gestion d'immeubles, sans rechercher, d'une part part, si elle effectuait cette activité à titre régulier ou si, elle avait été uniquement constituée en vue de l'acquisition de l'immeuble litigieux dans lequel son gérant, monsieur Y... devait habiter, d'autre part, si le gérant de cette société était un professionnel de l'immobilier (conclusions du 14 mai 2012, p. 7, 3 derniers §, p. 8, § 1, et p. 14), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du code civil ;
2°) ALORS, subsidiairement, QUE la présomption de connaissance du vice de l'acquéreur professionnel est réfragable ; qu'en jugeant que la société Immobilière luxembourgeoise ne pouvait invoquer la garantie des vendeurs comme étant un professionnel de l'immobilier, sans rechercher, si elle disposait des compétences techniques nécessaires pour déceler les vices, notamment celui tenant à la présence d'amiante dans la toiture de l'immeuble vendu, dès lors d'une part, que le professionnel requis par les cédants avant la vente n'avait pas relevé cette présence, d'autre part, que, comme le soutenait la société Immobilière luxembourgeoise, celle-ci avait été uniquement constituée en vue de l'acquisition de l'immeuble litigieux dans lequel son gérant, monsieur Y... devait habiter, lequel au surplus n'était pas un professionnel de l'immobilier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du code civil ;
3°) ALORS QUE la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés est écartée si le vendeur est un professionnel ; que, par motifs éventuellement adoptés, la cour d'appel a retenu que les vendeurs étaient des profanes en matière immobilière ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si, comme le soutenait la société Immobilière luxembourgeoise (conclusions du 14 mai 2012, p. 13, § 8 s.), les consorts X... n'étaient pas des professionnels dès lors qu'ils dirigeaient la société Entreprise
X...
, spécialisée dans les métiers de la construction de structures métalliques, la maintenance en milieu industriel, l'étude et l'implantation de bâtiments industriels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1643 et 1644 du code civil ;
4°) ALORS QU' en retenant, par motifs propres et adoptés, que les vendeurs n'avaient pas connaissance des désordres liés aux fuites et fissures, tout en énonçant que ces désordres relevaient de l'usure et qu'il s'agissait donc, eu égard à l'ancienneté de la construction, de désordres dont l'acheteur avait pu se convaincre, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires, subsidiairement, n'a pas suffisamment motivé sa décision et, en tout état de cause, a violé l'article 455 du code de procédure civile.