LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 novembre 2013), que le 16 août 2004, Mme X... a acquis de Mme Y... des lots de copropriété ; qu'une clause relative à « des travaux confortatifs des fondations... effectués à la suite de désordres vraisemblablement causés par la sécheresse » était insérée dans la promesse de vente du 10 mars 2004 puis dans l'acte authentique ; que l'expert judiciaire désigné le 13 avril 2004 dans le cadre du recours contre la compagnie d'assurance, a préconisé dans son rapport du 30 novembre 2009, des travaux supplémentaires importants pour assurer la solidité de l'immeuble ; que Mme X..., reprochant à Mme Y... et au syndic de copropriété, la société Foncia Mansart, de lui avoir donné des indications erronées sur un élément déterminant de la vente et d'avoir conservé le silence sur la gravité des désordres évolutifs, les a assignées en indemnisation de son préjudice ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande indemnitaire à l'encontre de la société Foncia Mansart, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en affirmant, pour débouter Mme X... de sa demande indemnitaire à l'encontre de la société Foncia Mansart, que son préjudice financier correspondrait en réalité à la réparation des dommages subis par l'immeuble qui ont pour origine un mouvement structurel, lui-même consécutif à un tassement et qu'elle n'aurait pas demandé l'indemnisation d'une perte de chance d'avoir pu négocier un prix moindre pour l'achat de son appartement, cependant que, dans ses conclusions du 18 mai 2012, Mme X... demandait à être indemnisée du coût des travaux restant à accomplir sur l'immeuble, des frais annexes et de la dépréciation de son appartement dès lors qu'elle n'aurait jamais acheté cet appartement si elle avait été parfaitement informée par le syndic de la procédure en cours à l'encontre de la compagnie d'assurance, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en constatant, pour débouter Mme X... de sa demande indemnitaire à l'encontre de la société Foncia Mansart, que, d'une part, la gravité du vice évolutif affectant l'immeuble était de nature à compromettre le consentement de Mme X... si elle en avait eu connaissance et que, d'autre part, la société Foncia Mansart avait failli à sa mission en omettant de préciser l'état de la procédure contre la compagnie d'assurance, ce qui aurait permis à Mme X... de connaître la nature exacte des travaux accomplis avant la signature de l'acte authentique et, le cas échéant, de renoncer à acheter l'appartement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations d'où il résulte qu'il existait un lien de causalité entre la faute établie et le dommage allégué, a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que Mme X... ne demandait pas l'indemnisation d'une perte de chance d'avoir pu négocier un prix moindre pour son achat, mais le paiement d'une somme globale et forfaitaire pour l'indemniser du coût des travaux, des frais annexes et de la dépréciation de son bien, la cour d'appel en a exactement déduit que la preuve n'était pas rapportée d'un lien de causalité entre la faute du syndic et le préjudice invoqué ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1116 du code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes de Mme X... à l'encontre de Mme Y... et écarter le dol, l'arrêt retient qu'il ne peut être reproché à celle-ci d'avoir sciemment mentionné des travaux confortatifs au lieu de conservatoires et gardé le silence sur l'état réel de l'immeuble, compte tenu de sa qualité de profane en matière de construction et de la gravité de ses difficultés de santé ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que Mme Y... connaissait l'état réel de l'immeuble et la nature conservatoire des travaux à entreprendre dès 2002 et qu'elle était présente à l'assemblée générale des copropriétaires du 29 janvier 2004 qui avait décidé de l'action en référé expertise, par des motifs qui ne suffisent pas à exclure le caractère intentionnel du silence gardé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement ce qu'il déboute Mme X... de ses demandes à l'encontre de Mme Y... et constate que l'appel en garantie de Mme Y... à l'encontre de la société Foncia Mansard est sans objet, l'arrêt rendu le 7 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y... à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... ; rejette la demande de Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en tant qu'il condamnait Mme Y... sur le fondement du dol, puis débouté Mme X... de ses demandes à l'encontre de Mme Y...,
AUX MOTIFS QUE « Sur l'existence de manoeuvres dolosives. Dès 2002, Madame Y... connaissait l'état réel de l'immeuble et la nature conservatoire des travaux par le procès verbal de l'assemblée générale du 3 octobre 2002. De plus, il est établi qu'elle était en 2003, parfaitement clairvoyante sur l'état de l'immeuble puisqu'elle écrivait au syndic : « J'ai rencontré Monsieur Z... et il m'a expliqué les difficultés rencontrées avec ce dossier sinistre, et je continue à penser qu'il faudra arriver à une démarche juridique. Dès réception du règlement, je vous demande de prévenir Monsieur Z... afin qu'il fasse le nécessaire pour mon dossier de fenêtres pour ne pas compromettre la vente prévue. » Enfin, elle était présente à l'assemblée générale spéciale du 29 janvier 2004 qui avait décidé de l'action en justice contre la compagnie AXA, et de la procédure de référé aux fins de voir désigner un expert. Toutefois, en 2004, elle subissait de graves difficultés de santé. En effet le docteur A..., qui l'a opérée le 20 juillet 2004, a certifié que le « tableau d'hypertension intercrânienne évoluait depuis environ un an avant l'intervention, avec des troubles des fonctions supérieures, des troubles de concentration, des troubles de jugement. » Dans une attestation du 17 juillet 2009, Madame B... a déclaré qu'en janvier 2004, à l'occasion d'un déplacement, elle a vu Madame Y... perdre l'équilibre et rester couchée le reste de son séjour, avant de retourner en Bretagne avec difficultés. Lors de la signature de la promesse de vente du 10 mars 2004, comme lors de la signature de l'acte authentique, Madame Y... était représentée par un clerc de notaire. Il ne peut lui être fait de grief, tant à l'occasion de la promesse de vente que de l'acte authentique, compte tenu de sa qualité profane en matière de construction, de la gravité de ses difficultés de santé et leurs conséquences, d'avoir sciemment mentionné des travaux "confortatifs" au lieu de "conservatoires". Il ne peut davantage être tenu pour dolosif, compte tenu de ses importants troubles de santé, son silence sur la tenue de l'assemblée générale le 30 juin 2004 à laquelle elle n'était ni présente ni représentée et le fait de n'avoir pas donné davantage de renseignement sur l'état de l'immeuble et la procédure en cours à l'encontre la compagnie d'assurance. La circonstance que Madame Y... ait eu la conscience suffisante pour signer les actes de procuration à ses mandataires ne permet pas d'établir réalité du dol, qui suppose une intention malveillante, de son auteur, intention qui n'est pas démontrée en l'espèce. Le jugement critiqué sera dès lors infirmé en ce qu'il a condamné Madame Y... sur le fondement du dol » (arrêt, pp. 6-7) ;
ALORS QUE 1°), constitue un dol la délivrance, par le vendeur d'un bien, d'informations inexactes et incomplètes déterminantes du consentement de l'acheteur ; qu'en constatant, pour débouter Mme X... de ses demandes indemnitaires à l'encontre de Mme Y..., d'une part, que la gravité du vice évolutif affectant l'immeuble était de nature à compromettre le consentement de l'acquéreur qui en aurait eu connaissance (cf. arrêt, p. 6, §§. 1-8), d'autre part, que dès 2002, Mme Y... connaissait l'état réel de l'immeuble et la nature conservatoire des travaux, qu'elle était parfaitement clairvoyante à cet égard sur l'état de l'immeuble en 2003 et qu'elle était présente à l'assemblée générale spéciale des copropriétaires du 29 janvier 2004 décidant de l'action en justice contre la compagnie d'assurance et de l'action en référé aux fins d'expertise (cf. arrêt, p. 6, §§. 9-11), enfin, que Mme Y... avait menti sur la nature exacte des travaux entrepris et qu'elle était restée silencieuse sur l'état réel de l'immeuble et la procédure en cours à l'encontre de la compagnie d'assurance (cf. arrêt, p. 7, §§. 2-3), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations d'où il résultait que Mme Y... avait sciemment pratiqué des manoeuvres en vue de surprendre le consentement de Mme X... qui n'aurait pas acquis l'appartement en vente si elle avait eu connaissance du vice affectant l'immeuble, a violé l'article 1116 du code civil,
ALORS QUE 2°), la circonstance que l'une des parties soit profane dans la matière en cause ne suffit pas à exclure toute intention dolosive dans les manoeuvres qu'elle a pu pratiquer pour surprendre l'autre partie ; qu'aussi bien, en retenant, après avoir constaté le mensonge de Mme Y... sur la nature exacte des travaux entrepris, que cette manoeuvre ne pouvait être tenue pour dolosive compte tenu de sa qualité de profane en matière de construction, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil,
ALORS QUE 3°), la circonstance que l'une des parties soit atteinte de troubles de santé ne suffit pas à exclure toute intention dolosive dans les manoeuvres qu'elle a pu pratiquer pour surprendre l'autre partie ; qu'aussi bien, en retenant, après avoir constaté le mensonge de Mme Y... sur la nature exacte des travaux entrepris et son silence sur l'état réel de l'immeuble et de la procédure en cours à l'encontre de la compagnie d'assurance, que ces manoeuvres ne pouvaient être tenues pour dolosives compte tenu des importants troubles de santé dont elle souffrait, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil,
ALORS QUE 4°), à tout le moins, qu'en constatant que, nonobstant ses difficultés de santé, Mme Y... qui connaissait l'état réel de l'immeuble et la nature conservatoire des travaux, avait eu la conscience suffisante pour donner procuration à ses mandataires lors de la signature de la promesse de vente puis de l'acte authentique (cf. arrêt, p. 7, §§. 2-3), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations d'où il résultait que Mme Y... avait agi sciemment en vue de surprendre le consentement de Mme X..., a violé l'article 1116 du code civil,
ALORS QUE 5°), en tout état de cause, le représentant d'une des parties cocontractantes n'est pas un tiers pour la conclusion du contrat ; qu'en retenant, après avoir constaté le mensonge de Mme Y... sur la nature exacte des travaux entrepris et son silence sur l'état réel de l'immeuble et de la procédure en cours à l'encontre de la compagnie d'assurance, que ces manoeuvres ne pouvaient être tenues pour dolosives compte tenu des importants troubles de santé dont elle souffrait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (cf. conclusions n° 02 du 18 mai 2012, p. 15), si ses mandataires lors de la signature de la promesse et de l'acte authentique avaient eux-mêmes connaissance du caractère inexact et incomplet des informations communiquées à Mme X..., la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme X... de sa demande indemnitaire à l'encontre de la société Foncia Mansart,
AUX MOTIFS QUE « Sur l'action en responsabilité de Mme X... à l'encontre de la société FONCIA MANSART. Il résulte des dispositions de l'article 5 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 qu'à l'occasion de la mutation d'un lot de copropriété, le syndic adresse au notaire chargé de recevoir l'acte, à la demande de ce dernier ou à celle du copropriétaire qui transfère tout ou partie de ses droits sur le lot, un état daté en trois parties. Dans une annexe à la troisième partie, le syndic indique la somme correspondant, pour les exercices précédents, à la quote-part afférente au lot considéré dans le budget prévisionnel et dans le total des dépenses hors budget prévisionnel et il mentionne, s'il y a lieu, l'objet et l'état des procédures en cours dans lesquelles le syndicat est partie. Madame X... reproche au syndic de copropriété de ne l'avoir pas informée de l'expertise en cours. L'annexe adressée le 9 août 2004 au notaire par le syndic se borne à mentionner qu'il existe des procédures en cours contre les copropriétaires débiteurs et ne fait aucune mention sur la procédure à l'encontre de la compagnie d'assurance. L'existence de la procédure à l'encontre de l'assureur était mentionnée à l'acte de vente. Néanmoins, en application de l'article 5 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, le syndic devait préciser dans l'annexe sus-visée qu'une ordonnance de référé avait été rendue et qu'une expertise était en cours. En effet, cette précision aurait permis à Madame X... de prendre connaissance de la mission donnée à l'expert par le juge des référés, de constater qu'il avait été demandé à Monsieur C... d'indiquer les travaux nécessaires pour remédier aux désordres, et de demander, avant signature de l'acte authentique, davantage de précisions sur la nature des travaux déjà effectués. En omettant de donner les précisions sur l'état de la procédure contre la compagnie d'assurance, la société FONCIA MANSART a failli à sa mission et a engagé sa responsabilité. Pour s'exonérer de cette responsabilité, la société FONCIA MANSART fait état de la situation du compte "Gros travaux" qu'elle avait envoyée au notaire en 2003 et de la faculté pour Madame X... de prendre connaissance du carnet d'entretien. La communication au notaire du compte "Gros travaux", à l'occasion de pourparlers avec un précédent acquéreur de Madame Y... avant l'engagement de la procédure judiciaire contre l'assureur, ne dispensait pas le syndic de fournir, en 2004 et à l'occasion de la vente avec Madame X..., l'état des procédures en cours. Le syndic ne peut davantage se prévaloir de la possibilité de consulter le carnet d'entretien, sur lequel sont uniquement mentionnés comme travaux importants, ceux réalisés en 2003 sur canalisations des eaux usées. En revanche, en application de l'article 1382 du code civil, pour obtenir l'indemnisation de son préjudice, Madame X... doit établir l'existence du lien de causalité entre la faute et le dommage. Madame X... demande le paiement d'une somme "globale et forfaitaire" de 100.000 ¿ pour l'indemniser du coût des travaux restant à accomplir, des frais annexes et de la dépréciation de son bien. Ce préjudice financier correspond en réalité à la réparation des dommages subis par l'immeuble qui ont pour origine un mouvement structurel, lui-même consécutif à un tassement. Madame X..., qui ne demande pas l'indemnisation d'une perte de chance d'avoir pu négocier un prix moindre pour son achat, ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre la faute de la société MAAF IMMOBILIER aux droits de laquelle vient FONCIA MANSART et le préjudice qu'elle invoque. En conséquence, elle doit être déboutée de sa demande » (arrêt, pp. 7-8) ;
ALORS QUE 1°), en affirmant, pour débouter Mme X... de sa demande indemnitaire à l'encontre de la société Foncia Mansart, que son préjudice financier correspondrait en réalité à la réparation des dommages subis par l'immeuble qui ont pour origine un mouvement structurel, lui-même consécutif à un tassement et qu'elle n'aurait pas demandé l'indemnisation d'une perte de chance d'avoir pu négocier un prix moindre pour l'achat de son appartement (cf. arrêt, p. 8, §. 7), cependant que, dans ses conclusions du 18 mai 2012, Mme X... demandait à être indemnisée du coût des travaux restant à accomplir sur l'immeuble, des frais annexes et de la dépréciation de son appartement dès lors qu'elle n'aurait jamais acheté cet appartement si elle avait été parfaitement informée par le syndic de la procédure en cours à l'encontre de la compagnie d'assurance (cf. conclusions n° 02, pp. 15-18), la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile,
ALORS QUE 2°), en constatant, pour débouter Mme X... de sa demande indemnitaire à l'encontre de la société Foncia Mansart, que, d'une part, la gravité du vice évolutif affectant l'immeuble était de nature à compromettre le consentement de Mme X... si elle en avait eu connaissance (cf. arrêt, p. 6, §§. 1-8) et que, d'autre part, la société Foncia Mansart avait failli à sa mission en omettant de préciser l'état de la procédure contre la compagnie d'assurance, ce qui aurait permis à Mme X... de connaître la nature exacte des travaux accomplis avant la signature de l'acte authentique et, le cas échéant, de renoncer à acheter l'appartement (cf. arrêt, p. 7, §. 14, p. 8, §. 1er), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations d'où il résulte qu'il existait un lien de causalité entre la faute établie et le dommage allégué, a violé l'article 1382 du code civil.