LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article L. 4624-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 9 avril 1980 par la société Auto-cast, devenue Auto-cast group, en qualité d'opératrice, a été victime de plusieurs accidents du travail et maladies professionnelles ; qu'au terme de deux examens médicaux des 8 et 30 décembre 2008 effectués par un médecin du travail de l'Association interprofessionnelle de médecine du travail 37 (l'association), elle a été déclarée inapte à tous postes dans l'entreprise ; qu'elle a été licenciée le 6 février 2009 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que la société Auto-cast group a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire du 30 juin 2009, la société Riffier Basse étant désignée mandataire liquidateur ; que, contestant la validité de l'avis du médecin du travail en raison du défaut d'agrément de l'association par le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour décider que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et déclarer sa décision opposable à l'association, l'arrêt retient que cette association n'ayant sollicité l'agrément de ses secteurs médicaux que le 7 juillet 2009, postérieurement aux visites médicales des 8 et 30 décembre 2008, la déclaration d'inaptitude du salarié par le médecin du travail s'avérait inopérante ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de recours, exercé devant l'inspecteur du travail, contre les avis du médecin du travail, ceux-ci s'imposent au juge, la cour d'appel, qui a refusé de donner effet aux avis donnés par ce médecin, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Auto-cast group la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de notification de son droit individuel à la formation, l'arrêt rendu le 18 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'Association interprofessionnelle de la médecine du travail 37.
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR déclaré qu'elle était opposable à l'AIMT 37 à raison d'une violation de l'article D.4622-36 du Code du travail, d'AVOIR jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR fixé les créances de madame Bernadette X... au passif de la liquidation judiciaire de la société AUTO CAST aux sommes de 3084,32 euros au titre du préavis outre congés payés afférents, 11 026,82 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement, 9120 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 300 euros de dommages et intérêts pour défaut de notification du droit au DIF, outre une somme en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'« il convient de rappeler le droit applicable : - l'article D.4622-22 du code du travail dispose que les entreprises et les établissements qui ne relèvent pas dl un service de santé au travail d'entreprise ou d'établissement, en application des dispositions des articles D.4622-5 et 9, organisent ou adhèrent à un service de santé au travail interentreprises. - L'article D.4622-36 du même code édicte que chaque secteur médical fait l'objet d'un agrément par période de cinq années par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. L'agrément est délivré après avis du médecin inspecteur du travail. - L'article D.4622-35 précise que les décisions fixant la compétence géographique et professionnelle d'un service de santé au travail interentreprises ainsi que leurs modifications sont, avant d'être mises en application, approuvées par le ou les directeurs régionaux des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Cette approbation est faite après avis du ou des médecins inspecteurs du travail. En l'espèce, le directeur régional du travail écrit au président de l'AIMT 37 le 15 octobre 2008 et lui transmet l'approbation de sa demande d'extension géographique de son service de santé à l'ensemble du département d'Indre-et-Loire. Dès lors que l'organisation de cette extension aux cantons de Bléré, Amboise, Montrésor et loches sera opérationnelle, il conviendra de solliciter de nouveau le directeur régional du travail pour demander l'agrément du ou des secteurs médicaux ainsi nouvellement créés ou modifiés. Le même directeur régional écrit à la directrice de cette association le 26 novembre 2008 que, suite à l'approbation de l'extension de la compétence géographique sur Amboise, elle sollicitait son accord pour mettre en place un fonctionnement provisoire afin d'assurer les urgences concernant les visites de reprise d'embauche. Il souligne que cette demande n'est pas conforme à l'article R.4623-9 du Code du travail et qu'il convient d'affecter chaque nouvelle entreprise adhérente à un médecin déterminé et il rappelle les termes de son courrier du 15 octobre précédent : dès lors que l'organisation de cette extension aux quatre cantons serait opérationnelle, il conviendra de le solliciter de nouveau pour demander l'agrément du ou des secteurs médicaux ainsi nouvellement créés ou modifiés. Ainsi au 26 novembre 2008, l'agrément des secteurs médicaux modifiés n'était-il pas encore donné par l'autorité compétente, le directeur régional du travail. Le 16 juillet 2009, la directrice adjointe du travail adresse à la directrice de cette association la décision de renouvellement d'agrément de son service de santé au travail pour une durée de cinq ans à compter du 10 juillet 2009 et, dans cette décision, il est visé de : - la décision accordant l'extension de la compétence géographique du 15 octobre 2008 en vue d'assurer la surveillance médicale des salariés des entreprises des cantons de Bléré - la demande d'agrément des secteurs médicaux présentée par l'AIMT 37 le 7 juillet 2009, l'avis de la commission de contrôle de cette association du 15 juin 2009, - l'avis du médecin inspecteur régional du travail du 9 juillet 2009. Il en ressort que cette association n'a sollicité l'agrément des secteurs médicaux que le 7 juillet 2009, bien postérieurement aux deux visites médicales des 8 et 30 novembre 2008 arrêtant l'inaptitude au travail de madame X.... La déclaration d'inaptitude s'avère donc inopérante puisque l'association, sous le couvert duquel le médecin du travail est intervenu, n'avait pas été encore habilitée au sens strict pour intervenir, il en résulte que le licenciement pour inaptitude intervenu le 6 février 2009 se trouve donc dépourvu de cause réelle et sérieuse, à défaut d'habilitation du médecin du travail en question. Dans la mesure où cette association n'a pas respecté scrupuleusement la législation et a cru pouvoir mandater ses médecins du travail pour intervenir sur un secteur où elle n'avait pas reçu toutes les autorisations nécessaires, cet arrêt devra lui être déclaré opposable en raison de la violation des dispositions de l'article D.4622-36 du code du travail » ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Madame Bernadette X... précise : "La direction régionale du travail par deux courriers en date respectivement du 15 octobre 2009 (pièce 21) et 26 novembre 2009 (pièce 22) tout en approuvant la demande d'extension de L'A.I.M.T. 37 indique la nécessité à cette dernière de la solliciter pour l'obtention de l'agrément nécessaire aux nouveaux secteurs envisagés". Que l'A.I.M.T. 37 établit une demande d'agrément en date du 7 juillet 2010 qui fait l'objet d'une acceptation, par la direction régionale de l'emploi, en date du 10 juillet 2010 (pièce 24). Que l'absence d'agrément de l'AI.M.T. 37 pour le secteur géographique de la S.A.S. AUTO-CAST GROUP, malgré sa demande d'adhésion, en date du 13 novembre 2009, justifie le défaut de validité des avis médicaux émis en décembre 2009 pour Madame Bernadette X... » ;
1) ALORS QU'un service de santé au travail interentreprises ne peut s'opposer à l'adhésion d'une entreprise relevant de sa compétence ; que dès cette adhésion, l'entreprise ou l'un de ses salariés peut solliciter un médecin du travail de ce service, notamment compétent pour se prononcer sur une aptitude ; qu'ainsi, en cas d'approbation de l'extension de la compétence géographique d'un service de santé au travail interentreprises, d'ores et déjà organisé en secteurs médicaux agréés, toute entreprise relevant nouvellement de sa compétence peut y adhérer, et un médecin du travail d'un des secteurs médicaux agréé peut immédiatement intervenir au profit des salariés ; qu'en l'espèce, il était constant que l'AIMT 37 était un service de santé au travail interentreprises valablement organisé en secteurs médicaux ayant fait l'objet d'agrément, la Cour d'appel ayant elle-même constaté que c'est une décision de renouvellement d'agrément qui avait été notifiée à l'AIMT 37 le 16 juillet 2009 (arrêt page 6, dernier §) ; que la Cour d'appel a encore constaté que le 15 octobre 2008, l'extension de la compétence géographique de l'AIMT 37 à la région d'Amboise avait fait l'objet d'une approbation, au demeurant versée aux débats (production n° 7) ; qu'il s'en induisait que l'AIMT 37 ne pouvait s'opposer à l'adhésion, le 13 novembre 2008, de la société AUTO CAST ayant son siège dans la région d'Amboise, et qu'un médecin du travail de l'AIMT 37, affecté à l'un de ses secteurs médicaux agréés, pouvait valablement, dès cette adhésion, se prononcer sur l'aptitude professionnelle de madame X..., salariée de la société AUTO CAST ; qu'en affirmant le contraire au prétexte que l'AIMT 37 n'avait pas sollicité et reçu l'agrément de secteurs médicaux modifiés avant que le médecin du travail ne se prononce les 8 et 30 novembre 2008, la Cour d'appel a violé les articles D.4622-29, D.4622-32, D.46-22-35 et D.4622-37 du Code du travail dans leur version applicable au litige ;
2) ALORS QUE tenus de motiver leurs décisions, les juges du fond doivent viser et analyser les éléments de preuve versés aux débats par les parties : qu'en l'espèce l'exposante se prévalait (conclusions page 7 notamment) et versait aux débats (production n° 2) un courrier du médecin inspecteur du travail du 16 mars 2011 affirmant que les secteurs médicaux de l'AIMT 37 avaient toujours bénéficié des agréments nécessaires, et que dès l'approbation de l'extension de la compétence territoriale de l'AIMT 37 le 15 octobre 2008, le docteur Z..., affecté au secteur médical de « la Riche » agréé depuis le 2 janvier 2007, pouvait valablement se prononcer sur l'aptitude des salariés des entreprises entrées dans le champ de compétence de l'AIMT, et y ayant adhéré, depuis l'extension ; qu'en omettant d'examiner cette pièce déterminante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait précisément valoir qu'au bénéfice de son extension géographique, l'AIMT 37 avait pu intervenir pour les salariés travaillant dans des entreprises nouvellement entrées dans le champ de sa compétence (dont madame X...) grâce à un centre mobile (camion dispensaire) rattaché à un centre fixe d'un secteur médical agréé de longue date préexistant à l'extension de compétence géographique ; qu'en omettant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.