LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1116 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X..., qui bénéficiaient d'un bail commercial consenti par la société Le Belvédère et avaient acquis le fonds de commerce exploité dans les locaux loués, ont, le 6 septembre 2010, cédé ce fonds à la société Tai Bai Ju ; que celle-ci, ayant appris ultérieurement que le permis de construire afférent aux locaux avait été annulé, a assigné M. et Mme X...et la société Le Belvédère en nullité de l'acte de cession et paiement de diverses sommes ;
Attendu que, pour prononcer la nullité de la cession du fonds de commerce entre M. et Mme X...et la société Tai Bai Ju, condamner M. et Mme X...à restituer à cette dernière le prix de vente et les loyers payés jusqu'en février 2011 et à lui payer des dommages-intérêts et rejeter leur demande de remise en état des lieux et leurs autres demandes, l'arrêt retient que M. et Mme X...avaient été informés de la procédure administrative par l'assignation qui leur avait été délivrée le 22 juillet 2008 et rappelait expressément les motifs essentiels du jugement du tribunal administratif annulant le permis de construire modificatif " concernant le volume 2 intégré à la partie commerciale comprise dans ce même volume ", qu'ils devaient donc informer la société Tai Bai Ju de la contestation relative à l'emprise du droit au bail et que celle-ci n'aurait pas acquis le fonds de commerce si elle en avait eu connaissance, de sorte qu'en ne l'en informant pas, M. et Mme X...ont commis une réticence dolosive à l'égard de la cessionnaire, justifiant l'annulation de la cession ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans constater le caractère intentionnel de la réticence de M. et Mme X...à l'égard de la société Tai Bai Ju, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Tai Bai Ju aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR prononcé la nullité de la cession de fonds de commerce signée le 6 septembre 2010 entre les époux X...et la société Tai Bai Ju, condamné les époux X...à restituer à la société Tai Bai Ju le prix de vente soit la somme de 220. 000 ¿, à payer à la société Tai Bai Ju la somme de 100. 895, 55 ¿, à titre de dommages et intérêts, à rembourser à la société Tai Bai Ju les loyers payés depuis le 6 septembre 2010 et arrêtés au mois de février 2011 à la somme de 28. 704 ¿ et débouté M. et Mme X...de leur demande de remise en état des lieux et de leurs autres demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les époux X...ne remettent pas en cause la nullité de la cession du fonds de commerce consentie à la société Tai Bai Ju mais font valoir que seule la société Le Belvédère est à l'origine de la réticence dolosive tenant au défaut d'information donnée à l'acquéreur sur la procédure administrative alors en cours contre la société Bouygues Immobilier concernant le permis de construire l'ayant autorisée à transformer partie d'un local d'habitation en local commercial servant de cuisine au fonds de commerce contigu, qu'eux-mêmes n'ont été informés de cette procédure ni dans le bail qui leur a été consenti par la société Le Belvédère en 2006 ni dans l'avenant au bail, alors que la société Le Belvédère avait été informée du caractère non définitif du permis de construire dès l'acte de vente passé avec la société Bouygues Immobilier en 2004, qu'elle doit être considérée comme seule responsable vis-à-vis des preneurs s'agissant de la modification de la désignation des locaux, que bien que plusieurs échanges de courriers ont eu lieu entre la société Le Belvédère et le rédacteur de l'acte de cession, la société Le Belvédère n'a fourni aucun renseignement concernant la procédure administrative en cours, qu'à aucun moment alors que des travaux portant sur l'extracteur de fumées étaient envisagés, elle n'a fait état de cette procédure bien que la cour administrative d'appel venait de rendre le 1er octobre 2009 un arrêt confirmant le jugement du tribunal administratif annulant le permis de construire, que c'est en vain que la société Le Belvédère soutient que la cession lui est inopposable alors qu'elle lui a été notifiée, qu'elle a participé activement à toutes les étapes précédant la cession, qu'elle a reconduit le bail et perçu les loyers ; La société Tai Bai Ju soutient de son côté que les époux X...ont délibérément trompé la société en ne lui fournissant pas d'information sur la procédure pendante devant la justice administrative dont ils étaient eux-mêmes parfaitement informés, que la société Le Belvédère bien qu'elle ait eu plusieurs contacts avec le rédacteur de l'acte de cession ne lui a fourni aucune information sur la procédure en cours ; ils forment appel incident sur le montant de leur préjudice tel qu'évalué par le tribunal. L'appel des époux X...ne s'analyse pas en une demande de garantie de la bailleresse à leur égard ; ils sollicitent de la cour qu'elle dise que seule la société Le Belvédère a commis une réticence dolosive consistant en un défaut d'information quant à la procédure administrative portant sur la validité du permis de construire délivré à la société Bouygues Immobilier, alors qu'elle devait délivrer cette information à l'acquéreur au cours des entretiens qu'elle a eus avec l'avocat, rédacteur de l'acte de cession et qu'elle doit être tenue pour seule responsable des conséquences de l'annulation de la cession ; La société Le Belvédère réplique que la cession lui est inopposable dans la mesure où, au terme du bail, aucune cession ne pouvait avoir lieu tant que des loyers restaient dus, que les époux X...n'étaient pas à jour de leurs loyers, qu'au surplus, cette cession devait lui être signifiée par acte d'huissier conformément aux dispositions de l'article 1690 du code civil, ce qui n'a pas été le cas ; or le bail dispose en son article 19 qu'il est fait interdiction au preneur de céder son droit au bail si ce n'est au successeur dans son fonds de commerce et à la condition d'appeler le bailleur à ladite cession, de lui remettre une expédition ou un exemplaire de l'acte de cession pour lui servir de titre à l'égard du cessionnaire, aucun apport ou cession ne pouvant être fait s'il est dû des loyers par les preneurs. Informée de la promesse de cession par l'avocat rédacteur de l'acte de cession à venir puis appelée à intervenir à l'acte de cession, la société Le Belvédère lui a fait savoir successivement les 14 mai 2010 et 3 septembre 2010 que les époux X...lui restaient redevables de la somme de 37. 282 ¿ réduite à 35. 580, 59 ¿, demandant de bien vouloir procéder au séquestre de cette somme sur le prix de vente du fonds et l'informant dans le dernier courrier de ce qu'elle ne pourrait être présente le jour de la signature, précisant qu'elle était d'accord pour la signature d'un avenant au bail aux termes duquel elle s'engageait à ne pas procéder à la réévaluation triennale (du loyer) qui aurait dû avoir lieu en novembre 2006 et demandant à l'avocat de bien vouloir lui adresser une proposition de rédaction ; Le 13 septembre 2010, Me Y... avocat rédacteur de l'acte de cession adressait à la société Le Belvédère un exemplaire original enregistré de l'acte de cession intervenu le 6 septembre précédent entre les époux X...et la société Bai Tai Ju ; Il résulte des termes mêmes du courrier adressé par la bailleresse le 3 septembre 2010 que celle-ci, en agréant le cessionnaire comme nouveau locataire, tout en demandant de préserver ses droits par l'organisation du séquestre de la somme que les époux X...restaient lui devoir au titre des loyers, a implicitement mais nécessairement entendu renoncer à contester la cession pour le motif tiré de l'interdiction de toute cession au cas où il resterait dû des loyers : elle a été en outre et conformément aux dispositions du bail invitée à participer à l'acte et un exemplaire original et enregistré de celle-ci lui a été adressé de sorte que la cession lui est bien opposable. Elle fait cependant justement observer qu'elle est tiers par rapport à cette cession, comme l'a justement retenu le tribunal ; elle n'était donc elle-même débitrice à l'égard de l'acquéreur du fonds d'aucune obligation d'information, le droit au bail dont étaient titulaires les époux X...étant transféré au nouvel acquéreur en même temps que le fonds sans qu'il y ait eu la signature d'un nouveau bail et le fait pour la bailleresse d'avoir accepté le cessionnaire comme nouveau locataire n'emportant aucune obligation nouvelle pour le temps restant à courir du bail ; Les époux X...en revanche, s'ils n'étaient pas parties à la procédure administrative comme ils le font observer, en avaient été informés par l'assignation qui leur avait été délivrée le 22 juillet 2008 par le syndicat des copropriétaires qui rappelait expressément les motifs essentiels du jugement du tribunal administratif de Melun annulant à la demande d'un des copropriétaires le permis de construire modificatif demandé par la société Bouygues Immobilier concernant le volume 2 intégré à la partie commerciale comprise dans ce même volume. Ils devaient donc informer la société Tai Bai Ju de la contestation relative à l'emprise du droit au bail et en ne le faisant pas ont commis une réticence dolosive à l'égard de la cessionnaire justifiant l'annulation de la cession comme il a été exactement jugé.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. En l'espèce, les époux X...prétendent également ne pas avoir eu connaissance de cette procédure et il résulte ainsi de leurs propres écritures qu'ils n'ont pas informé la société Tai Bai Ju de cette procédure. Mais il ressort de l'assignation du 22 juillet 2008 produite par la société Le Belvédère qu'à cette date le syndicat des copropriétaires de la résidence La Belle Villière a assigné la société Le Belvédère, la société Bouygues Immobilier, Mme X...et M. X..., ce dernier à sa personne, aux fins de voir notamment :- condamner la société Le Belvédère à utiliser le local objet du permis de construire modificatif dans les conditions conformes au règlement de copropriété,- condamner la société Le Belvédère et tout occupant de son chef à cesser toute activité commerciale dans ledit local. Il est indiqué dans cette assignation que par jugement du 28 décembre 2007 le tribunal administratif de Melun a annulé le permis modificatif qui avait conduit à supprimer un logement et à inclure sa surface dans celle du local commercial. Par conséquent les époux X...avaient connaissance du litige portant sur le permis de construire modificatif et de la demande du syndicat des copropriétaires de faire cesser toute activité commerciale dans le local faisant partie du bail dont ils étaient titulaires. En n'informant pas la société Tai Bai Ju, cessionnaire du fonds de commerce comprenant ce bail, de l'existence de ce litige, ils ont commis une réticence dolosive.
ALORS QUE le dol suppose l'intention de tromper ; qu'en considérant que les époux X...avaient commis un dol lors de la cession du 6 septembre 2010 du fonds de commerce de restaurant La Note Bleue en n'informant pas la société Tai Bai Ju, cessionnaire, de la procédure administrative en cours ayant pour objet la validité du permis de construire modificatif tendant au changement de destination du local à usage d'habitation en local commercial au rez-de-chaussée, soit de l'emprise du bail commercial où était exploité ledit fonds, sans constater l'intention délibérée des époux X...de tromper leur contractant, ce que les époux X...contestaient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande subsidiaire des époux X...de voir condamner la société Le Belvédère à les garantir de toutes sommes auxquelles ils pourraient être condamnés envers la société Tai Bai Ju, ordonner la levée du séquestre de la somme de 103. 894, 63 ¿ dans les mains de Me Annabelle Y... et dire que M. et Mme X...reprendront le fonds de commerce cédé et verseront la somme de 220. 000 ¿ après déduction de la somme de 103. 894, 63 ¿ séquestrée dans les mains de Me Annabelle Y..., conseil de la société Tai Bai Ju ;
AUX MOTIFS PROPRES adoptés cités au premier moyen
1°) ALORS QU'à titre subsidiaire, les époux X...demandaient à la cour d'appel de condamner la société Le Belvédère à les garantir de toutes sommes auxquelles ils pourraient être condamnés envers la société Tai Bai Ju (conclusions signifiées le 22 octobre 2012, p 27 § 4) ; qu'en considérant que l'appel des époux X...ne s'analyse pas en une demande en garantie de la bailleresse à leur égard, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions des époux X...précitées en violation de l'article 4 du code de procédure civile et de l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS QUE lorsque la cession du fonds de commerce emporte cession du droit au bail, le bailleur est soumis à une obligation d'information à l'égard du preneur de la même manière que le cédant du fonds de commerce l'est à l'égard du cessionnaire ; qu'en considérant que tiers à l'acte de cession, la société Le Belvédère, bailleresse n'était pas débitrice d'une obligation d'information à l'égard de la société Tai Bai Ju, acquéreur du fonds, alors que celle-ci était également preneuse du droit au bail ce qui imposait au bailleur de l'informer sur la pérennité du contrat de bail, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
3°) ALORS QUE les époux X...faisaient valoir dans leurs conclusions que la société Le Belvédère, en qualité de bailleur était tenue de délivrer un local conforme à sa destination en application de l'article 1719 du code civil, ce qui n'a pas été le cas puisque le Conseil d'Etat a décidé que la destination d'une partie du local de la cuisine devait être à usage d'habitation et non à usage commercial ; que la société Le Belvédère était tenue de révéler cette situation à la société Tai Bai Ju qu'elle avait agréée selon les constatations mêmes de la cour d'appel ; qu'en écartant toute mise en jeu de la responsabilité de la société Le Belvédère dès lors que les époux X...auraient commis une réticence dolosive et que la société Le Belvédère était tiers à la cession et donc n'était pas débitrice à l'égard de l'acquéreur du fonds d'aucune obligation d'information sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné les époux X...à rembourser à la société Tai Bai Ju les loyers payés depuis le 6 septembre 2010 et arrêtés au mois de février 2011 à la somme de 28. 704 ¿
AUX MOTIFS QUE la société Tai Bai Ju est fondée à solliciter à raison de l'annulation de la cession le remboursement par les époux X...des loyers dont elle s'est acquittée auprès de la société Le Belvédère pour un montant de 28. 704 ¿ ;
ALORS QUE la nullité emporte l'effacement rétroactif du contrat et a pour effet de remettre les parties dans la situation initiale ; qu'en considérant que l'annulation de la cession du fonds de commerce autorisait la société Tai bai Ju, preneuse, à demander le remboursement des loyers payés aux époux X..., cédant du fonds de commerce alors que les loyers avaient été versés à la société Le Belvédère, bailleresse, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil.