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11/02/2015 | FRANCE | N°13-26390

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 février 2015, 13-26390


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un juge aux affaires familiales a prononcé le divorce de Mme X... et M. Y... sur le fondement de l'article 233 du code civil et débouté Mme X... de sa demande de prestation compensatoire ; que celle-ci a interjeté appel de la décision et demandé le report des effets du jugement de divorce entre les époux, quant à leurs biens, à la date de leur séparation de fait ainsi que la condamnation de M. Y... à lui payer une prestation compensatoire sous la forme d'un capital

et d'une rente mensuelle ;
Sur le second moyen, pris en sa première...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un juge aux affaires familiales a prononcé le divorce de Mme X... et M. Y... sur le fondement de l'article 233 du code civil et débouté Mme X... de sa demande de prestation compensatoire ; que celle-ci a interjeté appel de la décision et demandé le report des effets du jugement de divorce entre les époux, quant à leurs biens, à la date de leur séparation de fait ainsi que la condamnation de M. Y... à lui payer une prestation compensatoire sous la forme d'un capital et d'une rente mensuelle ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche, qui est préalable :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour fixer à 50 000 euros le montant de la prestation compensatoire allouée à Mme X..., la cour d'appel a énoncé que la date d'appréciation de la situation respective des époux était la date à laquelle elle avait été saisie dès lors que le divorce était devenu irrévocable en raison de l'appel limité aux mesures accessoires ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Mme X... avait interjeté un appel général, la cour d'appel a dénaturé l'acte d'appel et violé le texte susvisé ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, préalable à la première :
Vu l'article 262-1, alinéa 3, du code civil, ensemble l'article 566 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de Mme X... tendant au report des effets du divorce, entre les époux, quant à leurs biens, à une date antérieure à l'ordonnance de non-conciliation, l'arrêt énonce que cette demande est nouvelle en cause d'appel ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que la demande de report, accessoire à la demande en divorce, pouvait être présentée pour la première fois en appel dès lors qu'en présence d'un appel général, la décision de divorce n'avait pas acquis force de chose jugée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur la première branche de ce moyen :
Vu l'article 262-1, alinéa 3, du code civil ;
Attendu que, pour statuer comme il l'a fait, l'arrêt énonce encore que l'intérêt de cette demande n'est ni explicité, ni avéré ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors, d'une part, qu'il incombe à celui qui s'oppose au report de prouver que des actes de collaboration ont eu lieu postérieurement à la séparation des époux et que, si les conditions du report sont remplies, le juge ne peut le refuser que par une décision motivée, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel, Mme X... faisait valoir, sans être contredite, que M. Y... avait quitté le domicile conjugal à la fin du mois de janvier 2007 pour s'installer avec sa nouvelle compagne, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Y... à payer à Mme X... une prestation compensatoire en capital de 50 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jour où l'arrêt serait définitif, et rejeté la demande de Mme X... tendant à voir dire et juger que les effets du jugement de divorce entre les époux, quant à leurs biens, remonteraient au 31 janvier 2007, l'arrêt rendu le 16 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de Madame X... tendant à voir dire et juger que les effets du jugement de divorce entre les époux remonteront au 31 janvier 2007 ;
AUX MOTIFS Qu'il n'y a lieu de fixer les effets du divorce au 31 janvier 2007, l'intérêt de cette demande de Madame X..., nouvelle en cause d'appel, n'étant ni explicité, ni avéré ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond ne peuvent rejeter la demande de report des effets du divorce, fondée sur l'article 261-1 du Code civil, sans relever aucun élément justifiant la réalité de la collaboration des époux après la cessation de la cohabitation, cette dernière faisant présumer la cessation de la collaboration ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande de Madame X..., sur la circonstance totalement inopérante que l'intérêt de cette demande n'était ni explicité, ni avéré, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 261-1, alinéa 3, du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, Qu'à défaut de toute limitation dans la déclaration d'appel, la Cour d'appel est saisie du litige en son entier par l'effet dévolutif de l'appel ; que, par déclaration du 23 août 2011, Madame X... avait formé un appel général du jugement rendu le 14 juin 2011 par le Tribunal de grande instance de MULHOUSE, ce dont il résultait que la décision quant au divorce n'avait pas acquis autorité de la chose jugée ; qu'en énonçant néanmoins, pour rejeter sa demande de report des effets du divorce que cette demande était « nouvelle en cause d'appel », la Cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 562 et 566 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur Patrick Y... à payer à Madame Agnès X... un montant en capital de 50.000 euros à titre de prestation compensatoire, avec les intérêts au taux légal à compter du jour où l'arrêt sera définitif ;
AUX MOTIFS QUE la date d'appréciation de la situation respective des époux est celle du prononcé du divorce et non celle de la séparation de fait, en l'occurrence la date où la Cour a été saisie dès lors que le divorce est devenu irrévocable en raison de l'appel limité aux mesures accessoires ; qu'une prestation compensatoire s'appréciant concrètement, en fonction des critères de disparité existant entre les époux, et non de manière subjective, le comportement des époux au cours de la procédure, si indigne qu'il ait été, et les griefs qu'ils entretiennent l'un à l'égard de l'autre sont indifférents à l'octroi d'une telle prestation, a fortiori alors que les parties ont demandé à ce que le divorce soir prononcé de leur accord mutuel sans considération des faits à l'origine de la rupture ; que le jugement entrepris mérite donc infirmation en ce qu'il a écarté la demande de Madame X... pour des considérations étrangères aux conditions fixées par la loi pour l'octroi d'une prestation compensatoire ; que, concernant alors d'éventuels facteurs de disparité, la Cour relève, au vu des documents produits par les parties, que :- le mariage a duré 36 ans,- Madame X... a été licenciée en 2007 de l'emploi de comptable qu'elle occupait au sein de la société TELEC créée avec Monsieur Y... et dont elle est une des associés et elle n'a pas déclaré de revenus en 2009 et 2010 autres que la pension alimentaire versée par l'intimé ; depuis le 18 mai 2011 elle perçoit une pension d'invalidité d'un montant mensuel de 897 euros, 966 euros en 2012, qui n'entre pas dans la détermination de ses ressources dans le cadre de sa demande de prestation compensatoire aux termes de l'article 272, alinéa 2, du Code civil ;- selon un document produit par Monsieur Y..., Madame X... a aussi bénéficié du versement le 4 octobre 2010 de dividendes pour un montant de 13.475 euros ;- Monsieur Y... a déclaré auprès de l'administration des impôts un revenu mensuel moyen de 5.954 euros en 2010, augmenté de 318 euros de revenus fonciers qu'il indique ne pas avoir perçus, 5.343 euros en 2011 ;- Madame X... doit payer depuis un jugement du 8 février 2011 une indemnité d'occupation de 1.500 euros pour le logement qu'elle occupe, correspondant à l'ancien domicile conjugal, mais dont le bail est résilié depuis ce même jugement et elle justifie de diverses autres charges (assurance, électricité) pour environ 100 euros ;- Monsieur Y... évalue ses charges à plus de 5.800 euros mais en y incluant la pension alimentaire au titre du devoir de secours qu'il verse à son épouse et d'importants frais de déplacement qui ne sont pas justifiés ; il paie un loyer de 1.500 euros pour une maison de 225 m² et un leasing de 1.056 euros pour une voiture de luxe, une BMW X5, et expose environ 1.000 euros de charges courantes ; il était aussi redevable de 723 euros par mois d'impôt sur le revenu 2011 ;- à 60 ans et 9 mois, les droits à retraite de Monsieur Y... seront de 2.788 euros bruts par mois, ceux de Madame X... de 590 euros bruts ;- Madame X... justifie d'un état de santé dégradé puisqu'elle est sous traitement médical pour une récidive de cancer du sein ;que ces différents éléments sont suffisants pour établir une disparité entre les époux au moment de la rupture du mariage en matière de revenus, d'état de santé et de droits prévisibles à pension de retraite ; que cette disparité mérite d'être compensée par l'octroi à Madame X... d'une prestation en capital que la Cour fixe au montant de 50.000 euros ; que ce montant tient compte du fait que, sur le plan patrimonial, tous deux ont déjà bénéficié d'un montant d'environ 182.000 euros suite à la vente d'un immeuble commun, peu important l'usage qu'ils en ont fait, et disposent de droits équivalents dans les trois sociétés dont ils sont actionnaires et donc dans le futur partage de la communauté, pour lequel Monsieur Y... offre d'ores et déjà de racheter les parts sociales de Madame X... au prix de 174.000 euros évalué par l'expert désigné par le premier juge lors de l'ordonnance de non conciliation ; qu'il n'y a pas lieu par ailleurs d'octroyer à Madame X... une rente viagère mensuelle en sus du capital qui lui a été accordé, alors qu'elle ne remplit pas, au regard de ses droits à prestation compensatoire, les conditions prévues à l'article 276 du Code civil pouvant justifier à titre exceptionnel l'attribution d'une telle rente ;
ALORS, D'UNE PART, QUE, par déclaration du 23 août 2011, Madame X... a interjeté un appel général contre le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de MULHOUSE le 14 juin 2011 et que, dans ses conclusions d'appel, elle a formé une demande en report des effets du divorce ; qu'en énonçant que le divorce était « devenu irrévocable en raison de l'appel limité aux mesures accessoires », la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE, lorsque l'un des époux a interjeté un appel général, le principe même du divorce n'étant pas acquis, c'est au jour où ils statuent que les juges d'appel doivent se placer pour apprécier l'existence et l'étendue d'un droit à compensation ; que la Cour d'appel qui, après avoir fixé la prestation compensatoire due par l'époux à la somme de 50.000 euros, a énoncé que ce montant tenait compte du fait que chaque époux avait bénéficié d'un montant d'environ 182.000 euros suite à la vente d'un immeuble commun en 2002, « peu important l'usage qu'ils en ont fait », ne s'est pas placée au jour où elle statuait pour apprécier l'existence du droit de l'un des époux à bénéficier d'une prestation compensatoire et pour en fixer le montant et a, dès lors, violé les articles 270 et 271 du Code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la liquidation du régime matrimonial des époux étant égalitaire, il n'y a pas lieu, en l'absence de circonstances particulières, de tenir compte, pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal, de la part de communauté devant revenir à l'un des époux ; qu'en énonçant qu'il y avait lieu de prendre en compte, pour fixer le montant de la prestation compensatoire due à l'épouse, le fait que les époux disposent de droits équivalents dans les trois sociétés dont ils sont actionnaires et donc dans le futur partage de la communauté, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 270 et 271 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, Qu'en application de l'article 276 du Code civil, à titre exceptionnel, le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère ; que la Cour d'appel qui, après avoir constaté que l'épouse percevait une pension d'invalidité d'un montant mensuel de 966 euros en 2012, qu'elle devait payer une indemnité d'occupation de 1.500 euros pour son logement, outre diverses charges pour 100 euros, et qu'elle justifiait d'un état de santé dégradé, étant sous traitement médical pour une récidive de cancer du sein, a néanmoins jugé qu'elle ne remplissait pas, au regard de ses droits à prestation compensatoire, les conditions prévues à l'article 276 du Code civil, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations et a, dès lors, violé les dispositions du texte susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-26390
Date de la décision : 11/02/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 16 septembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 fév. 2015, pourvoi n°13-26390


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.26390
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