LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 2224 du code civil et 2277 du même code dans sa rédaction applicable antérieurement à la loi du 17 juin 2008 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M et Mme X... ont fait pratiquer une saisie-attribution à l'encontre de M. et Mme Y...en exécution d'un jugement d'un tribunal d'instance du 26 juin 2000 condamnant ceux-ci au paiement d'une certaine somme et fixant une indemnité d'occupation due jusqu'à la libération des lieux ; que M. et Mme Y...ont formé une contestation devant un juge de l'exécution ;
Attendu que pour débouter M. et Mme Y...de leur demande tendant à ce que la créance soit cantonnée en limitant les intérêts aux cinq dernières années courues, l'arrêt énonce que la prescription quinquennale de l'action en paiement des intérêts des sommes prêtées n'était pas applicable aux intérêts dus sur une somme objet d'une condamnation, lesquels pouvaient être recouvrés dans le même délai que celui applicable au principal de la condamnation, que la prescription applicable au recouvrement du montant de la condamnation en principal, assortie des intérêts, fixée par le jugement du 26 juin 2000 est de dix ans à compter du 19 juin 2008, que la prescription quinquennale applicable pour le recouvrement des indemnités antérieures à la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 interdit aux consorts X... de recouvrer les sommes dues antérieurement au 19 juin 2003, que si, postérieurement à cette date, eu égard à la prescription décennale applicable, les consorts X... ne peuvent réclamer le paiement des indemnités d'occupation antérieures au 13 juillet 2000 (soit dix ans avant la date du premier acte d'exécution, le 13 juillet 2010), l'application de la prescription quinquennale acquise à la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 les empêche de solliciter le paiement des indemnités antérieures au 19 juin 2003 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que si le créancier peut poursuivre pendant dix ans l'exécution d'un jugement condamnant au paiement de sommes payables à termes périodiques, il ne peut obtenir les arriérés échus plus de cinq ans avant la date de la mesure d'exécution, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté les époux Y...de leur demande de nullité de la procédure de saisie-attribution diligentée à leur encontre et de leur demande de mainlevée de la procédure de saisie-attribution du fait de fonds insaisissables et dit que les époux Y...restaient redevables des frais d'huissier de justice sous réserve de leur justification, outre les intérêts ayant continué à courir sur la somme de 23 050, 29 euros à compter du 13 juillet 2010, l'arrêt rendu le 31 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme X... à payer à la SCP Thouin-Palat et Boucard la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR : déclaré valide à hauteur de 43. 191, 63 euros la saisie-attribution pratiquée le 13 juillet 2010 à la requête de Monsieur X... entre les mains de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Charente-Maritime, dit que Monsieur X... et Madame Michèle X...-Z... ne peuvent procéder au recouvrement des indemnités d'occupation mensuelles antérieures au 19 juin 2003, eu égard à la prescription et que les époux Y...restent redevables, sous déduction des indemnités versées par l'Etat, des indemnités d'occupation mensuelles dues à compter du 13 juin 2003 jusqu'au départ des lieux loués, ainsi que des frais d'huissier de justice, outre les intérêts ayant continué à courir sur la somme de 23. 050, 29 euros à compter du 13 juillet 2010 ;
AUX MOTIFS QUE : « sur la prescription et les sommes dues par les époux Y...: que, conformément à la jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de la loi 2008-561 du 17 juin 2008, tant pour les actions en paiement que pour le recouvrement de créanciers par voie d'exécution forcée en vertu du titre exécutoire, c'est la nature de la créance qui détermine la durée de la prescription ; que conformément à l'article 2277 (ancien) du code civil, applicable au jugement du 5 juillet 2000 jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, les actions en paiement des intérêts des sommes prêtées, et de toute somme payable à termes périodiques se prescrivent par cinq ans ; que les consorts X... ne pouvaient donc sous l'empire des anciens textes, en raison de la nature de la créance, procéder au recouvrement des indemnités d'occupation mensuelles dues en vertu du jugement du 26 juin 2000 pour une période supérieure à 5 ans ; qu'en revanche, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la prescription quinquennale de l'action en paiement des intérêts des sommes prêtées, n'était pas applicable aux intérêts dus sur une somme objet d'une condamnation, lesquels pouvaient être recouvrés dans le même délai que celui applicable au principal de la condamnation ; qu'en vertu des dispositions applicables à la date à laquelle le jugement du 26 juin 2000 a été rendu, l'exécution de la décision pouvait en être poursuivie pendant une durée de trente ans ; qu'en vertu de l'article 3-1 de la loi du 9 juillet 1991, issu de la loi 2008-561 du 17 juin 2008, l'exécution des jugements ne peut désormais être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long ; que l'article 26-1 de cette même loi prévoit que « les dispositions de la présente loi qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur n'est alors tenu compte du délai déjà écoulé » ; qu'enfin, l'article 26 il de la loi du 17 juin 2008 prévoit que les dispositions de ladite loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que l'uniformisation de la prescription applicable à l'exécution des jugements rend la prescription décennale applicable à compter du 19 juin 2008 au recouvrement des indemnités d'occupation mensuelles ; qu'il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces textes que :- la prescription applicable au recouvrement du montant de la condamnation en principal, assortie des intérêts, fixée par le jugement du 26 juin 2000 est de dix ans à compter du 19 juin 2008 (trente ans à compter de la date à laquelle le jugement est irrévocable, durée réduite à 10 ans à compter du 19 juin 2008) ;- s'agissant de l'exécution des dispositions du jugement ayant condamné les époux Y...à payer postérieurement au 26 juin 2000, une indemnité d'occupation mensuelle équivalente au montant du dernier loyer augmenté des charges, la prescription quinquennale applicable pour le recouvrement des indemnités antérieures à la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 interdit aux consorts X... de recouvrer les sommes dues antérieurement au 19 juin 2003 ; que si, postérieurement à cette date, eu égard à la prescription décennale applicable, les consorts X... ne peuvent réclamer le paiement des indemnités d'occupation antérieures au 13 juillet 2000 (soit dix ans avant la date du premier acte d'exécution, le 13 juillet 2010), l'application de la prescription quinquennale acquise à la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 les empêche de solliciter le paiement des indemnités antérieures au 19 juin 2003 ; que la créance des consorts X... est ventilée de la façon suivante :- loyers dus au 29 février 2000 : 23. 050, 29 euros,- intérêts arrêtés au 13 juillet 2000 : 19. 258, 86 euros,- intérêts à compter du 14 juillet 2010 : MEMOIRE,- indemnité d'occupation pour la période de mars 2000 à mi-juin 2001 : 8. 974, 67 euros,- indemnité d'occupation pour la période de juillet à mi-septembre 2006 : 1. 601, 57 euros,- frais d'huissier : 1. 650, 00 euros ITC ; que les intérêts ont été calculés conformément au dispositif du jugement du 26 juin 2000 » (arrêt p. 5 § 3 et s. et p. 6 § 1 à 4) ;
ALORS QUE : si le créancier peut poursuivre pendant dix ans l'exécution d'un jugement condamnant au paiement d'une somme en principal ou d'une somme payable à termes périodiques, il ne peut obtenir le recouvrement des sommes échues périodiquement plus de cinq ans avant la date de sa demande ; qu'en déclarant la prescription quinquennale non applicable à l'action en paiement d'une part des intérêts moratoires des sommes prêtées d'autre part des indemnités mensuelles d'occupation, la cour d'appel a violé les articles 2277 ancien et 2224 du code civil.