LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 mai 2013) que, par acte du 13 novembre 2003, la SCI P. Acquisitions (la SCI) a acquis un terrain sur lequel se trouve la source des Termes et que, par courrier du 16 juin 2009, elle a informé le syndicat intercommunal des Trois Vallées (le syndicat), établissement public créé par arrêté préfectoral du 7 avril 1959 pour l'alimentation en eau potable, l'irrigation et l'assainissement des communes membres, de son intention de résilier la convention du 11 juin 1970 par laquelle le précédent propriétaire du terrain avait autorisé le captage et l'exploitation de la source ; qu'elle a assigné le syndicat pour faire constater qu'il était sans droit ni titre pour exploiter la source et en paiement d'une indemnité au titre de l'exploitation poursuivie depuis la résiliation de la convention le 1er septembre 2009 ;
Attendu que pour rejeter la demande, l'arrêt retient que la prescription de l'usage de la source est acquise puisqu'il est établi que le syndicat l'exploite depuis 1972, soit depuis plus de trente ans ;
Qu'en statuant ainsi par des motifs insuffisants à caractériser le droit d'exploiter la source qu'elle a reconnu au syndicat, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS:
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que la source des Termes était la propriété de la SCI P. Acquisitions, l'arrêt rendu le 16 mai 2013, entre les parties, par la cour d¿appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne le syndicat intercommunal des Trois Vallées aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat intercommunal des Trois Vallées à payer à la SCI P. Acquisitions la somme de 3 000 euros ; rejette la demande du syndicat intercommunal des Trois Vallées ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société P. Acquisitions.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la SCI P. Acquisitions tendant à voir dire que le syndicat intercommunal des Trois Vallées exploite la source des Termes sans droit ni titre et d'avoir déclaré irrecevable sa demande d'indemnité,
AUX MOTIFS QUE l'article 642 mentionne la prescription de l'usage ; que seule la prescription de l'usage est acquise puisqu'il est établi que le syndicat intercommunal des Trois Vallées exploite cette source depuis 1972, et donc depuis plus de trente ans ; qu'il ne peut dès lors être fait droit à la demande de la SCP P. Acquisitions tendant à voir dire qu'en raison de la résiliation par elle de la convention du 11 juin 1970 à compter du 1er septembre 2009, le syndicat intercommunal des Trois Vallées est sans droit ni titre pour exploiter la source des Termes ; que sa demande d'indemnité et de provision au titre de l'article 642 du code civil est irrecevable dès lors que la prescription trentenaire de l'usage de la source est acquise ;
1° ALORS QUE la prérogative octroyée aux habitants d'une commune, d'un village ou d'un hameau d'utiliser l'eau provenant d'une source jaillissant sur un fonds privé suppose que ceux-ci en usent à l'extérieur de ce fonds, en un lieu où elle s'écoule et où ils ont accès, et ne leur donne pas le droit de pénétrer sur ce fonds pour puiser l'eau ou l'utiliser ; qu'ils ne peuvent donc acquérir, par prescription trentenaire, un tel droit ; qu'en déduisant de l'article 642 du code civil que le syndicat intercommunal des Trois Vallées a acquis, par prescription, le droit d'exploiter les installations de captage et de dérivations des eaux provenant de la source jaillissant sur le fonds appartenant à la SCI P. Acquisition et qu'il n'occupe donc pas les lieux sans droit ni titre, la cour d'appel a violé le texte susvisé, en ses alinéas 1er et 3ème, du code civil, ensemble l'article 1er du premier protocole additionnel à la cour européenne des droits de l'homme ;
2° ALORS QUE seuls les propriétaires des fonds inférieurs qui, depuis plus de trente ans, ont fait et terminé, sur le fonds où jaillit la source, des ouvrages apparents et permanents destinés à utiliser les eaux ou à en faciliter le passage dans leur propriété, pour leur usage exclusif, peuvent acquérir par prescription un droit d'usage ; qu'en affirmant que le syndicat intercommunal des Trois Vallées, qui ne justifiait d'aucun titre, avait acquis, par prescription, le droit d'exploiter les installations de captage et de dérivations des eaux provenant de la source jaillissant sur le fonds appartenant à la SCI P. Acquisition, sans constater ni que le syndicat est propriétaire d'un fonds inférieur bénéficiant de l'usage des eaux, ni que les ouvrages édifiés sur le fonds de la SCI P. Acquisition privaient celle-ci de toute utilisation de l'eau, la cour d'appel a violé l'article 642, alinéa 2ème, du code civil, ensemble l'article 691 du code civil ;
3° ALORS au surplus QUE pour prescrire, il faut une possession continue, non équivoque et à titre de propriétaire ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que si le syndicat intercommunal des Trois Vallées a exploité la source jaillissant sur le fonds appartenant à la SCI P. Acquisitions, c'est dans le cadre de l'exécution d'une convention conclue le 11 juin 1970, et résiliée à compter du 1er septembre 2009, aux termes de laquelle le syndicat était autorisé à procéder au captage des eaux de la source, à réaliser tous ouvrages à cet effet et à les exploiter, en contrepartie de la fourniture au propriétaire du fonds d'un certain volume d'eau potable à titre gratuit et, pour le surplus, à tarifs préférentiels ; qu'en jugeant que le syndicat avait acquis par prescription le droit d'exploiter ces ouvrages, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles 642 et 2266 du code civil.