LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 3 avril 2013), que M. X... a, en qualité de maître de l'ouvrage, confié à M. Y... une mission de maîtrise d'oeuvre portant sur la construction d'une maison d'habitation ; que le lot maçonnerie a été confié à la société Cormier et Baréa et le lot menuiserie à la société Leluan Map ; que la fabrication et la pose de l'escalier ont été réalisés par la société Riaux escaliers en qualité de sous-traitant ; que les réserves émises lors de la réception n'ayant pas toutes été levées, M. X... a fait assigner M. Y... et ses cocontractants en réparation des préjudices en résultant ; que la société Leluan Map a mis en cause la société Riaux escaliers ; que l'immeuble a été vendu, selon acte authentique contenant une clause par laquelle M. X... se réservait la poursuite de la procédure en cours ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour débouter M. X... de la demande d'indemnisation formée au titre de la non-conformité de l'escalier, l'arrêt retient que M. X..., qui produisait un devis de réfection, n'établissait pas avoir fait exécuter les travaux correspondants et qu'il n'est pas établi que le prix de vente aurait été diminué en fonction de ces malfaçons ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait reconnu la qualité à agir de M. X... et constaté la non-conformité dont il demandait réparation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour indemniser partiellement M. X... des travaux qu'il a fait réaliser sur la cheminée, l'arrêt retient que ces travaux ont apporté des améliorations à l'existant par la pose d'un cadre en laiton et d'une vitre en vitro-céramique ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser que ces ajouts constituaient des améliorations alors qu'elle ne s'est pas prononcée sur les travaux utiles à mettre fin au désordre, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le troisième moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande formée au titre de l'indemnisation de la non-conformité de l'escalier et limité à la somme de 1 213,94 euros la condamnation in solidum de M. Y... et de la société Cormier et Baréa au titre de la réfection de la cheminée, l'arrêt rendu le 3 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. Y..., la société Cormier et Baréa, la société Leluan Map, représentée par M. Z... et M. A..., ès qualités de mandataire et administrateur judiciaires, et la société Riaux escaliers aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y..., la société Cormier et Baréa, la société Leluan Map, représentée par M. Z... et M. A..., ès qualités de mandataire et administrateur judiciaires, et la société Riaux escaliers à payer à M. X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande tendant à la remise en état de l'escalier, et D'AVOIR limité à 300 € l'indemnisation au titre de son préjudice de jouissance ;
AUX MOTIFS QUE « sur les malfaçons de l'escalier : suivant les conclusions du rapport d'expertise, la hauteur sous charpente de la onzième marche de l'escalier est inférieure tant au marché de travaux qui prévoyait une hauteur de 2,10 m qu'à la norme minimale XP P 21-211 de 1,90 m, n'étant que de 1,73 m ; Monsieur B...
X... prétend qu'il est subrogé aux droits des époux C... auxquels il a vendu sa maison pour demander la réfection de l'escalier et le trouble de jouissance en résultant, ayant en outre consenti aux acquéreurs une réfaction importante du prix de vente pour tenir compte de l'inconvénient résultant de la hauteur insuffisante dudit escalier ; or, d'une part, Monsieur B...
X... qui produit un devis de réfection de l'escalier pour la somme de 6.737,17 € TTC n'établit pas avoir fait exécuter les travaux correspondants, d'autre part, il n'est pas établi que le prix de vente de la maison aurait été diminué en fonction des malfaçons de l'échappée de l'escalier, rien ne prouvant que la différence de montant entre le prix de mise en vente et le prix indiqué à l'acte de vente résulterait des malfaçons de la maison, étant observé que l'acquéreur, Monsieur C..., indique que l'insuffisance de hauteur de l'échappée de l'escalier ne le gêne pas et qu'il n'a pas l'intention d'y remédier ; au regard de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur B...
X... de sa demande de remise en état de l'escalier et celui-ci sera débouté de sa demande de condamnation contre Monsieur Y..., en sorte que les appels en garantie de celui-ci sont sans objet ; s'agissant de la demande d'indemnité au titre du trouble de jouissance consécutif aux malfaçons de l'escalier, elle ne pourra être fixée au passif du redressement judiciaire de cette société qu'au cas où la déclaration de créance de Monsieur X... serait relevée de la forclusion encourue par le juge commissaire ; le quantum de l'indemnité sera confirmé du fait de l'insignifiance de ce trouble qui n'affecte qu'une seule marche d'un escalier en "L" ; ainsi que l'a dit le tribunal, la société Riaux devra garantir la société Leluan Map des deux tiers de cette condamnation en ce qu'elle a manqué à son devoir de conseil en fabricant un escalier sans avoir égard à la hauteur sous charpente de la pièce où il devait être posé ; la société Leluan Map n'étant pas responsable des erreurs de conception de l'architecte, le jugement sera confirmé en ce qu'il a Monsieur B...
X... à payer à cette société son solde de travaux avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 décembre 2009, la situation de travaux établie le 24 juillet 2003 ne pouvant constituer le point de départ des intérêts moratoires comme le demandent les mandataires de la société Leluan Map » ;
ET AUX MOTIFS DU JUGEMENT PARTIELLEMENT CONFIRMÉ QUE « 4) l'escalier Il est constant que Monsieur X... a commandé l'escalier à la société Leluan Map qui en a sous-traité la fabrication à la société Riaux. L'expert a constaté, ce qui n'est pas discuté, que la hauteur sous poutre, au niveau de la 11e marche de l'escalier, n'est que de 1,73 m, alors que la norme est de 1,90 m. Monsieur X... a émis une réserve à ce sujet lors de la réception. Cette réserve n'a pas été levée, la seule solution pour régler la difficulté étant de modifier le sens de l'escalier, ce qui suppose un réaménagement de l'espace intérieur. En livrant un escalier non-conforme aux normes en vigueur, la société Leluan a commis un manquement à ses obligations contractuelles. Il en va de même de la société Riaux, qui a construit l'escalier et avait pris les mesures nécessaires. Monsieur X... ne subit toutefois aucun préjudice : il n'a pas fait modifier l'escalier avant de revendre l'immeuble et le nouveau propriétaire, qui s'accommode de la situation, n'envisage aucune modification, ainsi qu'il l'atteste. Monsieur X... ne justifie pas que la difficulté concernant l'escalier ait abouti à une diminution du prix de vente. Dans ces conditions, la demande de Monsieur X... tendant à obtenir le paiement du réaménagement de l'escalier ne peut aboutir, faute de préjudice. Monsieur X... peut en revanche obtenir réparation du préjudice de jouissance qu'il a subi lorsqu'il habitait l'immeuble, puisqu'il justifie mesurer plus d'1,80 m et que la faible hauteur de l'escalier l'a manifestement gêné pendant plus de quatre ans (...) » ;
ALORS QUE le maître de l'ouvrage ayant vendu l'immeuble par un acte comportant une clause expresse prévoyant que le vendeur poursuivrait la procédure en cours et en conserverait le bénéfice, est en droit d'obtenir le coût des travaux de reprise de nature à remédier aux désordres ; que la cour d'appel pour débouter Monsieur B...
X... de sa demande tendant à la remise en état de l'escalier, a retenu que Monsieur B...
X... qui produisait un devis de réfection n'établissait pas avoir fait exécuter les travaux correspondants, qu'il n'était pas établi que le prix de vente de la maison aurait été diminué en fonction des malfaçons de l'échappée de l'escalier, et que l'acquéreur indiquait que l'insuffisance de hauteur de l'échappée de l'escalier ne le gênait pas et qu'il n'avait pas l'intention d'y remédier ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant la non-conformité de l'escalier au marché et aux normes en vigueur, et que Monsieur B...
X... avait vendu l'immeuble suivant acte authentique prévoyant que le vendeur poursuivrait la procédure en cours et en conserverait le bénéfice, la cour d'appel a violé les articles 1142 et 1147 et 1149 du code civil.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR condamné in solidum Monsieur Y... et la SARL Cormier et Barea à payer à Monsieur X... seulement la somme de 1.213,94 euros seulement au titre de la remise en état de la cheminée et celle de 500 ¿ au titre de son préjudice de jouissance consécutif au mauvais fonctionnement de la cheminée ;
AUX MOTIFS QUE « sur la cheminée : la cheminée à feu ouvert a été conçue par Monsieur Thierry Y... et réalisée par la société Cormier et Barea ; elle s'est révélée quasi-inutilisable du fait de la disproportion entre le foyer et le conduit d'évacuation, ce qui avait pour effet la dispersion des fumées à l'intérieur de la maison ; par ailleurs, le soubassement de la cheminée comportait selon Monsieur X... des fers à béton qui, lorsque la cheminée est utilisée, se dilataient en provoquant le décollement des briques ; Monsieur B...
X... justifie avoir fait réaliser des travaux de remise en état par une société CBS pour un montant de 3.333,16 € ; Il est indifférent, en raison de l'effet dévolutif de l'appel, que statuant ultra petita, le tribunal ait condamné Monsieur Thierry Y... in solidum avec la société Cormier et Barea à payer à Monsieur B...
X... une somme de 300 € au titre du préjudice de jouissance concernant la cheminée, ainsi qu'à payer à Monsieur B...
X... une somme de 1.213,94 € au titre de la remise en état de la cheminée, dès lors que l'appelant présente des demandes sur ces deux points en cause d'appel ; les travaux que Monsieur B...
X... a fait réaliser sur la cheminée ont apporté des améliorations à l'existant par la pose d'un cadre en laiton et d'une vitre en vitro-céramique, c'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a accordé à Monsieur B...
X... la somme de 1.213,94 € TTC au titre des réparations indispensables ; en ce qui concerne le trouble de jouissance de Monsieur X... qui n'a pu user normalement de sa cheminée durant quatre années, il sera fixé à la somme de 500 €, le jugement étant réformé sur le quantum de l'indemnité accordée ; ces sommes seront dues à Monsieur B...
X... in solidum par Monsieur Thierry Y... et la société Cormier et Barea, par moitié entre eux dans leurs rapports respectifs comme l'a dit le tribunal dès lors que l'architecte a mal conçu cet équipement et que la société Cormier et Barea n'a pas rectifié cette erreur de conception dans le cadre de son devoir de conseil » ;
ET AUX MOTIFS DU JUGEMENT PARTIELLEMENT CONFIRMÉ QUE « Monsieur X... verse aux débats une facture de remise en état pour un montant de 3.333,16 euros, validée par l'expert. Il apparaît toutefois que les travaux réalisés comportent des améliorations par rapport à la prestation initiale de la société Cormier et Barea. En effet, il est fait état d'un cadre en laiton et d'une vitre en vitrocéramique qui n'existaient pas auparavant. Il convient donc de déduire de la facture le prix de ces améliorations, de telle sorte que l'obligation à garantie de Monsieur Y... et de la société Cormier et Barea sera limitée à 1.213,94 euros » ;
ALORS QUE Monsieur B...
X... a fait valoir que les travaux de remise en état de la cheminée ne constituaient nullement une amélioration mais une reprise nécessaire qui avait été admise par la SMABTP, que les travaux avaient consisté à poser un bandeau en verre trempé avec un entourage en laiton pour diminuer la hauteur de la hotte de la cheminée, empêchant ainsi l'échappement des fumées dans la pièce, qu'au contraire, il était moins coûteux de rabaisser la hotte, conformément aux préconisations de l'expert, avec une vitre vitrocéramique, plutôt que de réaliser un nouvel ouvrage en ciment, ce qui aurait entraîné nécessairement la destruction de toute la hotte et des travaux nettement plus importants (conclusions du 13 novembre 2012, p. 10) ; que la cour d'appel, qui a confirmé le jugement, sans s'expliquer sur le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR condamné seulement Monsieur Y..., à l'exclusion des entreprises, au titre des pénalités de retard ;
AUX MOTIFS QUE « sur les pénalités de retard : (...) Monsieur B...
X... sera débouté de ses demandes dirigées au même titre contre l'ensemble des entreprises intimées, dès lors qu'il ne démontre pas lesquelles d'entre elles seraient à l'origine du retard de livraison, que l'expert n'a pas davantage déterminé l'origine ni la cause des retards d'achèvement du chantier de construction et qu'une responsabilité collective ne saurait être retenue, comme l'a dit justement le tribunal » ;
ET AUX MOTIFS DU JUGEMENT PARTIELLEMENT CONFIRMÉ QUE « selon l'article 22 du cahier des prescriptions spéciales, "les entreprises seront astreintes, en cas de dépassement non autorisé des dates prévues au planning d'exécution des travaux, à des pénalités s'élevant à 1/500e du montant du marché, avec un minimum de 46 euros HT par jour calendaire (...) Les intempéries seront prises en considération dans le calcul des journées de retard, pour lesquelles l'entrepreneur ne pourra dans ce cas, être tenu responsable". Le planning d'exécution, signé de toutes les entreprises, fixait la date de réception au 24 juin 2003. Or, la réception n'est intervenue que le 29 juillet 2003. Il existe donc un retard de 35 jours par rapport au planning. Monsieur X... sollicite la condamnation solidaire de tous les défendeurs au paiement des pénalités de retard contractuelles. Il ne saurait toutefois y avoir une imputation globale et solidaire des pénalités de retard entre tous les constructeurs, puisque chaque entreprise est responsable du retard qui lui est personnellement imputable. En l'espèce, aucune pièce ne permet d'établir quel ou quels entrepreneurs sont responsables des 35 jours de retard. En conséquence, la demande en paiement dirigée contre tous les défendeurs doit être rejetée » ;
1° ALORS QUE les entrepreneurs qui se sont engagés sur un planning d'exécution, sous peine de pénalités de retard, sont tenus d'une obligation de résultat quant au respect des délais contractuels, et ne peuvent s'exonérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère ; que la cour d'appel qui, pour rejeter la demande en paiement de pénalités contractuelles de retard contre les entrepreneurs, a retenu qu'aucune pièce ne permettait d'établir lesquelles des entreprises seraient à l'origine du retard de livraison, a violé l'article 1147 du code civil ;
2° ALORS QUE chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il est procédé entre eux ; que la cour d'appel qui, pour rejeter la demande en paiement de pénalités contractuelles de retard contre les entrepreneurs, a retenu qu'aucune pièce ne permettait d'établir lesquelles des entreprises seraient à l'origine du retard de livraison, et qu'une responsabilité collective ne saurait être retenue, a violé l'article 1147 du code civil ;
3° ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; que la cour d'appel qui, pour rejeter la demande en paiement de pénalités contractuelles de retard contre les entrepreneurs, a retenu qu'aucune pièce ne permettait d'établir lesquelles des entreprises seraient à l'origine du retard de livraison, et que l'expert n'avait pas déterminé l'origine ni la cause des retards, a violé l'article 4 du code civil.