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28/01/2015 | FRANCE | N°13-21055

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 janvier 2015, 13-21055


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 16 mai 2013), que Mme Y..., engagée par contrat de travail à temps partiel en qualité d'employée administrative par la société Autoroutes du Sud de la France et mise à disposition du comité d'établissement de Biarritz en qualité de « secrétaire polyvalente social », a été engagée par le comité d'entreprise à temps partiel par plusieurs contrats de travail à durée déterminée puis par un contrat de travail à durée indéterminée le 1er septembre 2009 en qualit

é de cadre chargée d'études économiques et juridiques ; que, convoquée le 3 novemb...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 16 mai 2013), que Mme Y..., engagée par contrat de travail à temps partiel en qualité d'employée administrative par la société Autoroutes du Sud de la France et mise à disposition du comité d'établissement de Biarritz en qualité de « secrétaire polyvalente social », a été engagée par le comité d'entreprise à temps partiel par plusieurs contrats de travail à durée déterminée puis par un contrat de travail à durée indéterminée le 1er septembre 2009 en qualité de cadre chargée d'études économiques et juridiques ; que, convoquée le 3 novembre 2009 par la société Autoroutes du Sud de la France à un entretien préalable à un éventuel licenciement, elle a été licenciée pour faute grave le 2 décembre 2009 ; qu'elle a saisi le 8 novembre 2010 la juridiction prud'homale en nullité de son licenciement pour discrimination syndicale ; que le comité d'établissement de Biarritz et le syndicat CGT ASF Biarritz sont intervenus volontairement à l'instance ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que la société Autoroutes du Sud de la France fait grief à l'arrêt de dire nul le licenciement de la salariée, d'ordonner sa réintégration, de lui allouer diverses sommes ainsi que de déclarer recevable l'intervention volontaire du syndicat CGT ASF Biarritz et de la condamner à payer à ce dernier une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt de la profession, alors, selon le moyen :
1°/ que la lettre de licenciement a reproché à Mme Y... de ne pas avoir respecté, au mépris du pouvoir de direction et des consignes de sa hiérarchie, la procédure de dérogation au tour de service annuel (TSA) qui impose l'autorisation préalable de l'employeur, en prenant l'initiative de travailler pendant ses jours de repos sans avoir été autorisée à le faire, modifiant de la sorte unilatéralement son tour de service annuel (TSA) ; qu'en énonçant que le seul motif de licenciement invoqué était le seul fait pour Mme Y... de n'avoir pas sollicité au préalable la modification de son tour de service quand la lettre de licenciement faisait explicitement état de la violation des règles de procédure mises en place par l'employeur et de l'insubordination de Mme Y..., la cour d'appel a méconnu les termes du litige fixés par cette lettre et a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
2°/ que la cour en s'abstenant de vérifier si les autres griefs étaient fondés a méconnu son office et violé le texte précité ;
3°/ que le juge tenu d'apprécier la légitimité et la régularité du licenciement, n'a pas le pouvoir de se substituer à l'employeur dans son pouvoir de direction et d'organisation de l'entreprise ; qu'en écartant le grief d'insubordination reproché à Mme Y... qui a modifié unilatéralement son tour de service, en violation des règles de procédure mises en place par la société ASF aux motifs que l'importance du tour de service qui impose la tenue d'un emploi du temps strict ne se justifie pas du fait que Mme Y... n'était pas affectée à la circulation sur une autoroute et qu'elle réunissait deux temps partiels au sein du même comité d'établissement, la cour d'appel qui a remis en cause le bien-fondé de l'organisation décidée par l'employeur et s'est substituée à lui dans son pouvoir de direction sur le respect d'une procédure d'organisation du temps des salariés, a excédé ses pouvoirs et a violé de la sorte les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
4°/ que caractérise une faute, le non-respect par un salarié des directives et instructions de l'employeur ; que ce comportement constitutif d'une insubordination génère nécessairement une perturbation du service en ce qu'il met en cause la légitimité du pouvoir de direction de l'employeur dans son droit élémentaire de donner des directives, sans qu'il soit nécessaire d'en rapporter la preuve autrement que par la réalité du grief ; qu'en reprochant à la société ASF de ne produire aucun élément de nature à démontrer la perturbation du service ou en retenant encore que le secrétaire du comité d'établissement était satisfait du travail de Mme Y..., la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants à écarter toute faute de la salariée, a violé les articles L. 1331-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail ;
5°/ que caractérise une faute grave le fait pour Mme Y... d'avoir modifié unilatéralement son tour de service annuel en violation de la procédure mise en place par l'employeur et des consignes réitérées de ce dernier imposant son autorisation préalable à tout changement du TSA en prenant l'initiative de travailler pendant ses jours de repos sans avoir été autorisée à le faire, peu important le préjudice qui en serait résulté ; qu'ayant constaté que la responsable des ressources humaines avait explicitement refusé à Mme Y... toute modification du planning et que Mme Y... avait modifié son emploi du temps sans y avoir été autorisée et en jugeant cependant que le motif de licenciement n'était ni réel ni sérieux aux motifs inopérants que la salariée avait sollicité l'autorisation de modification du TSA pour le 25 septembre 2009 ou encore qu'il n'était pas justifié des perturbations du service, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail ;
6°/ que le salarié qui allègue être victime d'une discrimination syndicale doit, en préalable, établir des faits laissant supposer l'existence d'une telle discrimination à son encontre c'est à dire que son activité syndicale est la cause des mesures ou des faits dont il se prétend être victime ; qu'en retenant que la société ASF a formé une action judiciaire contre le comité d'établissement visant à obtenir l'annulation d'une délibération relative au recrutement d'un salarié, prise en violation des règles de majorité, puis s'est désistée de cette action au moment de l'engagement de la procédure de licenciement à l'encontre de Mme Y... ; que le président de la société ASF a déclaré à la presse que Mme Y... a été licenciée parce que ses absences désorganisaient le travail alors que tel n'est pas le motif énoncé dans la lettre de licenciement ; que Mme Y... a reçu son emploi du temps pour l'année 2010 (TSA) un mois après les autres salariés ou encore que d'autres salariés qui avaient été autorisés par la direction à déroger à leur durée de travail pour les besoins du service n'ont pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire, la cour d'appel qui s'est fondée sur des circonstances qui n'établissent aucun lien avec l'activité syndicale de Mme Y... et qui sont donc insusceptibles de caractériser des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de cette dernière, a violé les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail ;
7°/ que constitue une raison objective étrangère à toute discrimination à l'encontre d'un salarié, l'action judiciaire de l'employeur dirigée contre le comité d'établissement visant à obtenir l'annulation d'une délibération prise en violation des règles de majorité, quand bien même cette délibération viserait le recrutement du salarié en cause et que cette action a été suivie d'un désistement en raison de l'évolution des données factuelles du litige rendant sans intérêt la poursuite de la procédure ; qu'ayant constaté que la société ASF avait assigné le comité d'établissement de Biarritz pour obtenir l'annulation de la délibération relative au recrutement d'un salarié faute d'avoir obtenu la majorité requise et s'était ensuite désistée de son action en faisant valoir que cette demande était devenue sans intérêt dès lors que le syndicat CGT avait obtenu entre-temps, lors des élections, le nombre de voix suffisant permettant d'adopter une nouvelle résolution en ce sens et en décidant cependant que cette explication de la société ASF n'était pas en elle-même constitutive d'une raison objective étrangère à une discrimination à l'égard de Mme Y... aux motifs totalement inopérants que la société ASF aurait pu obtenir l'annulation de la délibération dès lors que les règles de majorité n'avaient pas été respectées ou encore qu'il existait un lien avec le syndicat CGT, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail ;
8°/ que constitue une raison objective étrangère à toute discrimination à l'encontre d'un salarié, l'exercice par l'employeur de son pouvoir de direction lui permettant d'apporter des correctifs à l'emploi du temps de l'intéressé en fonction d'une autre activité à temps partiel ; qu'en l'espèce, la société ASF a fait valoir que l'adaptation du tour de service annuel (TSA) de Mme Y... n'était que l'exercice de son pouvoir de direction et la conséquence inévitable de son cumul d'activités, Mme Y... ayant été embauchée par le comité d'établissement en qualité de cadre par contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er septembre 2009 ; qu'en écartant cette cause objective étrangère à toute discrimination à l'encontre de Mme Y... aux motifs inopérants que Mme Y... était employée par ce comité depuis plusieurs années, que rien ne démontrerait une modification de la répartition du travail de la salariée pour le compte du comité d'établissement ou encore que le défaut de modification de l'emploi du temps aurait entraîné une perturbation des services de la société ASF, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail ;
9°/ que l'absence de cause réelle et sérieuse du motif de licenciement ne constitue pas nécessairement pour autant une mesure discriminatoire à l'encontre du salarié ; qu'en décidant le contraire pour dire que Mme Y... aurait été victime d'une discrimination syndicale en retenant que le motif de licenciement invoqué par la société ASF n'était ni réel ni sérieux, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail ;
10°/ qu'une discrimination syndicale exige d'établir que le salarié a été victime de mesures prises en considération de son activité syndicale ; qu'en considérant que Mme Y... a été victime d'une telle discrimination en se fondant sur les éléments précités tirés de l'action judiciaire de la société ASF à l'encontre du comité d'établissement, de la modification du tour de service 2010 de Mme Y... ou encore de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, sans constater le moindre lien entre ces éléments et l'activité syndicale de Mme Y..., la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que l'employeur avait nécessairement connaissance de l'action syndicale de la salariée, désignée par le syndicat CGT lors de la réunion extraordinaire du comité d'établissement du 8 novembre 2006 pour siéger à la commission emploi-formation, que, tandis que l'employeur avait engagé une action judiciaire pour obtenir l'annulation de la délibération du comité d'établissement procédant au recrutement à durée indéterminée de la salariée, il s'est désisté de cette action le 5 novembre 2009 alors que l'engagement de la procédure de licenciement de la salariée a eu lieu le 3 novembre 2009, que la salariée était la seule à faire l'objet d'une procédure disciplinaire de licenciement pour avoir travaillé durant ses jours de congés sans autorisation de sa hiérarchie, alors que d'autres salariés mis à disposition du comité d'établissement et qui avaient dû faire de même à la suite du surcroît de travail engendré par les élections professionnelles ne l'avaient pas été, que la salariée était la seule à avoir reçu son tour de service le 9 octobre 2009 alors que les autres salariés l'avaient reçu le 10 août 2009 et que ce tour de service procédait à un changement par rapport aux années précédentes qui rendait impossible le cumul par la salariée de son emploi à temps partiel par engagement direct du comité d'établissement et de son contrat à temps partiel par mise à disposition auprès de ce même comité d'établissement par l'employeur, la cour d'appel a pu en déduire, par ces seuls motifs abstraction faite du motif surabondant tiré des déclarations publiques de l'employeur quant au motif du licenciement, que ces éléments laissaient supposer une discrimination syndicale et a estimé que l'employeur n'apportait pas d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination justifiant ses décisions ;
Attendu, ensuite, qu'ayant rappelé les dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, la cour d'appel, qui n'avait pas dès lors à examiner les griefs énoncés dans la lettre de licenciement, en a justement déduit que le licenciement était nul ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ses cinq premières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le pourvoi provoqué du comité d'établissement de Biarritz :
Vu les articles 550 et 612 du code de procédure civile ;
Attendu que, par acte du 15 novembre 2013, la société Autoroutes du Sud de la France s'est désistée de son pourvoi principal en ce qu'il était dirigé contre le comité d'établissement de Biarritz ; que le comité d'établissement ayant formé son pourvoi provoqué le 10 février 2014, soit après désistement à son égard du pourvoi principal et plus de deux mois après que l'arrêt attaqué lui a été notifié le 22 mai 2013, ce pourvoi provoqué est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi provoqué du comité d'établissement de Biarritz ;
REJETTE le pourvoi principal de la société Autoroutes du Sud de la France ;
Condamne la société Autoroutes du Sud de la France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Autoroutes du Sud de la France à payer, d'une part, à Mme Y..., la somme de 2 500 euros, d'autre part, au syndicat CGT ASF Biarritz celle de 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

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Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Autoroutes du Sud de la France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que le licenciement pour faute grave de Mme Y... était nul, d'AVOIR ordonné la réintégration de la salariée aux fonctions qu'elle occupait dans le cadre de sa mise à disposition du comité d'établissement de Biarritz de la société ASF, d'AVOIR condamné la société ASF à lui payer, à titre de salaires la somme dont elle a été privée depuis le jour de son éviction jusqu'à celui de sa réintégration, accompagnée des bulletins de salaire correspondants, soit 906,82 euros bruts par mois et 841,32 euros brut par an au titre du 13ème mois, ainsi que les primes d'intéressement et de participation, et ce à compter de décembre 2009 jusqu'au jour de sa réintégration, d'AVOIR condamné la société ASF à payer à Mme Y... une somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le caractère discriminatoire du licenciement ainsi que d'AVOIR déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat CGT ASF Biarritz et d'AVOIR condamné la société ASF à payer à ce dernier une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt de la profession ;
AUX MOTIFS, D'UNE PART, QU'il ressort de la lettre de licenciement que le motif du licenciement est un agissement de la salariée que la société ASF considère constitutif d'une faute grave ; que cet agissement est caractérisé comme étant la modification du tour de service de Mme Y..., par elle-même, de manière unilatérale, sans autorisation de sa hiérarchie, c'est cette modification du tour de service qui apparaît donc comme le motif essentiel, et finalement unique, du licenciement, et qui est répété pas moins de six fois dans la lettre ; qu'en effet, ce qui est reproché à la salariée n'est pas d'être venue travailler pendant ses jours de repos, ou pendant ses jours de congés, ni d'avoir effectué des heures additionnelles sans autorisation, car il s'agit-là de plusieurs agissements distincts dans le temps et par leur nature ; que ce ne sont donc pas là les faits qui lui sont reprochés car, le fait d'être venue travailler pendant ses jours de repos, ou alors qu'elle était en congés, concerne une période antérieure au 14 octobre 2009 puisque c'est à cette date qu'elle a porté à la connaissance de la société ASF cet état de fait ; que ces faits antérieurs au 14 octobre 2009 sont également distincts dans le temps de ceux qui se sont déroulés pendant la semaine 43, qui couvre la période du 19 au 25 octobre, et distincts par leur nature, concernant des heures additionnelles pendant cette période ; que la preuve que le motif du licenciement ne réside pas, par exemple, dans les heures additionnelles effectuées sans autorisation est apportée par l'accord donné par la responsable des ressources humaines, Mme Z..., à la récupération de ces heures, ainsi que cela ressort de son courriel du 9 novembre 2009 adressé à Mme Y... en réponse à sa demande formulée par courriel du 27 octobre dans lequel elle précisait qu'il s'agissait d'une surcharge ponctuelle liée à la rédaction de trois procès-verbaux au lieu d'un seul prévu en moyenne chaque mois ; qu'ainsi, en acceptant que la salariée récupère les heures additionnelles l'employeur reconnaissait, antérieurement à l'entretien préalable, et donc antérieurement au licenciement, le bien-fondé de cette récupération et donc que la réalisation de ces heures était justifiée ; que bien qu'il ait été question d'une récupération, en réalité ces heures additionnelles lui ont été payées, ainsi que cela ressort de son bulletin de salaire du mois de décembre 2009 ; que par conséquent, en visant un agissement fautif, la société ASF a entendu viser, non pas le fait pour la salariée d'avoir travaillé pendant ses jours de repos, pendant ses jours de congés, ou d'avoir effectué des heures additionnelles, mais le fait de n'avoir pas sollicité au préalable la modification de son tour de service, seul élément commun à ces différents événements ; que c'est donc la réalité et le sérieux de cet agissement considéré comme fautif et comme motif du licenciement qu'il convient d'examiner, peu important les motifs invoqués ultérieurement par l'employeur, le juge étant tenu par la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et sert de cadre strict à son contrôle ; que l'employeur fait du tour de service (TSA) un élément essentiel de l'organisation de ses services ; que l'importance du tour de service doit cependant être examinée au regard des fonctions exercées par Mme Y... ; que celle-ci produit ses tours de service de l'année 2001 à l'année 2009 ; qu'il en ressort que pendant toute cette période son temps de travail a présenté une grande constance ; qu'ainsi ont été constants : le nombre de jours de ses interventions au comité d'établissement (4 j), le nombre de demi-journées de travail ramenées en jour (2 j) ; que les définitions des périodes de travail ont connu peu de modifications et étaient sur quatre jours (lundi, mardi, jeudi et vendredi) ; que le total des heures effectuées a également peu varié puisqu'il était de : 890,07 en 2001 ; 890,59 en 2002 ; 892,14 en 2003 ; 904,30 en 2004 ; 910 en 2005 ; 901 en 2006 ; 900 en 2007 ; 850 en 2008 ; 898 en 2009 ; que l'organisation des services et la tenue d'un emploi du temps strict revêtent une importance particulière en raison de la nature des fonctions des salariés, et particulièrement s'agissant des personnels intervenants sur les autoroutes ou aux péages des autoroutes ; que cependant, cette organisation et cet emploi du temps paraissent ne pas revêtir la même importance pour une salariée mise à disposition du comité d'établissement, non pas parce que le rôle de ce comité serait négligeable, mais parce que son fonctionnement ne paraît pas pouvoir être strictement comparé aux conditions de circulation sur une autoroute, et surtout parce qu'en l'occurrence la salariée mise à disposition complétait son temps partiel par un autre temps partiel au service du même comité, de sorte que celui-ci pouvait ainsi plus aisément organiser son fonctionnement ; que c'est la situation particulière de cette salariée qui explique la constance et la stabilité de son tour de service ; qu'en l'espèce, alors que la société ASF reproche à la salariée d'avoir mis « en cause la bonne marche du service » par la modification unilatérale de son tour de service, aucun élément n'est produit de nature à démontrer la réalité de cette perturbation du service, alors que le service dans lequel Mme Y... était employée, à savoir le comité d'établissement, n'a connu aucune perturbation et que, bien au contraire, le secrétaire du comité, responsable du fonctionnement de celui-ci, s'est dit pleinement satisfait du travail de la salariée, a affirmé que les travaux supplémentaires effectués qui avaient donné lieu à des heures additionnelles avaient été faits à sa demande, et a fait connaître son opposition au licenciement de cette salariée, dénonçant dans cette procédure la volonté de l'employeur d'entraver le fonctionnement du comité ; que de surcroît, s'il peut être reproché à Mme Y... d'avoir modifié son emploi du temps sans y avoir été autorisée, en revanche il ne peut lui être reproché de n'avoir pas sollicité cette modification ; qu'en effet, par courriel du 10 septembre 2009 adressé à Mme Z..., responsable des ressources humaines, et dont il a été précédemment fait état, Mme Y... a sollicité un rendez-vous pour discuter de l'organisation de son temps de travail, précisant que sa demande consistait à voir transférer sur l'après-midi ses heures de travail prévues sur son TSA le matin pour la journée du 11 septembre 2009 ; qu'une demande de même nature a également été faite par courriel du 21 septembre 2009, toujours adressé à la responsable des ressources humaines, portant pour objet « modification TSA 25 septembre 2009 », sollicitant de nouveau un rendez-vous pour envisager cette modification ; que la réalité de ces deux courriels n'est pas contestée, et il n'est pas prétendu, ni a fortiori démontré, qu'une réponse, consistant en une acceptation ou un refus, a été donnée à la salariée, que dans chacun de ces courriels, la salariée précise que la demande de modification « n'altère en rien le fonctionnement du service dans le cadre de (son) contrat ASF », qu'au contraire, il serait bien plus préjudiciable qu'elle soit obligée de prendre un jour de congé, et par conséquent, qu'elle soit absente du bureau toute la journée, et elle ajoute que l'acceptation ou le refus doit être motivé par le besoin de fonctionnement du service ; qu'or, la seule réponse donnée, ou en tout cas la seule réponse dont il est justifié dans la présente procédure, est le courriel en réponse de Mme Z... du 22 septembre 2009 qui écrit « je ne souhaite pas vous voir modifier votre tour de service annuel cette semaine », sans aucune explication ou élément produit de nature à expliquer et justifier que l'acceptation de la modification du planning aurait causé une perturbation au fonctionnement du service ; que par conséquent, si le motif de l'absence d'autorisation de modifier le tour de service est réel, en revanche, du fait de l'absence de justification des perturbations au service que cette modification aurait causé, il ne constitue pas un motif sérieux de licenciement ;
1°- ALORS QUE la lettre de licenciement a reproché à Mme Y... de ne pas avoir respecté, au mépris du pouvoir de direction et des consignes de sa hiérarchie, la procédure de dérogation au tour de service annuel (TSA) qui impose l'autorisation préalable de l'employeur, en prenant l'initiative de travailler pendant ses jours de repos sans avoir été autorisée à le faire, modifiant de la sorte unilatéralement son tour de service annuel (TSA) ; qu'en énonçant que le seul motif de licenciement invoqué était le seul fait pour Mme Y... de n'avoir pas sollicité au préalable la modification de son tour de service quand la lettre de licenciement faisait explicitement état de la violation des règles de procédure mises en place par l'employeur et de l'insubordination de Mme Y..., la cour d'appel a méconnu les termes du litige fixés par cette lettre et a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
2° - ALORS QUE la Cour en s'abstenant de vérifier si les autres griefs étaient fondés a méconnu son office et violé le texte précité.
3°- ALORS QUE le juge tenu d'apprécier la légitimité et la régularité du licenciement, n'a pas le pouvoir de se substituer à l'employeur dans son pouvoir de direction et d'organisation de l'entreprise ; qu'en écartant le grief d'insubordination reproché à Mme Y... qui a modifié unilatéralement son tour de service, en violation des règles de procédure mises en place par la société ASF aux motifs que l'importance du tour de service qui impose la tenue d'un emploi du temps strict ne se justifie pas du fait que Mme Y... n'était pas affectée à la circulation sur une autoroute et qu'elle réunissait deux temps partiels au sein du même comité d'établissement, la cour d'appel qui a en remis en cause le bien-fondé de l'organisation décidée par l'employeur et s'est substituée à lui dans son pouvoir de direction sur le respect d'une procédure d'organisation du temps des salariés, a excédé ses pouvoirs et a violé de la sorte les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
4°- ALORS QUE caractérise une faute, le non-respect par un salarié des directives et instructions de l'employeur ; que ce comportement constitutif d'une insubordination génère nécessairement une perturbation du service en ce qu'il met en cause la légitimité du pouvoir de direction de l'employeur dans son droit élémentaire de donner des directives, sans qu'il soit nécessaire d'en rapporter la preuve autrement que par la réalité du grief ; qu'en reprochant à la société ASF de ne produire aucun élément de nature à démontrer la perturbation du service ou en retenant encore que le secrétaire du comité d'établissement était satisfait du travail de Mme Y..., la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants à écarter toute faute de la salariée, a violé les articles L. 1331-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail ;
5°- ALORS QUE caractérise une faute grave, le fait pour Mme Y... d'avoir modifié unilatéralement son tour de service annuel en violation de la procédure mise en place par l'employeur et des consignes réitérées de ce dernier imposant son autorisation préalable à tout changement du TSA en prenant l'initiative de travailler pendant ses jours de repos sans avoir été autorisée à le faire, peu important le préjudice qui en serait résulté ; qu'ayant constaté que la responsable des ressources humaines avait explicitement refusé à Mme Y... toute modification du planning et que Mme Y... avait modifié son emploi du temps sans y avoir été autorisée et en jugeant cependant que le motif de licenciement n'était ni réel ni sérieux aux motifs inopérants que la salariée avait sollicité l'autorisation de modification du TSA pour le 25 septembre 2009 ou encore qu'il n'était pas justifié des perturbations du service, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, et L. 1234-9 du code du travail ;
ET AUX MOTIFS, D'AUTRE PART, QUE Mme Y... soutient que le véritable motif de son licenciement réside en réalité dans son activité syndicale que l'employeur a voulu sanctionner, de sorte que le licenciement, fondé sur une discrimination syndicale, serait nul ; (¿) que Mme Y... produit des pièces antérieures à l'engagement de sa procédure de licenciement ; qu'ainsi, elle produit le procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité d'établissement du 8 novembre 2006 au cours de laquelle il a été procédé à l'élection et à la désignation des membres des diverses commissions et dans lequel il apparaît que Mme Y... a été désignée par le syndicat CGT pour siéger à la commission emploi/formation, désignation renouvelée lors de la réunion du comité d'établissement du 5 novembre 2009 ; que Mme Y... produit également sa convocation par la direction régionale de la société ASF à la réunion préparatoire sur la gestion prévisionnelle des emplois pour le mercredi 28 mars 2007 ; qu'il résulte de ces éléments que l'employeur avait nécessairement connaissance de l'action syndicale de Mme Y..., puisqu'il préside le comité d'établissement ;
Sur la discrimination
Mme Y... invoque, comme faits de discrimination syndicale à son encontre, l'action judiciaire de la société tendant à voir rompre son contrat de travail avec le comité d'établissement, la modification de son tour de service 2010 et les conditions de son licenciement ;
1- sur l'action judiciaire de la société tendant à voir rompre son contrat de travail avec le comité d'établissement ; (...) il ressort des pièces de la procédure, que le 31 août 2009, le comité d'établissement ASF de Biarritz, représenté par son secrétaire, M. A..., en qualité d'employeur et Mme Y..., en qualité de salariée, ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée pour son engagement, dans le cadre des prérogatives économiques du comité d'établissement, en qualité de cadre, chargée d'études économiques et juridiques, à temps partiel à raison de 20 heures hebdomadaires, à compter du 1er septembre 2009 ; que ce contrat faisait suite à plusieurs CDD ; que par acte huissier de justice en date du 20 octobre 2009, la société ASF et M. X..., pris en sa qualité de président du comité d'établissement de la direction régionale Sud Atlantique Pyrénées de la société ASF ont fait assigner le comité d'établissement de la direction régionale à jour fixe, pour le 9 novembre 2009, devant le tribunal de grande instance de Bayonne pour que : soit déclarée nulle la délibération correspondant au point 17 de l'ordre du jour de la réunion du 25 août 2009 du comité d'établissement de Biarritz relative au recrutement d'un salarié en contrat de travail à durée indéterminée par le CE pour la gestion des affaires juridiques et l'analyse et l'exploitation des données économiques et sociales, à défaut de majorité atteinte ; qu'il soit fait injonction au comité d'établissement de mettre fin à toute éventuelle relation contractuelle fondée sur cette délibération ; qu'il n'est pas contesté que les requérants se sont désistés de leur requête le 5 novembre 2009, et que par courrier du 3 novembre 2009, Mme Y... a été convoquée à un entretien préalable à une mesure de licenciement ; que s'agissant de la procédure de diffamation, (...), dans le cadre de son délibéré, la cour a été destinataire de l'arrêt rendu le 28 mars 2013 par la cour d'appel de Bordeaux, troisième chambre correctionnelle, statuant sur renvoi après cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Pau, arrêt qui a confirmé le jugement déféré sur la culpabilité de M. B..., président de la société ASF, sur la peine d'amende prononcée, sur le rejet de la demande de non inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire du prévenu ; mais qu'indépendamment de cette procédure et de cette condamnation pénale, ce qu'il importe de relever en l'espèce et pour la procédure prud'homale, c'est que M. B... a déclaré devant la presse radiophonique, que Mme Y... avait été licenciée parce que « ses absences désorganisent le travail », alors qu'en sa qualité de président de la société ASF il ne pouvait ignorer que la lettre de licenciement ne comportait aucun motif relatif à des absences et à une désorganisation du travail engendrée par des absences ; qu'indépendamment de la qualification pénale donnée à ces propos, et de la condamnation qui s'en est suivie, leur teneur, émanant du représentant légal de l'employeur, confère aux conditions du licenciement un sens qui vient accréditer la thèse de la salariée, car la substitution au motif énoncé dans la lettre du licenciement, d'un autre motif totalement absent de cette lettre, tant littéralement que dans l'esprit, constitue un indice grave laissant présumer que le véritable motif n'a donc pas été celui énoncé dans la lettre de licenciement ;
2- sur la modification de son tour de service 2010 ; Mme Y... prétend que la société ASF a fait preuve d'une hostilité manifeste et a tenté par tous moyens d'entraver l'exercice de son activité salariée pour le compte du comité d'établissement en modifiant son tour de service 2010, 9 jours après la confirmation de son cumul d'activités, après qu'elle eut informé l'employeur qu'elle avait planifié ses horaires de travail pour le comité en fonction de la répartition de ses heures de travail à l'ASF qui présentaient une constance depuis 10 ans, en planifiant ses heures sur des moments où elle était indisponible du fait de son second emploi, sans consultation préalable du secrétaire du comité, et alors qu'elle a reçu communication de son tour de service le 9 octobre alors que les autres salariés en avaient reçu communication le 10 août, caractérisant sa volonté de nuire à l'exercice de ce cumul d'emplois ; qu'il ressort des pièces versées aux débats, et ainsi qu'il a été dit précédemment, que pendant toute la période pendant laquelle elle a été employée par la société ASF, son temps de travail a présenté une grande constance ; qu'ainsi, de 2007, date de sa mise à disposition auprès du comité d'établissement, à 2009 inclus, son temps de travail était réparti de la manière suivante : 4 demi-journées, les matinées, pour les lundi, mardi, jeudi et vendredi, à l'exception du dernier mardi de chaque mois où cette mi-journée était effectuée l'après-midi ; que le tour de service 2010 prévoyait : 4 demi-journées, en matinée, les lundi, mardi, jeudi et vendredi, à l'exception de la dernière semaine de chaque mois qui se répartissait de la manière suivante : journée entière du mardi, matinées le jeudi et le vendredi ; que par courriel du 30 septembre 2009, Mme Y... indiquait au directeur régional, M. X... que la répartition de ses heures de travail pour le compte du comité d'établissement avait été « réalisée en fonction des principes appliqués depuis de nombreuses années au tour de service de l'ASF », et rappelait qu'elle était dans l'attente depuis un mois environ de son TSA 2010, afin de pouvoir le compléter ; qu'elle a renouvelé sa demande de communication de la trame de son tour de service 2010 par courriel du 6 octobre 2009 ¿précisant que les autres salariés de la direction régionale avaient eu communication de ce document le 10 août ; que la réalité de la communication le 10 août 2009 aux autres salariés du TSA 2010 est établie par le courriel que leur a adressé, à cette date, Mme C..., assistante RH ;
3- Sur les conditions de son licenciement ;
Mme Y... prétend également que son licenciement, dépourvu de cause réelle et sérieuse, constitue en réalité une mesure discriminatoire ; qu'elle produit notamment la copie du procès-verbal de la réunion du comité d'établissement du 24 novembre 2009 duquel il ressort que figurait à l'ordre du jour une question sur l'information/consultation sur une demande de régularisation d'une prolongation de la durée quotidienne maximale de travail, pour des salariés ayant tenu des bureaux de vote lors des élections professionnelles des 15 et 16 octobre 2009 ; que la direction de l'entreprise a indiqué que quatre personnes étaient concernées par cette demande de dérogation ; qu'un représentant du personnel a interrogé la direction pour savoir si les salariés qui ont dépassé les quotas légaux pour les besoins du service feraient l'objet d'une sanction disciplinaire ; qu'il a été répondu par Mme Z... que ces salariés avaient fait du supplément pour rédiger les procès-verbaux des élections et qu'ils l'avaient fait sur demande de l'entreprise, ce à quoi le représentant du personnel a répliqué que Mme Y... avait également fait du supplément pour rédiger le procès-verbal du C.E. mais que par contre elle était sous le coup d'une procédure disciplinaire et soulignait la différence de traitement entre des salariés sur la base de faits pourtant similaires ; que le secrétaire du comité a ajouté que c'était à sa demande que le nécessaire avait été fait pour que le procès-verbal soit établi à temps ; qu'il résulte de tout cela que ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence de la discrimination invoquée, de sorte qu'il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
Sur les explications fournies par la société ASF
1-Sur l'action judiciaire de la société tendant à voir rompre son contrat de travail avec le comité d'établissement ;
dans le corps de son assignation à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Bayonne du comité d'établissement, la société ASF et le président du comité d'établissement exposent que la voix de ce dernier ne pouvant être exclue des voix délibératives et le point 17 de l'ordre du jour qui portait sur le recrutement d'un salarié en CDI par le C.E. n'ayant obtenu que 4 voix pour, alors qu'il y a eu 3 voix contre et 1 abstention, aucune majorité n'est ressortie conformément aux dispositions de l'article L. 2325-18 alinéa 1 du code du travail, de sorte que la majorité n'ayant pas été atteinte, aucune délibération valable ne fondait l'acte litigieux qui devait donc être annulé ; qu'il n'est pas précisé si le désistement des requérants a fait l'objet d'un écrit transmis au juge saisi ; que la société ASF justifie son désistement de la manière suivante dans ses conclusions écrites (page 20) : « l'évolution ultérieure des données factuelles tenant au décompte des voix délibératives ensuite des dernières élections a conduit la société ASF à prendre loyalement acte de la majorité obtenue par le syndicat CGT en se désistant d'une procédure désormais dépourvue d'objet puisque la délibération était désormais susceptible d'être régularisée par une majorité des membres du comité d'établissement » ; que la société ASF ne fournit aucune explication et ne produit aucun élément justifiant en quoi l'évolution des données factuelles tenant au décompte des voix délibératives était, en l'espèce, de nature à permettre une régularisation de la délibération du comité d'établissement ; mais surtout, qu'en tout état de cause, si les conditions tenant au décompte des voix délibératives n'ont été modifiées que postérieurement à la délibération contestée, c'est donc qu'au moment de ladite délibération que les modalités de décompte en cours ne permettaient pas de la considérer comme valable, de sorte que cette modification postérieure n'y changeait rien ; que dès lors, la décision de désistement de cette procédure devient difficilement compréhensible, sauf, ainsi que le fait Mme Y..., à la mettre en parallèle à la procédure de licenciement engagée concomitamment, les deux procédures apparaissant comme ayant manifestement un objet identique, écarter la salariée, au moins en partie, de son action auprès et/ou au sein du comité d'établissement ; que de plus, dans ses explications la société ASF établit un lien direct entre sa contestation de la délibération, ainsi que de son désistement de son action judiciaire, et le syndicat CGT ;
2-Sur la modification de son tour de service 2010 ;
que sur cette question la société ASF écrit (conclusions page 20) : « la modification de son TSA 2010 n'est rien d'autre que la conséquence inévitable du cumul d'activités, donnée objective dont la hiérarchie de Mme Y... a légitimement tenu compte, sans jamais s'y opposer en adaptant son TSA à la réalité de ses horaires ; qu'il ne saurait dès lors être fait grief à la société ASF d'avoir adapté l'organisation de son temps de travail aux exigences de ses missions, notamment en prévoyant qu'elle travaillerait désormais les derniers mardis de chaque mois, jour au cours duquel, de son propre aveu, sa présence est requise pour la sténographie de la réunion mensuelle du comité d'établissement » ; mais que la salariée n'est pas démentie lorsqu'elle fait valoir que la date de la réunion mensuelle du comité d'établissement n'a pas changé, que son cumul d'emplois est antérieur à la modification de son TSA et que c'est cette modification qui fait obstacle à l'exécution de ce cumul ; qu'il convient en effet de relever que curieusement, la société ASF reproche à la salariée de ne l'avoir informée de son engagement par contrat à durée indéterminée par le comité d'établissement que seulement un mois après la régularisation de ce contrat ; que l'employeur ne pouvait cependant ignorer la conclusion de ce contrat puisque précisément il s'agissait d'une décision du comité du 25 août 2009, sous la présidence de l'employeur, qui a contesté cette décision devant le tribunal de grande instance, puis qui s'est désisté de son action le 5 novembre 2009 au motif invoqué de la régularisation inévitable de ce contrat ; que la responsable des ressources humaines indiquait également à Mme Y..., dans un courriel du 22 septembre 2009 qu'elle était dans l'attente de la notification du cumul d'emplois, puis concluait qu'elle attendait la répartition de son temps de travail avec son nouvel employeur afin de pouvoir établir son tour de service 2010 dans les meilleures conditions ; qu'or, il est établi, et non contesté, que Mme Y... était employée par le comité d'établissement depuis plusieurs années avant sa mise à disposition et que par conséquent, lorsqu'elle a été mise à disposition par l'ASF en 2007 auprès de ce comité, l'employeur avait connaissance de ce cumul d'emplois ; qu'aucun élément n'est produit de nature à démontrer une modification de la répartition du travail de la salariée pour le compte du C.E., susceptible de justifier la modification de son tour de service ; que de même, aucun élément n'est produit de nature à démontrer que le défaut de cette modification aurait entraîné une perturbation des services d'ASF ;
3-Sur le licenciement :
que la lettre de licenciement ne contient certes pas de référence explicite à l'activité syndicale de Mme Y... ; que cependant, ainsi qu'il a été dit précédemment, la société ASF échoue à démontrer le sérieux du motif invoqué dans la lettre de licenciement ; qu'il a également été relevé le fait que, pour le président d'ASF, d'invoquer comme motif du licenciement les absences de la salariée comme désorganisation de son travail constitue la substitution d'un motif au motif effectivement énoncé dans la lettre de licenciement, ce qui constitue la reconnaissance que le motif énoncé n'est plus le motif véritable du licenciement, de sorte que ce motif est non seulement pas sérieux mais également pas réel ; que le fait d'invoquer dans la lettre de licenciement un motif qui a les apparences d'un motif objectif, à savoir la modification du tour de service sans autorisation, ne suffit pas à exclure définitivement la discrimination comme véritable motif, dès lors que le motif invoqué n'est ni réel, ni sérieux ; que par conséquent, au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de dire que la salariée a présenté des éléments de fait laissant présumer l'existence d'une discrimination, et que l'employeur ne démontre pas que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, de sorte que la discrimination est établie ; que le licenciement sera donc déclaré nul, en application des dispositions de l'article L. 1132-4 du code du travail.
6°- ALORS QUE le salarié qui allègue être victime d'une discrimination syndicale doit, en préalable, établir des faits laissant supposer l'existence d'une telle discrimination à son encontre c'est à dire que son activité syndicale est la cause des mesures ou des faits dont il se prétend être victime ; qu'en retenant que la société ASF a formé une action judiciaire contre le comité d'établissement visant à obtenir l'annulation d'une délibération relative au recrutement d'un salarié, prise en violation des règles de majorité, puis s'est désistée de cette action au moment de l'engagement de la procédure de licenciement à l'encontre de Mme Y... ; que le président de la société ASF a déclaré à la presse que Mme Y... a été licenciée parce que ses absences désorganisaient le travail alors que tel n'est pas le motif énoncé dans la lettre de licenciement ; que Mme Y... a reçu son emploi du temps pour l'année 2010 (TSA) un mois après les autres salariés ou encore que d'autres salariés qui avaient été autorisés par la direction à déroger à leur durée de travail pour les besoins du service n'ont pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire, la cour d'appel qui s'est fondée sur des circonstances qui n'établissent aucun lien avec l'activité syndicale de Mme Y... et qui sont donc insusceptibles de caractériser des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de cette dernière, a violé les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail ;
7°- ALORS de plus que constitue une raison objective étrangère à toute discrimination à l'encontre d'un salarié, l'action judiciaire de l'employeur dirigée contre le comité d'établissement visant à obtenir l'annulation d'une délibération prise en violation des règles de majorité, quand bien même cette délibération viserait le recrutement du salarié en cause et que cette action a été suivie d'un désistement en raison de l'évolution des données factuelles du litige rendant sans intérêt la poursuite de la procédure ; qu'ayant constaté que la société ASF avait assigné le comité d'établissement de Biarritz pour obtenir l'annulation de la délibération relative au recrutement d'un salarié faute d'avoir obtenu la majorité requise et s'était ensuite désistée de son action en faisant valoir que cette demande était devenue sans intérêt dès lors que le syndicat CGT avait obtenu entre-temps, lors des élections, le nombre de voix suffisant permettant d'adopter une nouvelle résolution en ce sens et en décidant cependant que cette explication de la société ASF n'était pas en elle-même constitutive d'une raison objective étrangère à une discrimination à l'égard de Mme Y... aux motifs totalement inopérants que la société ASF aurait pu obtenir l'annulation de la délibération dès lors que les règles de majorité n'avaient pas été respectées ou encore qu'il existait un lien avec le syndicat CGT, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail ;
8° ALORS également que constitue une raison objective étrangère à toute discrimination à l'encontre d'un salarié, l'exercice par l'employeur de son pouvoir de direction lui permettant d'apporter des correctifs à l'emploi du temps de l'intéressé en fonction d'une autre activité à temps partiel ; qu'en l'espèce, la société ASF a fait valoir que l'adaptation du tour de service annuel (TSA) de Mme Y... n'était que l'exercice de son pouvoir de direction et la conséquence inévitable de son cumul d'activités, Mme Y... ayant été embauchée par le comité d'établissement en qualité de cadre par contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er septembre 2009 ; qu'en écartant cette cause objective étrangère à toute discrimination à l'encontre de Mme Y... aux motifs inopérants que Mme Y... était employée par ce comité depuis plusieurs années, que rien ne démontrerait une modification de la répartition du travail de la salariée pour le compte du comité d'établissement ou encore que le défaut de modification de l'emploi du temps aurait entraîné une perturbation des services de la société ASF, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail ;
9°- ALORS de surcroît, que l'absence de cause réelle et sérieuse du motif de licenciement ne constitue pas nécessairement pour autant une mesure discriminatoire à l'encontre du salarié ; qu'en décidant le contraire pour dire que Mme Y... aurait été victime d'une discrimination syndicale en retenant que le motif de licenciement invoqué par la société ASF n'était ni réel ni sérieux, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail ;
10° ALORS enfin qu'une discrimination syndicale exige d'établir que le salarié a été victime de mesures prises en considération de son activité syndicale ; qu'en considérant que Mme Y... a été victime d'une telle discrimination en se fondant sur les éléments précités tirés de l'action judiciaire de la société ASF à l'encontre du comité d'établissement, de la modification du tour de service 2010 de Mme Y... ou encore de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, sans constater le moindre lien entre ces éléments et l'activité syndicale de Mme Y..., la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1134-1, L. 2141-5 et L. 2141-8 du code du travail.
Moyen produit AU POURVOI PROVOQUE par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour le comité d'établissement des Autoroutes du Sud de la France de Biarritz.
Le comité d'établissement des Autoroutes du Sud de la France de Biarritz fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable son intervention volontaire ;
AUX MOTIFS QUE le comité d'établissement des ASF de Biarritz fonde son intervention volontaire sur le partage de responsabilités qu'il soutient exister entre la société ASF et lui-même au motif que chacun exerce une partie des prérogatives de l'employeur à l'égard de Mme Y... ; que le fait que Mme Y... était titulaire, d'une part, d'un contrat de travail la liant à la société ASF, qui l'a mise à disposition du comité d'établissement dans le cadre de ses obligations à l'égard de ce comité, et d'autre part, d'un contrat de travail la liant au comité, ne conduit pas pour autant à un «partage de responsabilités » entre les deux employeurs à l'égard de la salariée ; que chaque employeur est personnellement, et totalement, détenteur de ses prérogatives d'employeur à l'égard de la salariée qu'il tient du contrat de travail qu'il a conclu personnellement avec celle-ci ; que l'action prud'homale engagée par Mme Y... ne peut donc être dirigée qu'à l'encontre de l'employeur auquel elle est liée par un contrat de travail et à l'occasion duquel s'est élevé un différend ; qu'en l'espèce, Mme Y... a saisi le conseil de prud'hommes d'une contestation de son licenciement, prononcé par la société ASF en soutenant que celle-ci avait commis à son encontre une discrimination syndicale ; que le litige oppose donc Mme Y... à la société ASF dans le cadre d'un contrat dans lequel le comité d'établissement n'est pas partie ; que le litige qui est susceptible d'intervenir entre la société ASF et le comité d'établissement ne peut ressortir de la compétence prud'homale, ni l'un, ni l'autre n'étant employeur ou salarié de l'un ou de l'autre ; que le comité d'établissement n'a pas davantage compétence pour intervenir et agir au soutien des prétentions de Mme Y... ; que de même, le comité d'établissement ne peut pas être considéré comme étant un organisme qui se substitue habituellement aux obligations légales de l'employeur, de sorte qu'il ne peut intervenir sur le fondement des dispositions de l'article L. 1411-6 du code du travail, étant en outre souligné, que si ce texte permet la mise en cause de l'organisme qui se substitue aux obligations légales de l'employeur, il ne lui permet pas pour autant d'intervenir volontairement ; que par conséquent, l'intervention du comité d'établissement sera déclarée irrecevable ;
1°) ALORS QUE l'intervention volontaire à titre principal est recevable dès lorsqu'elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant ; qu'en se bornant, pour déclarer irrecevable l'intervention du comité d'établissement de Biarritz, à énoncer que le litige opposait Mme Y... à la société ASF dans le cadre d'un contrat dans lequel le comité d'établissement n'était pas partie, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'intervention volontaire de ce dernier demandant réparation du préjudice que lui avait causé le licenciement de la salariée mise à sa disposition pour assurer son fonctionnement, ne se rattachait pas néanmoins par un lien suffisant avec la demande initiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 325 et 329 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la compétence du conseil de prud'hommes s'étend aux litiges survenus à l'occasion du contrat de travail ; qu'en se bornant, après avoir pourtant constaté que Mme Y... était titulaire d'un contrat de travail la liant à la société ASF qui l'avait mise à disposition du comité d'établissement dans le cadre de ses obligations à l'égard de ce dernier, à retenir que le litige susceptible d'intervenir entre le comité d'établissement et la société ASF ne pouvait ressortir de la compétence prud'homale, ni l'un, ni l'autre n'étant l'employeur ou le salarié de l'un ou de l'autre, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si le litige susceptible d'intervenir entre le comité d'établissement de Biarritz et la société ASF n'était pas survenu à l'occasion du contrat de travail de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1441-1 du code du travail, ensemble les articles 325 et 329 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-21055
Date de la décision : 28/01/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 16 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 jan. 2015, pourvoi n°13-21055


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.21055
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