La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/02/2015 | FRANCE | N°13-23156

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 février 2015, 13-23156


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mai 2013), que Mme X..., bénéficiaire d'un chèque barré d'un montant de 110 000 euros établi à son ordre par le casino municipal d'Aix-en-Provence, a, le 6 décembre 2005, endossé celui-ci au profit de son compagnon, Jean Y..., qui l'a déposé le jour même sur le compte dont il était titulaire dans les livres de la Banque Martin Maurel (la banque), après avoir apposé sa signature au verso du chèque ; que Mme X... a recherché la

responsabilité de la banque, lui reprochant l'encaissement d'un chèque b...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mai 2013), que Mme X..., bénéficiaire d'un chèque barré d'un montant de 110 000 euros établi à son ordre par le casino municipal d'Aix-en-Provence, a, le 6 décembre 2005, endossé celui-ci au profit de son compagnon, Jean Y..., qui l'a déposé le jour même sur le compte dont il était titulaire dans les livres de la Banque Martin Maurel (la banque), après avoir apposé sa signature au verso du chèque ; que Mme X... a recherché la responsabilité de la banque, lui reprochant l'encaissement d'un chèque barré sur le compte d'un tiers ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que commet une faute de nature à engager sa responsabilité le banquier qui procède à l'encaissement d'un chèque barré au profit de son client qui n'est pourtant pas désigné comme le bénéficiaire du chèque ; que le bénéficiaire du chèque est fondé à demander à la banque d'être crédité de sa valeur sans avoir à justifier d'un préjudice autre que celui résultant du non paiement du chèque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la banque avait commis une faute, dont cette dernière avait reconnu l'existence, en encaissant le chèque litigieux au profit de M. Jean Y... bien que le chèque barré ait été émis au bénéfice de Mme X... ; que dès lors, en se fondant sur la circonstance inopérante selon laquelle Mme X... avait, par sa signature au verso du chèque, manifesté son consentement à l'encaissement du chèque au profit de M. Jean Y..., pour dire que la faute de la banque était sans lien de causalité avec le préjudice de Mme X..., tout en constatant que le chèque avait été encaissé par une personne autre que celle désignée en qualité de bénéficiaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article L. 131-45 du code monétaire et financier, ensemble l'article 1382 du code civil ;
2°/ que commet une faute en relation directe avec le préjudice subi par le bénéficiaire d'un chèque barré, le banquier qui encaisse le chèque litigieux au profit de son client non bénéficiaire du chèque et ne permet pas au bénéficiaire du chèque de prendre conscience de l'escroquerie dont il est victime ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir que la faute commise par la banque avait seule permis l'escroquerie dont elle avait été victime, la banque n'ayant pas procédé aux vérifications essentielles et ayant, en contravention de ses obligations, encaissé un chèque barré au profit d'un tiers sans avoir attiré l'attention de Mme X..., illettrée, sur l'anomalie de l'opération ; qu'en estimant que la faute de la banque était sans lien de causalité avec le préjudice allégué, en s'attachant exclusivement à la présence de la signature de Mme X... au verso du chèque qui aurait manifesté le consentement de cette dernière à l'opération litigieuse, sans rechercher si le respect par la banque de son obligation de vigilance n'aurait pas permis d'éclairer Mme X... sur l'anomalie de l'opération et de mettre à jour l'escroquerie dont elle estimait avoir été victime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3°/ que dans ses conclusions récapitulatives, Mme X... faisait valoir qu'il résultait de l'audition de la responsable d'agence de la banque que M. Jean Y... avait pris la précaution de faire signer le chèque au verso par Mme X..., illettrée, puis avait remis le chèque directement au guichet auprès de sa conseillère habituelle en prenant soin d'y apposer sa signature au dos, hors la présence de Mme X..., circonstances de nature à établir l'absence de consentement de Mme X... à l'opération litigieuse, dont elle a été au contraire victime ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen décisif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que la faute de la victime n'est susceptible d'entraîner une exonération totale de la responsabilité qu'à la condition de revêtir les caractères de la force majeure ; qu'en l'espèce, pour exclure toute responsabilité, même partielle, de la banque à l'égard de Mme X..., les juges ont relevé que Mme X... avait acquiescé au dépôt des sommes qu'elle avait gagnées sur le compte de M. Jean Y... en se présentant devant la responsable de l'agence bancaire qui avait procédé à l'encaissement du chèque au profit de M. Jean Y..., Mme X... lui apparaissant tout à fait consentante à cette opération, ce dont sa signature au verso du titre du paiement suffisait à rendre compte quand bien même cet endossement était irrégulier ; qu'en statuant par ce motif impropre à caractériser l'existence d'une cause d'exonération totale de responsabilité à défaut d'irrésistibilité et d'imprévisibilité pour la banque de la négligence imputée à Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
5°/ qu'en se fondant sur le caractère fautif du comportement de Mme X... sans constater qu'il avait été la cause exclusive du dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt constate que Mme X... s'est rendue à la banque le lendemain de l'émission du chèque de 110 000 euros en présence de son compagnon, au profit duquel elle l'avait endossé, et qu'elle y est retournée quelques jours plus tard, sans observations, pour y ouvrir un compte bancaire afin d'y déposer un chèque de 40 000 euros émis à son ordre par Jean Y..., « lequel s'analyse comme une répartition convenue entre eux des gains de jeux » ; qu'il relève encore que ce n'est que près de deux ans plus tard, « et dans la période du décès de Jean Y... », qu'elle s'est enquise de la personne qui avait encaissé le chèque en ses lieu et place, en sollicitant la désignation d'huissiers de justice et en déposant plainte, quand il résultait de sa signature au verso du chèque litigieux, de sa propre déclaration aux services de police et de la déposition du responsable de l'agence bancaire qu'elle n'avait jamais ignoré qui était le bénéficiaire de la provision ; qu'il en déduit que Mme X... était consentante à l'opération ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Banque Martin Maurel et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande tendant à voir dire et juger que la BANQUE MARTIN MAUREL avait commis une faute et tendant à voir condamner cette dernière à lui payer la somme de 110. 000 ¿, avec intérêts au taux légal, à compter du 8 décembre 2005, outre la somme de 10. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et matériel subi ;
AUX MOTIFS QUE « il est établi que le 5 décembre 2005 Mme X... a gagné au jeu la somme de 117 160, 40 ¿ alors qu'elle se trouvait à une machine à sous du casino d'Aix-en-Provence avec son compagnon M. Y..., joueur habituel, lequel s'était momentanément absenté. La maison de jeu lui a remis un chèque barré de 110 000 ¿ tiré sur la banque CIC. En application des dispositions de l'article L. 131-45 du code monétaire et financier, ce chèque barré n'est payable seulement qu'à un banquier ou au client de la banque sur lequel il est tiré, sans possibilité d'encaissement au profit d'autres personnes. Ce nonobstant, le lendemain 6 décembre 2005, M. Y... et Mme X... se sont rendus ensemble à l'agence marseillaise de la banque MARTIN MAUREL où ce dernier dispose d'un compte et ont obtenu de la responsable d'agence l'endossement du chèque au profit de M. Y..., ce dernier ainsi que Mme X... apposant leur signature à son verso pour avaliser l'opération. Quelques jours plus tard, le 13 décembre 2005, Mme X... retournait à cette même agence où elle ouvrait un compte personnel pour y déposer un chèque de 40 000 ¿ émis le 12 décembre 2005 à son ordre par M. Y... ; que pour condamner la banque MARTIN MAUREL à payer le chèque à son véritable bénéficiaire, soit Mme X... à l'ordre duquel il avait été émis, le jugement querellé relève que l'établissement bancaire a commis une faute responsable de la perte de la provision ; qu'en effet, la banque a reconnu avoir commis une faute pour s'être départie des obligations de l'article L. 135-45 du code monétaire et financier et indique dans ses conclusions que : « l'opération inadéquate (encaissement de chèque barré sur un compte d'un tiers) constitue une carence de l'employé (de la banque) ayant réalisé l'opération engageant la responsabilité de la banque » ; que pour autant cette responsabilité ne peut être recherchée qu'à concurrence du préjudice que le comportement fautif a pu occasionner. Pour admettre que la banque soit tenue à restitution intégrale des sommes versées par erreur sur le compte de M. Y..., encore faut-il que cette erreur ait été faite au préjudice de celle qui s'en plaint. L'examen du déroulement des faits permet cependant de retenir que Mme X... a acquiescé au dépôt des sommes qu'elle avait gagnées sur le compte de M. Y... qui n'était autre que son compagnon. Cette dernière s'est présentée avec lui le lendemain de l'émission du chèque devant la responsable de l'agence bancaire qui a procédé à son encaissement au profit de M. Y..., Mme X... lui apparaissant tout à fait consentante à cette opération, ce dont sa signature au verso du titre de paiement suffit à rendre compte quand bien même cet endossement serait irrégulier. Au demeurant, Mme X... est retournée à l'établissement bancaire quelques jours plus tard, sans élever d'observations par rapport à une opération qu'elle aurait effectuée sous la contrainte, mais, au contraire, pour y ouvrir un compte afin d'y déposer un chèque de 40 000 ¿ émis à son ordre par M. Y..., lequel s'analyse alors comme une répartition convenue de son gain ; que ce n'est que deux ans plus tard et dans la période du décès de M. Y... que Mme X... s'est enfin enquis, non sans une certaine mauvaise foi, de la personne qui avait encaissé le chèque en ses lieux et place, sollicitant du président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence la désignation de deux huissiers pour ce faire et en portant successivement plainte contre X auprès du procureur de la république ; que cependant il résulte de la signature non contestée de Mme X... au verso du chèque, de la déposition du responsable de l'agence de la banque MARTIN MAUREL et de la propre déclaration de Mme X... aux services de police que celle-ci n'a jamais ignoré qui était la personne bénéficiaire de la provision ; que son inaction pendant deux ans et sa plainte entreprise seulement après le décès de son compagnon, comme les éléments recueillis démontrent à l'évidence que cette dernière était consentante à l'opération qu'elle incrimine à faute de la banque alors que cette faute n'a aucunement participé à un préjudice inexistant et purement allégué de mauvaise foi » ;
1/ ALORS QUE commet une faute de nature à engager sa responsabilité le banquier qui procède à l'encaissement d'un chèque barré au profit de son client qui n'est pourtant pas désigné comme le bénéficiaire du chèque ; que le bénéficiaire du chèque est fondé à demander à la banque d'être crédité de sa valeur sans avoir à justifier d'un préjudice autre que celui résultant du non paiement du chèque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la BANQUE MARTIN MAUREL avait commis une faute, dont cette dernière avait reconnu l'existence, en encaissant le chèque litigieux au profit de Monsieur Y... bien que le chèque barré ait été émis au bénéfice de Madame X... ; que dès lors, en se fondant sur la circonstance inopérante selon laquelle Madame X... avait, par sa signature au verso du chèque, manifesté son consentement à l'encaissement du chèque au profit de Monsieur Y..., pour dire que la faute de la banque était sans lien de causalité avec le préjudice de Madame X..., tout en constatant que le chèque avait été encaissé par une personne autre que celle désignée en qualité de bénéficiaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article L. 131-45 du code monétaire et financier, ensemble l'article 1382 du code civil ;
2/ ALORS QUE commet une faute en relation directe avec le préjudice subi par le bénéficiaire d'un chèque barré, le banquier qui encaisse le chèque litigieux au profit de son client non bénéficiaire du chèque et ne permet pas au bénéficiaire du chèque de prendre conscience de l'escroquerie dont il est victime ; qu'en l'espèce, Madame X... faisait valoir que la faute commise par la banque avait seule permis l'escroquerie dont elle avait été victime, la banque n'ayant pas procédé aux vérifications essentielles et ayant, en contravention de ses obligations, encaissé un chèque barré au profit d'un tiers sans avoir attiré l'attention de Madame X..., illettrée, sur l'anomalie de l'opération ; qu'en estimant que la faute de la banque était sans lien de causalité avec le préjudice allégué, en s'attachant exclusivement à la présence de la signature de Mme X... au verso du chèque qui aurait manifesté le consentement de cette dernière à l'opération litigieuse, sans rechercher si le respect par la banque de son obligation de vigilance n'aurait pas permis d'éclairer Mme X... sur l'anomalie de l'opération et de mettre à jour l'escroquerie dont elle estimait avoir été victime, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3/ ALORS QUE dans ses conclusions récapitulatives, Madame X... faisait valoir qu'il résultait de l'audition de la responsable d'agence de la BANQUE MARTIN MAUREL que Monsieur Y... avait pris la précaution de faire signer le chèque au verso par Madame X..., illettrée, puis avait remis le chèque directement au guichet auprès de sa conseillère habituelle en prenant soin d'y apposer sa signature au dos, hors la présence de Madame X..., circonstances de nature à établir l'absence de consentement de Madame X... à l'opération litigieuse, dont elle a été au contraire victime (conclusions du 8 mars 2013, p. 5) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen décisif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4/ ALORS QUE la faute de la victime n'est susceptible d'entraîner une exonération totale de la responsabilité qu'à la condition de revêtir les caractères de la force majeure ; qu'en l'espèce, pour exclure toute responsabilité, même partielle, de la banque à l'égard de Madame X..., les juges ont relevé que Madame X... avait acquiescé au dépôt des sommes qu'elle avait gagnées sur le compte de Monsieur Y... en se présentant devant la responsable de l'agence bancaire qui avait procédé à l'encaissement du chèque au profit de Monsieur Y..., Madame X... lui apparaissant tout à fait consentante à cette opération, ce dont sa signature au verso du titre du paiement suffisait à rendre compte quand bien même cet endossement était irrégulier ; qu'en statuant par ce motif impropre à caractériser l'existence d'une cause d'exonération totale de responsabilité à défaut d'irrésistibilité et d'imprévisibilité pour la banque de la négligence imputée à Madame X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
5/ ALORS QU'en se fondant sur le caractère fautif du comportement de Madame X... sans constater qu'il avait été la cause exclusive du dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-23156
Date de la décision : 17/02/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 23 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 fév. 2015, pourvoi n°13-23156


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.23156
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award