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07/01/2015 | FRANCE | N°13-23059

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 janvier 2015, 13-23059


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 juin 2013) et les pièces de la procédure, que M. X... a été engagé par la société Deli à compter du 6 janvier 2004 en qualité d'équipier polyvalent de production ; que victime d'un accident du travail le 15 janvier 2008, il a été déclaré « apte à la reprise en mi-temps thérapeutique, pendant trois mois à poste sans manutention lourde » le 4 juin 2008 par le médecin du travail ; que le 1er janvier 2009, le médecin-conseil de la ca

isse primaire d'assurance maladie a considéré que son état était consolidé ; que...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 juin 2013) et les pièces de la procédure, que M. X... a été engagé par la société Deli à compter du 6 janvier 2004 en qualité d'équipier polyvalent de production ; que victime d'un accident du travail le 15 janvier 2008, il a été déclaré « apte à la reprise en mi-temps thérapeutique, pendant trois mois à poste sans manutention lourde » le 4 juin 2008 par le médecin du travail ; que le 1er janvier 2009, le médecin-conseil de la caisse primaire d'assurance maladie a considéré que son état était consolidé ; que le salarié s'est trouvé en arrêt de travail pour maladie du 13 au 25 janvier 2009 ; qu'il a demandé à être examiné par le médecin du travail, lequel, selon des avis des 26 février et 9 mars 2009, a conclu qu'il était « inapte à tout poste de travail exigeant manutention, travail dans le froid et un poste en position debout permanente » ; que licencié le 23 mars 2009 pour inaptitude à son poste et impossibilité de reclassement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité en application de l'article L. 1226-15 du code du travail, d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis, alors, selon le moyen :
1°/ qu'au regard de la constatation de l'inaptitude, seul doit être pris en considération l'avis du médecin du travail ; qu'en n'ayant pas constaté que, selon l'avis du médecin du travail qui s'est prononcé sur l'inaptitude de M. X... les 26 février et 9 mars 2009, cette inaptitude aurait été consécutive à l'accident du travail dont il avait été victime le 15 janvier 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ;
2°/ que le juge ne peut condamner l'employeur au paiement de sommes en application des articles L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail, sans caractériser en quoi l'employeur avait, lors du licenciement, connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude ; qu'en s'étant bornée à constater que les documents médicaux produits par le salarié démontraient l'origine professionnelle de son inaptitude « dont l'employeur avait nécessairement connaissance au moment du licenciement », sans avoir caractérisé en quoi l'employeur avait pu avoir effectivement connaissance, lors du licenciement du 23 mars 2009, en l'état d'une consolidation au 1er janvier 2009 et d'un arrêt de travail pour cause de maladie du 13 au 25 janvier 2009, d'un lien entre l'inaptitude médicalement constatée le 9 mars 2009 et l'accident du travail du 15 janvier 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ;
3°/ que l'obligation de reclassement du salarié inapte n'existe qu'au regard des emplois disponibles ; que la cour d'appel a constaté que les délégués du personnel consultés après l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail avaient conclu que tous les postes en production disponibles nécessitaient manutention, station debout et travail en milieu froid, qu'aucun poste adapté n'était disponible en dehors du service de production, le service commercial, les services administratifs ou le transport étant pourvus, et également à l'absence de reclassement possible au sein de la filiale C2A ; qu'elle a elle-même considéré que les restrictions posées par le médecin du travail étaient difficiles à satisfaire dans une entreprise ayant pour activité la distribution de salades de fruits frais ; qu'en ne caractérisant dans ces conditions quel poste disponible et compatibles avec les restrictions posées par le médecin du travail aurait pu être proposé à M. X... et ne l'aurait pas été, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10 et suivants du code du travail ;
4°/ que M. X... a soutenu que l'article L. 1226-10 du code du travail imposait la consultation des délégués du personnel lorsqu'était envisagé le reclassement d'un salarié en cas d'inaptitude, qu'en l'espèce, ils n'avaient pas été consultés et qu'il était « dans ces conditions » en droit de solliciter l'indemnité prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail ; qu'après avoir constaté que les délégués du personnel avaient été consultés, la cour d'appel qui a pourtant alloué au salarié l'indemnité prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail, a méconnu les termes du litige dont elle était saisie et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement l'ensemble des éléments de fait et de preuve produits devant elle, la cour d'appel a constaté tant l'existence d'un lien entre l'accident du travail et l'inaptitude déclarée par le médecin du travail que la connaissance par l'employeur de ce lien ;
Et attendu, qu'après avoir relevé que l'employeur ne produisait que deux pages d'un extrait du registre du personnel ne comportant que des mentions lacunaires, la cour d'appel, qui a constaté l'absence de justification par l'employeur de recherches suffisantes de reclassement, notamment par transformation de poste et au sein de services n'exigeant ni manutention ni travail au froid, ni position debout permanente, a, sans modifier l'objet du litige, faisant application des dispositions de l'article L. 1226-15 du code du travail, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Deli aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Deli ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Deli.
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Deli à payer M. X... les sommes de 20 100 € à titre d'indemnité en application de l'article L. 1226-15 du code du travail, 1 824,06 € à titre d'indemnité spéciale de licenciement, 3 337,36 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
Aux motifs que la qualification administrative du dernier arrêt maladie transmis par M. X... à la société Deli ne peut suffire à exclure l'origine professionnelle de l'inaptitude liée à la chute du 25 janvier 2008 qui l'avait écarté de son emploi pendant 5 mois avant la mesure de mi-temps thérapeutique ayant suivi à compter du 1er juin 2008 ; que les documents médicaux produits par le salarié démontrent l'origine professionnelle de l'inaptitude du salarié dont l'employeur avait nécessairement connaissance au moment du licenciement ; que les délégués du personnel ont attesté avoir été effectivement consultés suite à l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail ; que le procès-verbal de la réunion extraordinaire des délégués du personnel du 10 mars 2009 fait état des recherches de reclassement dans les termes suivants : « envoi d'un courrier au médecin du travail, copie à Monsieur X..., indiquant que nous n'avions pas de postes adaptés à l'état de santé de ce monsieur disponible. En effet, tous les postes en production disponibles nécessitent de la manutention, de la station debout et du travail en milieu froid : équipier polyvalent de production en découpe au service préparation des commandes et au conditionnement gros seau. Aucun poste adapté n'est disponible. Les membres du comité d'entreprise demandent à consulter le registre unique du personnel et les fiches de postes disponibles dans l'entreprise. Monsieur Y... fait observer qu'il n'existe effectivement aucun emploi disponible en dehors du service de production : le service commercial ou les services administratifs sont déjà pourvus. Il en est de même pour le transport où tous les postes sont également pourvus. Le comité d'entreprise constate également l'absence de reclassement possible au sein de la filiale C2A, laquelle n'emploie de toute façon que quatre salariés et n'est pas en mesure d'embaucher un nouveau salarié » ; que l'examen de la lettre du 12 mars 2009 convoquant M. X... à un entretien préalable au licenciement, postérieure à la réunion des délégués du personnel, permet de constater que la société Deli ¿ qui emploie plus de cinquante salariés ¿ s'est contentée d'indiquer au salarié qu'après « enquête sur la chaîne de production » elle n'avait « aucun poste susceptible de convenir à son état de santé » ; que l'employeur ne fait pas davantage état dans la lettre de licenciement des efforts qui auraient été effectivement produits pour transformer son poste en tenant compte des restrictions du médecin du travail, celles-ci fussent-elles difficiles à satisfaire dans une entreprise ayant pour activité la distribution de salades de fruits frais, ni moins encore de recherches qu'il aurait effectuées au sein des autres services - notamment commercial ou administratif - n'exigeant ni manutention, ni travail au froid ni position debout permanente ; que la société Deli ne produit qu'un extrait de deux pages du registre unique du personnel ne permettant pas de vérifier les indications lacunaires données au salarié inapte ; que la société succombe dans la charge de la preuve qui lui incombe de l'impossibilité de reclasser M. X... ; qu'il est donc fondé à solliciter une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5, une indemnité spéciale de licenciement double de celle prévue par l'article L. 1234-9 due sans condition d'ancienneté, et une indemnité ne pouvant être inférieure à douze mois de salaires ;
Alors 1°) qu'au regard de la constatation de l'inaptitude, seul doit être pris en considération l'avis du médecin du travail ; qu'en n'ayant pas constaté que, selon l'avis du médecin du travail qui s'est prononcé sur l'inaptitude de M. X... les 26 février et 9 mars 2009, cette inaptitude aurait été consécutive à l'accident du travail dont il avait été victime le 15 janvier 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1226-10, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ;
Alors 2°) et en tout état de cause que le juge ne peut condamner l'employeur au paiement de sommes en application des articles L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail, sans caractériser en quoi l'employeur avait, lors du licenciement, connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude ; qu'en s'étant bornée à constater que les documents médicaux produits par le salarié démontraient l'origine professionnelle de son inaptitude « dont l'employeur avait nécessairement connaissance au moment du licenciement », sans avoir caractérisé en quoi l'employeur avait pu avoir effectivement connaissance, lors du licenciement du 23 mars 2009, en l'état d'une consolidation au 1er janvier 2009 et d'un arrêt de travail pour cause de maladie du 13 au 25 janvier 2009, d'un lien entre l'inaptitude médicalement constatée le 9 mars 2009 et l'accident du travail du 15 janvier 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1226-10, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ;
Alors 3°) que l'obligation de reclassement du salarié inapte n'existe qu'au regard des emplois disponibles ; que la cour d'appel a constaté que les délégués du personnel consultés après l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail avaient conclu que tous les postes en production disponibles nécessitaient manutention, station debout et travail en milieu froid, qu'aucun poste adapté n'était disponible en dehors du service de production, le service commercial, les services administratifs ou le transport étant pourvus, et également à l'absence de reclassement possible au sein de la filiale C2A ; qu'elle a elle-même considéré que les restrictions posées par le médecin du travail étaient difficiles à satisfaire dans une entreprise ayant pour activité la distribution de salades de fruits frais ; qu'en ne caractérisant dans ces conditions quel poste disponible et compatibles avec les restrictions posées par le médecin du travail aurait pu être proposé à M. X... et ne l'aurait pas été, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10 et suivants du code du travail ;
Alors 4°) que M. X... a soutenu que l'article L. 1226-10 du code du travail imposait la consultation des délégués du personnel lorsqu'était envisagé le reclassement d'un salarié en cas d'inaptitude, qu'en l'espèce, ils n'avaient pas été consultés et qu'il était « dans ces conditions » en droit de solliciter l'indemnité prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail (conclusions d'appel p. 6) ; qu'après avoir constaté que les délégués du personnel avaient été consultés, la cour d'appel qui a pourtant alloué au salarié l'indemnité prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail, a méconnu les termes du litige dont elle était saisie et violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-23059
Date de la décision : 07/01/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 jan. 2015, pourvoi n°13-23059


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.23059
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