LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 6 septembre 2012 et 7 février 2013), que la société Provac a fait construire des locaux financés par crédit-bail en confiant la maîtrise d'oeuvre de l'opération à M. X..., architecte, et la plupart des lots à la société Dumez méditerranée (la société Dumez) qui a sous-traité les travaux d'occultation à la société Face méditerranée, assurée auprès de la société SMABTP ; que la société Face méditerranée a commandé des brise-soleil auprès de la société Greisser Huppe, aux droits de laquelle se trouve la société Huppe immobilier France (la société Huppe) ; que les travaux sur les brise-soleil ayant fait l'objet de réserves à la réception, la société Provac et les crédit-bailleresses ont assigné la société Axa France IARD, assureur dommage ouvrage, M. X... et la société Dumez en indemnisation et celle-ci a appelé en garantie les sociétés Face méditerranée, Huppe et la SMABTP ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Face méditerranée fait grief à l'arrêt du 6 septembre 2012 de mettre hors de cause la société Huppe alors, selon le moyen, que pèse sur un fournisseur de matériel technique une obligation d'information quant aux conditions et limites d'utilisation de chacun de ses produits ; que dès lors en se bornant à énoncer, pour rejeter la demande de garantie formée par la société Face méditerranée à l'encontre de la société Greisser Huppe, que cette dernière avait rempli son obligation d'information en fournissant une note technique précisant que la surface maximum en manoeuvre motorisée était indiquée dans les conditions normales d'utilisation, posée devant la façade pour un vent maximum de force 7, sans vérifier, comme elle y était expressément invitée, si la société Greisser Huppe avait fourni une information suffisante quant aux limites d'utilisation des installations manuelles, seules applicables aux produits effectivement commandés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1615 et 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la société Face méditerranée disposait des compétences nécessaires pour apprécier les caractéristiques des stores dont elle avait défini elle-même les dimensions et relevé qu'elle s'était fait remettre par le fabricant une note technique sur les conditions d'utilisation par grand vent des stores motorisés mentionnant que les limites du système de guidage par câbles étaient identiques, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que les limites d'utilisation seraient différentes pour des stores à commande manuelle de même taille et qui a pu en déduire que le fournisseur avait respecté son devoir d'information a légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Face méditerranée fait grief à l'arrêt interprétatif de la condamner à garantir la société Dumez du montant des condamnations prononcées à son encontre du chef des préjudices immatériels de la société Provac alors, selon le moyen que le juge ne peut, sous prétexte de déterminer le sens d'une précédente décision, apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celle-ci ; que dès lors, en énonçant, sous couvert d'interprétation, que la condamnation de la société Face méditerranée à garantir la société Dumez méditerranée, expressément limitée par le dispositif de l'arrêt du 6 septembre 2012 au montant des condamnations prononcées à son encontre du chef de la réparation des brise-soleil, devait également inclure la condamnation prononcée par le premier juge, relative à l'indemnisation des préjudices immatériels de la société Provac, la cour d'appel, qui a modifié le dispositif de la décision interprétée, a violé l'article 461 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu la nécessité d'interpréter son précédent arrêt condamnant la société Face méditerranée à garantir la société Dumez du montant des condamnations prononcées à son encontre du chef de la réparation des brise-soleil, la cour d'appel a pu en déduire, sans porter atteinte à la décision rendue, que cette garantie s'appliquait non seulement à la condamnation relative à la remise en état des brise-soleil mais aussi à celle portant sur les préjudices immatériels consécutifs ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que la société Face méditerranée fait grief à l'arrêt du 6 septembre 2012 de mettre hors de cause son assureur, la SMABTP alors, selon le moyen :
1°/ que le juge qui décide de relever d'office un moyen, qu'il soit de fait ou de droit, doit respecter le principe de la contradiction en invitant les parties à présenter leurs observations ; que dès lors, en retenant d'office, pour considérer que l'inapplicabilité de la garantie décennale était devenue définitive et ainsi confirmer la mise hors de cause de la SMABTP, en qualité d'assureur de la société Face méditerranée, que le premier juge avait écarté la garantie décennale au profit de la responsabilité contractuelle de la société Dumez méditerranée et de M. X..., en laissant une part de responsabilité aux maîtres de l'ouvrage et que ces derniers n'avaient pas été intimés, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que, sauf indivisibilité, caractérisée par l'impossibilité d'exécuter simultanément des décisions contraires à l'égard de deux parties, l'appel qui n'a été formé qu'à l'égard de l'une des parties en première instance est recevable ; que dès lors, en retenant, pour considérer que l'inapplicabilité de la garantie décennale était devenue définitive à l'égard de la SMABTP, en qualité d'assureur de la société Face méditerranée et rejeter la demande en garantie formée par cette dernière, que le premier juge avait écarté la garantie décennale au profit de la responsabilité contractuelle de la société Dumez méditerranée et de M. X..., en laissant une part de responsabilité aux maîtres de l'ouvrage, et que ces derniers n'avaient pas été intimés, sans constater l'existence d'une indivisibilité entre les maîtres de l'ouvrage et la SMABTP, la cour d'appel a violé les articles 553 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu la responsabilité de la société Face méditerranée sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, la cour d'appel a pu, sans porter atteinte au principe de la contradiction, déduire de ce seul motif que l'action en garantie contre l'assureur de responsabilité décennale ne pouvait être accueillie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Face méditerranée aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la société Face méditerranée
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué ( 06 09 2012) d'avoir mis hors de cause la société Greisser Huppe France ;
AUX MOTIFS QUE l'appel en garantie dirigé contre la SA Huppe Immobilier France, venant aux droits de la société Greisser Huppe, prise en sa qualité de fabricant et de fournisseur de brise-soleil, est fondé sur la prétention du manquement de son devoir de conseil et de renseignement ; l'examen des documents régulièrement communiqués démontre que la SA Face Méditerranée dispose des compétences nécessaires en matière de brise-soleil en ce qu'elle a proposé à la maîtrise d'oeuvre, un autre type de brise-soleil, dénommé 1RS 60 de Greisser France, guidé par des câbles au lieu de ceux contractuellement prévus, de la marque Noval 90 sur coulisse au motif qu'ils seraient plus pratiques à manoeuvrer au niveau I ; en conséquence, le fournisseur n'était pas tenu d'un devoir de conseil à l'égard de la SA Face Méditerranée ; il est également démontré par la note technique adressée au sous-traitant, qu'il a parfaitement été informé du fait que la surface maximum en manoeuvre motorisée est indiquée dans les conditions normales d'utilisation, posée devant la façade pour un vent maximum de force 7 ; les limites du système de guidage par câble sont identiques, sauf pour les dimensions de hauteur maximum qui passent à 300 cm ; le fournisseur démontre qu'il a respecté son devoir d'information ;
ALORS QUE pèse sur un fournisseur de matériel technique une obligation d'information quant aux conditions et limites d'utilisation de chacun de ses produits ; que dès lors en se bornant à énoncer, pour rejeter la demande de garantie formée par la société Face Méditerranée à l'encontre de la société Greisser Huppe, que cette dernière avait rempli son obligation d'information en fournissant une note technique précisant que la surface maximum en manoeuvre motorisée était indiquée dans les conditions normales d'utilisation, posée devant la façade pour un vent maximum de force 7, sans vérifier, comme elle y était expressément invitée, si la société Greisser Huppe avait fourni une information suffisante quant aux limites d'utilisation des installations manuelles, seules applicables aux produits effectivement commandés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1615 et 1147 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué ( 06 09 2012) d'avoir déclaré irrecevable l'appel en garantie de la société Face Méditerranée contre M. X..., comme nouvelle en cause d'appel ;
AUX MOTIFS QUE la SA Face Méditerranée a formalisé un appel provoqué à l'encontre de Patrick X... aux fins qu'il la garantisse au motif qu'il a validé les fournitures et les procédés mis en oeuvres ; que comme le soutient très justement Patrick X..., la demande en garantie de la SA Face Méditerranée constitue une demande nouvelle comme étant formulée pour la première fois en cause d'appel ;
ALORS QUE sont recevables les demandes formées en appel pour la première fois à la condition d'être l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles formulées en première instance ; que dès lors, en se bornant à affirmer que la demande en garantie formée par la société Face Méditerranée à l'encontre de M. X... était irrecevable comme étant formulée pour la première fois en cause d'appel, sans rechercher si elle n'était pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande formulée par la société Face Méditerranée en première instance tendant à faire constater que M. X... était le principal responsable des désordres affectant les brise-soleil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 566 du code de procédure civile ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
La société Face Méditerranée fait grief à l'arrêt interprétatif attaqué de l'avoir condamnée à garantir la société Dumez Méditerranée du montant des condamnations prononcées à son encontre du chef des préjudices immatériels de la société Provac ;
AUX MOTIFS QUE la SAS Dumez Méditerranée sollicite l'interprétation de l'arrêt en ce que la cour a condamné la SA Face Méditerranée à la garantir du montant des condamnations prononcées à son encontre du chef de la réparation des brise-soleil, sans préciser si cette condamnation incluait l'indemnisation des préjudices immatériels ; que la SAS Dumez Méditerranée ayant été condamnée par le premier juge à payer à la société Provac la somme de 27 000 euros au titre de son préjudice immatériel résultant des désordres affectant les brise-soleil, il y a lieu de préciser que la garantie de la SA Face Méditerranée inclut cette indemnisation ;
ALORS QUE le juge ne peut, sous prétexte de déterminer le sens d'une précédente décision, apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celleci ; que dès lors, en énonçant, sous couvert d'interprétation, que la condamnation de la société Face Méditerranée à garantir la société Dumez Méditerranée, expressément limitée par le dispositif de l'arrêt du 6 septembre 2012 au montant des condamnations prononcées à son encontre du chef de la réparation des brisesoleil, devait également inclure la condamnation prononcée par le premier juge, relative à l'indemnisation des préjudices immatériels de la société Provac, la cour d'appel, qui a modifié le dispositif de la décision interprétée, a violé l'article 461 du code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir mis hors de cause la société SMABTP, en qualité d'assureur de la société Face Méditerranée ;
AUX MOTIFS QUE le premier juge a écarté la garantie décennale pour ne retenir que la responsabilité contractuelle de la société Dumez Méditerranée et de Patrick X..., en laissant une part de responsabilité aux maîtres de l'ouvrage ; que les maîtres de l'ouvrage n'ont pas été intimés, en conséquence, il est définitivement jugé que la garantie décennale n'est pas applicable ; (¿) que la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre, chargé d'une mission complète, est définitivement jugée à l'égard du maître de l'ouvrage, dans le cadre du partage de responsabilité opéré entre les constructeurs, par le premier juge, c'est à bon droit que le maître d'oeuvre a été condamné avec la SA Dumez Méditerranée à supporter, par moitié chacun, le montant des préjudices matériels liés aux brise-soleil ; Patrick X... est fondé à rechercher la responsabilité quasi délictuelle de la SA Face Méditerranée, qui a commis une faute dans la réalisation de son marché ; eu égard au fait que le maître d'oeuvre ait avalisé une commande différente de celle contractuellement prévue, alors que ce produit de remplacement ne présentait pas des caractéristiques techniques identiques à celles prévues par le CCTP, il y a lieu de condamner la SA Face Méditerranée à garantir Patrick X... à concurrence de la moitié des condamnations prononcées à son encontre au titre des préjudices matériels et immatériels liés aux brise-soleil ; pour les motifs développés ci-avant les demandes de garantie de Patrick X... et de la SA Face Méditerranée dirigées contre la SA Huppe Immobilier France et contre la SMABTP ne seront pas accueillies ;
ALORS QUE le juge qui décide de relever d'office un moyen, qu'il soit de fait ou de droit, doit respecter le principe de la contradiction en invitant les parties à présenter leurs observations ; que dès lors, en retenant d'office, pour considérer que l'inapplicabilité de la garantie décennale était devenue définitive et ainsi confirmer la mise hors de cause de la SMABTP, en qualité d'assureur de la société Face Méditerranée, que le premier juge avait écarté la garantie décennale au profit de la responsabilité contractuelle de la société Dumez Méditerranée et de M. X..., en laissant une part de responsabilité aux maîtres de l'ouvrage et que ces derniers n'avaient pas été intimés, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, en tout état de cause, QUE, sauf indivisibilité, caractérisée par l'impossibilité d'exécuter simultanément des décisions contraires à l'égard de deux parties, l'appel qui n'a été formé qu'à l'égard de l'une des parties en première instance est recevable ; que dès lors, en retenant, pour considérer que l'inapplicabilité de la garantie décennale était devenue définitive à l'égard de la SMABTP, en qualité d'assureur de la société Face Méditerranée et rejeter la demande en garantie formée par cette dernière, que le premier juge avait écarté la garantie décennale au profit de la responsabilité contractuelle de la société Dumez Méditerranée et de M. X..., en laissant une part de responsabilité aux maîtres de l'ouvrage, et que ces derniers n'avaient pas été intimés, sans constater l'existence d'une indivisibilité entre les maîtres de l'ouvrage et la SMABTP, la cour d'appel a violé les articles 553 du code de procédure civile.