La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2015 | FRANCE | N°14-10455

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 février 2015, 14-10455


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Adequat 046 du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1351 du code civil et 4-1 du code de procédure pénale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que, salariée intérimaire de la société Adequat 046 (l¿employeur), mise à la disposition de la société Cognac distribution (l'entreprise utilisatrice), Mme X

... a été victime d'un accident du travail survenu le 3 septembre 2008 ; que par jugement irré...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Adequat 046 du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1351 du code civil et 4-1 du code de procédure pénale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que, salariée intérimaire de la société Adequat 046 (l¿employeur), mise à la disposition de la société Cognac distribution (l'entreprise utilisatrice), Mme X... a été victime d'un accident du travail survenu le 3 septembre 2008 ; que par jugement irrévocable du 10 février 2011, un tribunal correctionnel a condamné l'entreprise utilisatrice du chef de blessures involontaires et relaxé l'employeur des poursuites du même chef ; que ce dernier a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande tendant à mettre à la charge de l'entreprise utilisatrice l'intégralité du capital représentatif de la rente attribuée à sa salariée ;

Attendu que, pour juger que la responsabilité de l'entreprise utilisatrice dans l'accident du travail n'était pas exclusive en raison de la commission par l'employeur d'une faute civile, l'arrêt retient qu'en application des dispositions des articles L. 1251-23 et L. 4321-4 du code du travail, ce dernier devait fournir à sa salariée des équipements de protection individuelle personnalisés, à savoir des chaussures de sécurité, qui auraient limité les conséquences de l'accident ; que c'était expressément prévu par les contrats de mise à disposition ;

Qu'en statuant ainsi, alors que pour prononcer la relaxe de l'employeur des poursuites du chef de blessures involontaires, par un motif qui était le soutien nécessaire de sa décision, la juridiction pénale avait constaté que l'existence d'une obligation de mise à disposition de sa salariée d'un équipement de protection individuelle n'était pas caractérisée en l'absence de mention expresse non ambiguë dans le contrat de mise à disposition, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la société Cognac distribution aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Adequat 046

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société ADEQUAT 046 de sa demande tendant à ce que l'intégralité du capital représentatif de la rente de Madame X... soit mise à la charge de l'entreprise utilisatrice, la société CODIS ;

AUX MOTIFS QU'« il résulte de la combinaison des articles L. 241-5-1 et R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale que le coût d'un accident est mis pour un tiers à la charge de l'entreprise utilisatrice et pour deux tiers à la charge de l'employeur juridique. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le juge procède à une répartition différente en fonction des données de l'espèce. La société Adequat 046, employeur juridique de Mme X..., relève que la responsabilité de l'entreprise utilisatrice, la société Codis, dans la survenance de l'accident de Mme X..., est exclusive de la sienne en se fondant sur la décision qui l'a relaxée des fins de la poursuite tandis que la société Codis a été reconnue coupable des faits qui lui étaient reprochés par jugement du tribunal correctionnel d'Angoulême du 10 février 2011. Mme Ludivine X... a été victime d'un accident du travail le 3 septembre 2008, dans les locaux de l'entreprise Leclerc, une palette de briques tombant sur sa cheville droite et lui occasionnant une fracture entraînant une incapacité totale de travail supérieure à trois mois. L'article 4-1 du code de procédure pénale dissocie la faute civile de la faute pénale non intentionnelle. L'entreprise de travail temporaire est soumise aux dispositions de l'article L. 1251-23 du code du travail aux termes duquel les équipements de protection individuelle sont fournis par l'entreprise utilisatrice, Toutefois, certains équipements de protection individuelle personnalisés, définis par convention ou accord collectif de travail, peuvent être fournis par l'entreprise de travail temporaire. De même, aux termes de l'article L. 4321-4 du code du travail, l'employeur met à disposition des travailleurs, en tant que de besoin, les équipements de protection individuels appropriés. En application de ces dispositions, la société Adequat 046, entreprise de travail temporaire, devait fournir à Mme X... des équipements de protection individuelle personnalisés, à savoir en l'espèce des chaussures de sécurité, qui auraient limités les conséquences de l'accident ainsi que l'a relevé l'inspecteur du travail. C'était expressément prévu par les contrats de mise à disposition et c'était également l'usage dans l'entreprise utilisatrice ainsi que cela résulte de l'enquête qui a été diligentée à la suite de l'accident. La responsabilité de la société Codis dans l'accident du travail dont a été victime Mme X... n'est donc pas exclusive et il n'y a pas lieu, -vu les données de l'espèce, de procéder à une répartition différente de celle prévue par la combinaison des articles L. 241-5-1 et R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale. La société Adequat 046 sera déboutée de ses demandes et le jugement déféré sera confirmé. Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Codis la totalité de ses frais irrépétibles. Il lui sera alloué la somme de 1.500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « le magasin Edouard LECLERC de COGNAC, société CODIS-HYPERMARCHES LECLERC, a fait appel à la Société ADÉQUAT 046 afin qu'elle lui trouve une personne pour pourvoir au remplacement temporaire d'une salariée absente ; que par contrat en date du 29 août 2008, la société ADÉQUAT 046 a mis à la disposition de la société Edouard LECLERC Mademoiselle Ludivine X... pour la période du 31 août 2008 au 6 septembre 2008 inclus ; que la mission confiée à cette dernière était « approvisionnement du magasin rayon charcuterie » et qu'au titre des équipements, il était prévu des « chaussures de sécurité » ; que le 3 septembre 2008, à Cognac, dans les locaux de l'entreprise COFIDIS, hypermarchés à l'enseigne LECLERC, Mademoiselle Ludivine X... a été victime d'un accident, une palette de briques de lait tombant sur sa cheville droite et lui occasionnant une fracture entraînant une incapacité totale de travail supérieure à trois mois ; qu'alors Mademoiselle Ludivine X... ne portait pas de chaussures de sécurité ; que l'inspection du travail dans son procès-verbal numéro 09/082 du 30 juin 2009 rapporte que la victime a déclaré « que les chaussures de sécurité ne lui avaient pas été remises car l'entreprise de travail temporaire n'avait pas de paire disponible dans sa pointure. Ces faits sont reconnus par l'entreprise de travail temporaire ADÉQUAT », qu'il est alors noté que « le fait de porter des chaussures de sécurité aurait pu limiter les conséquences de l'accident pour Mademoiselle X... » ; que le tribunal correctionnel d'Angoulême dans son jugement en date du 29 mars 2011, a reconnu coupable la société CODIS des infractions qui lui étaient alors reprochées et a relaxé la société ADÉQUAT 046 ; que la Caisse primaire d'assurance maladie de la Charente a pris en charge cet accident au titre des risques professionnels par décision en date du 24 mars 2008 ; qu'il a été attribué à Madame Ludivine X... un taux d'incapacité de 10 %, la société ADÉQUAT 046 voyant son compte employeur 2010 imputé d'un capital de rente de 39 631 ; que les dispositions prévues par l'article L. 241-5 du code de la sécurité sociale ne font pas obstacle à ce que le juge procède à une répartition différente de ce coût en fonction des données de l'espèce ; que l'article L. 412-6 du code de la sécurité sociale indique que « Pour l'application des articles L. 452-1 à L. 452-4, (faute inexcusable ou intentionnelle de l'employeur) l'utilisateur, le chef de l'entreprise utilisatrice ou ceux qu'ils se sont substitués dans la direction sont regardés comme substitués dans la direction au sens desdits articles, à l'employeur. Ce dernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l'action en remboursement qu'il peut exercer contre l'auteur de la faute inexcusable » ; que le contrat de mise à disposition signé en août 2008 mentionnait les caractéristiques du poste de Madame Ludivine X..., indiquant alors que les risques professionnels étaient liés au poste de travail et, qu'au titre des équipements, des chaussures de sécurité étaient nécessaires ; qu'en vertu de l'article L. 124-4-6 du code du travail, pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail, en particulier ce qui a trait à la sécurité, telles que déterminées par celles des mesures législatives, réglementaires et conventionnelles applicables au lieu de travail ; qu'aux termes de l'article R. 4321-1 du code du travail, il incombe à l'employeur de fournir aux salariés les équipements de travail nécessaires et appropriés afin de préserver leur santé et leur sécurité ; que cette obligation de sécurité incombe tant à l'entreprise utilisatrice qu'à l'entreprise de travail temporaire ; que le directeur du magasin dans lequel s'est produit l'accident indique aux services de police qu'en ce qui concerne le personnel « ils ont tous une paire de chaussures de sécurité... quand on embauche quelqu'un, c'est nous qui fournissons le matériel mais par contre quand ce sont des intérimaires, c'est la boîte d'intérim qui fournit » ; que le document produit et intitulé « remise des équipements de protection individuelle aux normes C.E. » a été signé le 14 août 2008 ; qu'il n'y est nullement fait état de ce que le moindre matériel ait été remis à Madame Ludivine X... ; qu'il est particulièrement regrettable que les sociétés CODIS et ADEQUAT 046 n'aient fourni au Tribunal que des photocopies, au surplus de très mauvaise qualité, et qu'une partie du contrat les liant ; que notamment seule la première page, en partie illisible du « contrat de mise à disposition » a été produite, d'ailleurs non signée par l'ensemble des intéressées, alors que le verso de cette pièce devrait comporter des éléments importants puisqu'il est écrit au recto de ce document « L'utilisateur soussigné déclare avoir pris connaissance des conditions générales de prestations figurant au verso qui font partie intégrante du présent contrat... » ; qu'il n'appartient pas au Tribunal de se substituer aux parties dans l'administration de la preuve et des pièces sur lesquelles elle entendent s'appuyer ; que la société ADEQUAT 046 ne rapporte pas le preuve que l'accident dont a été victime Mademoiselle Ludivine X..., le 3 septembre 2008, soit exclusivement imputable à une faute inexcusable de la société utilisatrice, la société CODIS ; que la société ADEQUAT 046 est déboutée de sa demande ; Attendu que les parties sont déboutées de leurs autres demandes » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le coût d'un accident du travail prévu par les articles L. 241-5-1 et R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale doit être intégralement mis à la charge de l'entreprise utilisatrice lorsque les manquements de cette dernière constituent la cause exclusive de l'accident et qu'aucune faute de l'entreprise de travail temporaire n'est établie dans la survenance de l'accident ; qu'en outre, si la déclaration par le juge répressif de l'absence de faute pénale non intentionnelle ne fait pas obstacle à la reconnaissance d'une faute inexcusable par la juridiction de sécurité sociale, la juridiction de sécurité sociale ne peut pas statuer en se fondant sur des considérations de fait qui méconnaîtraient ce qui a été définitivement jugé par la juridiction répressive ; qu'au cas présent, le tribunal correctionnel d'ANGOULEME avait, dans son jugement du 29 mars 2011 relaxant la société ADEQUAT 046 du chef de blessures involontaires, constaté que l'existence d'une obligation à la charge de cette entreprise de fournir à Madame X... des chaussures de sécurité n'était pas établie ; qu'en se fondant néanmoins sur la méconnaissance d'une telle obligation par la société ADEQUAT 046 pour la débouter de sa demande de nouvelle répartition du coût de l'accident du travail, la cour d'appel a violé les articles 4-1 du code de procédure pénale, L. 241-5-1 et R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'il résulte de l'article L. 1251-23 du code du travail que les équipements de protection individuelle sont fournis par l'entreprise utilisatrice et que certains équipements personnalisés, « définis par convention ou accord collectif de travail, peuvent être fournis par l'entreprise de travail temporaire » ; qu'il résulte de l'article L. 1251-43 du code du travail que le contrat de mise à disposition établi pour chaque salarié précise, le cas échéant, si des équipements de protection individuelle doivent être fournis par l'entreprise de travail temporaire ; qu'il résulte de ces textes que seule une stipulation expresse d'une convention ou d'un accord collectif ou du contrat de mise à disposition peut mettre à la charge de l'entreprise de travail temporaire l'obligation de fournir au salarié des équipements de protection individuelle ; qu'en reprochant à la société ADEQUAT 046 de ne pas avoir fourni à Madame X... des chaussures de sécurité, sans caractériser un texte conventionnel ou une stipulation du contrat de mise à disposition prévoyant une telle obligation à sa charge, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1251-23 et L. 1251-43 du code du travail ;

ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le coût d'un accident du travail prévu par l'article L. 241-5-1 du code de la sécurité sociale doit être intégralement mis à la charge de l'entreprise utilisatrice lorsque les manquements de cette dernière constituent la cause exclusive de l'accident et qu'aucune faute de l'entreprise de travail temporaire n'est établie dans la survenance de l'accident ; qu'au cas présent, il est constant que l'accident du travail était consécutif à la chute d'une palette imputable à des manquements de la société CODIS concernant l'encombrement récurrent des voies de circulation, l'absence de mesures prises pour éviter la présence conjointe d'engins et de personnel à pied, l'absence de mesures propres à empêcher la chute de charge et l'absence de formation sérieuse et appropriée ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'absence de chaussures de sécurité n'avait pas contribué à la survenance de l'accident mais aurait simplement « limité les conséquences de celui-ci » ; qu'en se fondant néanmoins sur la méconnaissance d'une telle obligation par la société ADEQUAT 046 pour la débouter de sa demande de nouvelle répartition du coût de l'accident du travail, la cour d'appel a méconnu les conséquences de ses propres constatations dont il s'évinçait que le manquement reproché à l'entreprise de travail temporaire n'était pas une cause nécessaire de l'accident, en violation des articles L. 241-5-1 et R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-10455
Date de la décision : 12/02/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 13 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 fév. 2015, pourvoi n°14-10455


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.10455
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award