LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 4 juin 2013), qu'engagée le 1er octobre 1993 en qualité de comptable par l'association CGERA aux droits de laquelle vient la société AGC Drôme ayant pour activité la tenue de la comptabilité pour les commerçants, les petites entreprises et les agriculteurs, Mme A... a été licenciée pour faute grave par lettre du 2 septembre 2009 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser à la salariée diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en présence d'un licenciement disciplinaire, les juges doivent rechercher si les faits invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement constituent une faute justifiant le licenciement, peu important, dès lors que les faits sont établis, qu'ils ne correspondent à aucune infraction pénale ou que les poursuites pénales entamées n'aient eu aucune suite ; qu'en considérant que le licenciement de la salariée était injustifié aux motifs notamment que les accusations portées n'avaient pas eu de suite pénale et que la preuve de la commission des infractions pénales n'était pas rapportée, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et, partant, violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ qu'en présence d'un licenciement disciplinaire, les juges doivent rechercher si les faits invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement constituent une faute justifiant le licenciement, peu important la qualification juridique donnée par l'employeur auxdits faits ; qu'en ne statuant que sur les « faits de détournements », sans rechercher si ces mêmes faits n'étaient pas constitutifs d'une faute grave, s'agissant de manquements aux règles de la comptabilité commis par une salariée d'une association chargée de l'aide à la tenue de la comptabilité de petits commerçants ou d'agriculteurs, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3°/ qu'une salariée en charge de la comptabilité d'une association ayant précisément pour objet la comptabilité pour les commerçants, petites entreprises et les agriculteurs ne peut, sans commettre une faute grave, encaisser les chèques signés par une cliente de l'association à son profit sans commettre une faute grave ; qu'après avoir constaté que la salariée avait encaissé des chèques, la cour d'appel, qui a exclu la faute grave a violé la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
4°/ qu'une salariée en charge de la comptabilité d'une association ayant pour objet la comptabilité pour les commerçants, petites entreprises et les agriculteurs ne peut, sans commettre une faute grave, offrir des prestations comptables à titre privé aux clients de cette association ; que de tels actes sont contraires au comportement irréprochable nécessité par de telles fonctions ; que quelle que soit l'hypothèse retenue, fraude ou contrepartie d'une comptabilité privée, la salariée avait donc commis une faute grave ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
6°/ qu'en retenant que l'affirmation de l'employeur quant aux encaissements répétés était fausse, après avoir constaté l'encaissement de quatre chèques au cours de deux années, la cour d'appel s'est contredite, et n'a donc pas justifié sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
7°/ qu'en tout état de cause, il incombait aux juges de rechercher si le comportement de la salariée, à défaut de constituer une faute grave, ne constituait pas néanmoins une faute, justifiant le licenciement ; qu'en ne le faisant pas, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le détournement de chèques dans le cadre de son activité professionnelle n'était pas établi et que le fait de signer à la place de la cliente et sans autorisation de son employeur l'imprimé destiné à la déclaration d'impôt sur les sociétés pouvait s'expliquer par l'ancienneté et le caractère amical des relations entretenues par la cliente et la salariée, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et sans se contredire, a pu en déduire que le seul comportement établi et visé par la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ne constituait pas une faute grave ; qu'exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a estimé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen inopérant en ses deuxième, troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association AGC Drôme aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour l'association AGC Drôme
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame A... était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamnée l'AGC DROME à lui verser des indemnités à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de préavis et de licenciement, et d'avoir ordonné le remboursement aux organismes concernés des allocations de chômage.
AUX MOTIFS propres QUE la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : « Une de nos clientes, Madame X..., associée gérante de l'EURL l'Etoile marine, a le 3 août 2009, pris attache auprès de nos services pour porter à notre connaissance les détournements dont vous vous êtes rendue coupable à son encontre. En effet, dans le cadre de la gestion de votre portefeuille clients vous aviez à gérer notamment le suivi comptable de la société Etoile Marine, activité comprenant notamment l'ensemble des déclarations sociales et fiscales ; Madame X... vous faisant entièrement confiance, vous a adressé régulièrement sur votre demande des chèques signés et non remplis. Vous lui aviez indiqué que cela était plus facile pour vous et que vous les rempliriez selon les nécessités et notamment pour permettre le paiement de l'impôt sur les sociétés. Or, Madame X... a découvert que depuis de nombreuses années, les chèques avaient été complétés à votre bénéfice. A la suite de cette information nous avons immédiatement effectué des recherches en accord avec la cliente et il s'est avéré que depuis 2001 à notre connaissance, vous avez détourné plusieurs chèques dont nous possédons une copie à votre profit et au détriment de notre cliente - détournement qui s'est fait dans le cadre et sous couvert de votre activité professionnelle. De plus, vous avez signé, le 13 mars 2009 et déposé sans mandat de madame X... l'imprimé Cerfa 12403, impôts sur les sociétés, relevé d'acompte montant déclaré- 0euros et ce alors même que vous lui aviez réclamé un chèque pour mettre le paiement d'un soit-disant impôt. Dès que nous avons eu connaissance de ces faits, nous vous avons convoqué à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire au cours duquel vous avez reconnu, en présence de Monsieur Jean-Yves Y..., la personne qui vous assistait et de Monsieur Patrick Z..., assistant de la direction, la totalité des faits exposés. Votre fonction de comptable au sein d'un cabinet demande une probité et une confiance absolue car vous êtes amenée à donner des conseils à des clients qui fous font confiance. Vos agissements rendent impossible le maintien de votre contrat de travail car non seulement ces faits sont qualifiés de faute grave mais en sus, nous ne pouvons plus vous accorder la moindre confiance. Pour notre part, nous avons déposé plainte contre vous auprès de la Gendarmerie de Valence pour abus de confiance et atteinte à l'image de notre entreprise dans ses missions de conseil et d'expertise comptable » ; Il résulte des motifs retenus pour justifier le licenciement pour faute grave, à l'exclusion de tout autre dont il est inutilement débattu, des détournements de sommes d'agent au préjudice de madame X... au moyen de chèques remis sans ordre et la signature sans mandat express d'un imprimé CERFA 12403 relatif à l'impôt sur les sociétés, faits qualifiés de faute grave et de plus à l'origine d'une perte de confiance ; Sur les faits de détournements, il ressort de la procédure d'enquête de police, seul document produit par l'employeur, les éléments suivants : Madame X... a déposé plainte le 4 août 1989 pour le détournement de quatre chèques, remis sans ordre, datés du 30 avril, 10 juillet, 16 septembre 2008 et 15 juin 2009 après s'être aperçue que Madame A... les avait encaissés à son profit alors qu'elle lui avait dit de mettre sur le talon la mention IS ou privé ; Elle précisait qu'elle fonctionnait de la sorte depuis longtemps et que Madame A... lui demandait régulièrement des chèques ainsi, et ce en raison de la confiance qu'elle lui portait ; Aucun autre chèque n'a jamais été remis par la plaignante, de sorte que seule la remise de quatre chèques est avérée et ce en 2008 et 2009, et que l'affirmation de l'employeur à cet égard est inexacte ; D'autre part, les accusations ainsi portées n'ont pas eu de suite pénale connue à ce jour et les accusations laissent perplexes à certains égards dès lors que l'examen des chèques permet de se convaincre aisément que le rédacteur du nom du porteur n'est manifestement pas le même sur tous les chèques ; En outre, si les prestations comptables fournies à titre privé par madame A... n'avaient pas existé, il est singulier que madame X... ne se soit pas adressé à son employeur pour obtenir un dédommagement de son préjudice commis par sa salariée dans l'exercice de ses fonctions ; Ainsi, en l'état, la preuve de la commission des infractions pénales n'est pas rapportée ; De plus, la pratique officieuse de suivi d'une partie de la comptabilité à titre personnel alléguée par Madame A... afin de permettre à la société de très petite taille de madame X..., devenue son amie au fil des années, « et pour mettre du beurre dans les épinards » ne fait l'objet d'aucune contestation, d'ailleurs les longues explications fournies aux enquêteurs est particulièrement pertinente, notamment en ce que les chèques n'ont été établis jusqu'à preuve du contraire qu'à partir du moment où la salariée a déménagé et que Madame X... ne pouvait plus lui remettre des sommes en liquide ; quoi qu'il en soit, l'affirmation de l'employeur n'est pas à ce jour établie et partiellement fausse sur la prétendue durée des détournements qui auraient été réalisés ; S'agissant de la signature d'un imprimé CERFA sans mandat, il est seulement affirmé par l'employeur que ce fait est constitutif d'une faute grave, sans preuve, sachant qu'il est établi et reconnue que madame A... suivait depuis plus de 16 ans la comptabilité de madame X... et entretenait de plus des relations amicales avec elle, tandis que la société ne dégageait que faibles bénéfices ; Cette situation pouvait justifier de la part de cette dernière l'existence d'un mandat non formalisé ; Pour l'ensemble de ces motifs, il apparaît en conséquence que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, la précipitation de l'employeur l'ayant poussé à affirmer des accusations dont il n'avait pas la certitude.
ALORS QU'en présence d'un licenciement disciplinaire, les juges doivent rechercher si les faits invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement constituent une faute justifiant le licenciement, peu important, dès lors que les faits sont établis, qu'ils ne correspondent à aucune infraction pénale ou que les poursuites pénales entamées n'aient eu aucune suite ; qu'en considérant que le licenciement de la salariée était injustifié aux motifs notamment que les accusations portées n'avaient pas eu de suite pénale et que la preuve de la commission des infractions pénales n'était pas rapportée, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et, partant, violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail.
ET ALORS QU'en présence d'un licenciement disciplinaire, les juges doivent rechercher si les faits invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement constituent une faute justifiant le licenciement, peu important la qualification juridique donnée par l'employeur auxdits faits ; qu'en ne statuant que sur les « faits de détournements », sans rechercher si ces mêmes faits n'étaient pas constitutifs d'une faute grave, s'agissant de manquements aux règles de la comptabilité commis par une salariée d'une association chargée de l'aide à la tenue de la comptabilité de petits commerçants ou d'agriculteurs, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail.
ALORS EN OUTRE QU'qu'une salariée en charge de la comptabilité d'une association ayant précisément pour objet la comptabilité pour les commerçants, petites entreprises et les agriculteurs ne peut, sans commettre une faute grave, encaisser les chèques signés par une cliente de l'association à son profit sans commettre une faute grave ; qu'après avoir constaté que Mme A... avait encaissé des chèques, la Cour d'appel, qui a exclu la faute grave a violé la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail.
QU'en tout état de cause, une salariée en charge de la comptabilité d'une association ayant pour objet la comptabilité pour les commerçants, petites entreprises et les agriculteurs ne peut, sans commettre une faute grave, offrir des prestations comptables à titre privé aux clients de cette association ; que de tels actes sont contraires au comportement irréprochable nécessité par de telles fonctions ; que quelle que soit l'hypothèse retenue, fraude ou contrepartie d'une comptabilité privée, Madame A... avait donc commis une faute grave ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail.
ALORS encore QU'en retenant que l'affirmation de l'employeur quant aux encaissements répétés était fausse, après avoir constaté l'encaissement de quatre chèques au cours de deux années, la Cour d'appel s'est contredite, et n'a donc pas justifié sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail.
ALORS QU'en tout état de cause, il incombait aux juges de rechercher si le comportement de la salariée, à défaut de constituer une faute grave, ne constituait pas néanmoins une faute, justifiant le licenciement ; Qu'en ne le faisant pas, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1232-1 du Code du travail.