LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 12 décembre 2013), que Suzanne X... est décédée le 28 novembre 1999, en laissant pour héritiers son fils Bernard, légataire de la plus forte quotité disponible en vertu d'un testament olographe du 23 novembre 1999, et sa petite fille Céline en représentation de son fils Claude, prédécédé ; que des difficultés sont nées lors du règlement de la succession ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité du testament pour insanité d'esprit ;
Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de l'article 901 du code civil et de manque de base légale au regard de ce texte, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, les appréciations souveraines par lesquelles les juges du fond ont estimé que Mme X... n'établissait pas l'insanité d'esprit de sa grand-mère au moment de la rédaction de son testament ; qu'il ne peut être accueilli ;
Et sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme X... fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande de révocation pour ingratitude de certaines libéralités et du testament ;
Attendu que c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen, par une décision motivée et sans être tenue de s'expliquer sur ceux qu'elle décidait d'écarter que la cour d'appel a estimé que les faits allégués n'étaient pas établis ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande visant à l'annulation du testament du 23 novembre 1999 pour insanité d'esprit :
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur l'insanité d'esprit, il est rappelé qu'elle doit exister à la date de l'acte contesté, soit en l'espèce le 23 novembre 1999 ; que c'est à juste titre que le premier juge a considéré que le fait que Mme Suzanne Y... ait été placée sous sauvegarde de justice le 22 juin 1999 ne suffit pas à lui seul à établir son insanité d'esprit à la date du testament ; qu'en outre, la désignation par une ordonnance ultérieure du 1er juillet 1999 est justifiée, conformément à l'article 437 du code civil, par la nécessité d'effectuer certains actes de gestion du patrimoine de la personne à protéger ; qu'il est ajouté que c'est par une lecture manifestement erronée de l'article 435 alinéa 1er du code civil que Mme X... soutient que la défunte, placée sous sauvegarde de justice, ne pouvait faire aucun acte d'administration ou de disposition ; qu'au contraire, le principe posé par ce texte est que la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l'exercice de ses droits, mais que s'il est désigné un mandataire spécial, elle ne peut faire l'acte ou les actes pour lesquels le mandataire a été désigné, lequel ne saurait avoir pour mission de rédiger un testament ; que par ailleurs, les deux certificats médicaux produits par l'appelante ne permettent pas d'établir l'insanité d'esprit qu'elle invoque ; qu'en effet, le certificat médical celui daté du 28 mai 1999 établi par le Docteur Z..., psychiatre, transmis au juge des tutelles fait état simplement "...de troubles du caractère sur un syndrome dépressif réactionnel à des décès rapprochés et début de détérioration intellectuelle...." et ajoute que l'audition de l'intéressée n'est pas de nature à nuire à sa santé ; que, quant au compte rendu d'hospitalisation du docteur A..., adressé le 11 juin 1999 au docteur B... médecin traitant de Mme Y..., il relève qu' elle présente un état neurologique normal, on ne retrouve pas de signe déficitaire, les propos sont cohérents, les constantes vitales sont correctes ; que ces deux certificats ne sont pas contraires en leurs constatations, avec celui produit par M. Bernard X..., dressé par le docteur B..., médecin traitant de Mme Y..., qui atteste que sa patiente, a toujours était saine d'esprit jusqu'à son décès ; que les deux attestations produites par l'appelante (pièces 7 et 8) décrivent les tensions familiales, le caractère de M. Bernard X..., mais ne contiennent qu'une seule indication, sans aucune précision de date sur l'état de santé mental de Mme Y... : " selon moi....Suzanne X... n'avait plus toute sa tête par moment", ce qui n'exclut pas des moments de lucidité ; qu'il sera ajouté, ainsi que relevé par le premier juge, que les gendarmes l'ont interrogée le 11 juin 1999, et n'ont eu aucune difficulté à recueillir des réponses sensées aux questions qu'ils posaient ; qu'en conséquence, la preuve de l'insanité d'esprit de Mme Y... n'étant pas rapportée, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du testament litigieux sur ce fondement » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT QUE « fait que Madame Suzanne Y... veuve X... ait été placée sous sauvegarde de justice le 1"' Juillet 1999 ne suffit pas à lui seul à établir son insanité d'esprit à la date du 23 Novembre 1999 ; que Mademoiselle Céline X... ne produit aucun certificat médical et aucun état témoignage attestant de cette insanité d'esprit ; que le défendeur se prévaut du certificat du docteur B... qui atteste le 12 Mai 2009 que Madame X... Suzanne née le 21 Mai 1922 a toujours été saine d'esprit jusqu'à son décès, que même s'il est exact que ce praticien n'a pas pu connaître l'évolution de l'intéressée après son admission à la maison de retraite de CADËNET qui est intervenu avant le 17 Septembre 1999, cette attestation plaide en faveur de l'absence de troubles mentaux ; que de même le fait que les gendarmes qui ont interrogé l'intéressée le 11 Juin 1999 n'aient eu aucune difficulté à recueillir des réponses sensées à leurs questions laisse présumer que celle-ci était saine d'esprit ; qu'au vu de ces éléments il convient de constater que la preuve de l'insanité d'esprit de Madame Suzanne Y... veuve X... à la date du 23 Novembre 1999 n'est pas rapportée, qu'il convient en conséquence de rejeter la demande d'annulation du testament établi ce jour-là » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, la nullité pour insanité d'esprit peut être retenue, soit parce que la preuve de l'insanité d'esprit est rapportée à la date du testament, soit parce que la preuve de l'insanité d'esprit est rapportée à une époque contemporaine de celle de la confection du testament ; que pour statuer comme ils l'ont fait, les juges du second degré ont énoncé que « sur l'insanité d'esprit, il est rappelé qu'elle doit exister à la date de l'acte contesté, soit en l'espèce le 23 novembre 1999 » (p. 6, § 4) et encore « que le fait que Madame Suzanne Y... ait été placée sous sauvegarde de justice le 22 juin 1999 ne suffit pas à lui seul à établir son insanité d'esprit à la date du testament » (p. 6, § 4) ; qu'en considérant ainsi que l'insanité doit être établie au jour du testament quand il suffisait que l'insanité d'esprit soit établie à une date contemporaine de la confection du testament, ce dont se prévalait Madame Céline X... (conclusions du 4 septembre 2013, p. 24 § 7 jusqu'à p. 26), les juges du fond ont violé l'article 901 ancien du Code civil ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, les premiers juges ont énoncé « que le fait que Madame Suzanne Y... veuve X... ait été placée sous sauvegarde de justice le 1er juillet 1999 ne suffit pas à lui seul à établir son insanité d'esprit à la date du 23 novembre 1999 » (p. 3, § 6) et encore qu'«au vu de ces éléments, il convient de constater que la preuve de l'insanité d'esprit de Madame Suzanne Y... veuve X... à la date du 23 novembre 1999 n'est pas rapportée¿ » (p. 3, dernier §) ; qu'ils se sont placés, à leur tour, à la date précise du testament en considérant que l'insanité d'esprit à une date contemporaine ne pouvait justifier la nullité ; que de ce point de vue également, l'arrêt attaqué encourt la censure pour violation de l'article 901 ancien du Code civil ;
ET ALORS QUE, TROISIEMEMENT, à tout le moins, si la censure ne peut être prononcée pour violation de la loi, force serait alors de constater, à tout le moins, que l'arrêt ne s'est pas expliqué sur l'insanité d'esprit à une date contemporaine du testament et que dès lors l'arrêt encourt la censure pour défaut de base légale au regard de l'article 901 ancien Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande de révocation pour ingratitude des donations consenties et du testament du 23 novembre 1999 formée par Madame Céline X... à l'encontre de Monsieur Bernard X... ;
AUX MOTIFS QU' « à titre infiniment subsidiaire, Mme X... demande à la Cour de révoquer le testament compte tenu de l'ingratitude dont M. Bernard X... a fait preuve à l'égard de sa mère, consistant en des détournements, faux et injures ; que cette demande repose sur les mêmes attestations, imprécises, insuffisantes pour fonder ce moyen et sont contredites par celles produites par l'intimé faisant état de relations familiales régulières et non conflictuelles » ;
ET AUX MOTIFS ENCORE QUE « la Cour ne saurait faire droit à la demande de révocation pour ingratitude des libéralités consenties à M. Bernard X... par ses parents, dès lors qu'en l'état des pièces du dossier, les conditions de l'article 955 du Code civil ne sont pas remplies, le donataire n'ayant pas attenté à la vie du donateur, ne s'étant pas rendu coupable de sévices, délits ou injures graves et ne lui ayant pas refusé d'aliments » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, en se prononçant en termes généraux, sans même analyser les faits invoqués par Madame Céline X... pour caractériser l'ingratitude permettant la révocation du testament, les juges du fond ont entaché leur décision d'un défaut de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, s'agissant de la révocation pour ingratitude du testament, Madame X... a fait valoir que Monsieur X... avait gravement injurié sa mère en l'accusant d'être responsable du décès de son père (conclusions du 3 octobre 2013, p. 28 et p. 18) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point précis, fondé sur un témoignage, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1046 du Code civil ;
ALORS QUE, TROISIEMEMENT, et s'agissant des donations, les juges du fond ne pouvaient se déterminer aux termes de motifs généraux, tels qu'ils ont été précédemment rappelés et qu'ils ont entaché leur décision d'un défaut de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ET ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, et en tout cas, Madame Céline X... se prévalait, pour fonder la révocation des donations, sur l'injure proférée par Monsieur X... à l'encontre de sa mère en la rendant responsable du décès de son père (conclusions du 3 septembre 2013, p. 29, dernier § et p. 27 et 28) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point précis, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 955 du Code civil.