LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens uniques de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne la société Catherine Y...et Sophie Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyen produit par la SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la société Catherine Y...et Sophie Z..., demanderesse au pourvoi principal
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la SCP Y...et Z... à payer à la société LES COMPLICES la somme de 70. 000 ¿ à titre de dommages-intérêts avec intérêts à compter du prononcé du jugement, avec capitalisation l'an ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU'« il incombe, en premier lieu, de constater que l'action de la société LES COMPLICES est recevable. En effet, il ne revient pas au tribunal de céans de remettre en cause l'une ou l'autre des deux décisions ¿ aux objets différents mais chacune prononcée dans un domaine où la règlementation est d'ordre public ¿ qui opposent les parties, le jugement du juge de l'exécution du 8 février 2006, qui au visa de l'article 242 du décret du 31 juillet 1992, a dit que rien ne s'opposait à ce que les conversions en saisie attribution ne se produisent d'une part, la décision des juges consulaires du 7 mai 2009 qui a déclaré l'action en répétition de l'indu recevable au visa de l'article 45 de la loi du 9 juillet 1991, alors que l'ouverture d'une procédure collective provoque de plein droit l'arrêt des poursuites individuelles des créanciers dont les droits sont nés avant cette ouverture (ancien article L. 621-40 du code de commerce) ; qu'il y a lieu, en revanche, de relever que la SCP a commis une faute, au regard de son devoir de diligence minimale, en ne procédant pas en temps utile ¿ avant le 17 octobre 2005, ayant réceptionné le 30 septembre l'original de la copie exécutoire du jugement du 28 septembre 2005 ¿ soit elle-même ou par délégation, les significations des actes de conversion, alors qu'elle avait expressément accepté l'ensemble de son mandat dès le 7 octobre 2005 et que les dispositions d'ordre public relatives aux procédures collectives font que les effets d'un jugement d'ouverture sont réputés remonter à zéro heure du jour du prononcé de la décision ; que d'une manière générale ¿ alors même que la victime disposerait indépendamment de l'action en réparation qui lui est ouverte contre l'officier ministériel, d'autres voies propres à effacer son dommage, en tout ou partie ¿ elle ne peut se voir imposer, à la suite de la faute commise, l'exercice de voies de droit autres que celles qui avaient pu être prévues initialement ; qu'en l'occurrence, la faute de la SCP a entraîné au final un dommage personnel et certain à la société LES COMPLICES, qui, en raison notamment de cette négligence originelle, n'a pu bénéficier de la chance qu'elle détenait d'être intégralement purgée de sa créance, les sommes litigieuses étant alors disponibles ; que pour autant, créancier chirographaire déclaré, la société LES COMPLICES n'apporte pas d'éléments sur l'actif et le passif de la société SIV FRANCE permettant de fixer son indemnisation à un montant supérieur à 70. 000 ¿, somme globale dont elle doit être déclarée créancière à l'encontre de la SCP » (jugement, pp. 4 et 5) ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la faute de l'huissier de justice : par des motifs pertinents que la cour approuve les premiers juges ont retenu l'existence de ladite faute et l'ont clairement définie dans sa nature ; qu'en effet, la société LES COMPLICES est fondée à reprocher à la SCP Y...et Z... d'avoir tardé à exécuter son mandat, ce qu'elle n'a fait que les 17 et 18 octobre 2005, alors qu'elle avait accepté depuis le 28 septembre 2005 de procéder à la conversion en saisies attribution des saisies conservatoires qu'elle avait précédemment diligentées et qu'elle avait accepté également le fait de devoir se substituer des confrères ; que la SCP a notamment été peu diligente dans les 10 jours ayant suivi la réception du dossier ; qu'en outre, même en tenant compte des délais d'exécution qui se sont imposés à la SCP appelante, pour divers motifs d'ordre pratique, au demeurant légitimes, dont essentiellement la nécessité pour elle de s'adresser à des confrères territorialement compétents, il demeure que son attention ayant été au surplus attirée dès le 7 octobre 2005 sur ce dossier, ce qui ressort de la lettre de Maître X..., conseil de la société LES COMPLICES, à Maître Y...(pièce 11 de l'intimée), il lui appartenait de se montrer plus diligente, ne pouvant ignorer, de par ses fonctions, tout l'intérêt qui s'attache, en matière de saisies, à agir sans délai, l'écoulement de quelques jours supplémentaires faisant courir au créancier un grand risque ; que peu importe donc qu'elle n'ait été clairement informée que le 17 octobre 2005, par une nouvelle lettre de Maître X...versée en pièce 12, du risque de cessation de paiement de la société débitrice SIV FRANCE, dès lors qu'il lui incombe de systématiquement prendre en compte cette éventualité dans tous les dossiers dont elle se charge ; que les précisions de date fournies par la SCP appelante montrent qu'elle a seulement le 17 octobre 2005 procédé avec une réelle diligence ; que cette faute, tenant à une exécution tardive du mandat accepté, engage la responsabilité propre de l'huissier de justice, du fait qu'il est tenu comme tout professionnel à une obligation de moyens, dont l'obligation de diligence et d'efficacité ; qu'il ne s'agit donc nullement d'une responsabilité subsidiaire et que par des motifs également pertinents, les premiers juges ont écarté tout l'argumentaire développé par la SCP et ci-dessus repris devant la cour, qui n'est pas fondé en ce qu'il se réfère au contenu de deux décisions, statuant l'une sur la validité intrinsèque de la conversion des saisies et l'autre sur l'opposabilité ou non à la procédure collective au regard de la date de la conversion, certes entraînant des conséquences pratiques opposées, mais qui statuent l'une et l'autre sur un litige opposant les parties, soit le créancier et le débiteur, contenu dont elle n'est donc pas fondée à se prévaloir pour tenter de dégager sa responsabilité ; que la faute a entraîné un préjudice dès lors que la société débitrice a été placée le 17 octobre 2005 en liquidation judiciaire, procédure collective dont les effets commencent le même jour à zéro heure, et que la conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution s'est ainsi trouvée effective mais trop tardivement, ce qui a fait perdre à la société LES COMPLICES une chance de percevoir le bénéfice des sommes qui auraient pu lui être attribuées, le lien de causalité entre la faute et le dommage étant dès lors établi ; Sur le dommage : sur la nature et l'étendue du dommage indemnisable, que la société LES COMPLICES, qui a été contrainte de restituer au mandataire liquidateur de la société SIV FRANCE une somme totale de 102. 561, 61 ¿, pour prétendre, en page 17 in fine, à obtenir « la réparation de son entier préjudice », qu'elle qualifie en haut de la page 17 de ses écritures, de « perte de chance d'un montant largement plus élevé », fait valoir que par la faute de l'huissier de justice, elle a été contrainte, comme un créancier chirographaire, de déclarer sa créance au passif de la liquidation de la société SIV FRANCE alors qu'elle avait pris soin de se ménager des voies d'exécution efficaces ; que les premiers juges ont pertinemment retenu qu'il s'agissait d'une perte de chance, laquelle, réparant la disparition d'une éventualité favorable en saurait correspondre à la situation qui aurait résulté de la réalisation de l'évènement ; qu'ils ont justement fixé, en l'absence d'éléments sur l'actif et le passif de la société SIV FRANCE, à la somme de 70. 000 ¿ le quantum de l'indemnisation de la société LES COMPLICES ; que sur les autres chefs de préjudices invoqués par la société LES COMPLICES dans son appel incident, ils n'apparaissent pas en lien direct de causalité avec le manquement de l'huissier et seront en conséquence rejetés » (arrêt pp. 6 et 7) ;
ALORS QUE 1°), toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ; qu'en l'état du jugement du juge de l'exécution en date du 8 février 2006, qui a dit que rien ne s'opposait à ce que les conversions en saisie-attribution produisent leurs effets, caractérisant la validité des actes signifiés par la SCP Y...et Z..., il appartenait au juge saisi de l'action en responsabilité contre cette dernière d'apprécier la faute de l'huissier au regard des effets attachés à cette décision ; qu'en refusant de s'y référer, et en considérant que la SCP Y...et Z... avait entraîné un dommage personnel et certain à la société LES COMPLICES qui avait été contrainte de restituer au liquidateur judiciaire du débiteur la somme de 102. 561, 61 ¿, en exécution du jugement rendu le 7 mai 2009 par le tribunal de commerce de PONTOISE, statuant sur l'action en répétition de l'indu formée par le liquidateur judiciaire du débiteur, quand la SCP Y...et Z... n'avait pas été attraite dans la procédure ayant donné lieu à cette décision, et qu'elle n'avait pu faire valoir son argumentation relative à l'irrecevabilité de l'action en répétition de l'indu et, à tout le moins, son mal fondé, la cour d'appel a privé la SCP Y...et Z... d'un procès équitable et violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
ALORS QUE 2°), le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; que, pour apprécier l'existence d'une faute de l'huissier de justice qui aurait tardé à faire signifier les actes de conversion litigieux, lesquels n'auraient dès lors pas pu produire leurs effets, la cour d'appel a refusé de prendre en considération la décision du juge de l'exécution, en date du 8 février 2006, qui a déclaré irrecevable la contestation élevée par le liquidateur judiciaire du débiteur sur la validité des actes de conversion litigieux et dit que rien ne s'opposait à ce que les actes de conversion produisent leurs effets, caractérisant ainsi en toute hypothèse la validité des actes signifiés par la SCP Y...et Z... ; que la cour d'appel a également considéré que la SCP Y...et Z... avait entraîné un dommage personnel et certain à la société LES COMPLICES qui avait été contrainte de restituer au liquidateur judiciaire du débiteur la somme de 102. 561, 61 ¿, en exécution du jugement rendu le 7 mai 2009 par le tribunal de commerce de PONTOISE, statuant sur l'action en répétition de l'indu formée par le liquidateur judiciaire du débiteur ; qu'en statuant ainsi, quand le juge de l'exécution est seul compétent pour statuer sur la régularité des actes d'exécution lorsqu'une mesure est en cours et qu'il avait précisément jugé que les actes de conversion litigieux devaient produire leurs effets, ce qui suffisait à exclure toute responsabilité de l'huissier de justice dans l'exécution de son mandat, la cour d'appel a méconnu la règle de compétence d'ordre public du juge de l'exécution, et violé l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;
ALORS QUE 3°), la SCP Y...et Z... faisait valoir, dans ses conclusions (pp. 8 à 10), que, hormis la contestation de l'acte de conversion prévue à l'ancien article 242 du décret du 31 juillet 1992, le législateur n'avait prévu strictement aucune faculté pour le débiteur de diligenter une action de nature à remettre en cause les effets de cet acte, de sorte que l'action en répétition de l'indu diligentée par le liquidateur judiciaire du débiteur, qui avait pourtant été déclaré irrecevable à contester les actes de conversion litigieux par le jugement rendu le 8 février 2006 par le juge de l'exécution, était ellemême irrecevable ; qu'en retenant, pour dire que la responsabilité de la SCP Y...et Z... était responsable de la perte de chance de la société LES COMPLICES de percevoir le bénéfice des sommes qui auraient pu lui être attribuées, qu'elle avait été contrainte de restituer au mandataire liquidateur du débiteur la somme de 102. 561, 61 ¿, en exécution du jugement rendu le 7 mai 2009 par le tribunal de commerce de PONTOISE, statuant sur l'action en répétition de l'indu formée par le liquidateur judiciaire du débiteur, sans rechercher si le mandataire n'était pas en toute hypothèse irrecevable à exercer une telle action, et s'il n'existait donc aucun lien de causalité entre la faute reprochée à l'huissier de justice et le préjudice subi par la société LES COMPLICES, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
ALORS QUE 4°), subsidiairement, la SCP Y...et Z... faisait encore valoir, dans ses conclusions (pp. 9 et 10), que l'action en répétition de l'indu exercée par le liquidateur judiciaire du débiteur était, en toute hypothèse, mal fondée dès lors que la société LES COMPLICES n'avait pas reçu par erreur, ni sciemment, ce qui ne lui était pas dû, puisqu'elle avait été réglée par le débiteur en exécution du jugement rendu le 22 septembre 2005 par le tribunal de commerce de PARIS ; qu'en retenant, pour dire que la responsabilité de la SCP Y...et Z... était responsable de la perte de chance de la société LES COMPLICES de percevoir le bénéfice des sommes qui auraient pu lui être attribuées, qu'elle avait été contrainte de restituer au mandataire liquidateur du débiteur la somme de 102. 561, 61 ¿, en exécution du jugement rendu le 7 mai 2009 par le tribunal de commerce de PONTOISE, statuant sur l'action en répétition de l'indu formée par le liquidateur judiciaire du débiteur, sans rechercher si cette action n'était pas en tout état de cause pas fondée, et s'il n'existait donc aucun lien de causalité entre la faute reprochée à l'huissier de justice et le préjudice subi par la société LES COMPLICES, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
ALORS QUE 5°), la SCP Y...et Z... faisait également valoir, dans ses conclusions (pp. 11 à 13), que la société LES COMPLICES était en mesure de former appel du jugement rendu le 7 mai 2009 par le tribunal de commerce de PONTOISE, qui l'avait condamnée à restituer au mandataire liquidateur du débiteur la somme de 102. 561, 61 ¿, et de faire valoir que l'action de ce mandataire était irrecevable ou, à tout le moins, mal fondée ; qu'elle en déduisait qu'en s'abstenant d'interjeter appel de cette décision critiquable, qui avait de fortes chances d'être infirmée, la société LES COMPLICES avait perdu définitivement toute possibilité de justifier d'une perte de chance réparable ; qu'en se bornant à affirmer que, même si la victime disposait de voies de droit propres à effacer son dommage, en tout ou partie, elle ne pouvait se voir imposer, à la suite de la faute commise par l'huissier, l'exercice de voies de droit autres que celles qui avaient pu être prévues initialement, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société LES COMPLICES n'avait pas elle-même commis une faute en relation directe de causalité avec son préjudice, en ne formant pas appel de la décision qui la condamnait à restituer le montant perçu des saisies, quand elle aurait pu faire valoir que l'action du mandataire judiciaire de son débiteur était irrecevable ou, à tout le moins, mal fondée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.