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03/03/2015 | FRANCE | N°13-23155

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 mars 2015, 13-23155


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 juin 2013), que M. X..., salarié de la société GTM entrepose électricité, aux droits de laquelle se trouve la société Ineo, a travaillé en qualité d'agent technique sous le statut de salarié expatrié, à l'étranger, pour différentes missions de plus de trois mois, au cours des années 1984 à 1986 et 1989 à 1992 ; que la caisse nationale d'assurance vieillesse n'ayant pas pris en considération ces périodes d'activité à l'étranger pour le calcul de sa pension de v

ieillesse, il a saisi un tribunal des affaires de sécurité sociale, devant ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 juin 2013), que M. X..., salarié de la société GTM entrepose électricité, aux droits de laquelle se trouve la société Ineo, a travaillé en qualité d'agent technique sous le statut de salarié expatrié, à l'étranger, pour différentes missions de plus de trois mois, au cours des années 1984 à 1986 et 1989 à 1992 ; que la caisse nationale d'assurance vieillesse n'ayant pas pris en considération ces périodes d'activité à l'étranger pour le calcul de sa pension de vieillesse, il a saisi un tribunal des affaires de sécurité sociale, devant lequel il a mis en cause son employeur, lui reprochant de ne pas l'avoir affilié à la Caisse des français de l'étranger (CFE) à l'occasion de ses missions et sollicité sa condamnation à l'indemniser de son préjudice ;
Sur le pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que la société Ineo fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article 1 de l'annexe VII de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics du 21 juillet 1965 que les dispositions de cette annexe ne sont applicables qu'aux déplacements temporaires du salarié hors de France métropolitaine ; que ces dispositions ne s'appliquent qu'en cas de détachement et ne sont pas applicables en cas d'expatriation du salarié entraînant la soumission de la relation de travail à la législation du pays d'accueil ; qu'en jugeant que ces dispositions conventionnelles étaient applicables aux périodes d'expatriation de M. X..., la cour d'appel a violé par fausse application les articles 1 et 4 de l'annexe VII de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics, ensemble l'article L. 762-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que l'article 4 de l'annexe VII de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics prévoit simplement que le contrat conclu par les parties en cas de déplacement doit comprendre des stipulations relatives à la couverture du risque vieillesse et que ces stipulations peuvent porter sur le régime d'assurance vieillesse géré par la sécurité sociale ou un régime « équivalent » ; qu'il résulte de ces dispositions que les parties n'ont aucune obligation de souscrire au régime général d'assurance vieillesse et peuvent choisir de souscrire à un régime offrant des prestations équivalentes ; que le caractère équivalent des prestations offertes s'apprécie alors nécessairement au regard des règles en vigueur à la date de conclusion du contrat de travail international et non de celles applicables à la date de liquidation des droits ; qu'au cas présent, la société Ineo faisait valoir, sans être contredite, qu'au moment des périodes d'expatriation de M. X..., un salarié pouvait liquider sa retraite à taux plein à l'âge de 60 ans en ayant cotisé cent cinquante trimestres et que les trimestres cotisés au-delà ne donnaient droit à aucune majoration de la pension de retraite ; qu'elle ajoutait que, pour un salarié expatrié ayant comme M. X... commencé à travailler jeune, le choix d'un autre régime que le régime général permettait de s'assurer que les trimestres cotisés généreraient des droits à pension au moment de la retraite et d'éviter que des trimestres ne soient cotisés sans contrepartie au titre du régime général ; qu'elle ajoutait encore que, dans ces conditions, l'affiliation à la Caisse de retraite des expatriés (CRE) prévue dans les différents contrats d'expatriation, en lieu et place de l'affiliation au régime général, était de nature à offrir, à la date de conclusions du contrat, des droits au moins équivalents à ceux résultant du régime général et que ce n'est qu'à la suite d'évolutions législatives survenues plusieurs années après les périodes d'expatriation de M. X... que les trimestres cotisés au-delà de la durée prévue ont généré des droits à pension ; qu'en se bornant à affirmer que les droits résultant de l'affiliation à la Caisse de retraite des expatriés (CRE) « ne sont absolument pas équivalents au régime de base auquel donne accès l'affiliation à la CFE », la cour d'appel, qui ne s'est pas placée à la date de conclusion des contrats d'expatriation pour apprécier l'équivalence des deux affiliations, a violé les articles 2 et 1134 du code civil, ensemble l'article 4 de l'annexe VII de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics du 21 juillet 1965 ;
3°/ que le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; que ce principe de réparation intégrale du préjudice oblige le juge à rechercher, lorsque cela lui est demandé, si la personne qui se prétend victime d'un préjudice ne dispose pas de droits susceptibles d'en atténuer l'ampleur ; qu'au cas présent, la société Ineo faisait valoir que M. X... percevait, en vertu de l'affiliation à Caisse de retraite des expatriés (CRE) prévue par les différents contrats d'expatriation en lieu et place de l'affiliation au régime général, des droits à pension qui devaient à tout le moins être pris en compte pour l'évaluation de son préjudice ; qu'en refusant de prendre en compte les droits à pension acquis par M. X... en vertu de l'affiliation à Caisse de retraite des expatriés (CRE), la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice et les articles 1147 et 1149 du code civil ;
4°/ que commet une négligence concourant à la réalisation de son dommage, le salarié qui, expressément informé de l'application du régime social des expatriés et de l'absence d'affiliation au régime général d'assurance-vieillesse, préalablement à la conclusion du contrat d'expatriation, n'accomplit aucune diligence en vue de vérifier ses droits ; qu'au cas présent, la société Ineo insistait sur le fait que tous les contrats conclus préalablement aux périodes d'expatriation indiquaient les différents régimes sociaux applicables et stipulaient que l'employeur avait fourni au salarié une documentation concernant ces régimes ; qu'elle exposait que M. X... avait fait preuve de négligence en n'accomplissant pas la moindre diligence pour connaître l'étendue de ses droits ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme cela lui était demandé, si M. X... n'avait pas commis une faute concourant à la réalisation de son dommage, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard du principe de la réparation intégrale du préjudice et des articles 1147 et 1149 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a exactement retenu que les articles 1 et 4 de l'annexe VII de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise des entreprises de travaux publics du 21 juillet 1965 imposant à l'employeur de faire bénéficier le salarié déplacé hors de la France métropolitaine de garanties pour la couverture du risque vieillesse équivalentes à celles dont le salarié aurait bénéficié s'il était resté en France, s'appliquent au salarié expatrié pour des périodes de plus de trois mois ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel ayant constaté, que pour les différentes périodes de mission à l'étranger, l'employeur n'avait pas assuré au salarié une couverture de retraite équivalente à celle dont il aurait bénéficié s'il était resté en France, dès lors que seule avait été maintenue une couverture de retraite complémentaire sans lui garantir en outre une couverture au titre du régime de base de la sécurité sociale, en a justement déduit que l'employeur avait manqué à ses obligations conventionnelles ;
D'où il suit que le moyen, inopérant dans sa deuxième branche, irrecevable, comme manquant en fait dans sa troisième branche, nouveau et mélangé de fait et de droit dans sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le pourvoi incident de M. X... :
Vu l'article 1147 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
Attendu que pour fixer le préjudice de M. X... à la somme de 66 735, 70 euros l'arrêt retient que du fait pour la société de s'abstenir de cotiser à la CFE durant les périodes de travail accomplies à l'étranger, celui-ci n'a pu obtenir la liquidation de ses droits à retraite à l'âge où il aurait pu le faire si les vingt-quatre trimestres litigieux avaient donné lieu à cotisations et qu'il a également été privé de six de ses meilleures années pour le calcul de sa pension de retraite ; qu'il a ainsi reporté son départ à la retraite le 1er juillet 2010 alors qu'il aurait pu bénéficier d'une retraite à taux plein dès le 1er janvier 2007, ce qui est à l'origine d'une perte de 16 148, 49 euros par an pendant trois ans et demi soit la somme de 56 645, 71 euros à laquelle il n'y a pas lieu d'ajouter la rente ARRCO puisque l'employeur a bien cotisé à la CRE ; qu'il n'y a pas lieu en revanche de lui accorder une réparation pour l'avenir par référence à la méthode applicable à la réparation du préjudice corporel et seul le manque à gagner effectivement enregistré au cours des trois années écoulées depuis le 1er juillet 2010 sera indemnisé soit 3 363, 33 x 3 = 10 089, 99 euros ;
Qu'en statuant ainsi, sans réparer l'intégralité du préjudice né lors de la liquidation de ses droits à pension de retraite alors qu'il résultait de ses constatations que l'intéressé avait été privé de six de ses meilleures années pour le calcul de cette pension, la cour d'appel a violé l'article et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a limité le montant de la réparation du préjudice de M. X... à la somme totale de 66 735, 70 euros, l'arrêt rendu le 27 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Inéo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ineo à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Ineo, demanderesse au pourvoi principal.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement qui lui était déféré en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute de la société INEO, venant aux droits de la société GTME, pour s'être abstenue de cotiser à la Caisse de Retraite des Expatriés et d'avoir condamné la société INEO à verser à Monsieur X... une somme de 66. 735, 70 € à titre de dommages-intérêts, sauf à déduire les provisions versées lors de l'exécution provisoire ;
AUX MOTIFS QUE « l'évolution du litige a conduit M. X... à abandonner sa contestation relative au montant de sa pension de vieillesse versée par la Caisse nationale vieillesse et à diriger dorénavant ses demandes d'indemnisation contre son ancien employeur ; qu'en l'espèce les différents contrats conclus entre la société GTM Entrepose Electricité et M. X... pour l'exécution de travaux à l'étranger prévoient expressément que l'agent bénéficiera du régime social des travailleurs expatriés ; qu'en matière de retraite, il est seulement prévu une cotisation auprès de la caisse de retraite des expatriés et l'adhésion au régime de retraite complémentaire auprès de la caisse du bâtiment et des travaux publics ; que le contrat du 1er mars 1985 relatif à la mission au Cameroun comporte les mêmes dispositions que celles précitées et renvoie également au régime social des expatriés sans que la mention selon laquelle le présent contrat de travail se substitue aux dispositions contractuelles antérieures pendant la période de détachement en modifie la nature juridique ; qu'il s'agit toujours d'une mission de longue durée de 10 mois et demi et non d'un court séjour ; que cette convention n'assurait donc pas le maintien du régime obligatoire de retraite comme si le salarié avait continué à exercer son activité sur le territoire français ; qu'en cas d'expatriation, le salarié est en principe soumis au régime de sécurité sociale du pays où il travaille et l'article L 762-1 du code de la sécurité sociale ne prévoit qu'une souscription facultative à l'assurance vieillesse afin de maintenir au profit du salarié des droits équivalents à ceux dont il aurait bénéficié s'il était resté en France ; toutefois qu'en vertu des articles 1 et 4 de l'annexe VII de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics du 21 juillet 1965, applicable aux relations entre la société GTM Entrepose Electricité et M. X..., les ETAM qui sont déplacés par leur employeur pour exercer temporairement une fonction hors de France pendant au moins trois mois, bénéficient d'une couverture retraite " sécurité sociale ou régime équivalent et régime complémentaire " ; que ces garanties et avantages ne peuvent être inférieurs à ceux contenus dans le titre V de la convention collective nationale qui renvoie au régime obligatoire de l'assurance-vieillesse ; que ces dispositions conventionnelles plus favorables s'appliquent à tous les cas de séjour à l'étranger de plus de 3 mois et ne se rapportent pas uniquement à la situation du détachement, comme l'affirme la société Inéo ; qu'au demeurant, à la différence du salarié expatrié, le salarié détaché continuant à bénéficier du régime dont il relevait lorsqu'il était en France n'en aurait pas particulièrement besoin ; qu'il s'en déduit qu'aux différentes périodes où M. X... a été envoyé par son entreprise en mission à l'étranger, la société GTM était tenue de lui garantir le maintien d'une couverture retraite équivalente à celle dont il aurait bénéficié s'il était resté en France ; qu'en l'espèce, les différents contrats de travail de M. X... ne lui assuraient que le maintien d'une couverture de retraite complémentaire auprès de la CRE et d'un autre organisme du bâtiment mais ne lui garantissaient rien concernant le régime de base ; qu'à cet égard, les régimes ARRCO et AGIRC auxquels se rattache la CRE ne sont absolument pas équivalents au régime de base auquel donne accès l'affiliation à de la CFE et la société Inéo ne peut donc valablement soutenir s'être libérée de son obligation en versant des cotisations à cet organisme pour le compte de son employé ; que, dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la société avait commis une faute en s'abstenant de cotiser à la CFE durant les périodes de travail accomplies à l'étranger par son salarié ; que de ce fait, M. X... n'a pu obtenir la liquidation de ses droits à retraite à l'âge où il aurait pu le faire si les 24 trimestres litigieux avaient donné lieu à cotisations ; qu'il a également été privé de six de ses meilleures années pour le calcul de sa pension de retraite ; qu'il a ainsi reporté son départ à la retraite le 1er juillet 2010 alors qu'il aurait pu bénéficier d'une retraite à taux plein dès le 1er janvier 2007, ce qui est à l'origine d'une perte de 16 148, 49 € par an pendant trois ans et demi soit la somme de 56 645, 71 € à laquelle il n'y a pas lieu d'ajouter la rente ARRCO puisque l'employeur a bien cotisé à la CRE ; qu'il n'y a pas lieu en revanche de lui accorder une réparation pour l'avenir par référence à la méthode applicable à la réparation du préjudice corporel et seul le manque à gagner effectivement enregistré au cours des 3 années écoulées depuis le 1er juillet 2010 sera indemnisé soit 3. 363, 33 x 3 = 10. 089, 99 € ; qu'ainsi la réparation allouée à l'intéressé sera portée à la somme totale de 66. 735, 70 € dont 28. 099, 22 € déjà accordé au titre de l'exécution provisoire ; qu'au regard de la situation respective des parties, la société INEO sera tenue de verser à M. X... la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sa propre demande à ce titre sera rejetée » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Le régime équivalent : Conformément à l'article 7. 2. 4 de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics du 12 juillet 2006, en cas de déplacement à l'étranger de plus de trois mois, l'avenant au contrat de travail signé avant le départ effectif du salarié doit comporter une « couverture retraite (sécurité sociale ou régime équivalent et régime complémentaire) ». Cet article prévoit en outre que « les garanties et avantages accordés dans l'avenant ne peuvent être inférieurs à ceux prévus à l'article 6. 2 de ladite convention ». Les articles 6. 1 et 6. 2 de la convention collective prévoient l'affiliation des ETAM à un régime obligatoire de retraite complémentaire et au régime national de prévoyance des ETAM. Dans le cadre du régime général des retraites, les périodes d'assurance vieillesse validées (le nombre de trimestres) correspondent au total des périodes d'assurance (périodes cotisées ou périodes assimilées). Le nombre de trimestres validés a une incidence sur la possibilité d'avoir un taux plein avant 65 ans et sur le calcul du taux de la pension. Un régime de retraite ne peut donc être équivalent au régime général que s'il permet la validation des trimestres dans des conditions analogues. En l'espèce, il ressort du relevé de carrière établi par la C. N. A. V. qu'aucun trimestre n'est validé pour les années 1984, 1985, 1986, 1989, 1990 et 1991, alors que les bulletins de salaires de Monsieur Jack X..., pour les mêmes années, font apparaître que son employeur a versé des cotisations à la C. R. E. Dans ces écritures, la C. N. A. V. précise d'ailleurs que la C. R. E. est « une institution spécialiste de la retraite complémentaire des expatriés pour les régimes ARRCO et AGIRC » et signale que « la liquidation relative aux retraites complémentaires est différente de celle qui s'applique en matière de prestation du régime général de la sécurité sociale. Le tribunal constate d'ailleurs qu'en 1992, l'employeur de Monsieur Jack X... a cotisé cumulativement à la C. F. E. et à la C. R. E. ce qui vient confirmer le caractère complémentaire du second régime. En conclusion, il apparaît donc qu'en étant affilié à la C. R. E. au cours des années 1984, 1985, 1986, 1989, 1990 et 1991, Monsieur Jack X... n'a pas bénéficié d'un régime équivalent au régime de base de la sécurité sociale dont il aurait bénéficié s'il avait travaillé en France » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article 1 de l'annexe VII de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics du 21 juillet 1965 que les dispositions de cette annexe ne sont applicables qu'aux déplacements temporaires du salarié hors de France métropolitaine ; que ces dispositions ne s'appliquent qu'en cas de détachement et ne sont pas applicables en cas d'expatriation du salarié entraînant la soumission de la relation de travail à la législation du pays d'accueil ; qu'en jugeant que ces dispositions conventionnelles étaient applicables aux périodes d'expatriation de Monsieur X..., la cour d'appel a violé par fausse application les articles 1 et 4 de l'annexe VII de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics, ensemble l'article L. 762-1 du code de la sécurité sociale ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'article 4 de l'annexe VII de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics prévoit simplement que le contrat conclu par les parties en cas de déplacement doit comprendre des stipulations relatives à la couverture du risque vieillesse et que ces stipulations peuvent porter sur le régime d'assurance vieillesse géré par la sécurité sociale ou un régime « équivalent » ; qu'il résulte de ces dispositions que les parties n'ont aucune obligation de souscrire au régime général d'assurance vieillesse et peuvent choisir de souscrire à un régime offrant des prestations équivalentes ; que le caractère équivalent des prestations offertes s'apprécie alors nécessairement au regard des règles en vigueur à la date de conclusion du contrat de travail international et non de celles applicables à la date de liquidation des droits ; qu'au cas présent, la société INEO faisait valoir, sans être contredite, qu'au moment des périodes d'expatriation de Monsieur X..., un salarié pouvait liquider sa retraite à taux plein à l'âge de 60 ans en ayant cotisé 150 trimestres et que les trimestres cotisés au-delà ne donnaient droit à aucune majoration de la pension de retraite ; qu'elle ajoutait que, pour un salarié expatrié ayant comme Monsieur X... commencé à travailler jeune, le choix d'un autre régime que le régime général permettait de s'assurer que les trimestres cotisés généreraient des droits à pension au moment de la retraite et d'éviter que des trimestres ne soient cotisés sans contrepartie au titre du régime général ; qu'elle ajoutait encore que, dans ces conditions, l'affiliation à la Caisse de Retraite des Expatriés (CRE) prévue dans les différents contrats d'expatriation, en lieu et place de l'affiliation au régime général, était de nature à offrir, à la date de conclusions du contrat, des droits au moins équivalents à ceux résultant du régime général et que ce n'est qu'à la suite d'évolutions législatives survenues plusieurs années après les périodes d'expatriation de Monsieur X... que les trimestres cotisés au-delà de la durée prévue ont généré des droits à pension ; qu'en se bornant à affirmer que les droits résultant de l'affiliation à la Caisse de Retraite des Expatriés (CRE) « ne sont absolument pas équivalents au régime de base auquel donne accès l'affiliation à la CFE », la cour d'appel, qui ne s'est pas placée à la date de conclusion des contrats d'expatriation pour apprécier l'équivalence des deux affiliations, a violé les articles 2 et 1134 du code civil, ensemble l'article 4 de l'annexe VII de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics du 21 juillet 1965 ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; que ce principe de réparation intégrale du préjudice oblige le juge à rechercher, lorsque cela lui est demandé, si la personne qui se prétend victime d'un préjudice ne dispose pas de droits susceptibles d'en atténuer l'ampleur ; qu'au cas présent, la société INEO faisait valoir que Monsieur X... percevait, en vertu de l'affiliation à Caisse de Retraite des Expatriés (CRE) prévue par les différents contrats d'expatriation en lieu et place de l'affiliation au régime général, des droits à pension qui devaient à tout le moins être pris en compte pour l'évaluation de son préjudice ; qu'en refusant de prendre en compte les droits à pension acquis par Monsieur X... en vertu de l'affiliation à Caisse de Retraite des Expatriés (CRE), la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice et les articles 1147 et 1149 du Code civil ;
ALORS, ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT, QUE commet une négligence concourant à la réalisation de son dommage, le salarié qui, expressément informé de l'application du régime social des expatriés et de l'absence d'affiliation au régime général d'assurance-vieillesse, préalablement à la conclusion du contrat d'expatriation, n'accomplit aucune diligence en vue de vérifier ses droits ; qu'au cas présent, la société INEO insistait sur le fait que tous les contrats conclus préalablement aux périodes d'expatriation indiquaient les différents régimes sociaux applicables et stipulaient que l'employeur avait fourni au salarié une documentation concernant ces régimes ; qu'elle exposait que Monsieur X... avait fait preuve de négligence en n'accomplissant pas la moindre diligence pour connaître l'étendue de ses droits ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme cela lui était demandé, si Monsieur X... n'avait pas commis une faute concourant à la réalisation de son dommage, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard du principe de la réparation intégrale du préjudice et des articles 1147 et 1149 du Code civil.
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi incident.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, d'avoir condamné la société INEO à verser à M. X... la somme totale de 66 735, 70 € en réparation de son préjudice, sauf à déduire la somme de 28 099, 22 € d'ores et déjà versée au titre de l'exécution provisoire
Aux motifs propres que « l'évolution du litige a conduit M. X... à abandonner sa contestation relative au montant de sa pension de vieillesse versée par la Caisse nationale vieillesse et à diriger dorénavant ses demandes d'indemnisation contre son ancien employeur ; qu'en l'espèce les différents contrats conclus entre la société GTM Entrepose Electricité et M. X... pour l'exécution de travaux à l'étranger prévoient expressément que l'agent bénéficiera du régime social des travailleurs expatriés ; qu'en matière de retraite, il est seulement prévu une cotisation auprès de la caisse de retraite des expatriés et l'adhésion au régime de retraite complémentaire auprès de la caisse du bâtiment et des travaux publics ; que le contrat du 1er mars 1985 relatif à la mission au Cameroun comporte les mêmes dispositions que celles précitées et renvoie également au régime social des expatriés sans que la mention selon laquelle le présent contrat de travail se substitue aux dispositions contractuelles antérieures pendant la période de détachement en modifie la nature juridique ; qu'il s'agit toujours d'une mission de longue durée de 10 mois et demi et non d'un court séjour ; que cette convention n'assurait donc pas le maintien du régime obligatoire de retraite comme si le salarié avait continué à exercer son activité sur le territoire français ; qu'en cas d'expatriation, le salarié est en principe soumis au régime de sécurité sociale du pays où il travaille et l'article L 762-1 du code de la sécurité sociale ne prévoit qu'une souscription facultative à l'assurance vieillesse afin de maintenir au profit du salarié des droits équivalents à ceux dont il aurait bénéficié s'il était resté en France ; toutefois qu'en vertu des articles 1 et 4 de l'annexe VII de la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise des travaux publics du 21 juillet 1965, applicable aux relations entre la société GTM Entrepose Electricité et M. X..., les ETAM qui sont déplacés par leur employeur pour exercer temporairement une fonction hors de France pendant au moins trois mois, bénéficient d'une couverture retraite " sécurité sociale ou régime équivalent et régime complémentaire " ; que ces garanties et avantages ne peuvent être inférieurs à ceux contenus dans le titre V de la convention collective nationale qui renvoie au régime obligatoire de l'assurance-vieillesse ; que ces dispositions conventionnelles plus favorables s'appliquent à tous les cas de séjour à l'étranger de plus de 3 20 mois et ne se rapportent pas uniquement à la situation du détachement, comme l'affirme la société Inéo ; qu'au demeurant, à la différence du salarié expatrié, le salarié détaché continuant à bénéficier du régime dont il relevait lorsqu'il était en France n'en aurait pas particulièrement besoin ; qu'il s'en déduit qu'aux différentes périodes où M. X... a été envoyé par son entreprise en mission à l'étranger, la société GTM était tenue de lui garantir le maintien d'une couverture retraite équivalente à celle dont il aurait bénéficié s'il était resté en France ; qu'en l'espèce, les différents contrats de travail de M. X... ne lui assuraient que le maintien d'une couverture de retraite complémentaire auprès de la CRE et d'un autre organisme du bâtiment mais ne lui garantissaient rien concernant le régime de base ; qu'à cet égard, les régimes ARRCO et AGIRC auxquels se rattache la CRE ne sont absolument pas équivalents au régime de base auquel donne accès l'affiliation à de la CFE et la société Inéo ne peut donc valablement soutenir s'être libérée de son obligation en versant des cotisations à cet organisme pour le compte de son employé ; que, dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la société avait commis une faute en s'abstenant de cotiser à la CFE durant les périodes de travail accomplies à l'étranger par son salarié ; que de ce fait, M. X... n'a pu obtenir la liquidation de ses droits à retraite à l'âge où il aurait pu le faire si les 24 trimestres litigieux avaient donné lieu à cotisations ; qu'il a également été privé de six de ses meilleures années pour le calcul de sa pension de retraite ; qu'il a ainsi reporté son départ à la retraite le 1er juillet 2010 alors qu'il aurait pu bénéficier d'une retraite à taux plein dès le 1er janvier 2007, ce qui est à l'origine d'une perte de 16 148, 49 € par an pendant trois ans et demi soit la somme de 56 645, 71 € à laquelle il n'y a pas lieu d'ajouter la rente ARRCO puisque l'employeur a bien cotisé à la CRE ; qu'il n'y a pas lieu en revanche de lui accorder une réparation pour l'avenir par référence à la méthode applicable à la réparation du préjudice corporel et seul le manque à gagner effectivement enregistré au cours des 3 années écoulées depuis le 1er juillet 2010 sera indemnisé soit 3. 363, 33 x 3 = 10. 089, 99 € ; qu'ainsi la réparation allouée à l'intéressé sera portée à la somme totale de 66. 735, 70 € dont 28. 099, 22 € déjà accordé au titre de l'exécution provisoire ; qu'au regard de la situation respective des parties, la société INEO sera tenue de verser à M. X... la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sa propre demande à ce titre sera rejetée » ;
Alors que le dommage né de la non-affiliation d'un salarié au régime français de sécurité sociale, résultant de la faute commise par son employeur, constitue un préjudice certain et réparable ; que ce préjudice certain sera supporté par la victime jusqu'au jour de son décès ; qu'il s'apprécie nécessairement en tenant compte de l'espérance de vie de la victime ; que cette espérance de vie doit être évaluée en tenant compte des tables de mortalité ; qu'en jugeant qu'il n'y a pas lieu d'accorder à M. X... une réparation pour l'avenir et en limitant la réparation au seul manque à gagner effectivement enregistré au cours des trois années écoulées jusqu'au jour de l'arrêt d'appel, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale et les articles 1147 et 1149 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-23155
Date de la décision : 03/03/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 mar. 2015, pourvoi n°13-23155


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.23155
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