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03/03/2015 | FRANCE | N°13-88230

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 mars 2015, 13-88230


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Pierre X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 19 novembre 2013, qui, pour diffamation publique envers des personnes dépositaires de l'autorité publique, l'a condamné à 1 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 janvier 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Straehli, conseiller rapporteur, MM. Beauvais, Finidori, Monfort, Buisson, Mme Durin-Karsenty, conseillers de la chamb

re, Mme Moreau, MM. Maziau, Barbier, Talabardon, conseillers référendaires ;
Avo...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Pierre X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 19 novembre 2013, qui, pour diffamation publique envers des personnes dépositaires de l'autorité publique, l'a condamné à 1 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 janvier 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Straehli, conseiller rapporteur, MM. Beauvais, Finidori, Monfort, Buisson, Mme Durin-Karsenty, conseillers de la chambre, Mme Moreau, MM. Maziau, Barbier, Talabardon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Cordier ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller STRAEHLI, les observations de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CORDIER ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que les sociétés civiles professionnelles Z... Thierry Gaëlle A... et B...- C..., ainsi que Mme Gaëlle A... et MM. Thierry Z..., Alain B... et Patrick C..., huissiers de justice, ont fait citer devant le tribunal correctionnel M. Pierre X..., directeur de la publication de l'hebdomadaire La Gazette de Montpellier, du chef de diffamation envers des personnes dépositaires de l'autorité publique, à la suite de la parution, dans le numéro daté du 5 au 18 août 2010, d'un article intitulé " Justice : onze huissiers mis en examen " ;
Attendu que les propos incriminés étaient les suivants :
" Le juge d'instruction M. Thomas Meindel, vient de mettre en examen 11 huissiers de la ville pour violation du secret professionnel, collecte de données recueillies en violation du secret professionnel, escroquerie, détournement de finalité du fichier informatique ; que les 11 professionnels sont les associés des quatre plus importantes études de Montpellier : les sociétés civiles professionnelles
A...
- Z...- F..., B...- C...,... ;
Cette mise en examen donne du crédit aux révélations de Maître Francis G... sur les moeurs de sa profession ;
Pour violation de la loi Informatique et Liberté, la Cnil avait condamné chacune des études incriminées à une amende de 10 000 euros... ;
De leur côté, plusieurs débiteurs avaient porté plainte. Ils n'avaient pas admis que les factures que leur avaient adressées les huissiers chargés par leurs créanciers de récupérer leur dû, aient été gonflées de frais bidons totalement ignorés du barème officiel... " ;
Attendu que le tribunal a déclaré M. X... coupable de ce délit et que le prévenu a interjeté appel de ce jugement ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 1317 du code civil, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Pierre X... coupable de diffamation publique envers des personnes dépositaires de l'autorité publique ;
" aux motifs que les termes poursuivis comme diffamatoires par les parties civiles ont été publiés dans le n° 1155-1156 du magazine « la Gazette de Montpellier », dont le directeur de la publication est M. X... Pierre, paru le 5 août 2010 signé par M. D..., article dont le titre est « justice : onze huissiers mis en examen », et dont les termes diffamatoires, selon les parties civiles, sont : « le juge d'instruction M. Thomas Meindl vient de mettre en examen 11 huissiers de la ville pour violation du secret professionnel, collecte de données recueillies en violation du secret professionnel, escroquerie, détournement de finalité du fichier informatique » ; « les 11 professionnels sont les associés des quatre plus importantes études de Montpellier : les sociétés civiles professionnelles A...- Z...- F..., B...
C... ¿ » ; « cette mise en examen donne du crédit aux révélations de Me Francis G... sur les m ¿ urs de la profession ¿ » ; « ¿ pour violation de la loi informatique et liberté la CNIL avait condamné chacune des études incriminées à une amende de 10 000 euros » ; « de leur côté, plusieurs débiteurs avaient porté plainte. Ils n'avaient pas admis que les factures que leur avaient adressées les huissiers chargés par les créanciers de récupérer leur dû avaient été gonflées de frais bidons totalement ignoré du barème officiel » ; les plaignants affirment qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une mise en examen et n'ont pas été condamnés par la CNIL ; ils présentent un courrier émanant du juge d'instruction en date du 24 août 2010 en réponse à l'interrogation de leur conseil, ainsi libellé : « j'apprends avec étonnement et regret la mise en examen des 11 huissiers, qu'aucune mise en examen n'est intervenue dans les trois procédures jointes par ordonnance du 19 juillet 2010 ¿ je confirme donc que la mention « mis en examen » figurant sur une ordonnance de jonction correspond à une « coquille informatique » puisqu'il faut évidemment lire « mis en cause » ; les plaignants affirment que, non seulement, ils n'ont pas l'objet d'une mise en examen mais qu'ils n'ont pas été condamnés par la CNIL et qu'en mentionnant « cette mise en examen donne du crédit aux révélation de Me Francis G... sur les m ¿ urs de sa profession », l'article est mensonger et propage de vagues rumeurs ; le directeur de la publication fait valoir que si le journaliste, rédacteur de l'article, a fait mention de la mise en examen de 11 huissiers de justice, c'est qu'il a eu en main « l'ordonnance de jonction » ainsi rédigée : « Nous Thomas Meindel, juge d'instruction au tribunal de grande instance de Montpellier ; vu l'information concernant : société civile professionnelle A...- Z...- F... libre, demeurant ... 34080 Montpellier, société civile professionnelle B...- C..., libre, demeurant ..., 34080 Montpellier ¿ Personnes mises en examen- ; ce document officiel, dont nul n'en conteste l'existence, est selon M. Pierre X... constitutif de sa bonne foi car il « atteste de l'existence d'une information pénale en cours contre les huissiers incriminés, pour des faits graves de violation du secret professionnel, d'escroquerie et de traitement automatisé de données non déclaré », les SCP d'huissiers parties civiles dans la présente instance y étant présentées comme des « personnes mises en examen » ; la Cour ne peut toutefois que remarquer que si les sources de l'information de la presse sont protégées, et qu'en l'espèce les mentions « mise en examen » portées sur l'ordonnance de jonction, fussent-elles erronées, ne peuvent être sujettes à caution, il appartenait toutefois tant au journaliste qu'au directeur de la publication, ainsi informés, de procéder aux vérifications appropriées dans le cadre d'un devoir de prudence élémentaire qui leur aurait permis de connaître ce qu'il en était de la réalité de la procédure et non de se satisfaire, avec une légèreté manifeste, du seul document qu'ils ont eu à connaître ; il ne peut également qu'être souligné que le rédacteur de l'article, sur le fondement de cette information non vérifiée, procède par amalgame en écrivant « cette mise en examen donne du crédit aux révélations de Me Francis G... sur les m ¿ urs de sa profession », et réalise ainsi à l'encontre des SCP visées dans l'ordonnance le délit de diffamation ; par ailleurs, l'article fait état du fait que « pour violation de la loi informatique et liberté, la CNIL avait condamné chacune des études incriminées à une amende de 10. 000 ¿ » et le directeur de la publication fait valoir que le journaliste a eu en possession des sources fiables à savoir divers courriers et délibérations de la CNIL prouvant que certaines études ont été sanctionnées ; la Cour ne peut que constater que l'article, en faisant état du fait que « pour violation de la loi informatique et liberté la CNIL avait condamné chacune des études incriminées », le journaliste laisse accroire qu'il s'agit des études citées plus haut à savoir « les 11 professionnels sont les associés des quatre plus importantes études de Montpellier : les sociétés civiles professionnelles A...- Z...- F..., B...- C... » et ce alors même que figurent au dossier des parties civiles deux courriers émanant de la CNIL, en date du 24 novembre 2010, faisant état de ce que la CNIL par délibération en date du 25 janvier 2007 a décidé de clore les dossiers des sociétés civiles professionnelles B... ¿ C... et Z... ¿ A..., éléments de fait qui auraient également pu être vérifiés et qui, en l'état de toute absence de réalité constituent une diffamation à l'encontre des plaignants ; en conséquence, la cour confirme le jugement tant sur la culpabilité que sur la peine de mille euros d'amende, toute autre peine étant manifestement inadéquate ;
" 1°) alors que conformément au principe de la présomption d'innocence, la mise en examen ne préjuge aucunement de la culpabilité de la personne ainsi mise en cause et, partant, n'est pas de nature à porter atteinte à la réputation ni à l'honneur de l'intéressé ; qu'en se bornant dès lors à énoncer que les conditions dans lesquelles l'auteur de l'article a fait état de la mise en examen des parties civiles, alors que celles-ci étaient simplement mises en cause, étaient exclusives de la bonne foi, pour en déduire que le prévenu doit être déclaré coupable de diffamation publique envers une personne dépositaire de l'autorité publique, sans rechercher en quoi l'imputation d'une mise en examen, serait-elle erronée, était de nature à porter atteinte à l'honneur et à la réputation des parties civiles, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 ;
" 2°) alors qu'en estimant, pour écarter la bonne foi du prévenu, qu'au vu de l'ordonnance de jonction faisant état de la mise en examen des plaignants, le prévenu aurait dû procéder aux vérifications appropriées dans le cadre d'un devoir de prudence élémentaire, qui lui aurait permis de connaître ce qu'il en état de la réalité de la procédure, tout en relevant par ailleurs que les mentions de cette ordonnance, fussent-elles erronées, ne peuvent être sujettes à caution, ce dont il résulte qu'elles se suffisaient à elles-mêmes et qu'aucune vérification de la véracité de cette mise en examen n'était requise, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
" 3°) alors que les mentions portées sur une décision de justice valant jusqu'à inscription de faux, il n'appartient pas à un journaliste, prenant connaissance d'une telle décision, d'en discuter la teneur ni, partant, de vérifier, par une enquête, si ces mentions sont conformes à l'état de la procédure ; que, dès lors, en reprochant au prévenu, en l'état des mentions d'une ordonnance de jonction énonçant expressément que les sociétés civiles professionnelles d'huissiers constituées parties civiles dans la présente instance avaient la qualité de personnes mises en examen, d'avoir omis de vérifier « ce qu'il en était de la réalité de la procédure », sans se « satisfaire » du « document » qu'il avait eu à connaître, pour en déduire que faute d'avoir opéré ces vérifications, le prévenu ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi, la cour d'appel a violé l'article 1317 du code civil, ensemble l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 " ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Attendu que, pour confirmer la décision entreprise, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a exactement apprécié le caractère diffamatoire des propos incriminés ;
D'où il suit que le grief allégué n'est pas fondé ;
Sur le moyen, pris en ses autres branches :
Attendu que, pour refuser au prévenu le bénéfice de la bonne foi, à défaut de sérieux dans l'enquête, les juges retiennent que le journaliste, qui ne disposait, pour seul élément attestant de la prétendue mise en examen des parties civiles, que de la mention de cette qualité attachée à leur nom sur une copie d'une ordonnance de jonction entre des procédures rendue par le juge d'instruction, aurait dû s'assurer de la fiabilité de cette information, avant d'en faire état dans l'article en cause, par des vérifications complémentaires ;
Attendu qu'en statuant par ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;
" en ce que l'arrêt attaqué, qui a déclaré M. Pierre X... coupable de diffamation publique envers des personnes dépositaires de l'autorité publique, a ordonné la publication de cette décision ;
" aux motifs que l'infraction ayant été commise dans l'hebdomadaire « La Gazette de Montpellier », la Cour estime devoir ordonner la publication du présent arrêt dans le journal ayant supporté la diffamation et dans le journal « Midi Libre » ayant une diffusion importante sur l'ensemble de la région ;
" alors qu'en matière de diffamation publique à l'égard d'une personne dépositaire d'une autorité publique, la publication de la décision de condamnation ne peut être ordonnée qu'à titre de réparation, à la demande de la partie civile ; qu'ainsi, en ordonnant la publication de sa décision, quand les parties civiles n'avaient nullement réclamé cette mesure à titre de réparation, la cour d'appel a entaché sa décision d'un excès de pouvoir et violé l'article 593 du code de procédure pénale " ;
Attendu qu'aux termes de l'arrêt, les parties civiles ont demandé à la cour d'appel de confirmer le jugement, lequel avait ordonné la publication de la décision à titre de complément de réparation civile, conformément à leurs conclusions ;
D'ou il suit que le moyen manque en fait ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme globale que M. X... devra payer à la société civile professionnelle Z...
A..., la société civile professionnelle B...
C..., Mme A... et MM. C..., B... et Z... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois mars deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-88230
Date de la décision : 03/03/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 19 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 mar. 2015, pourvoi n°13-88230


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.88230
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