Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 10 mars 2014, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de fraude fiscale aggravée, fraude fiscale, escroquerie en bande organisée, blanchiment à titre habituel, association de malfaiteurs, travail dissimulé, usage de faux document administratif, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 21 janvier 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Caron, conseiller rapporteur, MM. Foulquié, Moignard, Y..., Raybaud, Moreau, Mme Drai, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Beghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Le Baut ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me FOUSSARD et de la société civile professionnelle POTIER DE LA VARDE et BUK-LAMENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 3 juin 2014, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article préliminaire, les articles 56-1, 100-7, 171, 802, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable les deux moyens de nullités tirés de la violation de l'article 100-7, alinéa 2, du code de procédure pénale relatif au défaut d'information du bâtonnier concernant les interceptions judiciaires réalisées sur la ligne téléphonique n°... attribuée à Me David Y..., d'une part et la perquisition effectuée dans les locaux situés... à Paris (75016) dont Me David Y... était le locataire, d'autre part ;
" aux motifs qu'en application de l'article 171 du code de procédure pénale, seule la personne concernée par une éventuelle méconnaissance d'une formalité substantielle peut en invoquer la nullité devant la chambre de l'instruction ; que les dispositions des articles 56-1 et 100-7 du code de procédure pénale ont mis en place des droits et garanties procédurales qui bénéficient exclusivement aux personnes ayant la qualité d'avocat, pour protéger le secret professionnel de l'avocat et de ses clients, que seuls les premiers sont recevables à soulever les éventuelles irrégularités dans l'application de ce texte ; que le mis en examen n'invoque par ailleurs aucun grief susceptible de découler d'une éventuelle irrégularité de ce type, la simple découverte d'éléments de preuve, par les surveillances téléphoniques ou par la perquisition ne pouvant constituer ce grief ; que D. Y... a affirmé sans ambiguïté que les locaux du... à Paris ne lui avaient jamais servi à titre professionnel ou personnel, l'enquête a établi que son domicile personnel était Av... à Paris et que ses locaux professionnels se trouvaient... à Paris ; en conséquence, M. X..., qui n'est pas avocat et n'a pas été client de M. Y..., n'est pas recevable à se prévaloir d'une éventuelle nullité affectant les écoutes téléphoniques sur le fondement de l'article 100-7 du code de procédure pénale ; que M. X... n'est pas plus habilité à se prévaloir d'une éventuelle irrégularité concernant une perquisition effectuée dans les locaux susceptibles de constituer le cabinet d'un avocat ou le domicile de ce dernier, en l'espèce au... à Paris sur le fondement de l'article 56-1 du code de procédure pénale ; la requête en nullité sera déclarée irrecevable quant à ces deux moyens ;
" 1°) alors qu'il résulte des articles 171 et 802 du code de procédure pénale ainsi que de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme que le requérant de la nullité peut invoquer l'irrégularité d'un acte de la procédure concernant un tiers si cet acte, illégalement accompli, a porté atteinte à ses intérêts ; qu'en l'espèce, M. X... avait soulevé la nullité des interceptions judiciaires réalisées sur la ligne téléphonique n°... attribuée à Me David Y..., d'une part et de la perquisition effectuée dans les locaux situés... à Paris (75016) dont Me David Y... était le locataire, d'autre part, qui avaient été effectuées sans l'accord du bâtonnier ; qu'en déclarant irrecevables ses moyens de nullité du seul fait que le requérant n'était pas le titulaire de la ligne téléphonique ou qu'il n'avait aucun droit sur les locaux perquisitionnés, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés ;
" 2°) alors que le grief invocable à l'appui d'un moyen de nullité d'un acte d'information est celui qui résulte soit de la violation d'un droit protégé par une disposition légale, soit de l'obtention d'un moyen de preuve en violation de cette disposition et plus largement des droits de la défense ; que les garanties des articles 56-1 et 100-7 du code de procédure pénale ne bénéficient pas exclusivement aux avocats, mais à tous leurs correspondants, clients ou non, qui s'adressant à eux sont ceux que le secret est destiné à protéger ; qu'en l'espèce, la mise en examen de M. X... était notamment fondées sur des éléments de preuves recueillis lors des écoutes téléphoniques réalisées sur les lignes téléphoniques attribuées à Me David Y... ainsi que lors de la perquisition de son cabinet situé au... à Paris ; que dès lors, en écartant les moyens de nullité relatif à ces actes de procédures, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés ;
" 3°) alors que les locaux du... à Paris avaient été pris à bail par Me David Y... qui ne pouvait dénier a posteriori la protection qu'il avait engendré par sa qualité d'avocat ; que dès lors, en écartant le moyen de nullité tiré de l'absence d'avertissement du bâtonnier avant la perquisition effectuée dans ses locaux, en se fondant sur les motifs inopérants selon lesquels Me David Y... aurait affirmé qu'ils ne lui avaient jamais servi à titre professionnel ou personnel ou que l'enquête a pu établir que son domicile personnel était Av ... à Paris et que ses locaux professionnels se trouvaient... à Paris, la chambre de l'instruction a de nouveau privé sa décision de base légale " ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables les moyens de nullité proposés par M. X... et pris de l'irrégularité, d'une part, de la perquisition effectuée dans les bureaux de la société France Offshore, d'autre part, de l'interception de communications téléphoniques pour violation, respectivement, des dispositions de l'article 56-1 et de l'article 100-7 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que, si Me Y..., avocat au barreau de Paris, a pris à bail les locaux et souscrit un abonnement téléphonique les concernant, il n'y a jamais installé son cabinet ou son domicile, situés à d'autres adresses et a, en réalité, agi comme simple prête-nom de M. X..., pour les besoins exclusifs de la société que celui-ci dirigeait ; que les juges en déduisent que ce dernier ne saurait invoquer l'irrégularité de formalités destinées à protéger le secret attaché à la profession d'avocat, dès lors qu'il n'avait pas lui-même cette qualité, qu'il n'était pas client de Me Y... et qu'il n'établit pas en quoi le non-respect allégué des formalités invoquées aurait porté atteinte à ses intérêts ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article préliminaire, 56-1, 100-3, 171, 802, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable le moyen de nullité tiré de l'incompétence du prestataire ayant procédé aux opérations matérielles nécessaires à l'interception des communications transitant par le flux internet, sur la ligne téléphonique attribuée à Me David Y... ;
" aux motifs que toujours en application de l'article 171 du code de procédure pénale, seule la personne concernée par une éventuelle méconnaissance d'une formalité substantielle peut en invoquer la nullité devant la chambre de l'instruction ; qu'en l'espèce, le co-mis en examen, David Y... ne se prévaut d'aucune éventuelle irrégularité touchant à la mise en place d'écoutes téléphoniques concernant la ligne dont il a été pendant un certain temps le titulaire ni sur les modalités et qualité du prestataire de service requis à ces fins ;
" alors que il résulte des articles 171 et 802 du code de procédure pénale ainsi que de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme que le requérant à la nullité peut invoquer l'irrégularité d'un acte de la procédure concernant un tiers si cet acte, illégalement accompli, a porté atteinte à ses intérêts ; que dès lors, en déclarant irrecevable le moyen de nullité tiré de l'incompétence du prestataire ayant procédé aux opérations matérielles nécessaires à l'interception des communications transitant par le flux internet, sur la ligne téléphonique attribuée à Me Y..., du seul fait que le requérant n'était pas le titulaire de la ligne téléphonique, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure, que le juge d'instruction a, par commission rogatoire, prescrit l'interception du flux circulant, via le réseau internet, sur la ligne téléphonique desservant les bureaux de la société France Offshore et dont l'abonnement avait été souscrit par Me Y... ; que les policiers ont requis la société Azur Intégration aux fins de leur fournir et d'installer dans leurs locaux le matériel technique et le logiciel adaptés à cette opération et à en assurer la maintenance ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable le moyen de nullité, pris de la violation de l'article 100-3 du code de procédure pénale en raison de l'intervention de ce prestataire non habilité par l'autorité de tutelle, l'arrêt retient que seule la personne concernée par une éventuelle méconnaissance d'une formalité substantielle peut en invoquer la nullité et que Me Y..., titulaire de la ligne téléphonique en cause, ne se prévaut d'aucune irrégularité ;
Attendu qu'en statuant ainsi, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs invoqués au moyen, la Cour de cassation étant, au surplus, en mesure de s'assurer qu'aucune violation des dispositions légales en matière d'interception de communications téléphoniques ne saurait résulter de la simple fourniture aux policiers du matériel technique leur permettant d y procéder ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article préliminaire, les articles 62-2, 63-1, 154, 171, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la mesure de garde à vue de M. X..., ainsi que tous les actes subséquents dont elle est le support, notamment sa mise en examen ;
" aux motifs qu'il est soulevé que, lors de son placement en garde à vue, il n'a été notifié à M. X... que la nature, la date et le lieu des infractions susceptibles de lui être reprochées, sans que lui soit apportée une quelconque information factuelle sur les faits susceptibles de lui être reprochés ; l'article 63-1-2° du code de procédure pénale prévoit que la personne gardée à vue est immédiatement informée « de la nature et de la date présumée de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre » ; que l'examen et la lecture du procès-verbal dressé à cet effet porte ces mentions, donc cette formalité légale a bien été remplie lors du placement en garde à vue, puis lors de la prolongation de la garde à vue, et il y a lieu de préciser que lors de l'interpellation du mis en examen les enquêteurs lui ont présenté la commission rogatoire en vertu de laquelle ils agissaient, et ils lui ont à nouveau présentée avant toute audition au fond le 11 décembre 2012 alors que dès la perquisition réalisée dans ses locaux au... à Paris 16, M. X... a été à même de constater la nature et l'objet des documents et biens saisis lors de cette opération ; qu'il résulte de ces constatations, de l'ensemble de ces mentions, et conformément à la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l'homme, que la procédure a respecté les prescriptions des articles 63-1 du code de procédure pénale et 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme (Cass. crim. 27 novembre 2012, n° 12-85645- arrêt Convention européenne des droits de l'homme Maire d'Eglise/ France du 20 novembre 2008) ;
" 1°) alors qu'il ressort de l'article 63-1 du code de procédure pénale et 5, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme que la personne gardée à vue doit être avisée de la qualification juridique des infractions sur laquelle porte l'enquête mais également des éléments factuels justifiant ces qualifications ; qu'en l'espèce, l'officier de police judiciaire a notifié à Nadav X... qu'il était placé en garde à vue au vue de l'existence d'une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre, en tant qu'auteur, co-auteur ou complice, les infractions de fraude fiscale, blanchiment en bande organisée de fraude fiscale, faux et usage de faux, escroquerie, escroquerie en bande organisée, travail dissimulé, association de malfaiteurs pour proxénétisme aggravé et blanchiment en bande organisée du produit de ce délit, faits commis à Paris, en tout cas sur le territoire national, courant 2007 à 2012, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, sans qu'il lui soit apporté la moindre précision sur les faits réellement reprochés, et alors même que ni lui, ni son avocat n'ont eu accès aux pièces du dossier pendant la garde à vue ; que dès lors, en rejetant la demande de nullité de garde à vue, et des actes subséquents dont elle était le support nécessaire, malgré cette absence d'information complète sur les éléments juridiques et factuels de l'accusation, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés ;
" 2°) alors qu'en relevant, pour écarter le moyen tiré de l'insuffisance d'information de M. X... lors de sa garde à vue, que les enquêteurs lui avaient présenté, lors de son interpellation, la commission rogatoire en vertu de laquelle ils agissaient ou encore qu'il avait pu constater la nature et l'objet des documents et biens saisis lors d'une des perquisitions, ce dont il ne ressortait nullement une information complète sur les charges juridiques et factuelles reprochées, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés " ;
Attendu qu'en l'état de l'information donnée à M. X... par procès-verbaux établis tant pour la notification de ses droits qu'à l'occasion de chacune de ses auditions en garde à vue, selon laquelle il existait une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il avait commis ou tenté de commettre les infractions de fraude fiscale, blanchiment en bande organisée de fraude fiscale, faux et usage de faux, escroquerie, escroquerie en bande organisée, travail dissimulé, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation de délits punis de dix ans d'emprisonnement (proxénétisme aggravé, blanchiment en bande organisée) faits commis à Paris, courant 2007 à 2012, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que n'a été méconnue aucune des dispositions légales ou conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 7, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 66 de la Constitution, 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article préliminaire, les articles 706-88, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la mesure de garde à vue de M. X..., ainsi que tous les actes subséquents dont elle est le support, y compris le réquisitoire introductif et sa mise en examen ;
" aux motifs que la défense fait valoir que le juge d'instruction a fait une mauvaise application des dispositions de l'article 706-88 alinéas 6 et 7 du code de procédure pénale, qui autorisent le magistrat instructeur à différer l'intervention de l'avocat auprès d'une personne qui vient d'être placée en garde à vue, en considération de « raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête ou de l'instruction, soit pour permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte aux personnes » ; que, par ailleurs, il soulève le fait que l'article 706-88, s'il prévoit le report de l'intervention de l'avocat, ne prévoit pas le report de l'avis à ce dernier du placement en garde à vue de son client ; que par ordonnance du 9 décembre 2012 (D553), le juge d'instruction a ordonné le report pour une durée de 3 heures de l'intervention de l'avocat et constaté que ce report « suspend d'autant l'obligation d'aviser l'avocat de la demande d'assistance formulée le cas échéant par Nadav X... » ; ainsi, M. X... ayant été placé en garde à vue le 10 décembre 2012 à 8H40, l'avis à l'avocat choisi par lui a été donné à 11H40 ; la circulaire n° CRIM-11-8- E6 du 15 avril 2011, même si elle n'est pas une disposition opposable au juge d'instruction, précise expressément concernant l'application de l'article 706-88 du code de procédure pénale que « la demande de report suspendra, en conséquence, l'obligation d'aviser l'avocat de la demande d'assistance formulée par la personne gardée à vue » ; que la gravité et la particulière complexité des faits, impliquant la mise en cause de nombreux auteurs et coauteurs correspond en tout point aux faits de la procédure diligentée à l'encontre de M. X..., qu'il convient en effet de relever que depuis plusieurs années, celui-ci a mis en place un système favorisant la fraude fiscale et permettant de blanchir non seulement l'argent de cette activité illégale mais aussi celui procuré par d'autres infractions, comme le proxénétisme par exemple, qu'il avait persisté dans cette voie en dépit d'un précédent avertissement délivré par un juge d'instruction de Rennes, que onze personnes ont été interpellées simultanément le 10 décembre 2012, que les enquêteurs ont dû opérer de multiples perquisitions au cours desquelles ils ont saisi de très nombreux documents dont certains ont dû être exploités sur le champ et en urgence afin de pouvoir conduire les interrogatoires ; que par ailleurs, et ainsi que le redoutait le magistrat instructeur dans son ordonnance du 9 décembre 2012, il est apparu que M. X... avait mis en place une procédure lui permettant de couper l'accès au serveur interdisant ainsi aux enquêteurs d'accéder à des informations essentielles pour l'enquête ; en conséquence, ces constatations et ces craintes ont constitué effectivement des « raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête ou de l'instruction, soit pour permettre le recueil ou la conservation des preuves » ; que cette mesure de report de l'intervention de l'avocat fut donc appropriée et proportionnée aux faits et circonstances de l'espèce et que pour être totalement efficace une telle mesure ne peut qu'être doublée du report de l'avis à avocat, report également limité dans le temps, puisque limité à trois heures ;
" 1°) alors que l'article 706-88 du code de procédure pénale qui prévoit que, par dérogation aux dispositions des articles 63-4 à 63-4-2 du code de procédure pénale, lorsque la personne est gardée à vue pour une infraction entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 du code de procédure pénale, l'intervention de l'avocat peut être différée, soit pour permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte aux personnes, pendant une durée maximale de quarante-huit heures ou s'il s'agit d'une infraction mentionnée aux 3° ou 11° du même article 706-73, pendant une durée maximale de soixante-douze heures, méconnaît l'interdiction posée par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 de toute rigueur non nécessaire dans les mesures d'instruction et porte une atteinte excessive à la liberté individuelle et aux droits de la défense garantis par l'article 66 de la Constitution et par les articles 7 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen précitée ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité du texte précité qui sera prononcée après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire distinct et motivé, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;
" 2°) alors que selon l'article 706-88, alinéas 6 et 7, du code de procédure pénale, par dérogation aux dispositions des articles 63-4 à 63-4-2, lorsque la personne est gardée à vue pour une infraction entrant dans le champ d'application de l'article 706-73, l'intervention de l'avocat peut être différée, en considération de raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête ou de l'instruction, soit pour permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte aux personnes, pendant une durée maximale de quarante-huit heures ou, s'il s'agit d'une infraction mentionnée aux 3° ou 11° du même article 706-73, pendant une durée maximale de soixante-douze heures ; qu'en l'espèce, en justifiant le report de l'intervention de l'avocat, en se bornant à relever qu'il s'agissait d'une affaire complexe avec une multiplicité d'interpellations et un risque de déperdition des preuves, ce qui ne justifiait pas de raisons impérieuses justifiant la privation d'un tel droit, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés, ensemble les droits de la défense ;
" 3°) alors que le report de l'intervention de l'avocat ne permet pas le report de l'avis donné à cet avocat ; que dès lors, en reportant l'avis donné à l'avocat désigné par M. X..., en se fondant sur l'article 706-88 du code de procédure pénale qui ne prévoyait pas une telle mesure, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés " ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'à la suite de la transmission par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. X... à l'occasion du présent pourvoi, le Conseil constitutionnel, par décision du 21 novembre 2014 a déclaré conformes à la Constitution les sixième à huitième alinéas de l'article 706-88 du code de procédure pénale, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 ; qu'il a, ce faisant, rappelé sa décision du 9 octobre 2014, déclarant contraire à la Constitution le 8° bis de l'article 706-73 du code de procédure pénale mais en indiquant que les mesures de garde à vue prises avant la publication de sa décision en application de cette disposition légale ne pourraient être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité ; qu'il résulte de la combinaison de ces décisions que le moyen n'est pas fondé en sa première branche ;
Sur le moyen, pris en ses autres branches :
Attendu qu'en refusant de faire droit à la demande d'annulation, fondée sur l'irrégularité alléguée de la garde à vue, l'arrêt n'encourt pas la censure :
Qu'en effet, d'une part, la chambre de l'instruction a analysé sans insuffisance les raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête ayant conduit, en application de l'article 706-88 du code de procédure pénale, à différer, pendant une durée de trois heures après le placement en garde à vue de M. X..., l'intervention de son avocat ;
Que, d'autre part, ont été accomplies par l'officier de police judiciaire, en temps utile, toutes les diligences nécessaires afin que la personne gardée a vue puisse bénéficier, dès l'expiration du délai ainsi fixé, de l'assistance de son avocat, aucune disposition légale n'imposant que celui-ci soit avisé dès le début de la mesure ;
Qu'enfin, le respect de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme est assuré par le fait que le demandeur aura, le cas échéant, la faculté de discuter la valeur probante de ses auditions en garde à vue devant la juridiction de jugement ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article préliminaire, les articles 100-5, 114, 171, 172, 173-1, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la nullité de la mise en examen de M. X... ;
" aux motifs que durant sa en garde à vue, M. X... a effectivement été entendu sur des bribes ou des passages du contenu d'écoutes téléphoniques dont la transcription ne se trouvait pas au dossier lors de son interrogatoire de première comparution, interrogatoire au cours duquel il ne s'est pas expliqué ; qu'en outre son avocat qui l'assistait lors de cette première comparution devant le juge d'instruction n'a présenté aucune observation concernant l'état de la procédure, alors qu'il avait été en mesure de consulter le dossier, et de prendre connaissance du contenu des déclarations de son client en garde à vue ; il est de jurisprudence constante que lorsque le prévenu n'a fait aucune déclaration sur le fond, ou lorsqu'il est assisté par un avocat qui, ayant pris connaissance du dossier, n'a formulé aucune protestation au cours de l'interrogatoire de première comparution, l'absence de certains documents au dossier ne peut entraîner la nullité du procès-verbal de première comparution (Cass. crim. 30 octobre 2011, Bull. crim. n° 223) ; qu'en l'espèce les deux conditions sont remplies ;
" 1°) alors que l'accès à un dossier complet de la procédure est une disposition essentielle aux droits des parties dont la méconnaissance doit être sanctionnée par la nullité ; qu'en l'espèce, en refusant d'annuler l'interrogatoire de première comparution de M. X..., bien que ni lui ni son avocat n'avait pu prendre connaissance des retranscriptions des écoutes téléphoniques qui avaient été effectuées et sur lesquelles il avait été interrogé lors de sa garde à vue, la chambre de l'instruction a violé les textes et principes susvisés ;
" 2°) alors que l'article 173-1 du code de procédure pénale donne un délai de six mois à la personne mise en examen pour faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de cet interrogatoire lui-même ; qu'en écartant le moyen de nullité de l'interrogatoire de première comparution, motif pris de ce qu'aucune contestation n'avait été élevée au moment même de cet interrogatoire sur l'irrégularité des conditions dans lesquelles il se déroulait, l'arrêt attaqué a violé le texte susvisé, ensemble les droits de la défense " ;
Attendu que, pour écarter le moyen de nullité, proposé par M. X..., pris de l'irrégularité de sa mise en examen en raison de l'absence au dossier, lors de son interrogatoire de première comparution, du contenu des écoutes téléphoniques auxquelles il avait été précédemment procédé, l'arrêt relève que, lors de cet acte, son avocat, qui avait été en mesure de consulter l'intégralité du dossier dans les conditions prévues à l'article 116 du code de procédure pénale, n'a formulé aucune observation et que la personne mise en examen ayant exercé le droit de se taire, le juge d'instruction ne lui a posé aucune question sur les faits ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... à verser à la Direction générale des finances publiques, partie civile, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit février deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.