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28/01/2015 | FRANCE | N°13-26255

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 janvier 2015, 13-26255


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 septembre 2013), que M. X... a été engagé par la société 3 AB optique développement le 14 juin 2007, en qualité de directeur des opérations ; que licencié le 14 octobre 2009 pour faute grave, il a saisi la juridiction prud'homale et demandé la condamnation de l'employeur au versement de diverses indemnités pour harcèlement moral et licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le co

ndamner à payer des dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors, selon le ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 septembre 2013), que M. X... a été engagé par la société 3 AB optique développement le 14 juin 2007, en qualité de directeur des opérations ; que licencié le 14 octobre 2009 pour faute grave, il a saisi la juridiction prud'homale et demandé la condamnation de l'employeur au versement de diverses indemnités pour harcèlement moral et licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer des dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en retenant que si M. X... était contredit quand il soutenait faire partie du comité de direction dont il s'était vu progressivement mis à l'écart, l'employeur ne produisait aucune pièce permettant d'accorder crédit aux objections formulées à ce titre, quand il appartenait au salarié qui invoquait ce fait pour prétendre à l'existence d'un harcèlement d'établir qu'il avait été effectivement mis à l'écart du comité de direction et, donc au préalable, qu'il en faisait bien partie, la cour d'appel a violé les articles L. 1154-1 et L. 1152-1 du code du travail ;
2°/ que le harcèlement moral implique des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que M. X..., embauché à compter du 9 juillet 2007 en qualité de directeur des opérations, avait pour mission de mettre en oeuvre une (ou plusieurs) plate forme logistique à l'attention des magasins succursalistes du groupe Affelou ; qu'en se bornant à constater, pour en déduire l'existence de faits faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral, qu'un projet d'implantation avait été abandonné en 2008 et un autre en 2009 en raison de l'abandon d'un modèle de distribution, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser un harcèlement moral, a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;
3° / que l'employeur écarte la présomption de harcèlement moral en justifiant que ses actes et décisions s'inscrivent dans l'exercice normal de son pouvoir de direction, et d'organisation de l'entreprise ; qu'en l'espèce, en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si la situation qu'alléguait M. X... ne résultait pas de l'exercice normal par l'employeur de son pouvoir de direction et d'organisation de l'entreprise, lui permettant de décider l'abandon de certains projets ou d'un modèle de distribution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de faits et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a pu retenir que le placement d'un cadre supérieur dans une situation d'isolement géographique et fonctionnel, la privation des attributions de sa fonction telles que les missions d'encadrement ou de management et la remise en cause systématique ou l'abandon des projets confiés alors que son état de santé s'était concomitamment altéré, constituaient des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et que cette situation n'était pas justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le moyen, inopérant en sa première branche comme critiquant un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société 3 AB optique développement aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société 3 AB optique développement.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société 3AB Optique Développement à payer à M. X... la somme de 112 500 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE M. X... fait état de faits qui dans leur ensemble aboutissent selon lui, à une dégradation de ses conditions de travail avec un fort impact tant sur son état de santé que sur son avenir professionnel, caractéristique du harcèlement moral ; il précise que loin de démontrer que ces faits parfaitement établis, ne sont pas constitutifs de harcèlement moral, la société intimée se borne à les reprendre isolément pour les discréditer ; la société employeur réfute les arguments développés par l'appelant, arguant de ce que les pièces produites ne permettent pas d'établir le harcèlement allégué qui procède d'une réécriture par l'intéressé de l'histoire, pour mieux justifier le courrier à l'origine de son licenciement ; il résulte des articles L 1152-l et L 1154-l du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; en cas de litige, dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs tel harcèlement et que la décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il résulte de manière constante des pièces produites aux débats que M. X... a été engagé par la société 3ABOD pour exercer les fonctions de Directeur des Opérations, statut cadre supérieur, à compter du 9 juillet 2007 au siège de la société à Aubervilliers, en charge en particulier du démarrage d'une centrale logistique et de distribution, de la recherche d'un lieu d'implantation pour une entité regroupant logistique et distribution et le lancement d'un atelier pilote pour le montage de lunettes dans un magasin d'Aubervilliers ; il est également établi que fin 2007, M. X... s'est vu confier parallèlement à ses autres attributions, la recherche d'un site pour implanter cette unité à Bayonne, qu'il a pu présenter lors d'un comité de Direction en mars 2008 au cours duquel, l'abandon de ce projet d'implantation a été annoncé, au profit d'une autre implantation à Aubergenville ; il apparaît qu'à compter de septembre 2008, l'intéressé a sur instruction de sa hiérarchie rejoint avec ses propres collaborateurs un entrepôt situé à Aubergenville dédié au nouveau modèle de distribution pour les succursales du groupe Affelou sur lequel il travaillait ; il n'est pas contesté qu'au mois de janvier 2009, l'abandon de ce modèle de distribution et partant la fermeture de la centrale de distribution ont été annoncés à M. X..., l'instruction lui étant donné de ne garder que deux collaborateurs ; le 3 juin 2009, la fermeture définitive du site d'Aubergenville était annoncée à l'intéressé sans précision le concernant ; si M. X... est contredit quand il soutient que faisant partie du comité de Direction, il s'est vu progressivement mis à l'écart, force est de constater que son employeur ne produit ni pièce ni organigramme permettant d'accorder crédit aux objections formulées à ce titre ; M. X... produit notamment un certificat médical du Docteur Y..., psychiatre, faisant état concernant l'intéressé d'une recrudescence d'éléments anxieux importants, de troubles du sommeil, de tristesse de l'humeur et d'irritabilité ainsi qu'une mésestime de soi, d'une dévalorisation importante et d'une tendance à l'anticipation négative, surtout au plan professionnel, qui suffit à caractériser l'altération de sa santé ; ce faisant, à eux seuls, les éléments ci-dessus rapportés, traduisant sinon une marginalisation ou une mise à l'écart de fait, consistant à placer un cadre supérieur d'un tel niveau hiérarchique dans une situation d'isolement géographique et fonctionnel, en le privant de fait d'attributions de sa fonction telles que les missions d'encadrement ou de management, ou consistant à remettre systématiquement en cause ou à renoncer aux projets qui lui ont été confiés, permettent de présumer, même en dehors de toute volonté de l'employeur, en raison de l'impact établi sur la santé du salarié concerné, l'existence d'un harcèlement moral ; l'employeur ne peut se borner à affirmer que les documents ne révèlent aucun fait de harcèlement, pour démontrer que sa situation et l'attitude adoptée à son égard étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; de surcroît, la société intimée ne peut à la fois lui opposer l'absence de plainte antérieure, tout en réfutant les affirmations de son salarié concernant les échanges téléphoniques ou dépréciant le contenu d'échanges épistolaires ; la société 3ABOD ne peut non plus, a fortiori sans produire d'organigramme, à la fois prétendre que M. X... ne participait qu'occasionnellement au comité de Direction, contester son niveau de responsabilité et invoquer sa qualité de cadre supérieur, voire son titre de Directeur des opérations conforme à son contrat de travail, sans alimenter les sentiments de mésestime de soi et de dévalorisation relevés par le Docteur Y... ; il résulte de ce qui précède que les faits de harcèlement moral dénoncés par M. X... sont imputables à la société 3AB0D ; la Cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer le préjudice qui en résulte, au regard tant de l'impact sur sa santé au regard de leur durée que des troubles dans ses conditions d'existence et de l'impact sur son avenir professionnel, à la somme de 112500 euros ;
1°) ALORS QUE lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en retenant que si M. X... était contredit quand il soutenait faire partie du comité de direction dont il s'était vu progressivement mis à l'écart, l'employeur ne produisait aucune pièce permettant d'accorder crédit aux objections formulées à ce titre, quand il appartenait au salarié qui invoquait ce fait pour prétendre à l'existence d'un harcèlement d'établir qu'il avait été effectivement mis à l'écart du comité de direction et, donc au préalable, qu'il en faisait bien partie, la cour d'appel a violé les articles L. 1154-1 et L. 1152-1 du code du travail ;
2°) ALORS QUE le harcèlement moral implique des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que M. X..., embauché à compter du 9 juillet 2007 en qualité de directeur des opérations, avait pour mission de mettre en oeuvre une (ou plusieurs) plate forme logistique à l'attention des magasins succursalistes du groupe Affelou ; qu'en se bornant à constater, pour en déduire l'existence de faits faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral, qu'un projet d'implantation avait été abandonné en 2008 et un autre en 2009 en raison de l'abandon d'un modèle de distribution, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser un harcèlement moral, a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;
3°) ALORS en tout état de cause QUE l'employeur écarte la présomption de harcèlement moral en justifiant que ses actes et décisions s'inscrivent dans l'exercice normal de son pouvoir de direction, et d'organisation de l'entreprise ; qu'en l'espèce, en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée si la situation qu'alléguait M. X... ne résultait pas de l'exercice normal par l'employeur de son pouvoir de direction et d'organisation de l'entreprise, lui permettant de décider l'abandon de certains projets ou d'un modèle de distribution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-26255
Date de la décision : 28/01/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 septembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 jan. 2015, pourvoi n°13-26255


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.26255
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