LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux dernières branches :
Vu l'article 1202 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant consenti un prêt immobilier à Mme X... et à M. Y..., la Société financière pour le développement de La Réunion (Sofider) a assigné ceux-ci en paiement de la somme restant due au titre de ce prêt ;
Attendu que pour retenir la solidarité de l'engagement des coemprunteurs, l'arrêt énonce que ceux-ci ont bénéficié d'une seule et même subvention de l'Etat pour leur permettre d'accéder à la propriété, étaient immatriculés auprès d'une caisse d'allocations familiales sous le même numéro et ont autorisé la délégation de leur allocation logement commune, outre que Mme X... a signé seule un plan d'apurement des échéances impayées ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la solidarité de l'engagement des coemprunteurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;
Condamne la Sofider aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Sofider à payer à la SCP Gatineau et Fattaccini la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par M. Gridel, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour Mme X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du Tribunal de grande instance de Saint-Pierre de la Réunion du 11 février 2011 en ce qu'il avait condamné solidairement Mademoiselle Aline X... et Monsieur Josélito Y... à payer à la SOCIÉTÉ FINANCIÈRE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA RÉUNION la somme de 19 372,92 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2009, au titre du prêt immobilier souscrit par eux le 15 avril 1998 et, y ajoutant, d'AVOIR autorisé Mademoiselle Aline X... et Monsieur Josélito Y... à se libérer du règlement de la somme de 807,20 euros, le premier devant intervenir dans les 10 jours de la signification de l'arrêt, et les vingt-trois autres chaque mois suivant, à la même date que le première règlement, la dernière mensualité soldant le tout en principal, intérêts et frais et d'AVOIR dit qu'à défaut du règlement d'une seule de ces échéances à son terme, la totalité de la dette deviendrait immédiatement exigible sans autres formalités pour la créancière ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « aux termes d'un acte sous seing privé daté du 5 septembre 1998 la SOFIDER a consenti à Aline X... et à Joselito Y... un prêt d'un montant de 349.985 Francs (28 426,40 euros) destiné à financer la construction d'un Logement Evolutif Social remboursable en 180 échéances mensuelles de 303,98 euros. Aline X... et Joselito Y... ont vécu en concubinage dans ce logement jusqu'au mois de novembre 2000. Au moment de leur rupture, les débiteurs ont convenu que Joselito Y... conservait le domicile, à charge pour lui de payer les échéances du prêt. Les échéances étant demeurées impayées, la SOFIDER adressait aux co-emprunteurs une mise en demeure adressée par lettre recommandée le 24 juillet 2007, et leur notifiait le 6 janvier 2009 la déchéance du terme, fixée suivant les termes du contrat au 28 juillet 2008. La SOFIDER décompose comme suit le montant de la créance dont elle sollicite le paiement : - capital restant dû au 28 juillet 2008: 13.574 98 euros - 19 échéances impayées de janvier 2007 à juillet 2008: 5 788,98 euros - frais de recommandé : 9,14 euros - frais de situation: 30,00 euros, Soit la somme totale de : 19.402,92 euros que la débitrice ne conteste pas devoir. Il résulte des dispositions de l'article 1202 du code civil, que la solidarité entre débiteurs ne se présume pas. A défaut d'avoir été expressément stipulée, elle doit résulter clairement et nécessairement du contrat. Il appartient au juge du fond de vérifier si la solidarité ne résulte pas clairement et nécessairement du titre consacrant l'obligation. En l'espèce, s'il ne ressort pas expressément de l'offre de prêt que les emprunteurs étaient tous deux bénéficiaires et redevables au même titre, il se déduit des termes du contrat que chacun des débiteurs s'est engagé de la totalité de la somme. En effet ils ont bénéficié d'une seule et même subvention de l'Etat pour leur permettre d'accéder à la propriété. Ils étaient immatriculés auprès de la CAF de la Réunion sous le même numéro et ont autorisé la délégation de leur allocation logement commune au profit de RÉUNION HABITAT. En outre, Aline X... a signé seule un plan d'apurement des arriérés le 6 juillet 2004, reconnaissant ainsi la solidarité qu'elle conteste aujourd'hui. Il convient en conséquence de considérer que Aline X... et Joselito Y... se sont bien engagés solidairement. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné solidairement Aline X... et Joselito Y... à payer à la SOFIDER la somme de 19.402,92 euros. Sur les délais de paiement : L'article 1244-1 du code civil autorise le juge à reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite de deux années, en considération de la situation du débiteur et des besoins du créancier. La SOFIDER ne s'oppose pas aux délais de paiement qu'il convient d'accorder » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « les défendeurs ont souscrit le 15 avril 1998 auprès de la SOFIDER, un prêt immobilier d'un montant de 186 francs, soit 28 426,40 euros, remboursable en 180 échéances mensuelles de 303,98 euros chacune ; qu'il résulte de l'historique de remboursement qui est versé aux débats par la banque que les impayés au titre du prêt ont commencé à partir de la fin de l'année 2003 ; qu'un plan d'apurement conclu entre Mlle X... et la banque le 6 juillet 2004, n'a pas été respecté ; que la demanderesse a adressé aux emprunteurs une mise en demeure le 24 octobre 2007 ; Attendu qu'à défaut de régularisation, c'est à bon droit que la déchéance du terme a été prononcée le 28 juillet 2008, conformément à l'article 9 des conditions générales ; que cette déchéance du terme a été notifiée aux défendeurs par courrier en date du 6 janvier 2009 ; Attendu que la SOFIDER dé compose comme suit la somme dont elle sollicite le paiement : 19 échéances impayées de janvier 2007 à juillet 2008 : 13 574,98 ¿ ; Capital restant dû au 28 juillet 2008 : 5 788,80 ¿ ; Frais de recommandé : 9,14 ¿ ; Frais de situation : 30 ¿. Total : 19 402,92 ¿. Attendu qu'au vu du tableau d'amortissement, il sera fait droit aux demandes de la SOFIDER relatives au capital restant dû et aux échéances impayées ; que de même, les frais de recommandé se trouvent justifies, à hauteur de 9,14 euros, par les quatre lettres de mise en demeure qui sont versées aux débats ; que par contre, la SOFIDER ne précise nullement le fondement ni le mode de calcul des "frais de situation" qu'elle réclame et qui ne sont susceptibles de se rattacher à aucune des clauses du contrat ; qu'elle sera donc déboutée de ce chef ; Attendu qu'en conséquence, la créance de la SOFIDER sera arrêtée comme suit : 19 échéances impayées de janvier 2007 à juillet 2008 : 13 574,98 ¿ ; Capital restant dû au 28 juillet 2008 : 5 788,80 ¿ ; Frais de recommandé : 9,14 ¿ ; Total : 19 372,92 ¿. Attendu que la banque demande que cette somme porte intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 août 2007 ; qu'il sera fait droit à cette prétention, puisque les intérêts contenus dans les échéances impayées sont dus pour plus d'une année entière, conformé ment aux dispositions de l'article 1154 du code civil, mais uniquement à compter du 6 janvier 2009, date de la seconde mise en demeure, qui est seule postérieure à la déchéance du terme ; Attendu que les défendeurs seront donc solidairement condamnés à payer à la SOFIDER une somme de 19 372,92 ¿, avec intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2009 » ;
1. ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions écrites des parties ; que si, dans ses conclusions récapitulatives déposées le 26 juin 2012 (p. 2, dernier alinéa à p. 4, alinéa 2), Mademoiselle X... ne contestait pas le montant du capital restant dû par elle et Monsieur Y... conjointement au titre du prêt qu'ils avaient souscrit auprès de la SOFIDER, elle soutenait qu'elle ne pouvait être condamnée solidairement avec Monsieur Y... au titre du capital restant dû, en l'absence de toute stipulation de solidarité entre les coemprunteurs, de sorte qu'elle n'était tenue qu'au paiement de la moitié de la créance de la SOFIDER, soit la somme de 9 686,46 euros ; qu'en affirmant que Mademoiselle X... ne contestait pas devoir la somme de 19 402,92 euros correspondant à la créance de la SOFIDER, pour la condamner au paiement de la totalité de cette somme à cette dernière, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du Code de procédure civile ;
2. ALORS QUE la solidarité ne se présume point et doit ressortir clairement et nécessairement du titre constitutif de l'obligation ; que l'arrêt attaqué, après avoir affirmé qu'il ne ressortait pas expressément de l'offre de prêt consentie par la SOFIDER aux coemprunteurs que ceux-ci étaient tous deux bénéficiaires et redevables au même titre, a cependant énoncé, d'une part qu'il se déduisait des termes du contrat que chacun des débiteurs s'était engagé à la totalité de la somme, dès lors qu'ils avaient bénéficié d'une seule et même subvention de l'État pour leur permettre d'accéder à la propriété, qu'ils étaient immatriculés auprès de la CAF de la Réunion sous le même numéro et avaient autorisé la délégation de leur allocation logement commune au profit de la société RÉUNION HABITAT, et d'autre part, que Mademoiselle X..., en signant seule un plan d'apurement du 6 juillet 2004 postérieur au prêt, avait reconnu la solidarité ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que les emprunteurs étaient tenus solidairement au paiement de la même dette, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1202 du Code civil ;
3. ALORS QU' à supposer même qu'un engagement solidaire puisse résulter d'un acte postérieur au titre constitutif de l'obligation et émanant d'un seul codébiteur, Mademoiselle X..., dans le plan d'apurement en date du 6 juillet 2004, se bornait à reconnaître avoir des arriérés d'un montant de 481,14 euros au titre du prêt litigieux, de sorte qu'elle réglerait ceux-ci par mensualités de 28,30 euros du 6 août 2004 au 6 décembre 2005, à laquelle s'ajouterait le montant de l'échéance normale de 19,91 euros ; qu'en déduisant de la signature de ce plan d'apurement par Mademoiselle X... que celle-ci avait reconnu la solidarité avec Monsieur Y..., quand celle-ci ne ressortait ni clairement ni nécessairement de ce document, la Cour d'appel a violé l'article 1202 du Code civil.