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21/01/2015 | FRANCE | N°13-22556

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 janvier 2015, 13-22556


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu selon l'arrêt attaqué que Mme X..., engagée à compter du 1er décembre 1969 par la société Quartz et silice, a vu son contrat de travail transféré à compter de décembre 1993 à la société Crismatec devenue Saint-Gobain cristaux et détecteurs où elle exerçait en dernier lieu les fonctions d'assistante de contrôle de gestion ; qu'après un arrêt maladie du 5 mai 2009, elle a été déclarée inapte temporaire le 30 juin suivant et le 9 mars 2010 inapte à tous postes dans l'entreprise ; que le lendemai

n, elle a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement et par le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu selon l'arrêt attaqué que Mme X..., engagée à compter du 1er décembre 1969 par la société Quartz et silice, a vu son contrat de travail transféré à compter de décembre 1993 à la société Crismatec devenue Saint-Gobain cristaux et détecteurs où elle exerçait en dernier lieu les fonctions d'assistante de contrôle de gestion ; qu'après un arrêt maladie du 5 mai 2009, elle a été déclarée inapte temporaire le 30 juin suivant et le 9 mars 2010 inapte à tous postes dans l'entreprise ; que le lendemain, elle a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement et par lettre du 25 mars 2010, a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 1235-4 du code du travail ;
Attendu qu'après avoir constaté la nullité du licenciement, la cour d'appel condamne l'employeur au remboursement des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le remboursement des indemnités de chômage ne pouvait être ordonné en cas de nullité du licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne dans les limites de l'article L. 1235-4 du code du travail le remboursement, par la société Saint-Gobain cristaux et détecteurs à l'organisme social concerné, des indemnités de chômage payées à la salariée, l'arrêt rendu le 6 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
Dit n'y avoir lieu à remboursement à Pôle emploi Ile-de-France des allocations de chômage versées à Mme X... ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Saint-Gobain cristaux et détecteurs
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit nul le licenciement de Madame X..., d'AVOIR condamné l'exposante à lui verser les sommes de 80000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, de 15000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, de 5544, 26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 554, 42 euros au titre des congés payés afférents, d'AVOIR ordonné le remboursement des indemnités de chômage dans les limites de l'article L. 1235-4 du Code du travail, d'AVOIR condamné l'exposante aux dépens ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE : Sur le harcèlement : Pour infirmation, Mme X... soutient que son licenciement résulte en réalité des agissements de son employeur, constitutifs de harcèlement à son égard. Elle fait valoir qu'après avoir vécu une succession importante de supérieurs hiérarchiques et assuré l'intérim de la vacance du poste de contrôleur de gestion et voir ainsi sa charge de travail considérablement alourdie, elle s'est vue refuser l'attribution de ce poste puis a subi une dégradation continue de ses conditions de travail après l'arrivée d'un nouveau contrôleur de gestion, alliant notamment des mesures vexatoires, des critiques et reproches injustifiés, des ordres contradictoires et une dépossession de certaines attributions, outre une absence de prise en compte de l'état de santé, ayant eu pour effet de le dégrader. La société SAINT GOBAIN CD réplique qu'elle a pris toutes les mesures pour faire face à la dégradation des relations de travail alléguées et aux incidents provoqués par Mme X..., en particulier au travers d'entretiens avec le Directeur Général ou de médiations proposées par le Directeur administratif et financier. La société intimée, tout en indiquant que le travail de Mme X... n'avait jamais appelé de critique, souligne qu'elle avait une certaine difficulté à gérer le stress et à accepter la critique. Elle soutient que la dégradation alléguée n'est ni fondée ni démontrée, l'attitude-de la salariée s'étant modifiée à la suite de la nomination d'une jeune personne au poste qu'elle convoitait sans en avoir jamais formalisé la demande et sans avoir les compétences'requises. Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Selon l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. L'article L. 1152-4 du même code oblige l'employeur à prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral L'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment de harcèlement moral ; l'absence de faute de sa part ou le comportement fautif d'un autre salarié de l'entreprise ne peuvent l'exonérer de sa responsabilité à ce titre. Il résulte des articles L. 1152-1, L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements. L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En l'espèce, il résulte de manière patente des pièces versées aux débats que l'état de santé physique et moral de Mme X... s'est dégradé de manière significative au point qu'elle a fait l'objet d'un avis d'inaptitude au terme d'une seule visite médicale du 9 mars 2010, en. Application des dispositions de l'article R4624-31 du Code du travail à raison du danger immédiat que lui aurait fait courir son maintien dans ses fonctions. Les rapports et certificats médicaux circonstanciés du professeur Y... dès 2006 établissent de manière suffisante le lien entre l'altération de l'état de santé de Mme X... et les difficultés rencontrées dans son cadre professionnel. Nonobstant les traits de caractère de la salariée décrits dans diverses attestations et accentués par la pathologie développée ainsi que le souligne le professeur Y..., il n'est pas contesté que Mme X... qui avait exécuté ses missions sans susciter de remarques négatives depuis de nombreuses années, a vu à partir de 2001 se succéder un nombre important de directeurs administratifs et financiers et de contrôleurs de gestion sous les ordres desquelles elle exécutait ses missions. Outre une charge croissante des tâches confiées génératrice d'un stress accentué par la rotation de ses supérieurs dont elle avait fait part à son employeur à l'occasion des évaluations antérieures à 2006, Mme X... a dû assumer l'intérim de la fonction de contrôleur de gestion pendant la vacance de ce poste, antérieurement à la nomination de Mme Z... en 2005. Il est également constant que Mme X... a attiré l'attention de sa hiérarchie des difficultés qu'elle estimait rencontrer en particulier à compter du novembre 2005 où par un courriel, Mme Z... contrôleur de gestion, lui notifiait son positionnement dans l'établissement de " la clôture des stocks de Gières et Ecarts sur Achats ". Il ressort par ailleurs des pièces produites qu'alors que les difficultés entre Mme X... et sa supérieure ne pouvaient être ignorées de la Direction, la salariée a été pressée par le Directeur Administratif et Financier en juillet 2008 de valider une nouvelle fiche de poste manifestement en retrait du point de vue de l'intérêt des fonctions par rapport à la fiche antérieure et pour laquelle elle exprimait le besoin de réfléchir, l'amenant à envisager un entretien avec la responsable des ressources humaines. Outre les critiques sur ses relations avec sa hiérarchie ou sur son style trop direct avec ses interlocuteurs, à partir de 2006, les évaluations de Mme X... ont pris une tonalité globalement négative au point d'évoquer le manque de motivation de la salariée qui au contraire soulignait le souhait de se voir confier de nouvelles tâches. Par ailleurs, alors qu'il lui est reproché une volonté de travailler seule, il n'est pas contesté. qu'un certain nombre de courriels adressés à sa supérieure hiérarchique sur des tâches à réaliser ou sollicitant des informations bloquantes en particulier pour l'élaboration du budget 2009 en septembre 2008 soient restés sans réponse et qu'à l'inverse, il lui soit demandé pour le jour même une information sur le même budget ; Les faits ainsi établis permettent de par leur succession et leur répétition de présumer l'existence d'un harcèlement à son égard. Pour combattre cette présomption, l'employeur ne peut se contenter de faire état du dépit de Mme X... de ne pas avoir été nommée contrôleur de gestion et des rancoeurs nourries à l'égard de sa supérieure de ce fait, de faire état de ses difficultés d'adaptation ou de sa difficulté à gérer l'urgence, l'imprévu ou le stress, la production d'attestations de ses supérieurs hiérarchiques étant à cet égard sujette à caution. L'absence de reconnaissance du caractère professionnel de son affection par la CPAM ne saurait constituer un argument permettant d'écarter l'imputabilité de l'altération de l'état de santé aux conditions de travail. De la même manière, il est vain de faire état d'erreurs d'appréciation de la salariée concernant les commentaires ou accusations portées à son égard, ou mise à l'écart qui ne peuvent en soi légitimer la dégradation ni des conditions de travail de la salariée ni de ce fait de son état de santé. De surcroît, alors que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, aurait dû prendre toute mesure pour prévenir les dégradations sus-évoquées, force est de constater que non seulement il a fait preuve d'une inertie particulière en laissant perdurer une telle situation pendant plusieurs années alors que dès 2006, il ne pouvait ignorer les difficultés rencontrées mais qu'en outre il a refusé à Mme X... dont l'état de santé ne cessait de se dégrader le changement de poste qu'elle sollicitait au premier trimestre 2009 ; cette attitude contrastant avec la précipitation à engager la procédure de licenciement de Mme X... dès le lendemain de la déclaration d'inaptitude à tout poste la concernant. Il y a lieu dans ces conditions de réformer la décision entreprise et d'annuler le licenciement de Mme X.... Sur la réparation des préjudices de Mme X...- à raison de la nullité du licenciement : Mme X... expose que le salarié dont la nullité du licenciement est prononcée, est fondée à solliciter des dommages et intérêts en réparation du préjudice qui en résulte, dès lors qu'il ne demande pas sa réintégration, ainsi qu'une indemnité de préavis. L'employeur faisant valoir que le lien entre l'inaptitude de la salariée et les faits allégués n'étant pas avéré, cette dernière ne saurait obtenir d'indemnisation à ce titre, ni au titre du préavis en l'absence de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie à l'origine de l'inaptitude. Etant relevé que la salariée n'a jamais retrouvé d'emploi avant d'être mise à la retraite, qu'elle perçoit à ce titre une pension de 1790 e et qu'elle avait à la date de son licenciement une ancienneté de plus de quarante ans dans la même société, la Cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer le préjudice résultant pour elle de son licenciement nul, à la somme de 80 000 e. L'indemnité de préavis est due dès lors que la nullité du licenciement est prononcée et ce même si le salarié n'est pas en mesure d'exécuter son délai-congé. Il sera par conséquent fait droit aux prétentions formulées par Mme X... à ce titre ;- à raison du préjudice moral ; La persistance pendant plusieurs années des faits constitutifs de harcèlement moral à l'égard de Mme X..., sans réaction adaptée de son employeur alors que son état de souffrance ne pouvait être ignoré, est à l'origine pour elle d'un préjudice moral qui sera évalué à raison de la souffrance endurée à la somme de 15000 e. Sur le remboursement des indemnités ASSEDIC En vertu de l'article L1235-4 du Code du Travail dont les conditions sont réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par la société SAINT GOBAUIN CD, employeur fautif, est de droit ; que ce remboursement sera ordonné » ;

1. ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en retenant péremptoirement, au titre des éléments laissant présumer le harcèlement, un taux de rotation important des supérieurs de la salariée, une obligation d'assurer l'intérim du poste de contrôleur de gestion, ou encore de valider une fiche de poste dont les fonctions présenteraient un intérêt moindre que les précédentes, ce sans viser aucune pièce d'où elle déduisait ces éléments de fait, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2. ET ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en retenant, au titre des éléments laissant présumer le harcèlement, que l'employeur ne contestait pas avoir laissé sans réponse des courriels de septembre 2008 relatifs au budget 2009, quand, dans ses écritures, il avait au contraire objecté que Madame Z... avait bien répondu à Madame X..., lui exposant que les demandes qu'elle formait dans ses courriels étaient prématurées par rapport aux dates d'établissement du budget, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
3. ET ALORS QUEil incombe à celui qui se prévaut d'un harcèlement d'établir des éléments le laissant présumer ; qu'à ce titre, la Cour d'appel a retenu des éléments relevant simplement de l'exécution du travail dans des conditions qui n'avaient rien d'anormal, ou de l'exercice légitime du pouvoir de direction ; qu'elle a également considéré que la salariée était « stressée » et qu'elle « estimait » rencontrer des difficultés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a caractérisé aucun élément laissant présumer le harcèlement et a ainsi violé les articles L. 1154-1 et L. 1152-1 du Code du Travail ;
4. ET ALORS QUE le harcèlement moral s'entend des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'altérer la santé du salarié ; qu'en se bornant à retenir que les certificats médicaux du médecin traitant de la salariée établissaient un lien entre l'altération de sa santé et des « difficultés rencontrées dans le cadre professionnel », sans plus de précisions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du Code du travail ;
5. ET ALORS QU'en matière prud'homale la preuve est libre ; qu'en refusant d'examiner les multiples attestations versées aux débats par l'employeur au motif qu'elles émaneraient de supérieurs hiérarchiques de la salariée, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
6. ET ALORS QU'en toute matière le juge est tenu de faire respecter et de respecter le principe de contradiction ; que la salariée ne soutenant nullement que l'ensemble des attestations versées aux débats par l'employeur auraient été établies par ses supérieurs hiérarchiques, la Cour d'appel aurait dû interroger l'employeur sur le positionnement hiérarchique des salariés ayant établi les attestations litigieuses ; qu'en s'en abstenant, elle a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
7. ET ALORS QUE l'employeur avait précisé qu'étant parfaitement conscient de la logique dans laquelle s'était enfermée la salariée à compter de l'arrivée de Madame Z... au poste qu'elle convoitait, il l'avait reçue à plusieurs reprises, individuellement ou dans le cadre de réunions en présence de la direction des ressources humaines, du directeur d'établissement, et du directeur administratif et financier, que ce dernier avait proposé d'intervenir comme arbitre et médiateur entre la salariée et Madame Z..., que Madame Z... avait, dans ce cadre, suivi une formation de management, dont il justifiait ; qu'enfin, il avait, à deux reprises, pris attache avec le médecin du travail aux fins de proposer un autre poste à la salariée et produisait également les courriels en justifiant ; qu'en affirmant que l'employeur aurait fait preuve d'une inertie particulière face aux difficultés rencontrées par la salariée, la cour d'appel, qui n'a pas examiné, fut ce sommairement, les éléments avancés par l'employeur pour justifier de ses démarches, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
8. ET ALORS QU'en affirmant que la salariée aurait demandé à changer de poste au premier trimestre 2009, sans préciser de quel élément elle déduisait une telle demande, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
9. ET ALORS QUE le licenciement d'un salarié inapte est nul lorsqu'il intervient en conséquence d'agissements de harcèlement ; qu'en l'espèce, pour prononcer la nullité du licenciement de la salariée dont le contrat avait été rompu à raison de son inaptitude à tout poste et de l'impossibilité de son reclassement, la Cour d'appel a retenu que la salariée avait été déclarée inapte au terme d'une unique visite ensuite de la dégradation de son état de santé, et qu'il résultait des certificats médicaux produits aux débats l'existence d'un lien entre son état de santé de la salariée et les difficultés rencontrées dans un cadre professionnel ; qu'en statuant ainsi, sans relever ni caractériser que le licenciement était la conséquence du harcèlement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des article L. 1152-3, L. 1152-1 et, L. 1235-3 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné le remboursement des indemnités de chômage dans les limites de l'article L. 1235-4 du Code du travail, d'AVOIR condamné l'exposante aux dépens ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE : Sur le harcèlement : Pour infirmation, Mme X... soutient que son licenciement résulte en réalité des agissements de son employeur, constitutifs de harcèlement à son égard. Elle fait valoir qu'après avoir vécu une succession importante de supérieurs hiérarchiques et assuré l'intérim de la vacance du poste de contrôleur de gestion et voir ainsi sa charge de travail considérablement alourdie, elle s'est vue refuser l'attribution de ce poste puis a subi une dégradation continue de ses conditions de travail après l'arrivée d'un nouveau contrôleur de gestion, alliant notamment des mesures vexatoires, des critiques et reproches injustifiés, des ordres contradictoires et une dépossession de certaines attributions, outre une absence de prise en compte de l'état de santé, ayant eu pour effet de le dégrader. La société SAINT GOBAIN CD réplique qu'elle a pris toutes les mesures pour faire face à la dégradation des relations de travail alléguées et aux incidents provoqués par Mme X..., en particulier au travers d'entretiens avec le Directeur Général ou de médiations proposées par le Directeur administratif et financier. La société intimée, tout en indiquant que le travail de Mine X... n'avait jamais appelé de critique, souligne qu'elle avait une certaine difficulté à gérer le stress et à accepter la critique. Elle soutient que la dégradation alléguée n'est ni fondée ni démontrée, l'attitude-de la salariée s'étant modifiée à la suite de la nomination d'une jeune personne au poste qu'elle convoitait sans en avoir jamais formalisé la demande et sans avoir les compétences'requises. Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Selon l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. L'article L. 1152-4 du même code oblige l'employeur à prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral L'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment de harcèlement moral ; l'absence de faute de sa part ou le comportement fautif d'un autre salarié de l'entreprise ne peuvent l'exonérer de sa responsabilité à ce titre. Il résulte des articles L. 1152-1, L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements. L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En l'espèce, il résulte de manière patente des pièces versées aux débats que l'état de santé physique et moral de Mme X... s'est dégradé de manière significative au point qu'elle a fait l'objet d'un avis d'inaptitude au terme d'une seule visite médicale du 9 mars 2010, en. Application des dispositions de l'article R4624-31 du Code du travail à raison du danger immédiat que lui aurait fait courir son maintien dans ses fonctions. Les rapports et certificats médicaux circonstanciés du professeur Y... dès 2006 établissent de manière suffisante le lien entre l'altération de l'état de santé de Mme X... et les difficultés rencontrées dans son cadre professionnel. Nonobstant les traits de caractère de la salariée décrits dans diverses attestations et accentués par la pathologie développée ainsi que le souligne le professeur Y..., il n'est pas contesté que Mme X... qui avait exécuté ses missions sans susciter de remarques négatives depuis de nombreuses années, a vu à partir de 2001 se succéder un nombre important de directeurs administratifs et financiers et de contrôleurs de gestion sous les ordres desquelles elle exécutait ses missions. Outre une charge croissante des tâches confiées génératrice d'un stress accentué par la rotation de ses supérieurs dont elle avait fait part à son employeur à l'occasion des évaluations antérieures à 2006, Mme X... a dû assumer l'intérim de la fonction de contrôleur de gestion pendant la vacance de ce poste, antérieurement à la nomination de Mme Z... en 2005. Il est également constant que Mme X... a attiré l'attention de sa hiérarchie des difficultés qu'elle estimait rencontrer en particulier à compter du novembre 2005 où par un courriel, Mme Z... contrôleur de gestion, lui notifiait son positionnement dans l'établissement de " la clôture des stocks de Gières et Ecarts sur Achats ". Il ressort par ailleurs des pièces produites qu'alors que les difficultés entre Mme X... et sa supérieure ne pouvaient être ignorées de la Direction, la salariée a été pressée par le Directeur Administratif et Financier en juillet 2008 de valider une nouvelle fiche de poste manifestement en retrait du point de vue de l'intérêt des fonctions par rapport à la fiche antérieure et pour laquelle elle exprimait le besoin de réfléchir, l'amenant à envisager un entretien avec la responsable des ressources humaines. Outre les critiques sur ses relations avec sa hiérarchie ou sur son style trop direct avec ses interlocuteurs, à partir de 2006, les évaluations de Mme X... ont pris une tonalité globalement négative au point d'évoquer le manque de motivation de la salariée qui au contraire soulignait le souhait de se voir confier de nouvelles tâches. Par ailleurs, alors qu'il lui est reproché une volonté de travailler seule, il n'est pas contesté. qu'un certain nombre de courriels adressés à sa supérieure hiérarchique sur des tâches à réaliser ou sollicitant des informations bloquantes en particulier pour l'élaboration du budget 2009 en septembre 2008 soient restés sans réponse et qu'à l'inverse, il lui soit demandé pour le jour même une information sur le même budget ; Les faits ainsi établis permettent de par leur succession et leur répétition de présumer l'existence d'un harcèlement à son égard. Pour combattre cette présomption, l'employeur ne peut se contenter de faire état du dépit de Mme X... de ne pas avoir été nommée contrôleur de gestion et des rancoeurs nourries à l'égard de sa supérieure de ce fait, de faire état de ses difficultés d'adaptation ou de sa difficulté à gérer l'urgence, l'imprévu ou le stress, la production d'attestations de ses supérieurs hiérarchiques étant à cet égard sujette à caution. L'absence de reconnaissance du caractère professionnel de son affection par la CPAM ne saurait constituer un argument permettant d'écarter l'imputabilité de l'altération de l'état de santé aux conditions de travail. De la même manière, il est vain de faire état d'erreurs d'appréciation de la salariée concernant les commentaires ou accusations portées à son égard, ou mise à l'écart qui ne peuvent en soi légitimer la dégradation ni des conditions de travail de la salariée ni de ce fait de son état de santé. De surcroît, alors que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, aurait dû prendre toute mesure pour prévenir les dégradations sus-évoquées, force est de constater que non seulement il a fait preuve d'une inertie particulière en laissant perdurer une telle situation pendant plusieurs années alors que dès 2006, il ne pouvait ignorer les difficultés rencontrées mais qu'en outre il a refusé à Mme X... dont l'état de santé ne cessait de se dégrader le changement de poste qu'elle sollicitait au premier trimestre 2009 ; cette attitude contrastant avec la précipitation à engager la procédure de licenciement de Mme X... dès le lendemain de la déclaration d'inaptitude à tout poste la concernant. Il y a lieu dans ces conditions de réformer la décision entreprise et d'annuler le licenciement de Mme X.... Sur la réparation des préjudices de Mme X...- à raison de la nullité du licenciement Mme X... expose que le salarié dont la nullité du licenciement est prononcée, est fondée à solliciter des dommages et intérêts en réparation du préjudice qui en résulte, dès lors qu'il ne demande pas sa réintégration, ainsi qu'une indemnité de préavis. L'employeur faisant valoir que le lien entre l'inaptitude de la salariée et les faits allégués n'étant pas avéré, cette dernière ne saurait obtenir d'indemnisation à ce titre, ni au titre du préavis en l'absence de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie à l'origine de l'inaptitude. Etant relevé que la salariée n'a jamais retrouvé d'emploi avant d'être mise à la retraite, qu'elle perçoit à ce titre une pension de 1790 e et qu'elle avait à la date de son licenciement une ancienneté de plus de quarante ans dans la même société, la Cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer le préjudice résultant pour elle de son licenciement nul, à la somme de 80 000 e. L'indemnité de préavis est due dès lors que la nullité du licenciement est prononcée et ce même si le salarié n'est pas en mesure d'exécuter son délai-congé. Il sera par conséquent fait droit aux prétentions formulées par Mme X... à ce titre ;- à raison du préjudice moral La persistance pendant plusieurs années des faits constitutifs de harcèlement moral à l'égard de Mme X..., sans réaction adaptée de son employeur alors que son état de souffrance ne pouvait être ignoré, est à l'origine pour elle d'un préjudice moral qui sera évalué à raison de la souffrance endurée à la somme de 15000 e. Sur le remboursement des indemnités ASSEDIC En vertu de l'article L1235-4 du Code du Travail dont les conditions sont réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par la société SAINT GOBAUIN CD, employeur fautif, est de droit ; que ce remboursement sera ordonné

ALORS QUE le remboursement des indemnités de chômage ne peut être ordonné en cas de nullité du licenciement ; qu'après avoir retenu la nullité du licenciement, la Cour d'appel a condamné l'employeur au remboursement des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article L. 1235-4 du Code du Travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-22556
Date de la décision : 21/01/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 jan. 2015, pourvoi n°13-22556


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.22556
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