LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort (tribunal d'instance de Chambéry, 8 octobre 2013), que se plaignant de dégâts occasionnés à ses vignes par des lapins de garenne en nombre excessif, l'EARL de la Gerbelle (la société) a engagé une action en indemnisation de ses dommages à l'encontre de l'association communale de chasse agréée de Chignin (l'ACCA), titulaire de droit de chasse sur les parcelles de la société ;
Attendu que l'ACCA fait grief au jugement de la condamner à payer à la société une certaine somme, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une association communale de chasse agréée, qui a notamment pour but d'assurer la régulation des animaux nuisibles, ne peut être tenue pour responsable des dégâts causés par des gibiers en nombre excessif que s'il est démontré qu'elle a commis une faute à l'origine de la prolifération du gibier ; qu'en déduisant du seul fait que le nombre de lapins tués au cours de l'année 2010-2011 était inférieur au nombre de deux cents prélèvements autorisés par l'arrêté préfectoral prévu pour limiter la prolifération de cette espèce, elle avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la société, le tribunal n'a pas caractérisé la faute imputée à son encontre et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ que la responsabilité de l'association de chasse peut être limitée lorsque sa faute n'est pas la cause exclusive et unique du dommage ; qu'en décidant de la déclarer entièrement responsable des dommages causés par les lapins de garenne à la société, motif pris qu'il ressortait des constatations du rapport amiable reprises par le rapport d'expertise judiciaire que les lapins de garenne provenaient de parcelles situées exclusivement sur son territoire de chasse, après avoir pourtant constaté que ces mêmes rapports démontraient, que le gibier provenait pour partie également de parcelles situées sur le territoire de la commune de Saint-Jeoire-Prieuré où elle ne pouvait intervenir, de sorte que, pour être efficace, la régulation des lapins aurait nécessairement dû faire l'objet d'une démarche globale sur les différents territoires, ce dont il résultait qu'à la supposer établie, sa responsabilité devait être nécessairement limitée à l'égard de la société, à l'instar de la responsabilité partielle retenue à l'égard de M. Y..., le tribunal a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que le jugement retient que sur le secteur " La Gerbelle ", il y a une présence de lapins de garenne en nombre excessif ; que l'ACCA n'a pas mis en oeuvre tous les moyens nécessaires pour prévenir la prolifération de gibier nuisible ; qu'une faute consistant en une pression de chasse insuffisante doit ainsi être retenue à son encontre ; que les lapins de garenne proviennent de parcelles contiguës à celle du demandeur et qui se situent exclusivement sur le territoire de chasse de l'ACCA ; que la présence de maisons d'habitation à moins de 250 mètres de la parcelle endommagée par le gibier et l'interdiction de chasser dans certains territoires en application de l'article L. 422-10 du code de l'environnement n'excluent pas la mise en oeuvre d'opérations de destruction sur ces territoires par l'ACCA, entièrement responsable à l'égard de la Gerbelle ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve soumis aux débats, le tribunal a pu décider que l'ACCA avait, à l'exclusion de tout autre, commis une faute directement à l'origine des dégâts subis par la société ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association communale de chasse agréée de Chignin aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'association communale de chasse agréée de Chignin ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour l'association communale de chasse agrée de Chignin
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné l'Association Communale de Chasse Agréée de Chignin à payer à l'EARL de La Gerbelle la somme de 3. 370 euros ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la responsabilité de l'ACCA de CHIGNIN Que selon l'article L. 422. 2 du code de l'environnement, " les associations communales et intercommunales de chasse agréées ont pour but d'assurer une bonne organisation technique de la chasse. Elles favorisent sur leur territoire le développement du gibier et de la faune sauvage dans le respect d'un véritable équilibre agro-sylvocynégétique, l'éducation cynégétique de leurs membres, la régulation des animaux nuisibles et veillent au respect des plans de chasse en y affectant les ressources appropriées en délivrant notamment des cartes de chasse temporaire. Elles ont également pour objet d'apporter la contribution des chasseurs à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages. Leur activité s'exerce dans le respect des propriétés, des cultures et des récoltes, et est coordonnée par la fédération départementale des chasseurs. Les associations communales et intercommunales de chasse agréées collaborent avec l'ensemble des partenaires du monde rural " ; Vu les articles 1382 et 1383 du code civil ; Qu'en application de ces dispositions, le titulaire d'un droit de chasse peut être déclaré responsable des dommages causés par le gibier si ce gibier est en nombre excessif et si, par sa faute ou sa négligence, il a soit favorisé sa multiplication, soit omis de prendre les mesures propres à assurer sa destruction ;- à l'égard de Monsieur Gilles Y...: Qu'au terme de ses opérations d'expertise, Monsieur Z...conclut, nonobstant l'absence de comptage fiable sur ce type de gibier libre, à la présence excessive de lapins de garenne en 2010-2011 compte tenu de la délivrance en 2010 d'une autorisation préfectorale de chasser au furet hors période de chasse et d'un arrêté de tir de nuit pour 200 lapins ; que l'existence d'un nombre excessif de lapins sur le début de l'année 2011 sur le secteur du " Bourdeau " est également confirmée par Monsieur Michel A..., commis par la compagnie d'assurance des demandeurs, dans ses rapports d'expertises amiables des 30 mai 2011 et 20 octobre 2011 ; que la faute imputée à l'ACCA de CHIGNIN par Monsieur Gilles Y..., et consistant en la réalisation de lâchers de gibier, n'est corroborée par aucun élément et n'est pas constatée par l'expert ; que la responsabilité de la défenderesse ne peut donc être engagée de ce chef ; qu'en revanche, l'ACCA de CHIGNIN est tenue, en tant que détenteur d'un droit de chasse, de veiller à la régulation des nuisibles, dont fait partie le lapin de garenne ; que le tableau des prélèvements de lapins de garenne sur l'année 2010-2011 met en exergue que la défenderesse a procédé à 85 prélèvements ; que si ce nombre est effectivement plus important que les années précédentes, il n'en demeure pas moins bien inférieur au nombre de 200 prélèvements autorisés par l'autorité préfectorale sur cette période, prévu pour limiter la prolifération de l'espèce ; que Monsieur Z...retient qu'une " faible pression de chasse de ce gibier peut être un élément qui a favorisé son développement dans un environnement qui lui était particulièrement favorable " ; que Monsieur A...relève quant à lui que l'ACCA de CHIGNIN ne semble pas disposer des chasseurs de lapins nécessaires afin de réguler la population de lapins et de la maintenir en dessous du seuil où les dégâts dont acceptables pour les viticulteurs » ; qu'il doit ainsi en être déduit que l'ACCA de CHIGNIN n'a pas, sur la période litigieuse, opéré une pression de chasse suffisante pour endiguer la prolifération du gibier, omission constitutive d'une faute ; qu'ainsi, si une faute peut être imputée à l'association de chasse, il convient de rechercher si elle est la cause exclusive et unique de la présence en nombre excessif du gibier et, partant, des dommages ; que Messieurs Z... et A...soulignent tous deux que la proximité immédiate de secteurs boisés, de talus en partie embroussaillés et d'empierrement constituait un biotope favorable à l'habitat du lapin de garenne ; qu'il ne peut cependant être reproché à Monsieur Gilles Y...d'avoir implanté ses vignes dans ce biotope puisque la composition du milieu biologique ne peut venir réduire le droit du demandeur d'exploiter les cultures de son choix ; que force est en outre de relever que Monsieur Gilles Y...a protégé ses parcelles de clôtures grillagées afin de limiter tout risque de dommage causé à ses vignes ; Aucune faute ne pouvant être retenue à l'encontre de Monsieur Gilles Y..., l'ACCA de CHIGNIN ne peut prétendre à être exonérée de sa responsabilité de ce chef puisqu'il lui appartenait de cibler les secteurs propices aux actions de chasse du lapin de garenne ; qu'il y a lieu en revanche d'apprécier la provenance du gibier à l'origine des désordres ; qu'à l'instar du constat effectué tant par Monsieur Z...que par Monsieur A..., il ressort que le gibier provenait-quoique difficile que soit par nature la détermination de cette provenance pour partie de parcelles et masses boisées situées sur le territoire de chasse de l'ACCA de CHIGNIN (dont une des parcelles mêmes du demandeur portant le n° 5) et pour partie de parcelles situées sur la commune de Saint Jeoire Prieuré ; que Monsieur Z...souligne que, " dans ce contexte de proximité communale, pour être efficace, la régulation de la population de lapins de garenne doit faire l'objet d'une démarche globale sur les différents territoires " ; que, dès lors que l'ACCA de CHIGNIN ne pouvait intervenir sur le territoire de Saint Jeoire Prieuré d'où provenait une partie du gibier, il convient par conséquent de réduire sa responsabilité à 50 % ;- à l'égard de l'EARL de La Gerbelle : Qu'il ressort des rapports d'expertise amiable et judiciaire qu'il a été constaté, sur le secteur " LA GERBELLE ", une présence de lapins de garenne en nombre excessif ; que suivant le même raisonnement que ci-dessus, il est avéré que la défenderesse n'a pas mis en oeuvre tous les moyens nécessaires pour prévenir la prolifération de gibier nuisible ; qu'une faute consistant en une pression de chasse insuffisante doit ainsi être retenue à son encontre ; que quant à la provenance du gibier, les constatations de Monsieur A...figurant à son rapport du 30 mai 2011, et reprises par l'expert Z..., conduisent le tribunal à retenir que les lapins de garenne proviennent de parcelles contigües à celle du demandeur et qui se situent exclusivement sur territoire de chasse de l'ACCA de CHIGNIN ; que contrairement à ce que prétend Monsieur Z..., la présence de maisons d'habitation à moins de 250 mètres de la parcelle C 213 endommagées par le gibier et l'interdiction de chasser dans certains territoires en application de l'article L. 422-10 du code de l'environnement n'exclut pas la mise en oeuvre par 1'assocation de chasse d'opérations de destruction sur ces territoires ; que l'ACCA de CHIGN1N sera ainsi déclarée entièrement responsable à l'égard de I'EARL LA GERBELLE ;- Sur les demandes de réparation Qu'il convient d'apprécier les dommages subis par les demandeurs ainsi que leur évaluation à l'aune du rapport d'expertise établi par Monsieur Z..., à l'égard duquel les parties ne formulent aucune critique ; que dans le cadre de ses opérations d'expertise, Monsieur Z...a constaté l'existence de dommages causés par les lapins de garenne aux vignes des demandeurs, se matérialisant par l'abroutissement des pousses basses et par le sectionnement de nombreuses pousses sur les jeunes plants, et conduisant à empêcher la production des plants dans leur partie basse et à créer un développement de rejets anarchiques nécessitant de nouvelles tailles de formation ; que l'expert prend ainsi en considération les préjudices suivants : la perte de rendement sur la récolte 2011, le coût de remplacement des plants, le coût de deux tailles de formation et le coût de deux ans de retour de production ; que la nature et l'ampleur des dommages, présentant un caractère exceptionnel comme souligné par Monsieur A..., ne sont pas remises en cause par les parties ; ¿- sur l'indemnisation de l'EARL LA GERBELLE Que compte tenu des éléments qui précèdent et de l'évaluation de l'expert judiciaire, il convient de fixer à la somme de 3. 370 ¿ le préjudice total subi par la défenderesse ; qu'eu égard à la pleine responsabilité de l'ACCA de CHIGNIN dans la survenance de ces dommages, il convient de la condamner à payer à l'EARL LA GERBELLE la somme de 3. 370 ¿ en réparation de son préjudice » ;
ALORS QU'une association communale de chasse agréée, qui a notamment pour but d'assurer la régulation des animaux nuisibles, ne peut être tenue pour responsable des dégâts causés par des gibiers en nombre excessif que s'il est démontré qu'elle a commis une faute à l'origine de la prolifération du gibier ; qu'en déduisant du seul fait que le nombre de lapins tués au cours de l'année 2010-2011 était inférieur au nombre de 200 prélèvements autorisés par l'arrêté préfectoral prévu pour limiter la prolifération de cette espèce, que l'ACCA de Chignin avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de l'EARL de La Gerbelle, le tribunal n'a pas caractérisé la faute imputée à l'association de chasse, et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la responsabilité de l'association de chasse peut être limitée lorsque sa faute n'est pas la cause exclusive et unique du dommage ; qu'en décidant de déclarer l'ACCA de Chignin entièrement responsable des dommages causés par les lapins de garenne à l'EARL de La Gerbelle, motif pris qu'il ressortait des constatations du rapport amiable reprises par le rapport d'expertise judiciaire que les lapins de garenne provenaient de parcelles situées exclusivement sur le territoire de chasse de l'ACCA de Chignin, après avoir pourtant constaté que ces mêmes rapports démontraient, que le gibier provenait pour partie également de parcelles situées sur le territoire de la commune de Saint Jeoire Prieuré où l'ACCA de Chignin ne pouvait intervenir, de sorte que, pour être efficace, la régulation des lapins aurait nécessairement dû faire l'objet d'une démarche globale sur les différents territoires, ce dont il résultait qu'à la supposer établie, la responsabilité de l'ACCA de Chignin devait être nécessairement limitée à l'égard de l'EARL de La Gerbelle, à l'instar de la responsabilité partielle retenue à l'égard de M. Y..., le tribunal a violé l'article 1382 du code civil.