LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Vu l'article L. 626-25, alinéa 2, du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, ensemble l'article 908 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte du premier texte que le commissaire à l'exécution du plan poursuit les actions auxquelles, avant le jugement arrêtant le plan, le mandataire judiciaire était partie ; qu'aux termes du second, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'une procédure de sauvegarde ayant été ouverte le 23 septembre 2010 à l'égard de la société Pharmacie Jayne et Secchi (la société), le mandataire judiciaire a assigné en responsabilité les sociétés Crédit lyonnais et Interfimo ; que, le 16 février 2012, il a relevé appel du jugement déclarant irrecevable sa demande ; qu'avant qu'il ne dépose, le 11 mai 2012, ses conclusions, le tribunal a, le 10 mai 2012, arrêté le plan de sauvegarde de la société en nommant la SCP Y...-Z... en qualité de commissaire à l'exécution du plan ; que celle-ci a, le 16 mai 2012, déposé devant la cour d'appel des conclusions d'intervention volontaire ; que la société Interfimo a saisi le conseiller de la mise en état pour voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel ;
Attendu que pour constater cette caducité, l'arrêt, après avoir relevé que l'adoption du plan de sauvegarde de la société a fait perdre au mandataire judiciaire sa qualité pour poursuivre l'action engagée, retient que les conclusions remises le 16 mai 2012 par le commissaire à l'exécution du plan doivent s'analyser en une intervention volontaire à titre accessoire dans la mesure où elles n'élevaient aucune prétention propre, étant la reprise des conclusions déposées par le mandataire judiciaire le 11 mai 2012, de sorte qu'elles ne répondent pas aux exigences de l'article 908 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que, par voie de conclusions signifiées et déposées dans le délai de trois mois ouvert par la déclaration d'appel du mandataire judiciaire, le commissaire à l'exécution du plan avait repris les prétentions de celui-ci, poursuivant ainsi l'action en vertu de son pouvoir légal de substitution, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne les sociétés Le Crédit lyonnais, Interfimo et Compagnie européenne d'audit et de conseil aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. X...et autre
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR constaté la caducité de la déclaration d'appel remise le 16 février 2012 par Maître X..., en sa qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la société PHARMACIE JAYNE et SECCHI ;
AUX MOTIFS QUE « la SCP Y...¿ Z... fait valoir :- que le défaut de pouvoir de représentation du mandataire judiciaire constitue une exception de procédure qui est irrecevable faute d'avoir été présentée avant toute défense au fond ;- que l'instance a été interrompue par l'effet du jugement qui a nommé le commissaire à l'exécution du plan ;- que le dispositif des conclusions remises le 16 mai 2012 par la SCP Y...¿ Z... comporte des prétentions d'appel, tendant à ce qu'il soit jugé que le Crédit Lyonnais et la société Interfimo ont commis une faute ayant occasionné un préjudice à l'ensemble des créanciers, qui ont été présentées, dans l'intérêt de la collectivité des créanciers, par l'organe ayant qualité pour agir ;- que les demandes pécuniaires formées dans les conclusions remises le 16 mai 2012 par la SCP Y...- Z... au profit de M. X...ès qualités résultent d'une ¿ erreur de plume', l'intervention volontaire de la SCP Y...- Z... exprimant en elle-même la volonté de poursuivre l'instance ; Mais, la SCP Y...¿ Z... ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 370 du code de procédure civile relatives à l'interruption de l'instance, dès lors que l'interruption ne produit effet, en vertu de ce texte, qu'à compter de la notification de sa cause à l'autre partie, ce qui n'a pas été le cas ; en outre, il résulte des articles L 626-24 et L 626-25 du code de commerce qu'après le jugement qui arrête le plan, le mandataire judiciaire ne demeure en fonction que pour achever la vérification du passif et que les actions qu'il a introduites avant ce jugement sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan ; le moyen tiré d'une perte de la qualité à agir du mandataire judiciaire constitue une fin de non-recevoir qui ne peut être régularisée, selon l'article 126 du code de procédure civile, que par l'intervention, avant toute forclusion, de la personne ayant cette qualité ; en vertu de l'article 908 du code de procédure civile, l'appelant dispose d'un délai de trois mois pour conclure, à peine de caducité de la déclaration d'appel ; les conclusions remises le 11 mai 2012 par M. X...ès qualités ne satisfont pas à cette exigence puisqu'elles émanent d'une personne qui a perdu la qualité pour agir ; il en est de même des conclusions remises le 16 mai 2013 (lire 2012) par la SCP Y...- Z... ès qualités de commissaire à l'exécution du plan dès lors que, strictement identiques dans les motifs et le dispositif à celles remises par le mandataire judiciaire, sans que cela puisse s'interpréter comme procédant d'une erreur matérielle, elles tendent, en des prétentions non dissociables, au prononcé de condamnations au profit de M. X...ès qualités en conséquence de fautes commises par les établissements de crédit ; n'élevant aucune prétention propre et ne faisant même pas référence au jugement qui a désigné le commissaire à l'exécution du plan, ces conclusions s'analysent en une intervention volontaire à titre accessoire au sens de l'article 330 du code de procédure civile ; les conclusions remises dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile par M. X...ès qualités et par la SCP Y...- Z... ès qualités étant, non pas irrecevables, mais dépourvues de portée, il convient de constater, par un arrêt se substituant à l'ordonnance attaquée, la caducité de la déclaration d'appel du 16 février 2012 » ;
1°/ ALORS, D'UNE PART, QUE le jugement arrêtant le plan de sauvegarde ne produit ses effets et ne peut être exécuté tant qu'il n'a pas été porté à la connaissance des mandataires de justice par le greffier dans les huit jours de sa date et il doit être notifié par le greffier à toute personne tenue de l'exécuter ; qu'il en résulte que le mandataire judiciaire ne peut se voir opposer une perte de qualité à agir au profit d'un tiers, désigné en tant que commissaire à l'exécution du plan, tant que le greffier du tribunal n'a pas porté à sa connaissance les termes du jugement portant fin de sa mission et son remplacement ; qu'en l'espèce, ayant constaté que les conclusions de Me X..., appelant, avaient été remises dans le délai de l'article 908 du Code de procédure civile, la cour d'appel ne pouvait retenir une caducité de l'appel au prétexte que la veille de leur dépôt, le tribunal avait arrêté un plan de sauvegarde et désigné la SCP Y...-Z... comme commissaire à l'exécution du plan, sans constater au préalable que le jugement du 10 mai 2012 avait été porté à la connaissance de Me X...par le greffier lorsqu'il a régularisé le lendemain ses écritures d'appel ; qu'en cet état, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles L 622-20, L 626-25, R 626-21 du Code du commerce et l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
2°/ ALORS, aussi, QUE les conclusions visées par l'article 908 du Code de procédure civile sont toutes celles remises au greffe et notifiées dans le délai prévu par ce texte, qui déterminent l'objet du litige ou soulèvent un incident de nature à mettre fin à l'instance ; que selon l'article 4, alinéa 1er, du Code de procédure civile, « l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties » ; qu'en conséquence, pour répondre aux exigences de l'article 908 du Code de procédure civile, il suffit que les conclusions remises au greffe et notifiées dans le délai de trois mois prévu par ce texte contiennent des prétentions ; qu'ainsi, en l'espèce, ayant elle-même constaté que les conclusions remises le 16 mai 2012 par le commissaire à l'exécution du plan dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile contenaient des prétentions (arrêt p. 6 in fine), la cour d'appel ne pouvait déclarer caduque la déclaration d'appel du 16 février 2012, aux motifs inopérants et erronés que ces conclusions n'élevaient aucune prétention propre et étaient « dépourvues de portée » (arrêt p. 6 in fine et p. 7 § 2) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes susvisés ;
3°/ ALORS en tout état de cause et subsidiairement QUE les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan et auxquelles le mandataire judiciaire est partie sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan qui est également habilité à engager des actions dans l'intérêt collectif des créanciers et il résulte de la combinaison des articles 66 et 126 du Code de procédure civile et L. 626-25 du Code de commerce que lorsque, avant toute forclusion, le commissaire à l'exécution du plan intervient à l'instance à laquelle le mandataire judiciaire était partie, cette intervention régularise les actes de procédure irrégulièrement accomplis par le mandataire judiciaire ; qu'en l'espèce après que M. X..., es qualité de mandataire judiciaire, a formé le 16 février 2012 appel puis déposé ses conclusions le 11 mai 2012, la SCP Y...¿ Z..., désignée commissaire à l'exécution du plan par jugement du 10 mai 2012, a régularisé, en qualité d'appelant et d'intervenant volontaire, des conclusions le 16 mai 2012 ; qu'en cet état, les conclusions déposées es qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde dans le délai de trois mois de l'appel, qui étaient dans le prolongement de l'appel, étaient régulières au regard des articles 369, 908 du code de procédure civile et L 622-20 et suivants, L 626-25 et R 626-21 du code de commerce, de sorte que la cour d'appel ne pouvait retenir une caducité de l'appel au prétexte que certains chefs du dispositif concluaient au prononcé de condamnations au profit du mandataire judiciaire, dès lors que par l'effet légal le commissaire à l'exécution du plan poursuivait automatiquement les intérêts défendus jusque-là par le mandataire judiciaire et qu'aucune caducité de l'appel n'était encourue de ce chef ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles susvisés et l'article 370 du code de procédure civile ;
4°/ Alors aussi Que dans ses conclusions du 16 mai 2012, la SCP Y...- Z... déclarait expressément agir en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde et, en tant qu'appelant et intervenant volontaire, demandait notamment au juge d'« infirmer le jugement en ce qu'il avait déclaré irrecevable l'action et les demandes du concluant au regard de l'article L. 650-1 du code de commerce », de « dire et juger que LCL et Interfimo avaient commis une faute à l'égard des créanciers de la Selarl Pharmacie Jayne et Secchi dans l'octroi du crédit hasardeux et ruineux consenti à cette dernière » et de « juger que le comportement fautif de LCL et Interfimo avait occasionné un préjudice à l'ensemble des créanciers de la Selarl Pharmacie Jayne et Secchi » (production) ; qu'en affirmant néanmoins que ces conclusions n'élevaient aucune prétention propre et qu'elles s'analysaient en une intervention volontaire à titre accessoire et étaient dépourvues de portée, la cour d'appel a dénaturé les conclusions précitées en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
5°/ ALORS ENFIN QUE dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu'en l'espèce, dès lors qu'il est constant et constaté que la SCP Y...¿ Z... es qualité de commissaire à l'exécution du plan a régularisé ses conclusions le 16 mai 2012 dans le délai légal de trois mois de la déclaration d'appel, aux fins de poursuivre la procédure d'appel initiée par M. X...es qualité de mandataire judiciaire, la cour d'appel ne pouvait dire sans portée les conclusions déposées par l'exposante au motif erroné qu'elles n'élevaient aucune prétention propre et au motif inopérant qu'elles ne faisaient pas référence au jugement de désignation du commissaire à l'exécution du plan, sans tenir compte des conclusions récapitulatives du 17 août 2012 par lesquelles la SCP Y...-Z... avait sollicité, es qualité, la condamnation des établissements de crédits à différentes sommes en réparation des fautes qu'ils avaient commises ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 66, 126, 330 et 908 du code de procédure civile et L 626-25 du code de commerce.