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13/01/2015 | FRANCE | N°13-24875

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 janvier 2015, 13-24875


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 20 mai 2010, Bruno X... (la caution), s'est rendu caution solidaire envers la Société générale (la banque) des concours consentis à l'EURL Renov'toit (la société) ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 28 septembre et 23 novembre 2010 , la banque a assigné la caution en paiement ; que celle-ci étant décédée en cours d'instan

ce, Mme Véronique X..., venant à ses droits, a repris l'instance et opposé à la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 20 mai 2010, Bruno X... (la caution), s'est rendu caution solidaire envers la Société générale (la banque) des concours consentis à l'EURL Renov'toit (la société) ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 28 septembre et 23 novembre 2010 , la banque a assigné la caution en paiement ; que celle-ci étant décédée en cours d'instance, Mme Véronique X..., venant à ses droits, a repris l'instance et opposé à la banque un manquement à son obligation de mise en garde à l'égard de la caution ;
Attendu que, pour condamner la banque à verser des dommages-intérêts à Mme Véronique X..., l'arrêt retient qu'elle a manqué à son devoir de mise en garde envers la caution ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté qu'à la date de l'engagement de caution, l'ouverture de crédit était adaptée au regard des capacités financières de la société, ce dont il résulte que la banque n'était débitrice d'aucun devoir de mise en garde envers la caution, eût-elle été non avertie, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la Société générale à payer à Mme Véronique X..., venant aux droits de Bruno X..., la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et ordonné la compensation des sommes dont chacune des parties était réciproquement redevable, l'arrêt rendu le 29 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;
Condamne Mme Véronique X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la Société générale.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SOCIETE GENERALE à verser à Madame X... la somme de 30.000 € à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « le banquier auquel il appartient de démontrer qu'il a rempli son obligation de mise en garde, est dispensé de cette obligation s'il établit que la caution est une personne avertie ; qu'à cet égard, la seule qualité de dirigeant de M. X... ne lui conférait pas pour autant la qualité de caution avertie ; qu'en l'occurrence, la banque ne produit aucun élément pour établir la connaissance particulière dont aurait joui M. X... en matière financière ou de gestion de patrimoine ; que la cour constate que l'Eurl avait pour activité des travaux de charpente et que M. X..., charpentier, né en 1962, avait créé sa société le 1er août 2006 sans que cette seule expérience de moins de quatre ans à la date de souscription de l'engagement de caution puisse lui conférer des dispositions particulières en matière de gestion des entreprises ; qu'il en résulte que la banque était tenue d'un devoir de mise en garde vis-à-vis de la caution ; qu'à cet égard, à la date de l'engagement de caution, l'ouverture de crédit , était adaptée au regard des capacités financières de l'entreprise dont le bénéfice avait progressé de 2008 à 2009, passant de 256 € (bilan de l'exercice au 30 septembre 2008) à 11.255 € (bilan de l'exercice au 30 septembre 2009), les difficultés de trésorerie de l'Eurl n'étant apparues que postérieurement, au vu des relevés de compte produits pas l'appelante datant des mois de juin à septembre 2010 ; que cette situation peut d'ailleurs s'expliquer par l'usage que M. X... a fait de l'ouverture de crédit en compte courant en émettant les 3 et 8 juin 2010 deux chèques d'un montant respectif de 15.000 € et 10.000 € destinés à alimenter un compte personnel détenu dans une autre banque(au vu des relevés de compte produits par l'appelante et annotés de sa main) puis, le 3 juin 2010 un troisième chèque de 15.000 € au profit d'une autre société dont M. X... était le gérant ; que cependant qu'il ressort des pièces médicales produites aux débats que, dès le mois de janvier 2010, les médecins de M. X... ont diagnostiqué chez ce patient une tumeur du larynx qui a nécessité une intervention chirurgicale le 4 février 2010 consistant dans une hémipharyngectomie supra glottique gauche avec curage complet (bilan du 26 avril 2010) ; que M. X... qui a souffert ensuite de complications hépatiques, a subi des séances de radiothérapie et de chimiothérapie, était soumis à de fréquents contrôles médicaux, à l'obligation de procéder à des analyses et à suivre un traitement médicamenteux lourd, notamment à base d'anxiolytiques (prescription de lexomil du 11 mai 2010, pour une durée de quinze jours), et ce, pendant la période contemporaine de la signature de l'engagement de caution ; qu'il ressort de l'attestation de Mme Y..., infirmière, "qu'il était évident qu'en mai 2010, l'état physique et psychique de notre ami Bruno X... était dégradé. Il lui était très difficile d'avoir une conversation cohérente (maladie + médicaments)" ; que M. Z..., ami et client de M. X..., déclare de son côté que l'état de santé de ce dernier s'est dégradé à partir du début de l'année 2010, "qu'à la fois anxieux et dégradé physiquement et psychiquement, il m'était difficile de reconnaître l'homme que j'avais fréquenté auparavant" ; que M. A..., client et ami de M. X... indique pour sa part "avoir vu M. X... à diverses reprises tout au long de l'année 2010 à Valence d'Agen et avoir constaté son état physique et psychique très dégradé en raison de sa maladie. Il était incapable de tenir debout malgré tous ses efforts et, en raison des traitements médicaux, Il n'arrivait pas à tenir une conversation suivie : il cherchait ses mots et n'avait pas de cohérence dans ses propos" ; que ces éléments ne suffisent pas à démontrer que la capacité de discernement de M. X... était totalement abolie à la date de l'engagement de caution ou que la banque a abusé de la situation de faiblesse de celui-ci pour lui faire signer cet engagement ; qu'en revanche, même s'il n'appartient pas à la banque de s'immiscer dans la vie privée de son client, les témoignages précités, les documents médicaux comme les effets mêmes de l'opération chirurgicale sur l'apparence physique de M. X... (cicatrice obligatoirement visible au vu de la nature de l'intervention subie) et ses capacités d'élocution(cordes vocales nécessairement affectées) démontrent que la banque ne pouvait pas ignorer la dégradation spectaculaire de l'état de santé de M. X..., client depuis 2006, et sa maladie, alors, par ailleurs, que l'agence de la banque qui a dispensé le crédit est implantée dans la commune de Valence d'Agen, d'une population de l'ordre de 5000 habitants, ce qui facilite des relations plus étroites et personnelles avec les clients ; que, dans ces circonstances, il appartenait à la banque de s'interroger sur les capacités de M. X... à faire face dans l'avenir, au regard de ses problèmes médicaux, à la gestion de son entreprise unipersonnelle et, partant, au remboursement de l'ouverture de crédit en compte courant et à attirer l'attention de M. X... sur le risque d'endettement né de l'octroi du prêt, en raison même de ces difficultés d'ordre médical ; qu'à défaut d'avoir satisfait à ce devoir de mise en garde, la banque a commis une faute ; que le préjudice né du manquement de la banque à son obligation de mise en garde, qui s'analyse en la perte d'une chance de ne pas contracter, sera réparé par l'allocation, au profit de Mme X..., d'une indemnité de 30.000 € au paiement de laquelle la banque sera condamnée avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en se bornant à relever, pour qualifier Monsieur X..., qui avait pourtant la qualité de gérant de l'entreprise débitrice principale, de caution profane, que ce dernier ne disposait pas de « connaissances particulières » en matière financière, de gestion de patrimoine ou de gestion des entreprises, motifs impropres à exclure que Monsieur X... puisse être regardé comme une caution avertie, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le banquier n'est tenu, à l'égard de la caution profane, d'aucune obligation de mise en garde lorsque le prêt est adapté aux capacités financières de l'emprunteur ; que ne tire pas les conséquences légales de ses propres constatations et viole l'article 1147 du Code civil la Cour d'appel qui estime que la SOCIETE GENERALE a manqué à son obligation de mise en garde à l'égard de Monsieur X..., après avoir elle-même constaté « qu'à la date de l'engagement de caution, l'ouverture de crédit était adaptée au regard des capacités financières de l'entreprise » ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'il appartient à la caution qui se prévaut d'un manquement de la banque à son obligation de mise en garde d'établir que la souscription de son engagement l'exposait à un risque d'endettement ; qu'en affirmant qu' « il appartenait à la banque de s'interroger sur les capacités de Monsieur X... à faire face au remboursement de l'ouverture de crédit », la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'il appartient à la caution de fournir à la banque toutes informations sur sa situation personnelle permettant de déterminer si la souscription de son engagement l'expose à un risque d'endettement ; qu'il en va d'autant plus ainsi lorsque ces informations sont protégées par le secret médical ; qu'en déduisant l'existence d'une obligation de mise en garde pesant sur la SOCIETE GENERALE du seul fait que Monsieur X... présentait les symptômes d'une maladie grave, sans rechercher, comme elle y avait été invitée (Cf. conclusions de la SOCIETE GENERALE signifiées le 7 mai 2012, p. 8), si Monsieur X... avait communiqué à la banque, lors de la souscription de son engagement, des informations précises sur son état de santé, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
ALORS ENFIN QUE pas plus qu'il n'appartient au banquier de s'immiscer dans les affaires de son client, il ne lui appartient d'attirer son attention sur le risque que son état de santé ne lui permette pas de gérer convenablement son entreprise, hormis le cas où, de façon manifeste, cet état de santé place le client dans une situation d'incapacité de gérer ; qu'en l'espèce, au prétexte que la banque n'aurait pu ignorer la dégradation de l'état de santé de Monsieur X..., la Cour en a déduit qu'elle devait s'interroger sur sa capacité à gérer son entreprise et devait en conséquence attirer son attention sur les risques liés aux difficultés médicales qu'il rencontrait ; qu'en se déterminant ainsi, par des considérations impropres à justifier une obligation de mise en garde à la charge du banquier, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-24875
Date de la décision : 13/01/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 29 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 jan. 2015, pourvoi n°13-24875


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.24875
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