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11/12/2014 | FRANCE | N°13-27440

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 11 décembre 2014, 13-27440


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... est née en 1970 ; que, sa mère s'étant vue prescrire du distilbène au cours de la grossesse, elle a recherché la responsabilité de la société UCB Pharma (la société), venant aux droits du laboratoire qui commercialisait le produit, invoquant divers préjudices qu'elle imputait à son exposition in utero au diéthylstilbestrol (DES) ; que son époux et sa mère ont également formé des demandes indemnitaires contre la société ; que la Mutualité sociale

agricole (MSA) de l'Hérault, aux droits de laquelle se trouve la MSA du Langu...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... est née en 1970 ; que, sa mère s'étant vue prescrire du distilbène au cours de la grossesse, elle a recherché la responsabilité de la société UCB Pharma (la société), venant aux droits du laboratoire qui commercialisait le produit, invoquant divers préjudices qu'elle imputait à son exposition in utero au diéthylstilbestrol (DES) ; que son époux et sa mère ont également formé des demandes indemnitaires contre la société ; que la Mutualité sociale agricole (MSA) de l'Hérault, aux droits de laquelle se trouve la MSA du Languedoc, a été attraite en la cause ;
Sur le troisième moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la MSA de l'Hérault la somme de 12 868,21 euros au titre des frais d'hospitalisation, consultations spécialisées, transports, frais pharmaceutiques, soins ambulatoires, soins de sages-femmes ;
Mais attendu que sous couvert de griefs non fondés de manque de base légale au regard de l'article 1382 du code civil et de violation de l'article 455 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve par la cour d'appel qui, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu considérer que la créance de la MSA était en lien avec l'exposition in utero au DES de Mme X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1382 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu que pour indemniser Mme X... au titre d'un préjudice d'anxiété, l'arrêt énonce qu'elle justifie cette demande en tant que préjudice lié à la connaissance de ce que son état comporte un risque d'une pathologie mettant en jeu son pronostic vital ; que l'exposition in utero au DES est facteur de risque majoré pour certaines pathologies, par exemple cancer du col, et rend nécessaire une surveillance plus étroite créatrice à chaque fois d'une angoisse justifiant l'allocation d'une indemnisation qui sera fixée à 1 000 euros ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser un préjudice distinct du déficit fonctionnel permanent et des souffrances endurées par ailleurs indemnisés, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;
Et sur le deuxième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu qu'après avoir énoncé dans ses motifs que Mme X... sera déboutée de sa demande au titre du déficit fonctionnel permanent, l'arrêt condamne la société à lui payer la somme de 2 500 euros à ce titre ;
Qu'en statuant ainsi la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société UCB Pharma à payer à Mme X... la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice d'anxiété et celle de 2 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, l'arrêt rendu le 7 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. et Mme X... ainsi que Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société UCB Pharma
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société UCB Pharma à payer à Mme X... la somme de 1.000 ¿ au titre du préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QUE (Préjudice spécifique d'anxiété) elle Mme X... justifie cette demande en tant que préjudice lié à la connaissance de ce que son état comporte un risque d'une pathologie mettant en jeu son pronostic vital ; l'exposition in utero au DES est un facteur de risque majoré pour certaines pathologies ex cancer du col¿ et rend nécessaire une surveillance plus étroite créatrice à chaque fois d'une angoisse justifiant l'allocation d'une indemnisation qui sera fixée à 1.000 euros ;
1) ALORS QUE le préjudice d'anxiété n'ouvre droit à réparation que s'il découle de l'exposition à un risque certain de dommage grave, déjà né ou inéluctable ; que devant la cour d'appel, la société UCB Pharma faisait valoir que le préjudice d'anxiété pour lequel Mme X... demandait réparation n'était pas établi dans la mesure où celle-ci ne présentait actuellement aucune pathologie et ne démontrait pas être particulièrement suivie au titre d'un risque de développement d'une pathologie cancéreuse (concl. p. 40 s. et spéc. p. 44) ; qu'en se bornant à affirmer, de manière générale, que l'exposition in utero au DES est un facteur majoré pour certaines pathologies sans constater que Mme X... était effectivement exposée à un risque certain de dommage grave, déjà né ou inéluctable, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2) ALORS, en toute hypothèse, QUE le déficit fonctionnel permanent qui répare, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, inclut la douleur psychologique permanente que la victime ressent et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après sa consolidation ; qu'en indemnisant, outre le préjudice fonctionnel permanent de Mme X..., un préjudice spécifique d'anxiété lié à la connaissance de ce que son état comporte le risque d'une pathologie nécessitant une surveillance médicale plus étroite, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé un poste de préjudice d'anxiété distinct du déficit fonctionnel permanent par ailleurs indemnisé, a réparé deux fois le même préjudice, violant ainsi l'article 1382 du code civil et le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société UCB Pharma à payer à Mme X... la somme de 2.500 ¿ au titre du déficit fonctionnel permanent ;
AUX MOTIFS QUE (Déficit fonctionnel permanent) le collège d'experts n'a pas retenu de préjudice ; Mme X... contestant cette appréciation, fait valoir qu'elle conserve un col hypoplasique et un utérus dont l'état est caractéristique du DES ; que dans des cas semblables un déficit fonctionnel permanent a été retenu et demande de lui allouer la somme de 40.000 ¿ ; la UCB Pharma s'y oppose aux motifs que les grossesses ont été spontanées, que les incidents de la première grossesse sont sans lien avec le DES et que l'accouchement prématuré de la seconde grossesse n'est pas lié à l'incapacité de mener à terme une grossesse mais à des complications tenant à son caractère mono choriale bi amniotique associée à un syndrome transfuseur transfusé ; ce poste de préjudice tend à indemniser le dommage causé par l'incapacité médicalement constatée relative à une fonction du corps humain, dans ses aspects physiologiques, et les répercussions et psychologiques persistantes après la consolidation ; Mme X..., dont le col est hypoplasique et qui a subi un agrandissement de l'utérus, a pu avoir des enfants ; pour solliciter une indemnisation correspondant à un taux entre 20 et 25 %, elle se réfère à des situations où les femmes n'ont pas pu mener à terme une grossesse. Elle sera déboutée de cette demande ;
ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; que dans les motifs de son arrêt, la cour d'appel a constaté que pour solliciter une indemnisation au titre d'un prétendu déficit fonctionnel permanent, Mme X... se référait à des situations où les femmes n'avaient pas pu mener à terme une grossesse alors qu'elle-même avait pu avoir des enfants ; qu'elle en a déduit que Mme X... devait être déboutée de sa demande à ce titre ; qu'en lui allouant néanmoins, dans le dispositif de son arrêt, une somme de 2.500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel s'est contredite violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société UCB Pharma à payer à la mutualité sociale agricole de l'Hérault (MSA) la somme de 12.868,21 ¿ au titre des frais d'hospitalisation consultations spécialisées, transports, frais pharmaceutiques, soins ambulatoires, soins de sage femmes ;
AUX MOTIFS QUE la MSA de l'Hérault fixe sa créance à 12.868,21 ¿(frais médicaux et pharmaceutiques, frais d'hospitalisation). La UCB Pharma conteste partie des frais exposés après le diagnostic du syndrome transfuseur transfusé en août 2007 ; la MSA verse aux débats une attestation d'imputabilité des dépenses exposées signées du Docteur Z..., médecin conseil certifiant que les frais dont il est demandé le remboursement (en 2007 donc liés à la seconde grossesse) ont un lien avec l'exposition in utero au distilbène : hospitalisations jusqu'au 6 novembre 2007, consultations spécialisées, prescriptions pharmaceutiques, frais de transports, soins ambulatoires, soins de sage-femme ; en fonction du décompte contenu dans les conclusions du 4 mai 2012, il sera fait droit à cette créance dont le paiement est sollicité par la MSA ; (¿) le remboursement de frais de transport pour ses hospitalisations de jour est sollicité de 471, 24 euros correspondant à 28 déplacements pour la 1re grossesse et 185, 13 euros pour la seconde grossesse. Le laboratoire conteste le nombre demandé. Les pièces versées montrent seulement 11 déplacements pour la première grossesse, soit un remboursement de 15 km x 0,652 x 11 = 107, 41 euros. En ce qui concerne les transports liés à la seconde grossesse, ils ne sont pas indépendants de l'exposition in utero au DES contrairement à ce que soutient la SA UCB Pharma et doivent lieu au remboursement des 8 déplacements seuls justifiés par les pièces versées : 15 km x 0,651 x 8 = 78, 11 euros ;
1) ALORS QUE le demandeur qui invoque l'existence d'un manquement à un devoir imputable au défendeur, ne peut obtenir réparation de son préjudice qu'à la condition d'établir que ce comportement a été à l'origine de conséquences dommageables pour lui ; que devant la cour d'appel, la société UCB Pharma faisait valoir que la plupart des frais médicaux et pharmaceutiques et autres frais d'hospitalisation dont la mutualité sociale agricole de l'Hérault demandait le remboursement, étaient la conséquence du syndrome transfuseurtransfusé diagnostiqué en août 2007 dont le lien avec une exposition in utero avec le DES avait été écarté par l'expert judiciaire (concl. p. 49 s.) ; qu'en se bornant à relever la production par la mutualité sociale agricole de l'Hérault d'une attestation d'imputabilité de son médecin conseil, sans faire ressortir ce faisant, l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'exposition in utero au Distilbène et les frais exposés après le diagnostic du syndrome transfuseur transfusé en août 2007, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2) ALORS QUE les juges du fond ont l'obligation de se prononcer sur l'ensemble des pièces versées aux débats ; que devant la cour d'appel, la société UCB Pharma faisait valoir que la plupart des frais médicaux et pharmaceutiques et autres frais d'hospitalisation dont la mutualité sociale agricole de l'Hérault demandait le remboursement étaient la conséquence du syndrome transfuseurtransfusé diagnostiqué en août 2007 dont le lien avec une exposition in utero avec le DES avait été expressément écarté par l'expert judiciaire (concl. p. 49 s.) ; qu'en affirmant au contraire que les frais dont la mutualité sociale agricole demandait le remboursement ont un lien avec l'exposition in utero au distilbène, sans se prononcer sur le rapport d'expertise judiciaire régulièrement versé aux débats par la société UCB Pharma au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 13-27440
Date de la décision : 11/12/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 07 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 11 déc. 2014, pourvoi n°13-27440


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.27440
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