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17/02/2015 | FRANCE | N°13-27492

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 février 2015, 13-27492


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 19 septembre 2013), que M. et Mme Pierre X...ont donné à bail à un de leur fils et son épouse, M. Jean-François X...et Mme Bernadette Y..., diverses parcelles ; qu'après le décès des parents, six des huit enfants coïndivisaires (les consorts X...) ont sollicité la résiliation du bail en invoquant une sous-location prohibée ;
Attendu, d'une part, que M. et Mme X...n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel que le proc

ès-verbal de constat dressé le 18 janvier 2012 avait été établi postérieur...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 19 septembre 2013), que M. et Mme Pierre X...ont donné à bail à un de leur fils et son épouse, M. Jean-François X...et Mme Bernadette Y..., diverses parcelles ; qu'après le décès des parents, six des huit enfants coïndivisaires (les consorts X...) ont sollicité la résiliation du bail en invoquant une sous-location prohibée ;
Attendu, d'une part, que M. et Mme X...n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel que le procès-verbal de constat dressé le 18 janvier 2012 avait été établi postérieurement à la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux, ni que deux des attestations produites rapportaient des faits antérieurs aux renouvellements successifs du bail, le moyen est de ces chefs nouveau, mélangé de fait et de droit ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, par une appréciation souveraine et sans dénaturation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que les consorts X...établissaient la preuve que les preneurs avaient mis à disposition de tiers les parcelles objets du bail pour le pacage de troupeaux moyennant soit un partage en nature des produits de l'élevage, soit un paiement en argent, soit un paiement par partage du foin en nature, et à bon droit que peu importait que les preneurs n'aient pas perdu la maîtrise de l'entretien des parcelles, la cour d'appel a pu en déduire qu'était caractérisée l'existence d'une sous-location, justifiant la résiliation du bail ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Jean-François X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme Jean-François X...; les condamne à payer aux consorts Hélène, Odile, André, Bernard et Emile X...la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils pour M. Jean-François X...et Mme Bernadette X...

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté que M. et Mme Jean-François X...ont procédé à des sous-locations prohibées, prononcé en conséquence la résiliation du bail rural conclu entre les parties et dit qu'il appartiendra aux preneurs de libérer les lieux loués dans les six mois de la signification de son arrêt, à défaut de quoi ils pourront être expulsés avec le concours de la force publique,
AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article L 411-35 du code rural, « toute sous-location est interdite » ; et que, selon les dispositions de l'article L. 411-31 du même code, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie de toute contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 ; qu'en l'espèce, les consorts indivis X...établissent la preuve que les preneurs ont mis à disposition les parcelles objet du bail pour le pacage de troupeaux moyennant soit un partage en nature des produits de l'élevage, soit un paiement en argent, soit un paiement par partage du foin en nature, ce qui caractérise la sous-location prohibée ; qu'il ressort en effet :- de constats d'huissiers de Me D... en date du 8 décembre 2011 (pièce n° 2) et de Me Brun en date du 18 janvier 2012 (pièce n° 3), que les parcelles étaient régulièrement occupées par des troupeaux de brebis et de moutons alors que les consorts indivis X...observent sans être contredits que les preneurs n'étaient pas éleveurs d'ovins, et que le service d'identification de la chambre d'agriculture a confirmé que les bêtes identifiées ne leur appartenaient pas (pièce n° 4) ;- d'une sommation interpellative de Me D... du 8 décembre 2011 (pièce n° 8) confirmée par une attestation (pièce n° 9) que Mme Z...reconnaît qu'elle assure la pâture d'hiver de ses ovins sur les parcelles de M. François X...en contrepartie « d'un paiement en argent »- d'une attestation de Mme A...(pièce n° 11) que celle-ci a mis ses brebis en pacage chez M. Jean-François X...en 1996 et 1997 contre paiement en argent ;- d'une sommation interpellative de Me D... du 8 décembre 2011 (pièce n° 5), initialement destinée à M. Jean-Marie B..., et à laquelle son père Jean-Baptiste a répondu, ce qui n'est pas de nature à en vicier le contenu, que celui-ci et sa famille utilisaient les parcelles louées pour le pacage d'hiver de 150 ovins, et qu'en contrepartie, les foins récoltés par eux étaient partagés à moitié avec M. X...;- d'une attestation de M. C...(pièce n° 10), rédigée sous sa dictée par sa fille mais signée par lui (pièce n° 12), que celui-ci a eu des brebis en pacage entre 1971 et 1990 chez M. Jean-François X..., auquel revenaient le produit de la vente des agneaux et le lait revendu à une fromagerie ; que les faits objets de ces pièces ne sont pas contredits au fond ni même contestés par M. et Mme Jean-François X..., qui se bornent à protester que c'est le père de la personne initialement prévue qui a répondu à la sommation interpellative du 8 décembre 2011 (pièce n° 5), ce qui est indifférent dès lors que la personne qui a répondu est identifiée, et que les deux attestations de M. C...et de Mme A...sont d'une écriture identique, ce qui est expliqué et suffisamment justifié par celle-ci, qui atteste avoir assisté pour l'écriture son père qui a des difficultés à écrire ; que c'est en vain que les preneurs soutiennent que, s'agissant de pâturage, le statut des baux ruraux ne s'applique qu'à condition que la mise à disposition soit continue ou répétée, dont la preuve n'est pas rapportée ; qu'en effet, l'objet du présent litige n'est pas de savoir si des occupants précaires des parcelles peuvent prétendre au statut des baux ruraux, mais de savoir si une sous-location prohibée est pratiquée sur les terres par les preneurs ; que le tribunal paritaire a estimé, pour rejeter la demande des propriétaires indivis ; que les preneurs ont reproduit le mode d'exploitation dont ils avaient hérité et n'ont donc pas contrevenu à la confiance des bailleurs originels ; que pour autant, c'est à juste titre que les consorts indivis X...objectent, d'une part, qu'il n'est pas établi que les parents auteurs du bail auraient eu recours ni accepté ces pratiques, et, d'autre part, que l'intuitu personae du bail rural doit être apprécié non pas eu égard aux bailleurs originels, mais aux bailleurs actuels qui n'ont jamais consenti à cette pratique de sous-locations ; qu'au demeurant, la connaissance des faits par le bailleur ne permet pas de régulariser, ni de rendre licite la sous-location, dont l'interdiction est impérative ; qu'il en est de même pour les motifs selon lesquels les occupants précaires ne pourraient rien revendiquer, ce point n'étant pas en litige, ou encore que les preneurs n'ont pas perdu la maîtrise de l'entretien des parcelles, la loi relative à la prohibition de la sous-location ne distinguant pas selon le titulaire de la charge de l'entretien ; qu'ainsi, c'est à juste titre que les consorts indivis X...observent que le Tribunal Paritaire, qui avait constaté que les preneurs avaient bien mis les parcelles objet du bail à la disposition des tiers moyennant contrepartie, n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations ; que c'est donc de manière fondée en droit qu'ils demandent la résiliation du bail en application des textes cités ci-dessus, résiliation qui ne peut qu'être prononcée en application des textes impératifs déjà cités ; que le jugement de première instance sera donc infirmé sur ce point et la résiliation du bail sera prononcée ; qu'il appartiendra aux preneurs de libérer les lieux loués dans les six mois de la signification du présent arrêt, à défaut de quoi ils pourront être expulsés avec le concours de la force publique, » (arrêt p. 5 et 6)
ALORS, D'UNE PART, QUE les motifs de la résiliation judiciaire d'un bail rural doivent s'apprécier au jour de la demande en justice ; qu'en se fondant, pour prononcer la résiliation du bail litigieux pour sous-location prohibée, sur un constat d'huissier de Maître Brun en date du 18 janvier 2012 dont il s'évinçait que l'une des parcelles louées était occupée « par des troupeaux de brebis et de moutons » (arrêt, p. 5), quand un tel constat avait été établi postérieurement à la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux par les consorts X...et ne pouvait donc justifier la résiliation du bail litigieux, la cour d'appel a violé les articles L 411-31 et L 411-35 du code rural et de la pêche maritime,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la dénaturation d'un acte consiste à lui faire dire une chose qu'il ne dit pas ; qu'en affirmant qu'il ressortait de la sommation interpellative de Me D... du 8 décembre 2011, initialement destinée à M. Jean-Marie B...et à laquelle son père Jean-Baptiste avait répondu, que celui-ci et sa famille utilisaient les parcelles louées pour le pacage d'hiver de 150 ovins et, « qu'en contrepartie, les foins récoltés par eux étaient partagés à moitié avec M. François X...» (arrêt, p. 5), quand M. Jean-Baptiste B...s'était borné à affirmer qu'« aucun contrat » n'avait été conclu avec les preneurs et que « les foins récoltés sont partagés pour moitié entre nous et Mr François X...», à titre de paiement de la prestation de service fournie à ce dernier, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil,
ALORS, EN OUTRE, QUE le bailleur ne saurait se prévaloir de manquements qui se sont produits au cours du bail initial pour demander la résiliation du bail renouvelé ; qu'en se fondant, pour caractériser l'existence d'une sous-location, sur deux attestations dont leurs auteurs décrivaient des pratiques qui n'avaient plus cours depuis le premier renouvellement du bail litigieux le 11 novembre 1991 (attestation de M. C...) ou depuis le second renouvellement de celui-ci le 11 novembre 2000 (attestation de Mme A...), la cour d'appel a violé derechef les articles L 411-31 et L 411-35 du code rural et de la pêche maritime,
ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE ne peut être qualifiée de sous-location, la prise à bail d'un troupeau par le preneur, qui en perçoit le croît et les produits moyennant le versement au propriétaire du troupeau d'une redevance en argent ou en nature ; qu'en considérant qu'il résultait de l'attestation de M. C...l'existence d'une sous-location du fonds loué, quand les rapports contractuels entre ce dernier et M. Jean-François X...s'analysaient en une location de troupeau dont le prix payé par ce dernier, qui profitait du croît et des produits du troupeau, consistait en la remise au propriétaire du troupeau « d'une agnelle pour trois brebis et demi » (attestation de M. C...), la cour d'appel a violé les articles L 411-31 et L 411-35 du code rural et de la pêche maritime,
ALORS ENCORE QUE ne peut être qualifiée de sous-location, la prise en pension d'un troupeau par le preneur, qui conserve ses droits sur les biens loués qu'il continue d'entretenir et bénéficie d'une rémunération au prorata des animaux pris en pension ; qu'en considérant qu'il résultait de l'attestation de Mme A..., fille de M. C..., l'existence d'une sous-location du fonds loué, quand ses rapports contractuels avec M. Jean-François X...s'analysaient en une prise en pension de son troupeau par ce dernier, dont la prestation était indemnisée par la remise d'une somme d'argent au prorata du nombre d'animaux pris en pension, la cour d'appel a violé derechef les articles L 411-31 et L 411-35 du code rural et de la pêche maritime,
ALORS, ENFIN, QUE pour caractériser une souslocation du bail rural, le bailleur doit rapporter la preuve, d'une part, d'un transfert de la jouissance du bien loué à un tiers, d'autre part, du versement par ce tiers d'une contrepartie onéreuse ; qu'en se fondant en définitive sur les seules déclarations de Mme Z..., qui évoquait un paiement en argent-les pratiques décrites par Mme A...ne pouvant être prises en compte-sans même exiger des propriétaires la preuve de ces paiements, la cour d'appel a violé les articles L 411-31 et L 411-35 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 1315 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 13-27492
Date de la décision : 17/02/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 19 septembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 17 fév. 2015, pourvoi n°13-27492


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.27492
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