LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° F 13-23.011 et R 14-13.755 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Simone X... est décédée le 19 décembre 2001 en laissant à sa succession, d'une part, son fils Guy lequel décédera le 9 juillet 2004 en laissant à sa succession, son épouse, Mme Françoise Y... et leurs trois enfants, Cyrille, Franck et Patrice (ci-après les consorts Y...), d'autre part, en représentation de son autre fils, Alain-Louis, prédécédé le 5 juillet 1978, sept petits-enfants, Christian, Thierry, Bernard, Régine, Pierre, Gérard et Jean ; que Régine est décédée le 22 juin 2009 en laissant à sa succession ses enfants, Vanessa et Régis A... ; que Thierry est décédé laissant à sa succession Mme Viviane B... ; que Bernard est décédé le 24 janvier 2014, laissant à sa succession ses trois enfants, Yonni, Davy et Wendy ; que des difficultés s'étant élevées au cours des opérations de liquidation et de partage de la succession, M. C... a été désigné administrateur de celle-ci ; que le partage a été ordonné par le tribunal ; que, par un premier arrêt, la cour d'appel a statué sur plusieurs difficultés et, avant dire droit sur les demandes de rapport par Régine A... et Alain Y..., de l'avantage résultant de ce que, à titre gratuit, un logement avait été mis à la disposition de ceux-ci, a ordonné la réouverture les débats en révoquant l'ordonnance de clôture pour permettre aux parties de s'expliquer sur ces demandes formées contre des personnes décédées ; que, par un second arrêt, la cour d'appel a constaté l'abandon par les consorts Y... de ces demandes ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que les consorts Y... font grief au second arrêt d'avoir constaté l'abandon de leurs demandes se rapportant à des avantages gratuits qu'auraient retirés Régine A... et Alain Y... de l'occupation de certains immeubles ;
Attendu que les débats avaient été rouverts pour permettre aux parties de s'expliquer sur de telles demandes formées contre des personnes décédées ; que la cour d'appel ayant relevé que, dans leurs conclusions après réouverture des débats, les consorts Y... s'étaient bornés à demander "de statuer ce que de droit au regard des conclusions des rapports" des experts, concernant la demande de rapport formulée à l'encontre d'Alain Y..., ce dont il résultait qu'elle n'était saisie, ni par les conclusions antérieures à la réouverture des débats, ni par celles postérieures, de demandes de ce chef dirigées contre l'une des parties à l'instance, le moyen manque en fait ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 132-13 du code des assurances ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les règles du rapport à succession et celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers ne s'appliquent pas aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ; qu'un tel caractère s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur ;
Attendu que, pour ordonner aux consorts Y... de rapporter à la succession de Simone Y... une somme de 15 244,90 euros au titre d'une prime d'assurance vie pour un contrat qui a bénéficié à Guy Y... au décès de sa mère, l'arrêt retient que ce versement effectué le 21 février 2001, moins d'un an avant le décès de celle-ci, laquelle était âgée à cette date de 86 ans, ne répondait à aucune utilité d'ordre patrimonial pour elle, de sorte qu'il convient de considérer qu'il a eu un caractère manifestement excessif ;
Qu'en se déterminant ainsi, sur la seule appréciation de l'utilité de la souscription, sans avoir égard à l'ensemble de la situation patrimoniale et à la situation familiale de la souscriptrice au moment du versement, la simple constatation de ce que le décès était intervenu moins d'un an après étant sans portée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1315 du code civil ;
Attendu que, pour dire que les consorts Y... doivent rapporter à la succession une somme de 134 200,23 euros au titre de dons manuels et libéralités, l'arrêt, après avoir relevé qu'un montant de dépenses de 34 931,86 euros a été isolé dont les bénéficiaires n'ont pas été identifiés, retient qu'il appartient aux consorts Y... de démontrer l'usage que Guy Y... a fait de la procuration qu'il détenait sur le compte de sa mère, pour en déduire qu'à défaut de cette preuve, ne peuvent être déterminées ni les dépenses qui étaient le fait de Simone Y... elle-même et celles qui résultaient de l'usage de la procuration, ni les bénéficiaires de ces dernières, de sorte que la totalité de la somme considérée est soumise au rapport ;
Qu'en statuant ainsi, alors que s'il appartient au mandataire de rendre compte de sa gestion, c'est à celui qui lui demande à celui-ci le rapport de sommes débitées d'un compte dont le défunt était titulaire, d'établir que les dépenses litigieuses proviennent de l'utilisation par ce mandataire de cette procuration, ce qui ne peut s'évincer de la seule existence de celle-ci, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre l'arrêt du 13 juin 2013 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les consorts Y... doivent rapporter à la succession une somme de 15 244,90 euros au titre d'une prime d'assurance-vie et une somme de 134 200,23 euros au titre de divers dons manuels et libéralités, l'arrêt rendu le 17 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne MM. Christian, Pierre, Gérard, Jean, Yonni et Davy Y..., Mme Wendy Y..., M. Régis A... et Mme Vanessa A... avec Mme B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer une somme globale de 3 500 euros à MM. Cyrille, Franck et Patrice Y... et à Mme Y... et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens - identiques aux pourvois n° R 14-13.755 et F 13-23.011 - produits par la SCP Roger, Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour MM. Cyrille, Franck, Patrice Y... et Mme E... épouse Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt du 17 janvier 2013 d'avoir dit que les exposants devraient rapporter à la succession la somme de 15.244,90 euros au titre d'une prime d'assurance-vie ;
Aux motifs que s'agissant des primes ayant abondé les contrats, il y a lieu de déterminer si elles ont revêtu un caractère manifestement exagéré ; que la cour ne trouve, dans les écritures et les pièces du dossier qu'une seule indication, dans le rapport de l'expert missionné par les appelants (Madame F...), d'un montant de prime, à savoir 100.000 francs, versé le 21 février 2001 sur un contrat d'assurance-vie « Poste Avenir » ; que ce versement, effectué moins d'un an avant le décès de Madame Simone Y..., qui, grabataire depuis quelques années, était à sa date âgée de 86 ans, ne répondait à aucune utilité d'ordre patrimonial pour elle, de sorte qu'il convient de considérer qu'il a eu un caractère manifestement excessif au sens des dispositions légales précitées, et doit donc être rapporté à la succession ;
Alors que le caractère manifestement exagéré des primes s'apprécie au moment de leur versement, au regard de l'âge, ainsi que des situations patrimoniales et familiales du souscripteur et de l'utilité de ce contrat pour ce dernier ; qu'en l'espèce, en ne prenant pas en considération les revenus et le patrimoine de Madame Simone Y... au moment de la souscription, le 21 février 2001, de la prime litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 132-13 du code des assurances ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt du 17 janvier 2013 d'avoir dit que les exposants devraient rapporter à la succession la somme de 134.200,23 euros au titre de divers dons manuels et libéralités ;
Aux motifs que l'expert F... a isolé un montant global de 34.931,86 euros au sujet duquel les bénéficiaires sont indéterminés ; que les appelants en tirent la conclusion que leur auteur n'ayant pas été désigné comme bénéficiaire de ces dépenses, ils ne sont pas soumis à la règle du rapport les concernant ; que les intimés considèrent au contraire que Guy Y... ayant été titulaire d'une procuration sur un compte bancaire de sa mère, il incombe à ses héritiers de démontrer que son utilisation n'a pas été faite à des fins personnelles ; qu'une telle démonstration, ou à tout le moins celle de l'usage qui a été faite de la procuration (usage répété à compter de 1999 nécessité par l'affaiblissement de Madame Simone Y...) leur revient en effet ; qu'à défaut, ce qui empêche de déterminer, d'une part, quelles dépenses ont été le fait de Madame Simone Y... elle-même et quelles dépenses sont résultées de l'usage de la procuration, et d'autre part quels ont été les bénéficiaires des dépenses résultées de l'usage de la procuration, ils doivent être soumis au rapport de la totalité de la somme considérée, soit 34.931,86 euros
Alors que, d'une part, que c'est à celui qui sollicite le rapport d'une somme à la succession de rapporter la preuve que les fonds litigieux ont bénéficié à celui auquel ce rapport est demandé ; qu'en faisant peser en l'espèce sur les héritiers de Monsieur Guy Y... la charge de la preuve de ce que les sommes dont les bénéficiaires n'avaient pu être identifiés n'avaient pas bénéficié à leur auteur, la cour d'appel a méconnu l'article 1315 du Code civil ;
Alors, en toute hypothèse, à supposer que puisse être mise à la charge du mandataire la charge de la preuve de ce que les sommes qu'il a prélevées sur le compte du mandant en utilisant la procuration qui lui avait été délivrée ne lui avaient pas bénéficié directement, il appartient en toute hypothèse à celui qui en demande le rapport à la succession, d'établir que les dépense litigieuses proviennent de l'utilisation par ce mandataire de cette procuration ; qu'en faisant peser la preuve contraire sur les héritiers de Monsieur Guy Y..., la cour a pareillement violé l'article 1315 du code civil ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt du 13 juin 2013 d'avoir constaté l'abandon par les exposants de leurs demandes se rapportant à des avantages à titre gratuit qu'auraient retirés Madame Régine A... et Monsieur Alain Y... de l'occupation de certains immeubles ;
Aux motifs que dans leurs dernières conclusions du 15 mai 2013, les consorts Cyrille Y... / Franck Y... / Patrice Y... / Françoise Y... demandent à la Cour, concernant la demande de rapport à succession formulée à l'encontre du seul Monsieur Alain Y... pour l'occupation d'un immeuble de 1955 à 1978 de « statuer ce que de droit au regard des conclusions des rapports de Monsieur G... et Madame F... » ; qu'ils ne formulent ce faisant aucune demande à l'encontre de quiconque au titre d'un avantage à titre gratuit qui aurait été concédé à Monsieur Alain Y... et à Madame Régine A..., et la cour constatera l'abandon par eux de leurs demandes au titre de ces avantages ;
Alors que les parties ne sont pas tenues de reprendre dans les conclusions par lesquelles elles se bornent à répondre à des questions posées par un arrêt avant dire droit les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs écritures antérieures, qui ne sont pas réputées avoir été abandonnées, et dont la cour d'appel reste saisie ; que la cour d'appel ne pouvait donc déduire de ce que, dans le dispositif de leurs conclusions après réouverture des débats, les exposants s'étaient bornés à l'inviter à statuer ce que de droit au regard des conclusions du rapport de Monsieur G... et Madame F..., qu'ils avaient abandonné leurs demandes se rapportant à des avantages à titre gratuit qu'auraient retiré Madame Régine A... et Monsieur Alain Y... de l'occupation de certains immeubles, quand elle demeurait saisie des demandes formulées à ce titre par les dernières écritures déposées par les exposants avant l'arrêt ayant ordonné la réouverture des débats, sans violer les articles 954 et 444 du code de procédure civile ;