LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 1er octobre 2013), que suivant une offre du 14 avril 2008, suivie de trois avenants, la société Aker Yards, devenue la société STX France (la société STX), a commandé à la société Boccard des travaux de tuyauterie et de serrurerie sur un navire ; que les prestations ont été réalisées et les factures correspondantes réglées ; qu'invoquant la nullité des commandes passées en violation de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, la société Boccard a demandé, à titre de réparation, la rémunération de la totalité de ses peines et soins ;
Attendu que la société Boccard fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen, que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; que, dans le cas où un contrat de sous-traitance est annulé, le sous-traitant est en droit de demander réparation de son préjudice, qui consiste dans le fait d'avoir exécuté les travaux commandés et dont l'évaluation est faite sur la base du coût réel des travaux réalisés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir constaté que la société Boccard avait bien exécuté les travaux commandés par la société STX en vertu du contrat de sous-traitance annulé, a néanmoins débouté la société demanderesse de sa demande indemnitaire correspondant au coût réel des travaux accomplis en retenant qu'elle ne produisait « aucune pièce rendant vraisemblables les débours qu'elle allègue » ; qu'en refusant de la sorte d'évaluer le montant du dommage dont elle avait pourtant constaté le principe, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que la nullité du contrat de sous-traitance permet à la société Boccard de réclamer à son donneur d'ordre, la société STX, le coût de ses peines et soins à titre de dommages-intérêts sans que lui soient opposées les stipulations de prix, l'arrêt constate que les factures correspondant aux prestations réalisées ont été payées puis retient qu'en dehors de ses affirmations appuyées d'un document intitulé « réclamation financière » comportant un tableau du 12 mars 2010, qui n'est en réalité que l'expression de sa demande, la société Boccard ne produit aucune pièce rendant vraisemblables les débours qu'elle allègue et que l'expertise sollicitée, qui viendrait suppléer la carence de cette société dans l'administration d'une preuve qui lui incombe, ne sera pas ordonnée ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la société Boccard ne démontrait pas que le coût de ses peines et soins excédait le montant des sommes qu'elle avait perçues et conservées, la cour d'appel a pu rejeter sa demande de dommages-intérêts ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Boccard aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société STX France la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Boccard
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société BOCCARD de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE « le 25 avril 2008 la société AKER YARDS (aujourd'hui la STX France SA) intervenant pour le compte de la société MEDITERRANEAN SHIPPING CRUISE, armateur, a confié à la SA BOCCARD le lot tuyauterie serrurerie du navire T32 (pièce 2) ; qu'elle précisait dans ce document que cette commande résultait de la réattribution du marché après le retrait de MET ATLANTIC SAS et que la SA BOCCARD devait réaliser toutes les prestations prévues dans les pièces contractuelles pour une sous-traitance de ce lot ; que cette pièce contractuelle donnait à la SA BOCCARD mission d'exécuter divers travaux tels que la reprise des réserves, le montage des serrurerie et tuyauterie, l'encadrement et le management du projet pour un montant total de 384.447 euros HT ; qu'une seconde commande entre les mêmes qualifiée d'avenant est intervenue pour le même navire le 3 juillet 2008 (pièce 3) concernant la fourniture d'une tuyauterie supplémentaire pour un montant de 85.181 euros ; que trois autres avenants conclus les 27 octobre 2008, 18 juin et 24 août 2009 (pièces 4, 5, 6 et 10) portaient sur diverses fournitures pour respectivement 47.190 euros, 28.332 euros et 6.836 euros ; que les autres commandes produites concernent d'autres navires semblables(U32 et V32) où il est clairement spécifié que les travaux s'exécutent en sous-traitance (pièces 6 et 8) ; que malgré l'expérience de ce type de navire qu'elle vante dans son devis initial, il est clair que la SA BOCCARD exécute sur site les directives du donneur d'ordre qui définit les besoins et les spécifications et subordonne toute exécution et paiement à son contrôle et à son agrément (pièce 12 : intitulée prestations sur site ou à bord accord d'exécution) ; que les relations entretenues par ces deux entreprises et notamment la nette prédominance des prestations sur les fournitures répondent ainsi à la notion économique de soustraitance peu important la qualification donnée au contrat originellement passé entre l'armateur et l'entreprise principale (MEDITERRANEAN SHIPPING CRUISE et STX France SA) d'ailleurs non produit ; qu'au surplus, l'emploi du terme de sous-traitance dans les documents contractuels et la circonstance que d'après le marché initial la SA BOCCARD succède à une autre entreprise défaillante titulaire du lot au titre d'une sous-traitance, indiquent que les parties se sont volontairement soumises aux règles protectrices de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ; que cela est encore confirmé par la notice ST Révision qui impose au sous-traitant de rang 1, c'est-à-dire en l'espèce la SA BOCCARD, de traiter avec le maître d'oeuvre ou une entreprise prestataire (en l'espèce la SA STX France) et autorisant celle-ci à recourir elle-même à des soustraitants dans le respect de la loi de 1975 déjà évoquée ; que l'exécution des travaux sans revendication du statut de sous-traitant ne peut s'analyser en une renonciation par la SA BOCCARD à s'en prévaloir ; que l'absence de garantie de paiement et notamment de caution bancaire et le défaut d'agrément tels que visés par les articles 3 (agrément) et 14 (caution) de la loi sur la sous-traitance ne sont pas discutés ; qu'ils entrainent la nullité du marché ; que cette nullité permet à la SA BOCCARD de réclamer à son donneur d'ordre la SA STX France le coût de ses peines et soins à titre de dommages et intérêts sans que lui soient opposées les stipulations de prix ; qu'une telle demande indemnitaire est soumise à la prescription quinquennale de l'article 1304 du Code civil et ne peut être atteinte par la prescription annale de l'article L. 110-4-II du Code de commerce qui concerne uniquement les actions en paiement de matériaux et de fournitures ; que ce délai courant de la date des marchés conclus depuis avril 2008, l'action indemnitaire engagée par assignation du 6 avril 2010 n'est pas prescrite ; mais qu'en dehors de ses affirmations appuyées d'un document intitulé « réclamation financière » comportant un tableau en deux colonnes et cinq lignes en date du 12 mars 2010, qui n'est en réalité que l'expression de sa demande, la SA BOCCARD ne produit aucune pièce rendant vraisemblable les débours qu'elle allègue, que l'expertise sollicitée qui viendrait suppléer la carence de cette société dans l'administration d'une preuve qui lui incombe ne sera pas ordonnée ; que la SA BOCCARD sera déboutée de toutes ses demandes et le jugement confirmé » ;
ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; que, dans le cas où un contrat de sous-traitance est annulé, le sous-traitant est en droit de demander réparation de son préjudice, qui consiste dans le fait d'avoir exécuté les travaux commandés et dont l'évaluation est faite sur la base du coût réel des travaux réalisés ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, après avoir constaté que la société BOCCARD avait bien exécuté les travaux commandés par la société STX France en vertu du contrat de sous-traitance annulé, a néanmoins débouté la société exposante de sa demande indemnitaire correspondant au coût réel des travaux accomplis en retenant qu'elle ne produisait « aucune pièce rendant vraisemblables les débours qu'elle allègue » ; qu'en refusant de la sorte d'évaluer le montant du dommage dont elle avait pourtant constaté le principe, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code civil.