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16/12/2014 | FRANCE | N°13-25028

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 décembre 2014, 13-25028


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 juillet 2013, RG n° 10/09151), qu'en 2001, la société Thor investissements a acquis les actions composant le capital de la société Thor (la société) dans le cadre d'une opération d'achat avec effet de levier (LBO) ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 4 avril et 9 novembre 2006, le liquidateur a assigné en paiement de l'insuffisance d'actif MM. X..., Y... et Z..., présidents successifs de ce

lle-ci ;
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de rejeter ses...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 juillet 2013, RG n° 10/09151), qu'en 2001, la société Thor investissements a acquis les actions composant le capital de la société Thor (la société) dans le cadre d'une opération d'achat avec effet de levier (LBO) ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 4 avril et 9 novembre 2006, le liquidateur a assigné en paiement de l'insuffisance d'actif MM. X..., Y... et Z..., présidents successifs de celle-ci ;
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que le fait pour un dirigeant de ne pas avoir pris à temps les mesures de réorganisation qu'exigeait l'adaptation de la société à l'évolution de sa situation économique est constitutif d'une faute de gestion ; qu'en se contentant d'affirmer qu'aucune faute de gestion n'avait été commise par les dirigeants de la société Thor, dès lors que certaines mesures de réorganisation avaient été entreprises, sans rechercher comme elle y était pourtant invitée et comme cela ressortait du rapport de M. A..., si les dirigeants s'étaient abstenus de prendre en temps utile des mesures de restructuration indispensables au redressement de la société Thor, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
2°/ que la poursuite volontaire et en toute connaissance de cause d'une activité déficitaire constitue une faute de gestion ; que cette faute n'est pas subordonnée à la constatation d'un état de cessation des paiements antérieur ou concomitant à la poursuite de l'activité ; qu'en jugeant cependant, pour écarter l'existence d'une faute de gestion résidant dans la poursuite d'une activité déficitaire par les dirigeants successifs de la société Thor, que le mandataire ad hoc désigné par ordonnance du 12 novembre 2003 « ne concluait pas à un état de cessation des paiements au début de l'année 2004 », la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;
3°/ que la poursuite en toute connaissance de cause d'une activité déficitaire ayant contribué à l'insuffisance d'actif expose le dirigeant à supporter tout ou partie de cette insuffisance d'actif sans qu'il puisse échapper à sa responsabilité à raison du fait d'autrui ; qu'en affirmant néanmoins que « les dirigeants successifs de la société Thor (...) ne pouvaient pas s'opposer à cette décision (de remontées de dividendes) de son associé unique, surtout à compter de l'année 2004 où les réserves étaient épuisées et qu'aucun d'entre eux n'avait les parts suffisantes dans la société holding pour influer sur ses décisions », et en considérant ainsi que, malgré la poursuite par les dirigeants successifs de la société Thor d'une activité qu'ils savaient déficitaire, la décision de son associé unique, la société Thor Investissements, à laquelle ils ne pouvaient pas s'opposer, constituait « le noeud des difficultés ayant conduit à la cessation des paiements », la cour d'appel a écarté à tort la responsabilité de MM. X..., Y... et Z..., violant ce faisant l'article L. 651-2 du code de commerce ;
4°/ que la poursuite d'une activité déficitaire par un dirigeant en toute connaissance de cause est à elle seule de nature à caractériser une faute de gestion, sans qu'il soit nécessaire d'établir la vanité d'éventuelles mesures de redressement entreprises par le dirigeant ; qu'en jugeant que « le liquidateur judiciaire ne (pouvait) stigmatiser les dirigeants dans leurs tentatives peu efficaces à redresser l'activité de la société sans démontrer que leurs décisions personnelles étaient dépourvues de toute pertinence ou de toute adéquation avec la situation qu'ils affrontaient alors », tout en constatant l'existence d'exercices déficitaires depuis 2002 et la poursuite de l'activité jusqu'en 2006, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;
5°/ que le dirigeant d'une personne morale peut être déclaré responsable sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif ; qu'il peut être condamné à supporter la totalité des dettes sociales même si sa faute n'est à l'origine que d'une partie d'entre elles ; que l'absence de mise en place d'une comptabilité et d'outils de gestion fiables permettant d'appréhender la situation économique et financière exacte de la société et de prendre en temps utile les mesures de redressement nécessaires constitue une faute de gestion contribuant à l'aggravation de l'insuffisance d'actif ; qu'il en est ainsi du dirigeant qui a délibérément recours à des procédés de valorisation des encours non conformes aux règles comptables, de nature à faire perdre à la comptabilité tout caractère de crédibilité et de fiabilité en minorant les pertes réelles et en masquant la situation réelle de la société ; qu'en affirmant, en l'espèce, que « les erreurs commises dans la valorisation, notamment des titres de la société AJM, comme l'absence de provisions suffisantes (...) ne sont pas celles qui ont contribué à l'insuffisance d'actif, due plus que majoritairement à l'absence d'efficacité ou d'adéquation des mesures de restructuration et aux remontées inopportunes pour la société filiale des dividendes à sa mère », la cour d'appel a jugé que les dirigeants successifs de la société Thor avaient certes commis des erreurs comptables fautives, mais que d'autres circonstances avaient « majoritairement » contribué à l'insuffisance d'actif et que les dirigeants de la société Thor ne devaient donc pas en être tenus pour responsables ; qu'en statuant de la sorte, tandis qu'il résultait des constatations de la cour d'appel que la faute dans la tenue de la comptabilité avait concouru à l'insuffisance d'actif de la société Thor, peu important que ce ne fût que partiellement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;
6°/ que l'omission par un dirigeant de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal est constitutive d'une faute de gestion ; que pour écarter l'existence d'une telle faute imputée à M. Z..., la cour d'appel, qui a jugé que « le propre tableau du liquidateur judiciaire en page 47 de ses écritures ne permet pas de le suivre dans son postulat, compte tenu de ce que ces créances étaient échues en grande partie postérieurement à cette date du 30 septembre 2005 », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la date de cessation des paiements de la société Thor devait, en toute hypothèse, être fixée antérieurement à la limite légale de déclaration, soit le 13 février 2006, dès lors que les créances impayées de la société Thor étaient échues à la fin de l'année 2005 ou en début d'année 2006, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
7°/ que pour nier le caractère tardif de la déclaration de cessation des paiements imputable à M. Z..., la cour d'appel a affirmé que le liquidateur judiciaire avait indûment comptabilisé dans le passif exigible figurant dans le tableau de la page 47 de ses conclusions une créance de TVA de 370 000 euros, qui « ne pouvait par nature être enregistrée comme échue à cette fin d'année 2005 » ; que le liquidateur avait pourtant fait valoir, au contraire, dans ses conclusions que cette créance n'avait « pas été prise en compte par la liquidation judiciaire » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a dénaturé les conclusions du liquidateur judiciaire, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que les décisions stratégiques échappaient aux dirigeants de la société, tout comme leur avait été étrangère la mise en place de l'opération obligeant la société à verser chaque année des dividendes importants à la société Thor investissements pour lui permettre de rembourser les emprunts contractés pour l'acquisition des actions, ce qui était la cause des difficultés financières du groupe, l'arrêt relève que les dirigeants ont, à plusieurs reprises, fait appel à des conseils extérieurs pour dégager des solutions et ont pris des initiatives en 2003 ayant permis de faire progresser le chiffre d'affaires, sans qu'il soit démontré que ces tentatives de redressement, entreprises à un moment où la situation de la société n'était pas irrémédiablement compromise, aient été dépourvues de pertinence ; qu'il relève encore que la comptabilité a été tenue et approuvée, fût-ce avec réserves, par le commissaire aux comptes et qu'il n'est pas rapporté la preuve que les erreurs commises par les dirigeants, notamment dans l'appréciation des provisions relatives à la dépréciation des titres de la société AJM, aient contribué à l'insuffisance d'actif ; qu'il retient, enfin, que, si le liquidateur fait état d'un montant de disponibilités, au 31 décembre 2005, de 343 475 euros pour un passif global estimé à 500 000 euros, il inclut dans celui-ci une créance non échue à cette date d'un montant de 370 000 euros, faisant ainsi ressortir que le retard à déclarer la cessation des paiements n'est pas davantage établi ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, sans encourir le grief de dénaturation invoquée par la septième branche, a pu déduire que MM. X..., Y... et Z... n'avaient pas commis de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société MJ synergie, en qualité de liquidateur de la société Thor, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Mj synergie, ès qualités.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société MJ Synergie, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Thor, de ses demandes en responsabilité pour insuffisance d'actif contre M. François Y..., M. Régis Z... et M. Michel X... ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'absence de prise de décision concernant la restructuration de la société , il convient d'abord de déterminer l'autonomie de décision des dirigeants visés par le liquidateur judiciaire, s'agissant de ces orientations stratégiques erronées ; qu'il est nécessaire de rappeler qu'en dehors du strict respect de la légalité, les obligations du dirigeant en matière d'efficacité de gestion ne peuvent être que de moyen, et non de résultat comme le liquidateur judiciaire et même les premiers juges ont pu implicitement le retenir ; que M. Michel X..., président de la société Thor de 1985 au 19 juin 2003, n'en était plus actionnaire au moment où les difficultés ci-dessus soulignées sont survenues, celui où la société Thor Investissements en a acquis la quasi-totalité des actions (dans le cadre du LBO), alors qu'il a oscillé entre 2 259 998 € et 2 340 000 € d'actions dans cette société holding sur un capital total ayant varié sur la même période entre 9 010 000 € et 12 314 102 € ; qu'il a été président du conseil de surveillance de cette holding jusqu'au 19 juillet 2003, la présidence du directoire, dès son institution à la fin de l'année 2002 ne lui ayant jamais été confiée ; que M. François Y..., président de la société Thor du 19 juin 2003 au 27 octobre 2004 n'a jamais été actionnaire de l'une des sociétés Thor, alors que M. Régis Z..., président de cette société, à compter du 27 octobre 2004 et jusqu'au prononcé de la liquidation judiciaire n'a détenu que 300 752 € d'actions de la société Thor Investissements qu'à compter du 25 juin 2004 ; que la société Thor Investissements disposait du contrôle total de sa filiale Thor en détenant 99 994 actions 100 000, alors que le dispositif même du LBO supposait, par nature, une remontée dividendes suffisante pour couvrir l'endettement dû à l'acquisition de cette filiale ; la critique faite de l'absence de réorientation de la société Thor à la suite de la perte client PMU suppose pour être pertinente que le liquidateur judiciaire établisse que dirigeants effectifs de cette société n'aient pas pris les décisions nécessaires à cette tenir compte du résultat maintenant connu de l'évolution de son activité ; que l'acquisition en juillet 2003 par les sociétés Thor et Thor Investissements de la société d'ailleurs effectuée en vue de permettre une réorientation vers une clientèle « Comptes » moins importante et surtout en liaison avec des produits IBM ; que décisions prises ont permis en 2003 de faire progresser le chiffre d'affaires ; que, Henri A..., la base même de l'opération, faisant intervenir le LBO et la création de la société holding Thor Investissements, est la réorientation vers un autre fournisseur de matériel (IBM au lieu de Bull), les actionnaires de la holding connaissant dès l'origine cette nécessité adossée à la perte prévisible en particulier du marché PMU (matériel Bull) ; qu'en page 17 de son rapport, il relève par ailleurs qu' « il ressort des documents analysés que les organes de direction sont en perpétuelle recherche de solution et dans de perpétuelles tentatives de réorganisation » ; que seul M. X..., comme participant aux décisions de la holding, disposait d'une faculté d'influer sur les résolutions de cet actionnaire quasi unique de la S.A.S. qu'il dirigeait également, alors que les deux autres dirigeants dans la cause n'avaient pas l'autonomie suffisante pour ce faire ; que cependant sa responsabilité ne peut ici être recherchée en qualité de dirigeant de la société Thor pour une période où il n'y exerçait pas comme dirigeant et alors que le liquidateur judiciaire n'a pas tenté de mettre en cause la société holding comme dirigeant de fait ; que l'activité de cette société était encore « équilibrée », du fait de l'existence des réserves que M. X... avait constituées avant de céder son entreprise ; que les résultats de la société Thor durant la période de direction de M. Y... ont été gravement influencés par la décision prise par cet actionnaire unique de faire remonter des dividendes lui permettant de faire face à ses propres obligations, alors que M. X... avec moins de 23 % des actions (avec son épouse) ne pouvait s'opposer à de telles décisions ; que le liquidateur judiciaire ne peut ainsi stigmatiser ces remontées tout en concédant que le LBO n'est pas susceptible d'être retenu comme fautif ; que M. Y... est lui-même à l'origine de la saisine du tribunal de commerce pour la désignation d'un mandataire ad hoc ; que, comme les premiers juges l'ont motivé à juste titre, il est facile de critiquer a posteriori des choix stratégiques, en connaissant leurs résultats, alors que le technicien comptable commis n'a pas relevé dans ses investigations que des opportunités commerciales aient été délaissées ou que des options de restructuration s'ouvraient de manière évidente ; que M. Z... a pour sa part tenté de trouver de nouveaux moyens de restructuration et a été à l'initiative de la désignation d'audits ou de tentatives en ce sens, dans les limites de la marge de décision qui lui était ouverte ; qu'aucune faute ne peut dès lors être retenue contre ces dirigeants concernant ces orientations stratégiques ; que sur la poursuite d'une activité déficitaire et la perte des capitaux propres , que les décisions stratégiques étaient prises, au vu notamment du procès-verbal de décisions de l'associé unique du 27 octobre 2004 au niveau de la société Thor Investissements ; que M. C..., désigné mandataire ad hoc par ordonnance du 12 novembre 2003 jusqu'au 12 février 2004, s'il visait une baisse du chiffre d'affaires entre les exercices 2002 et 2003, ne concluait pas à un état de cessation des paiements au début de l'année 2004, sous réserve des pourparlers en cours concernant un redressement fiscal ; que ce mandataire ad hoc conditionne la poursuite à moyen terme à un apport des actionnaires, soit en l'espèce de la société holding ; que les pertes d'exploitation 2002 et 2003 ont été intégralement amorties par les réserves, alors que la décision qui a engagé la trésorerie de la société Thor était constituée de la remontée des dividendes malgré des exercices déficitaires ; que pour les exercices 2004 et 2005, le chiffre d'affaires était retombé à un niveau à peine supérieur à celui de l'exercice 2002, avec des pertes ayant connu une ampleur inégalée, la remontée de dividendes faite en 2004 ayant largement contribué à l'amplification des difficultés financières de la société ; que les investigations d'Henri A... confirment sans équivoque que ces remontées de dividendes ont constitué le noeud des difficultés ayant conduit à la cessation des paiements ; que les dirigeants successifs de la société Thor, comme il a été retenu plus haut, ne pouvaient s'opposer à cette décision de son associé unique, surtout à compter de l'année 2004 où les réserves étaient épuisées et qu'aucun d'entre eux n'avait les parts suffisantes dans la société holding pour influer sur ses décisions ; que le liquidateur judiciaire ne peut stigmatiser les dirigeants dans leurs tentatives peu efficaces à redresser l'activité de la société sans démontrer que leurs décisions personnelles étaient dépourvues de toute pertinence ou de toute adéquation avec la situation qu'ils affrontaient alors ; qu'aucun des éléments mis en avant par la société MJ Synergie ès qualités, ne permet de discerner une telle incurie fautive de ces dirigeants à trouver la solution du redressement, les professionnels ayant examiné la situation concluant d'une même voix que le système même du LBO, en l'état des incertitudes sur les produits Bull, conditionnait totalement, et dès l'origine, la réussite de l'opération ; que le liquidateur judiciaire n'a dès lors pas caractérisé de faute de gestion de ces dirigeants concernant la poursuite de l'activité déficitaire de la société Thor et sur la perte de ses capitaux propres, fautes qui auraient contribué à cette insuffisance ; que l'absence de reconstitution de son captal social, même en l'état d'une obligation légale, n'est pas plus la cause première de l'accroissement de l'Insuffisance d'actif, si tant est que les dirigeants visés disposaient des pouvoirs effectifs à cette fin ; que, sur l'absence de comptabilité fiable et d'outil de gestion fiable, pour constituer une faute, Il est nécessaire que le liquidateur judiciaire établisse que les dirigeants n'ont pas fait établir de comptes ou les auraient délibérément émaillés d'irrégularités de nature à modifier la perception par les tiers et les créanciers de l'état de santé de la société ; qu'une comptabilité a été tenue et a même fait l'objet d'approbations par un commissaire aux comptes, les réserves émises par ce dernier sur deux exercices n'étant pas de nature à appuyer la thèse de l'absence de tout outil de gestion fiable ; que l'absence de communication rapide de cette comptabilité au liquidateur judiciaire n'est pas plus susceptible de caractériser une faute du dirigeant, en l'absence de démonstration d'une volonté délibérée de ce dernier d'occulter des éléments au mandataire judiciaire qui ne justifie d'ailleurs pas de mises en demeure en ce sens, peu important que ces documents soient quérables ou portables ; que les erreurs commises dans la valorisation, notamment des titres de la société AJM, comme dans l'absence de provisions suffisantes, ne sont pas plus à même de soutenir la thèse du liquidateur judiciaire sur la fiabilité de la comptabilité, alors que ces erreurs ne sont pas celles qui ont contribué à l'insuffisance d'actif, due plus que majoritairement à l'absence d'efficacité ou d'adéquation des mesures de restructuration et aux remontées inopportunes pour la société filiale des dividendes à sa société mère ; que s'agissant des outils de gestion, le technicien commis a pour sa part insisté sur les nombreux « appels à plusieurs conseils extérieurs » (page 17 de son rapport) qui contredisent cette affirmation péremptoire du liquidateur judiciaire ; que surtout ce dernier ne rapporte en rien la preuve de ce que ces erreurs, volontaires ou non, aient contribué à l'insuffisance d'actif sur le retard du dernier dirigeant à déclarer la cessation des paiements, cette question étant indubitablement liée à celle de la poursuite d'une activité déficitaire, non retenue ci-dessus, la détermination du moment où cet événement est intervenu ne peut résulter que des éléments fournis par le liquidateur judiciaire et les parties ; que la détermination de cette date, dans le cadre d'une telle action en comblement n'a pas les mêmes objectifs que ceux qui conduisent une juridiction à fixer, dans les limites légales rappelées par les parties, cette cessation des paiements, pivot d'une partie des événements d'une procédure collective ; que comme l'a souligné la société MJ Synergie, ès qualités, et pour cette raison, la cour n'est pas en l'espèce tenue par la date butoir de report prévue par le code de commerce et par celle retenue par le tribunal de commerce ; qu'il appartient à ce liquidateur judiciaire de rapporter la preuve de l'état de cessation des paiements avancé comme « certain au troisième trimestre 2005 » ; que le propre tableau de ce liquidateur judiciaire en page 47 de ses écritures ne permet pas de le suivre dans son postulat, compte tenu de ce que ces créances étaient échues en grande partie postérieurement à cette date du 30 septembre 2005 ; qu'il est fait état de disponibilités au 31 décembre 2005 à hauteur de 343 475 € (valeur au bilan de 342 474 € au titre des disponibilités) pour un passif global estimé à 500 000 €, s'agissant de raccourcis bien approximatifs, au regard des chiffres et encours mensuels, pour déterminer à la fois le passif immédiatement exigible et l'actif disponible dans le même délai ; que, par exemple, la somme de 370 000 €, déclarée à titre provisionnel au titre de la TVA, ne pouvait par nature être enregistrée comme échue à cette fin d'année 2005 ; que la date du 13 février 2006 retenue par le tribunal de commerce ne peut ainsi être revue en l'état de l'absence de toute autre démonstration chiffrée et concrète du liquidateur judiciaire ; qu'en l'absence de tout établissement d'une faute de gestion caractérisée ayant directement contribué à l'insuffisance d'actifs, !a société MJ Synergie, ès qualités, ne peut qu'être déboutée de ses demandes en comblement de l'insuffisance d'actifs dirigées contre les (dirigeants) ; qu'au surplus la demande de condamnation solidaire, maintenue en cause d'appel s'avérait en tout état de cause totalement inappropriée du fait même des différences particulières existant entre les trois dirigeants visés, et surtout du fait de l'impact réel des résultats comptables enregistrés sur les périodes où ils ont exercé des responsabilités ;
1°) ALORS QUE le fait pour un dirigeant de ne pas avoir pris à temps les mesures de réorganisation qu'exigeait l'adaptation de la société à l'évolution de sa situation économique est constitutif d'une faute de gestion ; qu'en se contentant d'affirmer qu'aucune faute de gestion n'avait été commise par les dirigeants de la société Thor, dès lors que certaines mesures de réorganisation avaient été entreprises, sans rechercher comme elle y était pourtant invitée (concl., p. 31 § 4 et 6) et comme cela ressortait du rapport de M. A... (p. 40 § 2 à 4), si les dirigeants s'étaient abstenus de prendre en temps utile des mesures de restructuration indispensables au redressement de la société Thor, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
2°) ALORS QUE la poursuite volontaire et en toute connaissance de cause d'une activité déficitaire constitue une faute de gestion ; que cette faute n'est pas subordonnée à la constatation d'un état de cessation des paiements antérieur ou concomitant à la poursuite de l'activité ; qu'en jugeant cependant, pour écarter l'existence d'une faute de gestion résidant dans la poursuite d'une activité déficitaire par les dirigeants successifs de la société Thor, que le mandataire ad hoc désigné par ordonnance du 12 novembre 2003 « ne concluait pas à un état de cessation des paiements au début de l'année 2004 » (arrêt, p. 11 § 1), la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;
3°) ALORS QUE la poursuite en toute connaissance de cause d'une activité déficitaire ayant contribué à l'insuffisance d'actif expose le dirigeant à supporter tout ou partie de cette insuffisance d'actif sans qu'il puisse échapper à sa responsabilité à raison du fait d'autrui ; qu'en affirmant néanmoins que « les dirigeants successifs de la société Thor (...) ne pouvaient pas s'opposer à cette décision (de remontées de dividendes) de son associé unique, surtout à compter de l'année 2004 où les réserves étaient épuisées et qu'aucun d'entre eux n'avait les parts suffisantes dans la société holding pour influer sur ses décisions » (arrêt, p. 11 § 6), et en considérant ainsi que, malgré la poursuite par les dirigeants successifs de la société Thor d'une activité qu'ils savaient déficitaire, la décision de son associé unique, la société Thor Investissements, à laquelle ils ne pouvaient pas s'opposer, constituait « le noeud des difficultés ayant conduit à la cessation des paiements » (arrêt, p. 11 § 5), la cour d'appel a écarté à tort la responsabilité de MM. X..., Y... et Z..., violant ce faisant l'article L. 651-2 du code de commerce ;
4°) ALORS QUE la poursuite d'une activité déficitaire par un dirigeant en toute connaissance de cause est à elle seule de nature à caractériser une faute de gestion, sans qu'il soit nécessaire d'établir la vanité d'éventuelles mesures de redressement entreprises par le dirigeant ; qu'en jugeant que « le liquidateur judiciaire ne (pouvait) stigmatiser les dirigeants dans leurs tentatives peu efficaces à redresser l'activité de la société sans démontrer que leurs décisions personnelles étaient dépourvues de toute pertinence ou de toute adéquation avec la situation qu'ils affrontaient alors » (arrêt, p. § 7), tout en constatant l'existence d'exercices déficitaires depuis 2002 et la poursuite de l'activité jusqu'en 2006, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;
5°) ALORS QUE le dirigeant d'une personne morale peut être déclaré responsable sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif ; qu'il peut être condamné à supporter la totalité des dettes sociales même si sa faute n'est à l'origine que d'une partie d'entre elles ; que l'absence de mise en place d'une comptabilité et d'outils de gestion fiables permettant d'appréhender la situation économique et financière exacte de la société et de prendre en temps utile les mesures de redressement nécessaires constitue une faute de gestion contribuant à l'aggravation de l'insuffisance d'actif ; qu'il en est ainsi du dirigeant qui a délibérément recours à des procédés de valorisation des encours non conformes aux règles comptables, de nature à faire perdre à la comptabilité tout caractère de crédibilité et de fiabilité en minorant les pertes réelles et en masquant la situation réelle de la société ; qu'en affirmant, en l'espèce, que « les erreurs commises dans la valorisation, notamment des titres de la société Ajm, comme l'absence de provisions suffisantes (...) ne sont pas celles qui ont contribué à l'insuffisance d'actif, due plus que majoritairement à l'absence d'efficacité ou d'adéquation des mesures de restructuration et aux remontées inopportunes pour la société filiale des dividendes à sa mère » (arrêt, p. 12 § 1), la cour d'appel a jugé que les dirigeants successifs de la société Thor avaient certes commis des erreurs comptables fautives, mais que d'autres circonstances avaient « majoritairement » contribué à l'insuffisance d'actif et que les dirigeants de la société Thor ne devaient donc pas en être tenus pour responsables ; qu'en statuant de la sorte, tandis qu'il résultait des constatations de la cour d'appel que la faute dans la tenue de la comptabilité avait concouru à l'insuffisance d'actif de la société Thor, peu important que ce ne fût que partiellement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;
6°) ALORS QUE l'omission par un dirigeant de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal est constitutive d'une faute de gestion ; que pour écarter l'existence d'une telle faute imputée à M. Z..., la cour d'appel, qui a jugé que « le propre tableau du liquidateur judiciaire en page 47 de ses écritures ne permet pas de le suivre dans son postulat, compte tenu de ce que ces créances étaient échues en grande partie postérieurement à cette date du 30 septembre 2005 » (arrêt, p. 12 § 8), sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée (concl., p. 46 § 6), si la date de cessation des paiements de la société Thor devait, en toute hypothèse, être fixée antérieurement à la limite légale de déclaration, soit le 13 février 2006, dès lors que les créances impayées de la société Thor étaient échues à la fin de l'année 2005 ou en début d'année 2006, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
7°) ALORS QUE pour nier le caractère tardif de la déclaration de cessation des paiements imputable à M. Z..., la cour d'appel a affirmé que le liquidateur judiciaire avait indûment comptabilisé dans le passif exigible figurant dans le tableau de la page 47 de ses conclusions une créance de TVA de 370 000 ¿, qui « ne pouvait par nature être enregistrée comme échue à cette fin d'année 2005 » (arrêt, p. 12 § 10) ; que la société MJ Synergie ès qualités avait pourtant fait valoir, au contraire, dans ses conclusions (p. 47 § 2) que cette créance n'avait « pas été prise en compte par la liquidation judiciaire » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a dénaturé les conclusions du liquidateur judiciaire, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-25028
Date de la décision : 16/12/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 29 juillet 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 déc. 2014, pourvoi n°13-25028


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Bénabent et Jéhannin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.25028
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