LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 28 avril 2010), que le Centre régional de transfusion sanguine de Lille (le CRTS) a déposé le 8 février 1989, sous priorité du brevet français n° 88 07530 du 7 juin 1988, une demande de brevet européen intitulé « séparation chromatographique des protéines du plasma, notamment du facteur VIII, du facteur Von Willebrand, de la fibronectine et du fibrinogène », dit brevet CRTS, délivré le 26 avril 1995 et publié le 7 janvier 2004 sous le numéro 0 359 593, après rejet par l'Office européen des brevets de l'opposition formée par la société Octapharma AG (la société Octapharma) ; qu'en 1991, la société Octapharma a consenti au CRTS de Montpellier une licence de savoir-faire portant sur la préparation du facteur VIII ; qu'après avoir été autorisée à faire pratiquer dans les locaux du CRTS de Montpellier une saisie-contrefaçon sur la base de la demande de brevet CRTS, l'Association pour l'essor de la transfusion sanguine dans la région du Nord (l'AETS) a assigné la société Octapharma en contrefaçon ; que contestant la qualité à agir de l'AETS, la société Octapharma a soulevé l'irrecevabilité de sa demande ;
Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches :
Attendu que la société Octapharma fait grief à l'arrêt de rejeter sa fin de non-recevoir et de décider que l'AETS est titulaire du brevet déposé par le CRTS de Lille alors, selon le moyen :
1°/ que l'action en contrefaçon est exercée par le propriétaire du brevet, qui est celui au profit duquel le brevet a été délivré ; qu'après avoir constaté que le brevet avait été déposé par le CRTS de Lille et que l'AETS constituait « la personne morale de rattachement » du CRTS, « organisme agréé par l'Etat français sans être doté de la personnalité morale », la cour d'appel devait en déduire que seule l'AETS était légalement désignée pour déposer le brevet, de sorte qu'elle ne pouvait se prévaloir des droits sur un brevet déposé par une autre entité et dont elle n'était donc pas propriétaire ; qu'en décidant au contraire que l'AETS avait qualité pour agir en contrefaçon des droits protégés par le brevet, la cour d'appel a méconnu la portée de ses propres constatations et violé les articles L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle, 31 et 122 du code de procédure civile ;
2°/ qu'une demande de brevet, qui constitue un acte juridique unilatéral, ne peut être présentée que par une personne ayant la capacité juridique ; qu'en estimant que le CRTS de Lille avait pu valablement procéder au dépôt du brevet dont l'AETS avait pu ensuite devenir titulaire, tout en constatant que le CRTS n'avait pas la personnalité juridique, la cour d'appel ayant constaté que l'AETS avait décidé, comme elle en avait le pouvoir, de ne pas lui conférer une telle personnalité, d'où il résultait que le brevet avait été demandé par une entité dépourvue de la capacité pour accomplir un tel acte et que l'AETS ne pouvait se prévaloir de ce dépôt, affecté de nullité, la cour d'appel, a violé les articles L. 611-1, L. 614-2, L. 615-2, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle, 31 et 122 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que le brevet a été déposé par le CRTS de Lille et que l'AETS est la personne morale de rattachement du CRTS, organisme agréé par l'Etat français sans être doté de la personnalité morale, l'arrêt constate que l'AETS a décidé de ne pas lui conférer une personnalité juridique autonome puisque ses propres statuts stipulaient que l'objet de l'association était notamment de gérer le CRTS de Lille ; qu'il relève encore que la dénomination de CRTS est imposée par la loi ; qu'il retient enfin que l'AETS et le CRTS ne sont pas deux entités distinctes mais forment juridiquement une seule personne et que le CRTS n'est qu'un mode de désignation de l'AETS par l'effet de la loi pour l'activité de transfusion sanguine ; qu'en cet état, la cour d'appel a exactement retenu que l'AETS avait qualité pour agir en contrefaçon ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et cinquième branches, ni sur les deuxième et troisième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Octapharma AG aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à l'Association pour l'essor de la transfusion sanguine dans la région du Nord la somme de 3 000 euros ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour la société Octapharma AG
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR décidé que l'AETS était titulaire du brevet déposé par le CRTS de Lille, rejeté la fin de non-recevoir tirée par la société OCTAPHARMA du défaut de qualité à agir en contrefaçon de l'AETS et décidé qu'il y avait "parfaite équivalence dans la titularité du brevet entre l'AETS et le CRTS de Lille", que l'une ou l'autre de ces identités restait valablement utilisée dans les actes et qu'elle renvoyait au seul patrimoine de l'AETS ;
AUX MOTIFS QUE la qualité à agir en contrefaçon de l'AETS ne peut être sérieusement mise en cause au regard des dispositions de l'article L.615-2 du CPI qui la réserve au propriétaire du brevet qui, en l'espèce, a été déposé par le « Centre régional de transfusion sanguine de Lille » ; qu'elle est en effet la personne morale de rattachement du CRTS de Lille, organisme agréé par l'Etat français sans être doté de la personnalité morale ; qu'à la date du dépôt du brevet litigieux, la transfusion sanguine était régie en France par la loi du 21 juillet 1952 sur l'utilisation thérapeutique du sang humain, de son plasma et de leurs dérivés et du décret n° 54-65 du 16 janvier 1954 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 2 de ladite loi, qui ont organisé la création de centres de transfusion sanguine (CRTS) auxquels ils ont accordé le monopole de la préparation de ces produits, entités agréées par le ministère de la santé publique et de la population qui devaient nécessairement répondre à certaines conditions et notamment ne pouvaient être créées qu'à l'initiative de certaines personnes expressément désignées pouvant être de droit public (établissements publics) ou de droit privé (associations reconnues d'utilité publique ou déclarées dont les statuts avaient été approuvés par le ministre) ; que les textes fondateurs du CRTS ne les dotant pas en tant que tels de la personnalité juridique, il revenait à leurs créateurs de choisir une forme juridique leur accordant ou non celle-ci ; qu'en créant en 1972 le CRTS de Lille, l'AETS, association loi de 1901 déclarée dont les statuts ont été approuvés par le ministre de la santé le 19 septembre 1972, a décidé de ne pas lui conférer une personnalité juridique autonome puisque ses statuts stipulaient que l'objet de l'association était notamment de « gérer le CRTS de Lille », lequel dépendait d'elle, cette dénomination de CRTS étant, au surplus, imposée par la loi ; que l'AETS et le CRTS ne sont donc pas deux entités distinctes mais forment juridiquement une seule personne, le CRTS n'étant qu'un mode de désignation de l'AETS par l'effet de la loi pour l'activité de transfusion sanguine et les activités rattachées ; que l'AETS peut donc faire valablement valoir en justice les droits résultant du dépôt et de la délivrance du brevet litigieux EP 0 359 593 ; qu'elle est d'ailleurs depuis le 19 mai 2006 enregistrée au RNB sous cette dénomination de «Association pour l'essor de la transfusion sanguine dans la Région du Nord » comme titulaire dudit brevet avec une nouvelle adresse, inscription publiée au BOPI n° 06/28 du 14 juillet 2006 ; que c ette modification ne peut être critiquée, en droit, dès lors qu'elle est exclusive de toute fraude ; qu'elle ne constitue nullement un changement du titulaire initial mais seulement de sa dénomination pour mieux correspondre à la véritable situation juridique d'origine, ce que confirme au besoin le numéro de SIREN identique 783698129 ; qu'elle est motivée par l'incidence des réformes législatives successivement intervenues en janvier 1993, juillet 1998 et mars 2002 qui ont séparé les activités transfusionnelles et les activités de fractionnement initialement exercées par l'AETS sous la désignation obligatoire CRTS pour les confier à d'autres entités contrôlées par l'Etat ; que la qualité à agir ainsi reconnue à l'AETS rend inopérants les moyens présentés par la SA OCTAPHARMA AG tirés de l'irrégularité de la saisie-contrefaçon ainsi que de la demande de brevet et de sa délivrance, tout comme de leur nullité corrélative alléguée et étendue aux certificats complémentaires (arrêt attaqué pp. 10-11) ;
ALORS, d'une part, QUE l'action en contrefaçon est exercée par le propriétaire du brevet, qui est celui au profit duquel le brevet a été délivré ; qu'après avoir constaté que le brevet avait été déposé par le CRTS de Lille et que l'AETS constituait "la personne morale de rattachement" du CRTS, "organisme agréé par l'Etat français sans être doté de la personnalité morale", la cour d'appel devait en déduire que seule l'AETS était légalement désignée pour déposer le brevet, de sorte qu'elle ne pouvait se prévaloir des droits sur un brevet déposé par une autre entité et dont elle n'était donc pas propriétaire ; qu'en décidant au contraire que l'AETS avait qualité pour agir en contrefaçon des droits protégés par le brevet, la cour d'appel a méconnu la portée de ses propres constatations et violé les articles L.615-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, 31 et 122 du Code de Procédure civile ;
ALORS, d'autre part, QUE la modification de l'identité du titulaire d'un brevet dans le registre national des brevets tenu par l'INPI ne vaut pas reconnaissance d'un quelconque droit, l'INPI étant dépourvu de compétence juridictionnelle ; qu'en estimant que les droits de l'AETS sur le brevet litigieux ne pouvaient être contestés dès lors que cette association avait obtenu sans fraude son enregistrement au registre national des brevets comme titulaire de ce brevet quand la modification intervenue ne faisait pas grief et était sans effet sur les droits de l'AETS, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 2, alinéa 2, de la loi n° 52-854 du 21 juillet 1952, 1 et 2 du décret n° 5 4-65 du 16 janvier 1954, 31 et 122 du Code de Procédure civile ;
ALORS, de troisième part, QUE des modifications affectant la dénomination du titulaire du brevet ne peuvent être apportées au registre national des brevets que lorsqu'elles correspondent à un changement du nom du titulaire du brevet ou à la rectification d'une erreur matérielle ; qu'une personne distincte de l'auteur du dépôt ne peut, sous couvert d'une telle rectification, être investie dans les droits portant sur le brevet ; qu'en se fondant, pour décider que l'AETS avait qualité à agir en contrefaçon des droits protégés par le brevet déposé par le CRTS, sur l'inscription modificative relative à la dénomination du titulaire du brevet comme étant "l'association pour l'essor de la transfusion sanguine dans la région nord", modification qui ne correspondait ni à un changement de la dénomination de l'auteur du dépôt ni à la rectification d'une erreur matérielle, pour la raison que cette modification avait pour objet de mettre d'accord les mentions du registre national des brevets avec "la situation juridique d'origine" dans laquelle seule l'AETS avait la capacité de déposer le brevet, la cour d'appel a violé les articles L.611-8 et R 613-57 du Code de la Propriété Intellectuelle ;
ALORS, de quatrième part, QU'une demande de brevet, qui constitue un acte juridique unilatéral, ne peut être présentée que par une personne ayant la capacité juridique ; qu'en estimant que le CRTS de LILLE avait pu valablement procéder au dépôt du brevet dont l'AETS avait pu ensuite devenir titulaire, tout en constatant que le CRTS n'avait pas la personnalité juridique, la cour d'appel ayant constaté que l'AETS avait décidé, comme elle en avait le pouvoir, de ne pas lui conférer une telle personnalité, d'où il résultait que le brevet avait été demandé par une entité dépourvue de la capacité pour accomplir un tel acte et que l'AETS ne pouvait se prévaloir de ce dépôt, affecté de nullité, la cour d'appel, a violé les articles L.611-1, L.614-2, L 615-2 al 1er, du Code de la Propriété Intellectuelle, 31 et 122 du Code de Procédure civile ;
ALORS, enfin, QU'après avoir constaté que le CRTS de LILLE, créé par l'AETS, avait un budget autonome et des moyens propres, qu'il exerçait une activité propre (celle de la préparation du sang humain, de son plasma et de leurs dérivés), dont il avait légalement le monopole et pour laquelle il bénéficiait d'un agrément ministériel, et qu'il avait l'AETS pour "personne morale de rattachement", la cour d'appel devait en déduire que l'AETS et le CRTS constituaient deux entités distinctes, dont la seconde était dépourvue de la personnalité juridique dès lors que l'AETS avait choisi, comme elle en avait légalement le pouvoir, de ne pas lui conférer une telle personnalité ; qu'en décidant au contraire que l'AETS et le CRTS n'étaient pas deux entités distinctes mais formaient juridiquement une seule personne, le CRTS n'étant qu'un mode de désignation de l'AETS par l'effet de la loi, la cour d'appel a méconnu la portée juridique de ses propres constatations en violation des articles 2 alinéa 2 de la loi n° 52-854 du 21 juillet 1952 et des articles 1 et 2 du décret n° 54-65 du 16 janvier 1954.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR décidé que la société OCTAPHARMA AG avait porté atteinte au brevet européen n° 0 359 593 dans sa version B2 en passant un contrat de licence avec le CRTS de MONTPELLIER pour exploiter en lui payant des redevances un procédé de fabrication d'un concentré de Facteur VIII anti-hémophilique, viro-inactivé de très haute activité spécifique fabriqué par purification dans une colonne d'échange d'ions, présenté soit sous forme lyophilisée, soit sous une forme liquide et que le procédé de fabrication objet du contrat passé entre OCTAPHARMA AG et le CRTS de MONTPELLIER contrefaisait au sens de l'article L.613-3 b. du Code de la Propriété Intellectuelle les revendications 1, 2, 3, 5, 9 et 13 du brevet européen opposé n° EP 0 359 593 B2 dont l'AETS était titulaire et tel que maintenu sous forme modifiée par décision de la chambre de recours de l'OEB du 16 juillet 2003 ;
AUX MOTIFS QUE le contrat de licence de processus technologique facteur VIII conclu le 7 juin 1991 par OCTAPHARMA avec le CRTS de Lille a pour objet la transmission d'un savoir-faire destiné à l'obtention d'un « concentré de Facteur VIII anti-hémophilique viro inactivé de très haute activité spécifique », fabriqué par purification dans une colonne d'échange d'ions, présents sous forme lyophilisée soit sous forme liquide, fabriqué en utilisant totalement ou partiellement le savoir-faire décrit dans l'annexe 2 relative aux procédés de production permettant * la purification du produit fabriqué à partir d'une étape de cryoprécipitation avec un rendement correspondant à 50 % des unités internationales (UI) de facteur VIII contenues dans la pâte de cryoprécipité après remise en solution * la purification du produit en partant directement du plasma sans passer par l'étape de cryoprécipitation permettant d'obtenir un rendement correspondant à 40 % de UI de Facteur VIII contenues dans le mélange de départ, * la stabilisation du produit présenté sous forme liquide ou sous forme lyophilisée, obtenu à partir de pâte de cryoprécipité ou directement à partir du plasma pour une durée de 3 ans avec exclusivité sur le territoire de la France métropolitaine moyennant le versement de redevance de 1 F par UI de produit vendu basé sur le prix de vente de l'UI tel que publié au JO du 2 mars 1991 à 4,20 F l'UI TTC ; que le cahier technique contenant la description du procédé est annexé au procès-verbal de saisie contrefaçon et est reproduit aux pages 29 à 31 du jugement, auxquels il convient de se référer pour plus de précision ; que la comparaison de cette technique avec celle protégée par le brevet 0 359 593 dit brevet CRTS dans ses revendications 1, 2, 3, 5 et 9 (reproduites ci-dessus en page 12 de l'arrêt) prétendument contrefaites révèle qu'elle présente les mêmes caractéristiques essentielles ; que la revendication 1 du brevet protégé a pour objet un procédé permettant d'extraire du plasma des fractions enrichies en quatre protéines facteur VIII, fibrinogène, fibronectine et facteur von Willebrand destinées à la préparation de concentrés à usage thérapeutique qui comporte une étape spécifique de séparation par chromatographie grâce à laquelle par augmentations successives de la force ionique du tampon on obtient en un seul passage un taux de purification très important de chacune d'elles ; que cette chromatographie met en oeuvre une résine ayant une composition chimique et des propriétés de porosité et d'hydrophobie spécifiques conformément aux revendications 1 à 3 et selon ce qui est indiqué dans la description du brevet (item 0019) ; qu'une résine correspondant aux critères retenus est la résine Fractogel TSK DEAE 650 M utilisée selon l'exemple 1 du brevet ; qu'au vu des documents annexés au procès-verbal de contrefaçon, la résine utilisée selon le procédé donné en licence par la SA OCTAPHARMA AG est la résine Fractogel TSK DEAE 650 M et dans la même proportion (0,5 litre de fractogel par kg de précipité), même si la quantité est exprimée différemment (0,7 l de Fractogel pour 1,4 kg de cryoprécipité) ; que le tampon utilisé présente également une concentration en NaCl et donc une force ionique augmentée successivement, passant de 120 mM à 160 mM puis 250 mM ; que le fait que le procédé licencié par la SA OCTAPHARMA AG porte sur la fabrication d'un concentré de la seule protéine Facteur VIII alors que le brevet opposé porte sur la fabrication successive de 4 protéines biologiquement actives du plasma est sans incidence dès lors que son déroulement, tel qu'il figure aux pages 6/11 et 7/11 du document intitulé «production FVIII procédure de fabrication » assure bien une séparation des autres protéines, dans le filtrat (lgc, albumine, fibrinogène ETC) dans le premier éluat (protéines parasites) et dans le deuxième éluat qui sépare une fraction enrichie en facteur VIII, même si elles ne sont pas effectivement récupérées et quel qu'en soit le motif (intérêt médical et/ou économique insuffisant ou autre) ; que le procédé licencié reproduit, également, l'étape de prépurification de la matière de départ, la pâte de cryoprécipité, puisqu'après dissolution elle est traitée au gel d'alumine (cad oxyde d'aluminium), refroidie à 15 ° + 1 ° C s ous agitation constante, centrifugée immédiatement après refroidissement et le surnageant filtré, ce qui correspond exactement à la revendication n° 5 ; qu'il prévoit aussi l'inactivation virale du surnageant juste avant l'étape de chromatographie, comme dans la revendication n° 9 ; qu'il permet d'o btenir un concentré de facteur VIII de 200 Ul/mg ainsi que relevé sur le bulletin de contrôle du produit annexé au procès-verbal de saisie contrefaçon par référence à une norme mentionnée dans ce même document « sup. A 100 Ul/mg protéine », confirmé d'ailleurs par Mme Y..., mandatée par le directeur du CRTS pour assister aux opérations de saisie à la page 2, paragraphe 13 du PV intitulé « condition de rédaction du PV de saisie contrefaçon du 4/02/1993 » ; que ses concentrations en hémagglutinines anti-A et Anti B (inférieur à 1/64) lui confèrent la qualité isogroupe ; que le produit obtenu reproduit donc bien les caractéristiques de la revendication 13 ; que la SA OCTAPHARMA AG ne peut sérieusement affirmer que le procédé licencié constitue le savoir-faire de son brevet de 1986 complété pour l'étape de chromatographie de la demande de brevet de 1988 dit LECARSA, dont il diffère très sensiblement ; que le brevet 86 reposait pour l'essentiel sur une purification d'un cryo-précipité selon un processus de précipitation qui comporte une adjonction d'éthanol, plus précisément une addition d'éthanol aqueux au cryo-précipité en suspension (7 à 30 en poids/volume) alors que dans le procédé licencié l'éthanol a presque disparu (réduit à 1 %) ; que le brevet LECARSA comporte par rapport au procédé licencié une étape supplémentaire constituée d'un deuxième lavage avec le même tampon et une composition de tampons différente ; qu'ainsi, plusieurs des revendications du brevet dit CRTS peuvent se lire dans le procédé et le produit argués de contrefaçon ; que l'acte de contrefaçon est ainsi caractérisé au regard de l'article L.613-6 du CPI dès lors que la SA OCTAPHARMA a offert, postérieurement à la publication de la demande de brevet, l'utilisation sur le territoire français du procédé breveté et du produit objet de ce brevet sans pouvoir ignorer son caractère illicite en l'absence de consentement du propriétaire (arrêt attaqué pp. 14, 15, 16) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la ténacité d'OCTAPHARMA AG à s'opposer juridiquement à la validité du brevet déposé par l'AETS est incompréhensible dans le contexte des différences mises en évidence par la chambre des recours qui conclut à l'absence de démonstration du caractère innovant du procédé qu'OCTAPHARMA AG a tenté de breveter, en effet, alors qu'une constatation rapide de ces différences l'aurait protégé de l'action en contrefaçon OCTAPHARMA AG a déposé ce dossier de demande de brevet concurrent de celui de l'AETS qui 15 ans après sera jugé techniquement incomplet et non probant par la chambre des recours ; qu'après deux décennies de procédures et au vu des éléments de faits que ces procédures ont fait apparaître, il apparaît que la demande de brevet ainsi déposée par OCTAPHARMA au soutien de sa demande de brevet ne l'a été que pour tenter de créer artificiellement une antériorité ; que l'ensemble des examens comparatifs auquel il a été procédé par l'OEB, l'insuffisance démontrée des explications données par OCTAPHARMA AG sur l'efficacité du procédé qu'elle a exploité sous licence auprès du CRTS de MONTPELLIER, les éléments appréhendés lors de la saisie contrefaçon, démontrent qu' OCTAPHARMA AG a donné en licence au CRTS de MONTPELLIER un procédé strictement identique à celui de l'AETS, procédé dont elle connaissait la teneur et l'efficacité, et qu'elle n'a déposé une demande de brevet volontairement vague et incomplète que dans le double but d'abord de masquer le plus longtemps possible ces faits de contrefaçon et ensuite de se servir du dépôt de cette demande pour tenter d'obtenir une déclaration d'antériorité ou de forcer une transaction qui lui était économiquement favorable (jugement p. 34, al. 3 et 4) ;
ALORS, d'une part, QU'après avoir constaté que le contrat de licence conclu entre la société OCTAPHARMA et le CRTS de LILLE avait pour objet la transmission d'un savoir-faire destiné à l'obtention d'un « concentré de Facteur VIII anti-hémophilique, viroinactivé de très haute activité spécifique » et que la revendication 1 du brevet opposé n° 0 359 593 avait pour objet un proc édé permettant d'extraire du plasma des fractions enrichies de quatre protéines Facteur VIII, fibrinogène, fibronectine et facteur von Willebrand, la cour d'appel devait en déduire que le procédé donné en licence et le brevet opposé n'avaient pas le même objet de sorte que le procédé donné en licence n'était pas la contrefaçon du brevet ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu la portée de ses propres constatations en violation des articles L.613-3 b. et L.615-1 du Code de la Propriété Intellectuelle ;
ALORS, d'autre part, QU'en décidant que le procédé objet du contrat de licence conclu entre la société OCTAPHARMA et le CRTS de MONTPELLIER était la contrefaçon du brevet n° 0 359 593 sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur les différences affectant la composition des tampons d'élution utilisés dans le procédé donné en licence et dans le brevet, la cour d'appel, qui a elle-même relevé les différences de composition des tampons utilisés dans le brevet et dans le procédé protégé par le brevet LECARSA antérieur dont la société OCTAPHARMA faisait valoir que le procédé donné en licence reprenait les caractéristiques, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.613-3 b. et L.615-1 du Code de la Propriété Intellectuelle ;
ALORS, enfin, QU'après avoir constaté que la demande de brevet LECARSA avait été déposée le 27 mai 1988 et que le procédé argué de contrefaçon avait été donné en licence le 7 juin 1991, soit plusieurs années après, la cour d'appel ne pouvait décider que la demande de brevet n'avait été déposée que dans le brut de créer artificiellement une antériorité et de masquer la contrefaçon, sans méconnaître la portée de ses constatations en violation du principe fraus omnia corrumpit.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande de nullité des revendications 1, 2, 3, 5, 9 et 13 du brevet n°0 359 593 pour défaut de nouveauté et décidé que la société OCTAPHARMA AG avait porté atteinte à ce brevet dans sa version B2 en passant un contrat de licence avec le CRTS de MONTPELLIER pour exploiter en lui payant des redevances un procédé de fabrication d'un concentré de Facteur VIII anti-hémophilique, viro-inactivé de très haute activité spécifique fabriqué par purification dans une colonne d'échange d'ions, présenté soit sous forme lyophilisée, soit sous une forme liquide et que le procédé de fabrication objet du contrat passé entre OCTAPHARMA AG et le CRTS de MONTPELLIER contrefaisait au sens de l'article L.613-3 b. du Code de la Propriété Intellectuelle les revendications 1, 2, 3, 5, 9 et 13 du brevet européen opposé n° EP 0 359 593 B2 dont l'AETS était titulaire et tel que maintenu sous forme modifiée par décision de la chambre de recours de l'OEB du 16 juillet 2003 ;
AUX MOTIFS QUE ce brevet européen EP 0 359 593 B2 tel que publié le 7 janvier 2004 après opposition sous le titre « séparation chromatographique des protéines du plasma, notamment du facteur VIII, du facteur von Willebrand, de la fibronectine et du fibrinogène », objet de la pièce L 7 du bordereau de communication de l'AETS intégralement reproduit aux pages 13 à 19 du jugement auxquelles il convient de se référer pour plus de précisions, porte sur une invention qui concerne la séparation des protéines d'une fraction de plasma humain ou animal par chromatographie d'échange d'anions selon une technique permettant d'obtenir en une seule étape un taux de purification très important, notamment du facteur VIII, du fibrinogène et du f acteur von Willebrand ; que la mise à disposition de protéines du sang nécessite, pour leur utilisation à des fins thérapeutiques, des techniques de purification permettant d'obtenir des produits de haute pureté et totalement dépourvus de contaminants, notamment d'autres protéines ou de substances d'origine étrangère telles que des anticorps car il est essentiel dans le traitement de l'hémophilie A, de disposer de concentrés de facteur VIII de très haute pureté, les malades subissant des injections nombreuses et répétées de concentrés de facteur VIII et, simultanément, de quantités importantes de fibrinogènes et d'immunoglobulines qui peuvent induire des réponses immunitaires indésirables ; que les revendications, objet du litige, sont les suivantes : « 1) procédé de séparation des protéines Facteur VIII, fibrinogène, fibronectine et facteur von Willebrand du plasma humain ou animal et de préparation de concentrés desdites protéines à usage thérapeutique caractérisé en ce qu'il comporte les étapes suivantes :- on utilise comme matériau de départ la fraction du plasma cryoprécipitée - constituée essentiellement de fibrinogène, de fibronectine, de facteur von Willebrand et de facteur VIII - on soumet ledit cryoprécipité remis en solution aqueuse à une séparation unique par chromatographie sur une résine échangeuse d'anions dont la résine est un gel de type polymère, vinylique macroréticulé, capable de par ses propriétés de porosité et d'hydrophobicité de retenir le complexe Facteur VIII ¿ facture von Willebrand - et on récupère sélectivement les différentes protéines par des augmentations successives de la force ionique du tampon d'élution 2) procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que le gel de type polymère vinylique est du Fractogel ¿ TSK 3) procédé selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que le caractère échangeur d'anions de la résine est apporté par des groupements de type DAE greffés sur la matrice 5) procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 4 caractérisé en ce que la fraction de départ a subi un traitement de pré purification comprenant - un traitement à l'hydroxyde d'aluminium - un refroidissement à 14-16° - une cen trifugation et la récupération du surnageant 9) procédé selon lequel l'une quelconque des revendications 1 à 8 caractérisé en ce qu'on effectue un traitement d'inactivation virale en présence d'agents chimiques d'inactivation sur la fraction de plasma juste avant de la soumettre à l'étape de séparation chromatographique 13) concentré de Facteur VIII susceptible d'être obtenu par le procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 9 caractérisé en ce qu'il présente une activité spécifique au moins égale à 100Ul/mg de protéines et qu'il est de qualité assimilable à celle d'un concentré isogroupe» ; que la SA OCTAPHARMA n'établit nullement l'absence de nouveauté et d'activité inventive de ce brevet qui conditionnent sa validité ; qu'en l'absence de production d'éléments de fait distincts de ceux présentés dans le cadre de son opposition, la décision de la chambre de recours de l'OEB en date du 16 juillet 2003 même si elle ne lie pas la juridiction française et n'a aucune valeur juridique pour elle peut, par ses constatations et énonciations, être prise en compte et servir de base pour l'analyse de ces moyens ; qu'au titre de la nouveauté qui s'apprécie par rapport à l'état de la technique constitué, selon l'article L.611-11 alinéa 2 du CPI, pour tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par description écrite ou orale ou tout autre moyen, la SA OCTAPHARMA AG invoque exclusivement en cause d'appel la divulgation du procédé revendiqué pour la fabrication du facteur VIII par sa propre demande de brevet déposée le 27/05/1988 et publiée le 29/11/1989 sous le numéro EP 343 275 dit brevet LECARSA (soit déposée antérieurement et publiée postérieurement à la date de dépôt du brevet mis en cause) qui constitue la pièce 6.3 du bordereau de communication de cette partie et est intégralement reproduit aux pages 19 à 22 du jugement, auxquelles il convient de se référer pour plus de précisions ; qu'intitulé « procédé de préparation d'un facteur antihémophilique hautement purifié exempt de virus au moyen de chromatographie », le brevet LECARSA explique que les procédés de préparation de facteur VIII connus jusqu'à présent ne fournissent que de faibles quantités de substances actives, que le patient est soumis à de grandes quantités de substances antigéniques de sorte que ces procédés ne sont pas sans inconvénients ; que la revendication est la suivante : Procédé de préparation d'un facteur anti-hémophilique (AHF ou facteur VIII) hautement purifié, exempt de virus après prépurification d'un cryoprécipité par extraction avec de l'eau contenant de l'héparine et addition d'hydroxyde d'aluminium et après traitement avec des solvants/détergents organiques biocompatibles, caractérisé en ce qu'après l'élimination des virus, l'échantillon est soumis à une chromatographie par perméation de gel sur une matière échangeuse d'ions ; qu'aux termes d'une comparaison et d'une analyse particulièrement technique la chambre des recours de l'OEB a conclu le 16 juillet 2003 à la nouveauté du procédé breveté par l'AETS ; sa motivation a été reproduite aux pages 22 à 27 du jugement entrepris qui l'a entérinée pour rejeter la demande de nullité du brevet dit brevet CRTS ; que cette disposition doit être approuvée dès lors qu'à la lecture de cette décision de juillet 2003 et à l'étude des pièces produites, qu'aucune nouvelle donnée technique ne vient contredire, la demande de brevet LECARSA ne contient pas les même étapes et n'utilise pas les mêmes tampons que le brevet CRTS de sorte que les procédés ne peuvent être assimilés ; qu'en effet, les différences suivantes peuvent être mises en évidence entre les deux procédés : - le tampon A de charge et de lavage de la colonne ne contient pas de lysine dans la demande de brevet LECARSA alors que 20mM lysine sont présent dans celui du brevet CRTS - après la charge de l'échantillon, la colonne est lavée avec le tampon A ne contenant que 0,11 M Na Cl dans le brevet LECARSA alors que la première élution est pratiquée immédiatement après la charge avec un tampon contenant 0,15 Ml Na Cl dans le brevet CRTS - le 1er tampon d'élution dans le brevet CRTS contient donc 0,15 M Na Cl et 20 Mm glycine alors que le brevet LECARSA utilise le tampon B correspondant avec 0,16 M NaCl et dépourvu de lycine - le 2ème tampon d'élution du brevet CRTS contient 0,25 M NaCl, 120 Mm glycine et 20 mM lysine, 1 mM de Ca C 12 alors que le tampon C du brevet LECARSA contient la même quantité de Nacl mais seulement 80 mM glycine et 16 mM lysine et 2,5 mM CaC12 - le brevet LECARSA présente une étape de dilution du FVIII avec un tampon E identique au tampon C à l'exception de l'absence de Na Cl et une étape de stérilisations sur membrane, qui sont absentes du procédé du brevet CRTS , qu'ainsi le brevet LECARSA ne divulgue pas la revendication 1 du brevet mis en cause ni les revendications 2, 3, 5 et 9 de ce même brevet qui sont dans la dépendance de la revendication 1 ; que de même les produits obtenus ne peuvent être considérés comme identiques puisque le brevet LECARSA ne donne aucune valeur d'activité spécifique qui aurait pu permettre une comparaison directe ; qu'ainsi, le brevet LECARSA ne divulgue pas davantage la revendication 13 du brevet mis en cause ; qu'aucune des revendications critiquées de la demande de brevet dit CRTS ne se retrouvant toute entière dans le brevet 343 275 dit LECARSA avec les mêmes éléments constitutifs, la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique, le brevet litigieux doit être considéré comme satisfaisant à l'exigence de nouveauté en l'absence d'antériorité de toutes pièces (arrêt attaqué p. 11 al. 4 et s., p. 12 et p. 13 al. 1 à 5 ) ;
ALORS QUE pour déterminer si une invention est nouvelle, il faut rechercher si l'invention revendiquée est ou non comprise dans l'état de la technique ; que l'étendue de la protection revendiquée étant déterminée par la teneur des revendications, une invention n'est pas nouvelle lorsque les caractéristiques essentielles, telles que définies par les revendications, se retrouvent tout entières dans une seule antériorité ; que pour décider que le brevet LECARSA invoqué à titre d'antériorité ne divulguait pas l'invention protégée par le brevet n° 0 359 593, la cour d'appel a mis en évidence un certain nombre de différences entre les deux procédés toutes empruntées à des exemples de réalisation de chacune des inventions et étrangères aux seuls termes des revendications du brevet en cause, qui portaient également, en vue de l'élaboration du Facteur VIII, sur un cryo-précipité, composé essentiellement de fibronectine, de fibrinogène, du facteur von Willebrand et du Facteur VIII, ce cryo-précipité étant soumis, après dissolution, à une phase de séparation par chromatographie sur Fractogel, le Facteur VIII étant isolé grâce à l'augmentation progressive de force ionique du tampon d'élution ; qu'en statuant ainsi par des considérations inopérantes, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 54, 84 et 138 de la Convention de Munich du 5 novembre 1973 sur le brevet européen.