LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1251, 3° et 1857 du code civil ;
Attendu que, n'étant tenu des dettes sociales qu'à proportion de sa part dans le capital social et n'étant dès lors pas tenu avec d'autres, l'associé d'une société civile qui s'acquitte seul de l'intégralité d'une dette sociale n'est pas légalement subrogé dans les droits du créancier désintéressé ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Sully X... a payé l'intégralité d'une dette de la société civile d'exploitation agricole Socaly dont il était l'associé avec MM. Christian et Antoine X... ; qu'il a assigné chacun de ceux-ci en paiement du tiers de la dette acquittée ;
Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que M. Sully X... est subrogé dans les droits du créancier vis-à-vis de ses associés, à proportion de leur part dans le capital de la société ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette l'exception de nullité du jugement entrepris, l'arrêt rendu le 21 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;
Condamne M. Sully X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Crédeville, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour M. Christian X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Christian X... au paiement d'un tiers de la somme de 82.536,50 euros, augmentée des intérêts conventionnels à compter du 20 février 1988 ;
AUX MOTIFS QUE l'article 1859 du code civil précise que : « toutes les actions contre les associés non liquidateurs ou leurs héritiers et ayants cause se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société » ; que ce texte ne peut trouver application car il ne concerne que l'action des créanciers contre les associés et non l'action des associés entre eux ; que les associés sont tenus aux dettes sociales et doivent contribuer aux pertes en fonction de leur part dans le capital de la société ; que l'article 1857 du code civil précise : "A l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements » ; que l'obligation aux dettes sociales instituée par l'article 1857 du code civil n'est instituée qu'au profit des tiers, et ne peut régir les rapports des associés entre eux ; que l'article 1844-1 du code civil prévoit que la part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se détermine à proportion de sa part dans le capital social ; qu'elle régit les rapports des associés entre eux ; que c'est à tort que le premier juge a analysé les rapports entre Sully X..., Christian et Antoine X... à la lumière de l'article 1844-1 du code civil ; qu'en effet, c'est à l'occasion d'une action engagée contre Sully X... par un créancier de la SCEA, que celui-ci a été condamné par arrêt de la cour d'appel de Saint Denis du 9 novembre 2001, en sa qualité d'associé (et non en sa qualité de caution), à payer à la CRCAMR la somme de 82.536,50 euros augmentée des intérêts conventionnels à compter du 20 février 1988 ; que par cette décision, Sully X... a été condamné par erreur à payer une dette sociale au-delà de sa part contributive dans le capital de la société ; que c'est donc en vertu de la subrogation légale de l'article 1251 du code civil, que Sully X... se trouve aujourd'hui subrogé dans les droits du créancier vis à vis de ses coassociés Christian et Antoine X..., à proportion de leur part dans le capital de la société ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Christian et Antoine X... à rembourser à Sully X... à raison d'un tiers chacun, la somme de 82.536,50 euros augmentée des intérêts conventionnels à compter du 20 février 1988 ;
1) ALORS QUE la subrogation légale n'a lieu qu'au profit de celui qui, tenu avec d'autres, a payé la totalité de la dette ; que les associés d'une société civile ne sont tenus que conjointement aux dettes sociales, pour la seule partie qui leur incombe ; que l'associé qui paie la dette au-delà de la part qui lui incombe, n'est pas subrogé dans les droits du créancier qui devait diviser son recours ; qu'ayant constaté que Monsieur Sully X..., tenu conjointement avec ses associés, avait, « par erreur », payé la dette au-delà de ce à quoi il était tenu vis-à-vis de la banque, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales des constatation en décidant qu'il était subrogé dans les droits de la banque vis-à-vis de ses associés ; qu'elle a violé les articles 1251-3 et 1857 du code civil ;
2) ALORS QUE subsidiairement et en tout état de cause, en énonçant pour écarter l'application de l'article 1859 du code civil, que « ce texte ne peut trouver application car il ne concerne que l'action des créanciers contre les associés et non l'action des associés entre eux » tout en considérant que Monsieur Sully X... agissait, non pas en tant qu'associé mais en tant que subrogé dans les droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les articles 1859 et 1251 du code civil.