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17/02/2015 | FRANCE | N°13-25809

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 février 2015, 13-25809


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mai 2013), que M. et Mme X..., se plaignant de devoir renoncer aux travaux d'extension de leur maison en raison du risque d'effondrement d'un mur de soutènement situé en limite de la propriété appartenant à Mmes Hélène, Françoise et Elisabeth A...(les consorts A...), ont, après expertise, assigné ces dernières, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, en destruction dudit mur ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que le

s consorts A...font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mai 2013), que M. et Mme X..., se plaignant de devoir renoncer aux travaux d'extension de leur maison en raison du risque d'effondrement d'un mur de soutènement situé en limite de la propriété appartenant à Mmes Hélène, Françoise et Elisabeth A...(les consorts A...), ont, après expertise, assigné ces dernières, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, en destruction dudit mur ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que les consorts A...font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, que le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage impose aux juges de rechercher si les troubles invoqués excèdent les inconvénients normaux du voisinage ; qu'en se bornant à affirmer que le risque d'effondrement résultant de la très grande précarité du mur de soutènement relevée par l'expert était constitutif d'un trouble de voisinage dont les époux X...étaient en droit de demander la cessation, sans rechercher si le trouble était anormal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a caractérisé l'anormalité du trouble en relevant souverainement que le mur était dans un état de stabilité très précaire et présentait un risque d'effondrement, a légalement justifié sa décision ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que les époux X...font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en indemnisation des préjudices résultant du trouble anormal de voisinage, alors, selon le moyen :
1°/ que le droit de propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements ; que le propriétaire doit pouvoir jouir de son bien tel qu'il est ou tel qu'il voudrait qu'il soit ; que l'impossibilité de mener à bien un projet d'extension constitue une atteinte dans le droit de jouir de son bien de manière absolue et est donc constitutive d'un préjudice alors même qu'il resterait possible pour le propriétaire de jouir sans entrave de son bien en l'état ; qu'en excluant du préjudice de jouissance l'obstacle à la réalisation d'un projet d'extension en se fondant sur l'absence de trouble de jouissance du bien en l'état, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil ;
2°/ que le préjudice de jouissance invoqué ne concernait pas seulement la maison d'habitation, mais également le terrain autour de celle-ci dont la sécurité était compromise par le risque d'effondrement du mur ; qu'en déniant tout préjudice de jouissance en se bornant à se fonder sur une prétendue absence de préjudice de jouissance de la maison d'habitation, sans prendre en considération les menaces d'effondrement sur le terrain, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 544 du code civil ;
3°/ que les préjudices invoqués ne résultaient pas seulement d'un préjudice de jouissance lié à l'ajournement des travaux d'extension, mais aussi des travaux destinés à rendre la maison décemment habitable ainsi que d'un préjudice matériel résultant du renchérissement de 18 806, 05 euros des travaux qui avaient été entamés et qui avaient dû être interrompus à cause du mur litigieux ; qu'en ayant rejeté toutes les demandes de dommages et intérêts en s'étant bornée à se fonder sur une prétendue absence de préjudice de jouissance de la maison d'habitation, sans se prononcer sur tous les préjudices de jouissance ni sur le préjudice matériel invoqués, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les époux X...ne démontraient pas avoir été troublés dans la jouissance de leur maison d'habitation, la cour d'appel, répondant aux conclusions, a légalement justifié sa décision par l'appréciation souveraine qu'elle a faite de l'absence de préjudice ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les consorts A...aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

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Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour les consorts A....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame Françoise Y..., Madame Elisabeth Z... et Madame Hélène A...in solidum à détruire le mur leur appartenant implanté ... Saint-Mandrier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement ;
Aux motifs qu'« aux termes des dispositions de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements ; Que du principe que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, il en résulte que les juges du fond doivent rechercher si les nuisances, même en l'absence de toute infraction aux règlements, n'excèdent pas les inconvénients normaux du voisinage Attendu que les appelantes soutiennent que le mur litigieux dont elles sont propriétaires ne génère pas un trouble anormal de voisinage caractérisé pour l'exécution des travaux d'extension envisagés par les époux X...; qu'elles demandent à être réintégrées dans leur droit de propriété et sollicitent la reconstruction du mur démoli par application de l'exécution provisoire du jugement attaqué, le paiement de la somme de 23 400 euros au titre de la reconstruction et le remboursement de la facture de démolition de 13 615, 00 euros ; Attendu qu'il résulte des éléments du dossier, et notamment de l'expertise judiciaire, que :- le mur litigieux est dans un état de stabilité très précaire et doit donc être remis en état ou démoli et ce, même en l'absence de tous travaux sur la propriété X...",- les travaux préconisés pour mettre fin au risque causé par le mur consistent soit en la démolition/ reconstruction à l'identique en respectant les règles de l'art, soit en un renforcement par béton projeté armé et associé à des clous, soit par la destruction et l'aménagement du talus,- les travaux d'extension prévus par les époux X...devront commencer après les travaux de remise en état du mur et les époux X...devront tenir compte de ce mur dans leur projet et laisser le libre passage sur leur propriété aux engins nécessaires à l'intervention sur le mur ; Attendu que ces conclusions confirment le risque d'effondrement du mur tel que précédemment constaté le 13 décembre 2007 par le Bureau d'Etudes techniques EPR et aussi par le rapport de visite du 29 août 2008 du Bureau d'Etudes D...; Attendu que les études effectuées à la demande des consorts Y...-Z...-A...par des techniciens, qu'ils ont choisis et mandatés après l'expertise judiciaire, n'ont pas permis de les soumettre à l'expert qui n'a donc pu en discuter les termes, alors que dès le premier accedit du 14 janvier 2009, l'expert avait envisagé le renforcement ou la réparation du mur litigieux ; qu'en tout état de cause, elles ne remettent pas en question les conclusions de l'expert sur l'instabilité et l'équilibre précaire du mur et ne suffisent pas à contredire l'analyse et les préconisations de l'expert ; Attendu que les deux plots d'ancrage encastrés à la base des terres rapportées derrière le mur, objet du constat d'huissier en date du 28 mai 2012, découverts lors des travaux de démolition du mur, et ignorés de l'expert, ne remettent pas en cause ses conclusions ni ses constatations ; qu'en effet, malgré la présence de ces deux ancrages en béton, les constatations de l'expert ont révélé que le mur était en mauvais état, qu'il présentait un certain nombre de désordres, fissures verticales réparties sur la longueur du mur, basculement important se traduisant par une rotation d'ensemble du mur en direction de l'aval ; Attendu que le fait pour les époux X...d'avoir évoqué la possibilité d'intégrer le renforcement du mur dans la conception de la partie arrière de la villa ou d'avoir envisagé avec leur architecte un projet d'extension qui exclurait toute incidence sur le mur, sans concrétiser ce projet, est sans conséquence sur leurs demandes fondées sur le trouble de voisinage, résultant du risque d'effondrement du mur ; que l'expert indique d'ailleurs lui-même avoir pris en compte cette position'développée par les époux X..., en excluant toute interaction entre le mur et la future construction, dans les solutions techniques proposées dans le rapport, et en précisant expressément que la remise en état ou la démolition du mur s'imposaient, abstraction faite de tous travaux sur la propriété X...; Attendu que les consorts Y...-Z...-A..., pourtant averties depuis l'année 2007 de la nécessité de remédier à la défectuosité du mur qui ne présentait plus de garanties suffisantes de sécurité, et malgré le risque d'effondrement avéré confirmé par l'expertise judiciaire, n'ont pris aucune mesure adaptée pour le faire cesser ; qu'en effet les seuls travaux qu'ils ont réalisés décrits par le procès-verbal de constat du 4 octobre 2011, consistant en l'excavation de la partie haute des terres étaient insuffisants, s'agissant de travaux qui ne correspondaient pas aux préconisations de l'expert judiciaire ; Attendu qu'ils n'ont pas davantage exécuté leur engagement pris devant le conciliateur de couper les arbres dont ils avaient admis qu'ils menaçaient la solidité du mur, alors qu'il leur appartenait de sécuriser le mur par des mesures adaptées ; Attendu dans ces conditions, que le risque d'effondrement résultant de la très grande précarité du mur relevée par l'expert était constitutif d'un trouble de voisinage dont les époux B...étaient en droit de demander la cessation ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont ordonné la démolition du mur, conformément à l'une des solutions préconisées par l'expert, à défaut pour les consorts Y...-Z...-A...d'avoir remédié efficacement à sa remise en état dans le cadre d'un entretien normal ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris et de débouter les appelantes de leur demande de reconstruction du mur et de leur demande de remboursement de la facture de démolition » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés qu'« il résulte des éléments du débat et notamment de l'expertise judiciaire confiée à Monsieur C...et de ses constatations objectives non sérieusement remises en cause par les parties que :- le mur en litige est dans un état de stabilité très précaire et doit être remise en état ou démoli, et ce même en l'absence de tout travaux sur la propriété X...,- les travaux préconisés pour mettre fin au risque causé par le mur consistent soit en la démolition/ reconstruction, soit en un renforcement par béton projeté armé et associé de clous, soit par la destruction et l'aménagement du talus,- les travaux d'extension prévus par les époux X...devront commencer après les travaux de remise en état du mur et les époux X...devront tenir compte de ce mur dans leur projet et laisser le libre passage sur leur propriété aux engins nécessaires à l'intervention sur le mur ; L'expert précise que le dimensionnement du renforcement du mur n'a pas à tenir compte des travaux envisagés par les époux X...; Pour contester ces conclusions de l'expertise judiciaire, les consorts Y...-Z...-A...opposent des études effectuées à leur demande par des techniciens qu'ils ont choisis et mandatés ; Cependant, outre le fait que ces études n'ont pas été réalisées durant l'expertise judiciaire, ce qui aurait permis aux parties et à l'expert d'en discuter les termes, elles ne remettent pas en cause les conclusions de l'expert sur l'instabilité du mur ; en conséquence, elles ne suffisent pas à contredire l'analyse et les préconisations de l'expert judiciaire ; De même, les travaux réalisés par les consorts Y...-Z...-A...et décrits par procès-verbal de constat d'huissier du 4. 10. 2011, ayant consistés en l'excavation de la partie haute des terres, ne correspondent pas aux préconisations de l'expert judiciaire et doivent être considérés comme insuffisants ; En conséquence et au vu de ces éléments, il convient d'ordonner la destruction du mur appartenant aux consorts Y...-Z...-A...; afin de garantir l'exécution de cette condamnation, il y a lieu de l'assortir d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement » ;

Alors que le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage impose aux juges de rechercher si les troubles invoqués excèdent les inconvénients normaux du voisinage ; qu'en se bornant à affirmer que le risque d'effondrement résultant de la très grande précarité du mur de soutènement relevée par l'expert était constitutif d'un trouble de voisinage dont les époux B...étaient en droit de demander la cessation, sans rechercher si le trouble était anormal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé.
Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande des époux X...tendant à l'indemnisation des préjudices résultant des troubles anormaux de voisinage ;
Aux motifs que les travaux envisagés ne portaient que sur une simple extension et qu'ils ne démontraient pas avoir été troublés ni même menacés dans la jouissance de leur maison d'habitation ;
Alors que, 1°) le droit de propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements ; que le propriétaire doit pouvoir jouir de son bien tel qu'il est ou tel qu'il voudrait qu'il soit ; que l'impossibilité de mener à bien un projet d'extension constitue une atteinte dans le droit de jouir de son bien de manière absolue et est donc constitutive d'un préjudice alors même qu'il resterait possible pour le propriétaire de jouir sans entrave de son bien en l'état ; qu'en excluant du préjudice de jouissance l'obstacle à la réalisation d'un projet d'extension en se fondant sur l'absence de trouble de jouissance du bien en l'état, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil ;
Alors que, 2°) le préjudice de jouissance invoqué ne concernait pas seulement la maison d'habitation, mais également le terrain autour de celle-ci dont la sécurité était compromise par le risque d'effondrement du mur ; qu'en déniant tout préjudice de jouissance en se bornant à se fonder sur une prétendue absence de préjudice de jouissance de la maison d'habitation, sans prendre en considération les menaces d'effondrement sur le terrain, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 544 du code civil ;
Alors que, 3°) les préjudices invoqués ne résultaient pas seulement d'un préjudice de jouissance lié à l'ajournement des travaux d'extension, mais aussi des travaux destinés à rendre la maison décemment habitable (conclusions, p. 7, § 2) ainsi que d'un préjudice matériel résultant du renchérissement de 18 806, 05 euros des travaux qui avaient été entamés et qui avaient dû être interrompus à cause du mur litigieux (conclusions, p. 7, § 3) ; qu'en ayant rejeté toutes les demandes de dommages et intérêts en s'étant bornée à se fonder sur une prétendue absence de préjudice de jouissance de la maison d'habitation, sans se prononcer sur tous les préjudices de jouissance ni sur le préjudice matériel invoqués, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 13-25809
Date de la décision : 17/02/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 23 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 17 fév. 2015, pourvoi n°13-25809


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.25809
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