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28/01/2015 | FRANCE | N°13-21793

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 janvier 2015, 13-21793


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 3 mai 2004 par la société Y... en qualité de comptable-employée de bureau ; qu'elle a été licenciée pour inaptitude le 18 septembre 2010 ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et dire que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, après avoir retenu certains

des faits invoqués par la salariée, les estime justifiés par des éléments object...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 3 mai 2004 par la société Y... en qualité de comptable-employée de bureau ; qu'elle a été licenciée pour inaptitude le 18 septembre 2010 ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et dire que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, après avoir retenu certains des faits invoqués par la salariée, les estime justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement avant de conclure qu'appréciés dans leur ensemble, ils ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral ;
Qu'en statuant ainsi, sans examiner ni le fait que l'employeur n'avait pas versé à la salariée ses heures de nuit et ses heures supplémentaires et qu'il avait attendu la veille de l'audience de première instance pour s'en reconnaître débiteur, ni le fait que la salariée se prévalait de son état de santé qui avait conduit le médecin du travail à la déclarer, après plusieurs mois d'arrêt de travail pour dépression, lors de la visite de reprise, inapte à tous postes dans l'entreprise selon la procédure de danger immédiat, et en examinant les justifications apportées par l'employeur avant de rechercher si l'ensemble des faits qu'elle avait constaté était de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes précités ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral, dit que le licenciement de celle-ci a exactement été prononcé pour inaptitude et déboute la salariée de ses demandes de dommages-intérêts, d'indemnité de préavis et de ses demandes au titre du licenciement, l'arrêt rendu le 29 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes au titre du harcèlement moral, D'AVOIR dit que le licenciement de Mme X... a exactement été prononcé pour inaptitude et D'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QU'à l'appui de sa demande, Mme X... invoque l'avertissement qui lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 1er octobre 2009, après qu'elle a refusé qu'il lui soit remis en mains propres le 18 septembre 2009 à la veille de ses congés, et les lettres recommandées avec accusé de réception par lesquelles lui ont été notifiés des changements d'horaires de travail, et la proposition d'une rupture conventionnelle ; que s'agissant de l'avertissement, il importe de souligner qu'après l'avoir contesté auprès de l'employeur, Mme X... n'en demande pas l'annulation en justice, ce qui laisse à penser qu'elle en admet le bien fondé ; que cet avertissement porte sur de nombreuses erreurs de comptabilité détaillées notamment des absences de facturation par omission du prix unitaire, dont certaines ont donné lieu à refacturation, ou de facturations à un prix erroné (12 euros le kg au lieu de 1, 20 euros, 0, 96 euros pièce au lieu de 0, 50 euros pièce, 0, 40 euros le kg au lieu de 1. 40 euros) ; qu'il importe peu que la société ne produise pas de lettres de clients, à qui ces erreurs étaient parfois profitables ; que Mme X... qui était la secrétaire comptable, ne peut se réfugier derrière le fait que la gérante, Mme Y..., procédait parfois des facturations, alors en outre qu'elle revendique être la seule à s'acquitter de cette tâche dans sa lettre de contestation de l'avertissement ; qu'en tout état de cause, cet avertissement unique modéré dans la sanction prononcée et dans la formulation, et qui vient après des remarques orales, et qui n'est pas contesté, mais a été rapidement suivi d'un arrêt de travail jusqu'au licenciement, ne peut être considéré comme un élément de harcèlement moral, alors que ces erreurs de facturations étaient préjudiciables à la société en termes financiers et d'image et impliquaient pour certaines des refacturations dont la société Y... apporte la preuve ; que la réponse modérée de l'employeur à la contestation par la salariée de l'avertissement, que la société a maintenu, ne peut être analysée comme un acte de harcèlement moral, et constitue un acte normal et nécessaire ; que, s'agissant des lettres recommandées avec accusé de réception adressées à Mme X... lui notifiant des changements d'horaire de travail, il importe que le contrat de travail était un contrat modulé annualisé, et que ce mode de fonctionnement n'a jamais posé de difficultés au cours des années antérieures ; que cette modulation s'explique, au regard de l'activité de la société, par des variations saisonnières quant à la quantité de produits vendus, et par des jours de marché de gros, le mardi et le vendredi tôt le matin qui impliquent la présence de comptable pour procéder de façon immédiate aux facturations des produits achetés ; que le contrat de travail prévoyait qu'en cas de modification de la répartition des heures prévues au présent contrat, Mme X... devrait en être préalablement informée au moins sept jours avant ou à défaut dans la limite de trois jours ouvrés. Il était prévu un planning horaire prévisionnel :- lundi : 8 à 12 h, 17 à 20 h,- mardi : 4 à 10 h,- mercredi : 8 à 12 h, 17 à 20 h,- jeudi : 8 h à 12 h, 17 à 20 h,- vendredi : 4 à 9 h, 17 à 20 h ; que dans le contexte de la vive contestation par Mme X... par deux lettres recommandées avec accusé de réception des 8 et 30 octobre 2009 de l'avertissement notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er octobre 2009, l'employeur a pris la décision de notifier les horaires de travail par lettre recommandée avec accusé de réception ; que tel a été le cas par une lettre du 5 octobre 2009 rappelant la souplesse antérieure y compris au bénéfice de la salariée ; que cette lettre fixe des horaires à compter du 12 octobre suivant, de 8 à 12 h et de 14 h à 17 h tous les jours et mentionne que d'ores et déjà sa présence n'était plus nécessaire les mardis et vendredis à 4 h depuis le début de l'année 2009, sauf en juillet et août ; que cette lettre régularise une répartition déjà mise en oeuvre et non contestée par Mme X... ; que d'autres notifications sont intervenues par lettre recommandée avec accusé de réception des 27 octobre 2009, mêmes horaires pour les semaines 45 et 46 mais avec des jours de récupération, 10 novembre 2009, pour trois semaines, 47, 48, et 49 mêmes horaires mais avec une semaine de congés, et le 1er décembre 2009, pour les sept semaines à venir, mêmes horaires sauf congés et récupérations ; qu'il s'agit donc davantage que de modifications, de précisions écrites dans le délai de prévenance prévu par le contrat de travail et fixant clairement, pour éviter toute difficulté, des jours de congés et de récupération ; qu'il ne peut dans ces conditions être considéré qu'il s'agissait de changements incessants mis en place pour nuire à la salariée ; que s'agissant de la proposition d'une rupture conventionnelle, elle émane initialement de l'inspection du travail, que Mme X... avait saisie le 10 décembre 2009, et non l'employeur, et cette solution, dès lors que les relations se dégradaient dans le contexte d'un changement de gérance au profit du fils de Mme Y... et de l'embauche de sa compagne, n'était pas déraisonnable ; qu'en tout état de cause, dès lors que la salariée, après y avoir dans un premier temps donné dans une lettre au premier avocat de la société un accord sous des conditions que la société n'a pas acceptées, s'y est refusée, ce qui est son droit, la procédure n'a pas prospérée ; que considérer qu'envisager une rupture conventionnelle est systématiquement assimilable à une forme de harcèlement moral consisterait à priver ce mode de rupture de son sens, et de son opportunité spécifique dans certaines hypothèses ; qu'il est d'ailleurs notable que le signalement effectué par Mme X... auprès de l'inspection du travail n'a pas eu d'autre suite que cette proposition ; qu'enfin, la salariée a déposé fin 2009 une plainte pour harcèlement moral, qu'elle n'invoque pas, et dont l'employeur indique sans être contredit qu'elle n'a pas eu de suite pénale trois ans plus tard, mais qui a valu à Mme Y... une audition et un fichage à la gendarmerie ; que l'échec de cette plainte relativise la portée des agissements imputés par Mme X... à son employeur ; qu'il résulte de ces éléments appréciés dans leur ensemble que Mme X... n'établit pas de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ; que dès lors que le harcèlement moral n'est pas retenu, le licenciement résulte de l'inaptitude médicalement constatée de Mme X..., ce qui en constitue une cause réelle et sérieuse ;
ALORS, 1°), QU'il appartient au juge de se prononcer sur l'ensemble des faits invoqués par le salarié à l'appui de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ; qu'en l'espèce, Mme X... se prévalait du fait que son employeur ne lui avait pas versé ses heures de nuit et ses heures supplémentaires et qu'il avait attendu la veille de l'audience de première instance pour s'en reconnaître débiteur ; qu'en considérant que Mme X... n'établissait pas de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, sans examiner ce fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS, 2°), QU'il appartient au juge de se prononcer sur l'ensemble des faits invoqués par le salarié à l'appui de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ; qu'en l'espèce, Mme X... se prévalait de son état de santé qui avait conduit le médecin du travail à la déclarer, après plusieurs mois d'arrêt de travail pour dépression, lors de la visite de reprise, inapte à tous postes dans l'entreprise selon la procédure de danger immédiat ; qu'en considérant que Mme X... n'établissait pas de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement sans examiner ce fait, la cour n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS, 3°), QUE constituent des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral l'infliction d'une sanction disciplinaire et l'envoi fréquent de lettres recommandées apportant des modifications et précisions aux plannings de travail du salarié ; qu'en considérant que ces faits, qu'elle a tenus pour avérés, ne permettaient pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral qu'elle a donc écartée sans faire peser sur l'employeur la charge de prouver que ces agissements ne n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-21793
Date de la décision : 28/01/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 29 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 jan. 2015, pourvoi n°13-21793


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.21793
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