La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2015 | FRANCE | N°14-10506

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 février 2015, 14-10506


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 15 novembre 2013), que Claude X..., salarié successivement de la Compagnie normande de l'industrie du bois (CNIB) de 1963 à 1974 ,et de la société Constructions mécaniques de Normandie (CMN) de 1977 à 2000 , a déclaré une maladie prise en charge par décision du 6 avril 2009 au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche (la caisse) ; que Claude X... étant décédé le 21 mars 2009 des conséquenc

es de cette maladie, ses ayants droit ont saisi une juridiction de sécur...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 15 novembre 2013), que Claude X..., salarié successivement de la Compagnie normande de l'industrie du bois (CNIB) de 1963 à 1974 ,et de la société Constructions mécaniques de Normandie (CMN) de 1977 à 2000 , a déclaré une maladie prise en charge par décision du 6 avril 2009 au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche (la caisse) ; que Claude X... étant décédé le 21 mars 2009 des conséquences de cette maladie, ses ayants droit ont saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de chacun des deux employeurs ;
Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les consorts X..., Jacquelin, Le Boisselier et Morel, la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et le ministre chargé de la sécurité sociale :
Vu l'article 978 du code de procédure civile ;
Attendu que la société Financière de Rosario s'est pourvue en cassation contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2013 ; que son mémoire dirigé contre les consorts X..., Jacquelin, Le Boisselier et Morel, la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et le ministre chargé de la sécurité sociale n'a pas été signifié à celui-ci dans le délai prévu audit article ;
D'où il suit que la déchéance partielle du pourvoi est encourue ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la société Financière du Rosario qui vient aux droits de la société CNIB, fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir à hauteur de 30,54 % la société CMN des condamnations prononcées au profit de la caisse, au titre de la maladie professionnelle et du décès de Claude X..., alors, selon le moyen :
1°/ que dans le cas où l'employeur n'utilise pas l'amiante comme matière première et ne participe pas à l'activité industrielle de fabrication ou de transformation de l'amiante, il appartient au juge du fond, qui ne peut pas faire état, pour la période antérieure au 17 août 1977, d'une réglementation spécifique à l'amiante applicable aux entreprises autres que les fabricants, de rechercher, pour s'expliquer sur la faute inexcusable, si l'employeur ne devait pas avoir, compte tenu de l'importance de son entreprise, de son organisation, de la nature de son activité et des travaux confiés au salarié, conscience du danger auquel celui-ci se trouvait exposé ; qu'en se bornant à énoncer, pour justifier que la société Cnib, entreprise de menuiserie industrielle, avait conscience, entre le 4 avril 1963 et le 31 mai 1974, du péril auquel Claude X... se trouvait exposé du fait des poussières d'amiante qu'il inhalait, qu'elle était « grande utilisatrice d'amiante », la cour d'appel, qui constate pourtant que Claude X... était affecté à des travaux de menuiserie, a violé les articles L. 452-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que dans le cas où l'employeur n'utilise pas l'amiante comme matière première et ne participe pas à l'activité industrielle de fabrication ou de transformation de l'amiante, il appartient au juge du fond, qui ne peut pas faire état, pour la période antérieure au 17 août 1977, d'une réglementation spécifique à l'amiante applicable aux entreprises autres que les fabricants, de rechercher, pour s'expliquer sur la faute inexcusable, si l'employeur ne devait pas avoir, compte tenu de l'importance de son entreprise, de son organisation, de la nature de son activité et des travaux confiés au salarié, conscience du danger auquel celui-ci se trouvait exposé ; qu'en affirmant, pour justifier que la société Cnib, entreprise de menuiserie, avait conscience, entre le 4 avril 1963 et le 31 mai 1974, du péril auquel Claude X... se trouvait exposé du fait des poussières d'amiante qu'il inhalait, que la société Cnib était « grande utilisatrice d'amiante », quand elle constate que Claude X..., qui était employé à des travaux de menuiserie, a inhalé de la poussière d'amiante en grattant les murailles de navire pour y fixer des meubles et en travaillant dans des ateliers où des aspirateurs « cobra » rejetaient des fibres d'amiante et donc que la société Cnib n'utilisait pas personnellement l'amiante pour exécuter les travaux qui lui étaient confiés, la cour d'appel, qui dé-duit un motif impropre à justifier sa décision, a privé sa décision de base légale sous le rapport des articles L. 452-2 et L. 461-1du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt énonce, d'une part, qu'en application des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs en veillant à éviter les risques, à évaluer les risques qui ne peuvent être évités et à adapter le travail de l'homme en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, d'autre part, que cette obligation de sécurité est une obligation de résultat et qu'y manquer constitue une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, le salarié devant, pour que cette faute soit reconnue apporter la preuve que son employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il relève, en premier lieu, que Claude X..., salarié de la société CNIB intervenante dans le secteur de la construction navale, travaillait en qualité de menuisier dans un atelier et à bord des bateaux pour leur aménagement intérieur, qu'il meulait et grattait les parois des navires revêtues d'un flocage amiante pour souder les pattes de fixation des meubles qu'il posait et qu'il travaillait dans un atelier dans lequel des aspirateurs rejetaient des poussières d'amiante, en deuxième lieu, qu'aucun moyen de protection n'avait été instauré ni renseignement sur la dangerosité du matériau donné aux ouvriers, enfin, que la société CNIB ne pouvait ignorer, même avant 1974, date de la fin du contrat entre elle et M. X..., la dangerosité spécifique de l'amiante, telle qu'elle résultait de la création le 31 août 1950 du tableau n° 30 des maladies professionnelles mentionnant l'asbestose et de la réglementation générale sur les poussières (Loi du 12 juin 1893, décret du 20 novembre 1904, décret du 13 décembre 1948) ;
Que de ces énonciations et constatations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des faits et éléments de preuve soumis à son examen , la cour d'appel a pu déduire que la société CNIB aux droits de laquelle vient la société Financière du Rosario avait commis une faute inexcusable à l'origine de la maladie professionnelle et du décès de Claude Rive et accueillir la faute inexcusable fondant l'action récursoire de la société CMN à son encontre ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE LA DECHEANCE PARTIELLE du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les consorts X..., Jacquelin, Le Boisselier et Morel, la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et le ministre chargé de la sécurité sociale ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Financière du Rosario aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour la société Financière de Rosario.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Financière du Rosario, laquelle vient aux droits et obligations de la société Compagnie normande de l'industrie du bois (Cnib), à garantir, dans la proportion de 30,54 %, la société Constructions mécaniques de Normandie (Cmn) contre les condamnations qu'elle a encourues au profit de la Cpam de la Manche en raison de sa faute inexcusable, laquelle a provoqué la maladie professionnelle puis le décès, le 21 mars 2009, de Claude X... ;
AUX MOTIFS QUE « M. Claude X..., né le 19 décembre 1941, a été employé en qualité de menuisier du 4 avril 1963 au 31 mai 1974 par la société Compagnie normande de l'industrie du bois (ou Cnib), puis du 1er juin 1974 au 30 juin 1977, par la société Ateliers de constructions navales de Cherbourg et enfin, du 1er juillet 1977 au 9 février 2000, par la société Constructions mécaniques de Normandie (Cmn) » (cf. arrêt attaqué, p. 3, 1er alinéa) ; que l'obligation de sécurité incombant à l'employeur « est reconnue aujourd'hui comme étant de résultat ; qu' y manquer constitue une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, le salarié devant, pour que cette faute soit reconnue apporter la preuve que son employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 2e alinéa) ; que « la Cmn, grande utilisatrice de ce matériau l'amiante ne pouvait ignorer, même si elle n'était ni productrice, ni transformatrice, la dangerosité spécifique de l'amiante, et ce, même avant le 17 août 1977, date à laquelle a été fixé par décret, le seuil de concentration moyenne en fibres d'amiante dans l'air inhalé par le salarié pendant sa journée de travail » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 9e alinéa) ; que « l'existence du contrat de travail entre M. X... et la Cnib étant établie, les attestations ci-dessus visées et plus amplement détaillées précédemment, ainsi que les propres déclarations de la victime lors de l'enquête de l'organisme social, démontrent que les conditions de travail du salarié ont toujours été les mêmes quel que soit l'employeur concerné, l'exposition à l'amiante résultant, d'une part, du flocage des navires dans lesquels travaillait la victime, meulant et grattant les parois pour souder les pattes de fixation des meubles qu'elle posait, et, d'autre part, de l'atmosphère des ateliers dans lesquels les aspirateurs "cobra" rejetaient les poussières » (cf. arrêt attaqué, p. 15, 3e alinéa) ; que, « quant à la conscience du danger qu'avait la société Cnib , elle résulte aussi de ce que la société Cnib, grande utilisatrice de l'amiante ainsi que cela résulte des documents ci-dessus analysés, ne pouvait ignorer, même avant 1974, date de la fin du contrat entre elle et M. X..., la dangerosité spécifique de l'amiante, telle qu'elle résulte des textes et études diverses précédemment évoqués » (cf. arrêt attaqué, p. 15, 6e alinéa) ; qu'« en conséquence, la faute inexcusable, telle qu'elle résulte de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, de la société Cnib, aux droits de laquelle se trouve la société Financière de Rosario, relativement à la maladie professionnelle de M. X... et au décès en résultant, doit être retenue » (cf. arrêt attaqué, p. 15, 8e alinéa) ;
1. ALORS QUE, dans le cas où l'employeur n'utilise pas l'amiante comme matière première et ne participe pas à l'activité industrielle de fabrication ou de transformation de l'amiante, il appartient au juge du fond, qui ne peut pas faire état, pour la période antérieure au 17 août 1977, d'une réglementation spécifique à l'amiante applicable aux entreprises autres que les fabricants, de rechercher, pour s'expliquer sur la faute inexcusable, si l'employeur ne devait pas avoir, compte tenu de l'importance de son entreprise, de son organisation, de la nature de son activité et des travaux confiés au salarié, conscience du danger auquel celui-ci se trouvait exposé ; qu'en se bornant à énoncer, pour justifier que la société Cnib, entreprise de menuiserie industrielle, avait conscience, entre le 4 avril 1963 et le 31 mai 1974, du péril auquel Claude X... se trouvait exposé du fait des poussières d'amiante qu'il inhalait, qu'elle était « grande utilisatrice d'amiante », la cour d'appel, qui constate pourtant que Claude X... était affecté à des travaux de menuiserie, a violé les articles L. 452-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;
2. ALORS QUE, dans le cas où l'employeur n'utilise pas l'amiante comme matière première et ne participe pas à l'activité industrielle de fabrication ou de transformation de l'amiante, il appartient au juge du fond, qui ne peut pas faire état, pour la période antérieure au 17 août 1977, d'une réglementation spécifique à l'amiante applicable aux entreprises autres que les fabricants, de rechercher, pour s'expliquer sur la faute inexcusable, si l'employeur ne devait pas avoir, compte tenu de l'importance de son entreprise, de son organisation, de la nature de son activité et des travaux confiés au salarié, conscience du danger auquel celui-ci se trouvait exposé ; qu'en affirmant, pour justifier que la société Cnib, entreprise de menuiserie, avait conscience, entre le 4 avril 1963 et le 31 mai 1974, du péril auquel Claude X... se trouvait exposé du fait des poussières d'amiante qu'il inhalait, que la société Cnib était « grande utilisatrice d'amiante », quand elle constate que Claude X..., qui était employé à des travaux de menuiserie, a inhalé de la poussière d'amiante en grattant les murailles de navire pour y fixer des meubles et en travaillant dans des ateliers où des aspirateurs "cobra" rejetaient des fibres d'amiante et donc que la société Cnib n'utilisait pas personnellement l'amiante pour exécuter les travaux qui lui étaient confiés, la cour d'appel, qui dé-duit un motif impropre à justifier sa décision, a privé sa décision de base légale sous le rapport des articles L. 452-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-10506
Date de la décision : 12/02/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 15 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 fév. 2015, pourvoi n°14-10506


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.10506
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award