LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 25 avril 2013), que le 11 octobre 2003, le scooter piloté par M. X..., ayant Mme Y... comme passagère a été percuté par un véhicule non identifié, puis s'est encastré sous un véhicule Ford en stationnement, appartenant à Mme Yvonne Z..., conduit par M. Z... et assuré auprès de la société Axa (l'assureur) ; que dans cet accident, M. X... et Mme Y... ont été blessés ; que le véhicule qui avait percuté le scooter a dans un second temps percuté le véhicule automobile assuré auprès de la société Mutuelle des transports automobiles (la société MTA), conduit par Mme A... ; que M. X... et Mme Y... ont assigné, sur le fondement des dispositions de la loi du 5 juillet 1985, Mme Z... et son assureur en reconnaissance de leur droit à indemnisation de leurs préjudices ; que Mme Z... et son assureur ont appelé en cause Mme A... et son assureur afin qu'il soit jugé que son véhicule était impliqué dans l'accident et afin que la charge de l'indemnisation soit supportée par eux par moitié ; que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) a été appelé en la cause ;
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause une conductrice pourtant impliquée dans un accident de la circulation, Mme A..., assurée par la société MTA et le FGAO, alors, selon le moyen :
1°/ que des collisions successives intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu caractérisent un accident complexe, justifiant que tous les conducteurs des véhicules impliqués soient tenus de réparer l'entier préjudice subi par les victimes de cet accident ; qu'en énonçant que l'accident complexe en cause devait s'analyser en deux accidents successifs, justifiant que Mme A... soit mise hors de cause, alors que les deux heurts de véhicules étaient intervenus dans le même laps de temps et dans un enchaînement continu, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ;
2°/ que l'implication dans un accident complexe unique suffit à justifier que tous les conducteurs impliqués soient tenus d'en réparer les conséquences ; qu'en mettant Mme A... hors de cause, au motif que son véhicule n'avait eu aucun rôle causal dans les dommages causés à Mme Y... et à M. X..., la cour d'appel a, tant par motifs propres qu'adoptés, violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ;
3°/ que l'accident complexe, justifiant que chaque conducteur impliqué soit tenu d'indemniser intégralement la victime, est caractérisé lorsque des collisions successives sont survenues dans le même laps de temps et selon un enchaînement continu ; qu'en retenant, par adoption des motifs des premiers juges, que les deux collisions successives caractérisaient deux accidents fractionnés et non un unique accident complexe, au motif que les deux chocs n'avaient pas été simultanés, quand il suffisait qu'ils soient intervenus dans le même laps de temps et selon un enchaînement continu, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, en violation de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'accident subi par Mme Y... et M. X..., provoqué par un véhicule non identifié, était distinct de l'accident subi par Mme A..., causé postérieurement par ce même véhicule ; que les différentes auditions des parties, ainsi que le schéma établi par les gendarmes, démontraient que le véhicule non identifié avait d'abord heurté le scooter et que ce n'était que dans un second temps que ce même véhicule non identifié avait percuté l'arrière de la voiture de Mme A... ; qu'il ne s'agissait pas d'un accident complexe dans lequel tous les véhicules étaient impliqués, mais de deux accidents successifs ;
Que de ces constatations et énonciations faisant ressortir un enchaînement discontinu des collisions, la cour d'appel a pu déduire que le véhicule appartenant à Mme A... n'était pas impliqué dans l'accident survenu entre le scooter et l'autre véhicule ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Axa France Polynésie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Axa France Polynésie, la condamne à payer à Mme A..., la société Mutuelle des transports assurances et à la société Anset Eurofi la somme de globale de 3 000 euros, et au Fonds de garantie des assurances obligatoire la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société Axa France Polynésie.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
II est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait mis hors de cause une conductrice pourtant impliquée dans un accident de la circulation (Mme A..., assurée par la compagnie MTA) et le Fonds de Garantie Automobile ;
AUX MOTIFS QUE c'était à juste titre que Mme A... et son assureur, ainsi que le Fonds de Garantie Automobile, avaient été mis hors de cause ; que seul le véhicule en stationnement de Mme Z... était impliqué dans l'accident ; qu'en effet, un véhicule doit être considéré comme impliqué dans un accident de la circulation au sens de la loi de 1985 « dès lors qu'il a joué un rôle quelconque dans sa réalisation» ; qu'en d'autres termes, la notion d'implication d'un véhicule suppose nécessairement l'existence d'un lien de causalité entre le rôle de ce véhicule et l'accident de la circulation dans lequel il est susceptible d'être impliqué et ce, même s'il n'y avait pas eu de contact entre les véhicules en cause ; qu'en l'espèce, il ressortait des pièces du dossier que l'accident subi par Mlle Y... et M. X..., provoqué par un véhicule non identifié, était incontestablement distinct de l'accident subi par Mme A..., causé postérieurement par ce même véhicule ; qu'en effet, les différentes auditions des parties, ainsi que le schéma établi par les gendarmes, démontraient que le véhicule non identifié avait d'abord heurté le scooter conduit par Mlle Y... qui avait M. X... comme passager, et que ce n'était que dans un second temps que ce même véhicule non identifié avait percuté l'arrière de la voiture de Mme A... ; qu'il ne s'agissait pas d'un accident complexe dans lequel tous les véhicules étaient impliqués, mais de deux accidents successifs ; qu'il s'ensuivait que la décision entreprise était en voie de confirmation, en ses dispositions concernant l'implication des véhicules ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la loi du 5 juillet 1985 s'applique aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, en mouvement ou en stationnement ; qu'en l'espèce, le scooter conduit par M. X..., ayant Mme Y... comme passager transporté, après avoir été percuté à l'arrière par un véhicule non identifié, avait fini sa course sous un véhicule Ford en stationnement, appartenant à Yvonne et Max Z... ; que le véhicule de ces derniers était donc impliqué dans l'accident ayant entraîné des atteintes aux personnes des victimes ; qu'il était également établi que le véhicule ayant causé l'accident, avait percuté la voiture Peugeot 205 conduite par Hélène A..., sans que le tribunal dispose d'éléments permettant d'affirmer que les deux chocs avaient été simultanés ; que ce deuxième choc entre le véhicule qui avait pris la fuite et celui de Mme A... était sans relation avec les dommages subis par les demandeurs initiaux à l'instance ; qu'en effet, il était certain que les atteintes subies par M. X... et Mme Y... auraient été les mêmes en l'absence de cette collision; qu'en conséquence, il devait être jugé que le véhicule de Mme A... n'était pas impliqué dans l'accident ; que Mme A... et la compagnie Anset devaient ainsi être mises hors de cause ;
1° ALORS QUE des collisions successives intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu caractérisent un accident complexe, justifiant que tous les conducteurs des véhicules impliqués soient tenus de réparer l'entier préjudice subi par les victimes de cet accident ; qu'en énonçant que l'accident complexe en cause devait s'analyser en deux accidents successifs, justifiant que Mme A... soit mise hors de cause, alors que les deux heurts de véhicules étaient intervenus dans le même laps de temps et dans un enchaînement continu, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985:
2° ALORS QUE l'implication dans un accident complexe unique suffit à justifier que tous les conducteurs impliqués soient tenus d'en réparer les conséquences ; qu'en mettant Mme A... hors de cause, au motif que son véhicule n'avait eu aucun rôle causal dans les dommages causés à Mlle Y... et à M. X..., la cour d'appel a, tant par motifs propres qu'adoptés, violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ;
3° ALORS QUE l'accident complexe, justifiant que chaque conducteur impliqué soit tenu d'indemniser intégralement la victime, est caractérisé lorsque des collisions successives sont survenues dans le même laps de temps et selon un enchaînement continu ; qu'en retenant, par adoption des motifs des premiers juges, que les deux collisions successives caractérisaient deux accidents fractionnés et non un unique accident complexe, au motif que les deux chocs n'avaient pas été simultanés, quand il suffisait qu'ils soient intervenus dans le même laps de temps et selon un enchaînement continu, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, en violation de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
II est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait déclaré l'assureur (la société Axa France Polynésie) de la responsable d'un accident de la circulation (Mme Z...), tenu à garantir seul la réparation de l'entier préjudice subi par les victimes (M. X... et Mlle Y...) ;
AUX MOTIFS QUE la compagnie Axa avait soulevé l'exception de non-garantie et l'exclusion de garantie pour la première fois dans ses écritures du 25 janvier 2007 déposées devant le tribunal ; que, par application de l'article R. 420-12 du code des assurances, applicable en Polynésie française, et conformément à une jurisprudence constante de la Cour de cassation, à défaut pour la compagnie d'assurances d'avoir avisé en même temps et dans les mêmes formes le Fonds de Garantie et la victime de son intention d'opposer la cause de non-assurance, cette cause de non-assurance n'était pas opposable à la victime ; qu'en l'espèce, la compagnie Axa ne justifiait pas avoir respecté les prescriptions de l'article R. 420-12 susvisé, en ayant déclaré au Fonds de garantie et aux victimes, ni dans les mêmes temps, ni dans les mêmes formes, son refus de garantie et son intention de soulever une exception de non-assurance, étant précisé que ce n'était que par courrier du 27 octobre 2009 que le Fonds de garantie avait été avisé de l'intention de refus de garantie de la compagnie Axa ; qu'il s'ensuivait que la cause de non-assurance opposée par la compagnie Axa était inopposable aux victimes ;
1° ALORS QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige, tels qu'ils ont été fixés par les parties ; qu'en énonçant que la société Axa France Polynésie n'avait pas justifié avoir notifié, dans le même temps et dans les mêmes formes, son refus de garantie aux victimes et au Fonds de Garantie Automobile, quand l'exposante avait versé aux débats des courriers identiques du 27 octobre 2009 (pièces n° 34 à 39), emportant refus de garantie et adressés à toutes les parties (dont les victimes et le Fonds de garantie), la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2° ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; qu'en énonçant que la société Axa France Polynésie n'avait pas justifié avoir notifié son refus de garantie dans le même temps et dans les mêmes formes aux victimes et au Fonds de Garantie Automobile, sans répondre aux conclusions de l'exposante faisant état (p. 26 et 27) des courriers du 27 octobre 2009 adressés à toutes les parties en recommandé, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile.