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11/12/2014 | FRANCE | N°13-20833

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 11 décembre 2014, 13-20833


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Reims, 9 avril 2013), que la société Gaz de France, ayant confié à la société DLE la réalisation d'une déviation de canalisation de gaz nécessitant des travaux de forage, a, du fait de l'intervention prévisible de plusieurs entreprises sur le chantier, sollicité la société CS BTP 10 afin qu'elle assure, conformément à la réglementation relative à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs dans le cadre de

s opérations de bâtiment et de génie civil, une mission de coordonnateur en mati...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Reims, 9 avril 2013), que la société Gaz de France, ayant confié à la société DLE la réalisation d'une déviation de canalisation de gaz nécessitant des travaux de forage, a, du fait de l'intervention prévisible de plusieurs entreprises sur le chantier, sollicité la société CS BTP 10 afin qu'elle assure, conformément à la réglementation relative à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs dans le cadre des opérations de bâtiment et de génie civil, une mission de coordonnateur en matière de sécurité et de prévention ; que la société DLE a sous-traité les travaux de forage à la société Forages PACA qui a communiqué un plan particulier de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (plan particulier de coordination) à la société CS BTP 10, laquelle a élaboré le plan général de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (plan général de coordination) requis par la réglementation ; qu'à l'occasion du remplacement de la tête de forage d'une sonde de forage opéré par la société Forages PACA, M. X..., salarié de cette société, a été grièvement blessé par la projection d'une clé à griffe destinée à bloquer la tête de forage dans l'ensemble mis en rotation ; que M. X... a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation professionnelle et a reçu de la Société mutuelle accidents corporels (la SMAC) des indemnités au titre de ses préjudices corporels ; que, n'ayant pu obtenir une réparation complémentaire de son employeur, placé en liquidation judiciaire, il a, ainsi que Mme Evelyne Y..., son épouse, Mme Laetitia X... et MM. Olivier et Sébastien X..., ses enfants (les consorts X...), la SMAC et la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon, assigné en indemnisation, sur le fondement des articles L. 454-1 du code de la sécurité sociale,1382 et 1383 du code civil, la société CS BTP 10, coordonnateur de sécurité, et son assureur, la société Axa France IARD (la société Axa) ;
Attendu que les consorts X... et la SMAC font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes dirigées contre la société CS BTP 10 et la société Axa, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il entre dans la mission du coordonnateur de sécurité de veiller à la mise en oeuvre effective des principes généraux de prévention des risques, en vérifiant que le chantier est exécuté selon les prescriptions techniques prévues lors de la conception du projet et en adaptant si nécessaire le plan de général de coordination afin d'assurer la sécurité de toutes les personnes intervenant sur ledit chantier, soit simultanément, soit successivement ; qu'il lui incombe par ailleurs, dans la phase de réalisation de l'ouvrage, d'anticiper les situations de risque pouvant résulter notamment des dispositions prises par les entreprises intervenant sur le chantier ; qu'au cas d'espèce, les juges du fond ont constaté que le plan particulier de sécurité et de protection de la santé élaboré par la société Forages PACA, employeur de M. X..., présentait des carences avérées s'agissant de la description précise de la procédure à utiliser lors de l'opération de changement des têtes de forage ; qu'en écartant néanmoins toute faute ou négligence commise par le coordonnateur de sécurité, motif pris de ce que le plan général de coordination qu'il avait élaboré était efficient, qu'il ne lui incombait pas d'élaborer lui-même la procédure spécifique à l'activité de l'entreprise de forage et que le risque ayant conduit à l'accident subi par M. X... n'était pas lié à la coactivité elle-même, quand le coordonnateur, qui était un professionnel de l'activité de forage et avait connaissance du plan particulier de sécurité et de protection de la santé élaboré par la société Forages PACA, devait s'inquiéter des carences de celui-ci dès lors qu'elles étaient susceptibles de créer un danger grave pour la sécurité des personnes sur le chantier, peu important que ce danger ne fut pas intrinsèquement lié à la coactivité, la cour d'appel a violé les articles L. 235-1, L. 235-3, L. 235-4, L. 235-6 et L. 235-7 anciens (devenus les articles L. 4531-1, L. 4532-2, L. 4532-3, L. 4532-4, L. 4532-8 et L. 4532-9 nouveaux) du code du travail, ensemble les articles R. 238-18, R. 238-21, R. 238-22, R. 238-23, R. 238-31 et R. 238-32 anciens (devenus les articles R. 4532-11 à R. 4532-16, R. 4532-43 à R. 4532-48 et R. 4532-63 à R. 4532-68 nouveaux) du code du travail, ensemble les articles L. 454-1 du code de la sécurité sociale et 1382 du code civil ;
2°/ que le coordonnateur de sécurité est tenu de prendre toutes mesures utiles lorsqu'il est amené à déceler un risque pour la sécurité des intervenants sur le chantier, notamment à l'examen des plans particuliers de sécurité et de protection de la santé qui sont élaborés par les entrepreneurs, sans pouvoir s'en dispenser au prétexte que le risque lui-même, quoique avéré, n'est pas lié à la coactivité desdits entrepreneurs ; qu'au cas d'espèce, en excluant toute responsabilité du coordonnateur, motif pris de ce que le risque qui s'était réalisé et avait conduit à l'accident de M. X... ne tenait qu'aux carences avérées du plan particulier de sécurité et de protection de la santé élaboré par son employeur la société Forages PACA, sans trouver sa source dans l'activité simultanée ou successive de différents entrepreneurs, quand les carences du plan particulier de sécurité et de protection de la santé de la société Forages PACA ne pouvaient être ignorées du coordonnateur qui était tenu d'agir dès lors qu'il existait un risque pour la sécurité ou la santé des salariés, qui s'était d'ailleurs réalisé, la cour d'appel a de ce point de vue encore violé les articles L. 235-1, L. 235-3, L. 235-4, L. 235-6 et L. 235-7 anciens (devenus les articles L. 4531-1, L. 4532-2, L. 4532-3, L. 4532-4, L. 4532-8 et L. 4532-9 nouveaux) du code du travail, ensemble les articles R. 238-18, R. 238-21, R. 238-22, R. 238-23, R. 238-31 et R. 238-32 anciens (devenus les articles R. 4532-11 à R. 4532-16, R. 4532-43 à R. 4532-48 et R. 4532-63 à R. 4532-68 nouveaux) du code du travail, ensemble les articles L. 454-1 du code de la sécurité sociale et 1382 du code civil ;
3°/ que les consorts X... et la SMAC faisaient valoir qu'au moment de la survenance de l'accident, des salariés de plusieurs entreprises intervenaient simultanément sur le chantier, en sorte qu'un risque lié à la coactivité existait nécessairement à ce moment là, sachant qu'un salarié d'une autre entreprise aurait pu être blessé par la projection de la clé, ce qui excluait que le coordonnateur puisse se retrancher derrière l'absence de risque lié à la coactivité pour décliner sa responsabilité s'agissant des carences avérées du plan particulier de sécurité et de protection de la santé élaboré par la société Forages PACA, employeur de M. X..., qui avaient conduit à l'accident ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, avant de conclure qu'il n'existait pas de risque lié à la coactivité en sorte que la responsabilité du coordonnateur ne pouvait être engagée, la cour d'appel n'a en tout état de cause pas donné de base légale à sa décision, au regard des articles L. 235-1, L. 235-3, L. 235-4, L. 235-6 et L. 235-7 anciens (devenus les articles L. 4531-1, L. 4532-2, L. 4532-3, L. 4532-4, L. 4532-8 et L. 4532-9 nouveaux) du code du travail, ensemble les articles R. 238-18, R. 238-21, R. 238-22, R. 238-23, R. 238-31 et R. 238-32 anciens (devenus les articles R. 4532-11 à R. 4532-16, R. 4532-43 à R. 4532-48 et R. 4532-63 à R. 4532-68 nouveaux) du code du travail, ensemble les articles L. 454-1 du code de la sécurité sociale et 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que, s'agissant de l'obligation résultant de l'article L. 235-1 ancien du code du travail, imposant au coordonnateur de mettre en oeuvre, pendant la phase de conception, d'étude et d'élaboration du projet et pendant la réalisation de l'ouvrage, les principes généraux de prévention permettant d'éviter les risques, d'évaluer ceux qui ne peuvent pas être évités et de les combattre à la source, il ressort du rapport d'accident de l'inspecteur du travail que le plan général de coordination a bien été établi le 15 février 2003 et qu'aucune pièce versée aux débats n'est de nature à remettre en cause l'efficience de ce plan conçu par le coordonnateur pour prévenir les risques résultant de l'intervention simultanée de l'ensemble des entreprises sur le chantier ; que dès lors, le premier juge doit être approuvé en ce qu'il n'a retenu aucun manquement de la société CS BTP 10 dans l'exécution de ses obligations ; que par ailleurs, l'article R. 238-31, III, ancien du code du travail énonce que « le plan particulier de sécurité établi par chaque entreprise intervenante est adapté aux conditions spécifiques de l'intervention sur le chantier. A cet effet, outre la prise en compte des mesures de coordination générale décidées par le coordonnateur et l'énumération des installations de chantier et des matériels et dispositifs prévus pour la réalisation de l'opération, le plan mentionne, en les distinguant, notamment, les dispositions à prendre pour prévenir les risques pour la sécurité et la santé » ; qu'en l'espèce, la société Forages PACA, employeur de M. X... et entreprise sous-traitante de la société DLE pour l'opération de forage, a établi, en application des dispositions précitées, son propre plan particulier de coordination ; que, cependant, ce plan n'a pas permis d'éviter l'accident dont a été victime son salarié, à l'occasion de l'opération de changement de la tête de forage qu'il effectuait en sa qualité d'assistant foreur ; qu'ainsi, le rapport d'accident de l'inspecteur du travail, qui déplore l'impéritie du plan et son absence d'identification des risques liés à l'opération entreprise par le foreur, conclut à son incompatibilité avec les dispositions de l'article R. 238-31, III, ancien du code du travail ; que ces carences, avérées, du plan particulier de coordination qui à l'origine ne décrivait pas de façon précise la procédure à utiliser lors de l'opération de changement des têtes de forage, relèvent de la seule responsabilité de la société Forages PACA, aucune disposition légale n'imposant en effet au coordonnateur d'élaborer lui-même une telle procédure, spécifique à l'activité de l'entreprise de forage ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, abstraction faite du motif erroné mais surabondant justement critiqué par la première branche du moyen, a pu décider que la société CS BTP 10, dont la responsabilité ne pouvait être engagée du fait de l'insuffisance du plan particulier de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé élaboré par la société Forages PACA, n'avait commis aucune faute ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour les consorts X... et la Société mutuelle accidents corporels.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté les consorts X... et la SMAC de leurs demandes dirigées contre les sociétés CS BTP 10 et AXA France Iard ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'au soutien de leur appel, les consorts X... et la SMAC exposent que la société CS BTP 10 a commis une faute ou à tout le moins une négligence en omettant, en sa qualité de coordonnateur en matière de sécurité et de santé des travailleurs appelés à travailler sur le chantier confié à la société OLE, de se conformer aux prescriptions énoncées par l'article L. 235-1du code du travail, renvoyant à l'article L. 230-2, et par les articles R. 238-18 et R. 238-31 du même code ; que, cependant, s'agissant de l'obligation résultant de l'article L. 235-1 ancien du code du travail, imposant au coordonnateur de mettre en oeuvre, pendant la phase de conception, d'étude et d'élaboration du projet et pendant la réalisation de l'ouvrage, les principes généraux de prévention permettant d'éviter les· risques, d'évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, de combattre les risques à la source, de tenir compte de l'état d'évolution de la technique, de planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants et de prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle, il ressort du rapport d'accident de l'inspecteur du travail que le plan général de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (PGCSPS) a bien été établi le 15 février 2003 ; qu'à cet égard, aucune pièce versée aux débats n'est de nature à remettre en cause l'efficience du PGCSPS conçu par le coordonnateur pour prévenir les risques résultant de l'intervention simultanée de l'ensemble des entreprises, entreprises sous-traitantes comprises, appelées à intervenir sur le chantier, et prévoir l'utilisation des moyens communs tels que les infrastructures, les moyens logistiques et les protections collectives ; que dès lors, le premier juge doit être approuvé en ce qu'il n'a retenu aucun manquement de la société CS BTP 10, dans l'exécution des obligations issues des dispositions des articles L. 235-1 et R. 238-18 ancien du code du travail ; que par ailleurs, l'article R. 238-31 III ancien du code du travail énonce que "le plan particulier de sécurité établi par chaque entreprise intervenante est adapté aux conditions spécifiques de l'intervention sur le chantier. A cet effet, outre la prise en compte des mesures de coordination générale décidées par le coordonnateur et l'énumération des installations de chantier et des matériels et dispositifs prévus pour la réalisation de l'opération, le plan mentionne, en les distinguant, notamment, les dispositions à prendre pour prévenir les risques pour la sécurité et la santé" ; qu'en l'espèce, il est constant que la société Forages PACA, employeur de M. X... et entreprise sous-traitante de la société DLE pour l'opération de forage, a établi le 1er septembre 2003, en application des dispositions précitées, son propre plan particulier de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (PPCSPS) ; que, cependant, l'existence du PPCSPS élaboré par la société Forages PACA n'a pas permis d'éviter l'accident dont a été victime M. X..., salarié de cette entreprise, à l'occasion de l'opération de changement de la tête de forage qu'il effectuait en sa qualité d'assistantforeur ; qu'ainsi, le rapport d'accident de l'inspecteur du travail, qui déplore l'impéritie du plan et son absence d'identification des risques liés à l'opération entreprise par le foreur, conclut à l'incompatibilité du plan particulier établi par la société Forage PACA, avec les dispositions de l'article R. 238-31 III ancien du code du travail ; qu'en premier lieu, le rédacteur du rapport 'stigmatise l'absence de contact visuel entre M. X... et M. Xavier Z..., opérateur en charge du changement de la tête de forage, la communication entre ces deux intervenants ayant alors été assurée au moyen de téléphones portables ; qu'en outre, il dénonce le recours au mouvement de rotation de la foreuse pour assurer le vissage de ladite tête, alors que cette technique est déconseillée par les préconisations relatives au méthodes de forage ; que ces carences, avérées, du PPCSPS qui à l'origine ne décrivait pas de façon précise la procédure à utiliser lors de l'opération de changement des têtes de forage, relèvent de la seule responsabilité du chef d'établissement de la société Forages PACA, aucune disposition légale n'imposant en effet au coordonnateur d'élaborer lui-même une telle procédure, spécifique à l'activité de l'entreprise de forage et ne présentant aucun risque lié à la coactivité ; qu'en effet, le rapport précité démontre que le changement de la tête de forage, qui n'impliquait d'aucune façon l'intervention de personnels des autres entreprises présentes sur le chantier, a été effectué par le seul M. X... qui, en raison de l'absence de méthodologie rationnelle développée par son employeur, a utilisé une procédure inadéquate et a été atteint à la tête par la clé qu'il utilisait dans le cadre de son intervention, l'outil projeté par la mise en rotation du train de tiges ayant alors occasionné des blessures aggravées par le défaut de port par le salarié de son casque, en dépit des prescriptions du PPCSPS relatives à l'obligation de port sur le chantier des dispositifs de protection individuelle ; qu'en définitive, en l'absence de faute ou de négligence commise par le coordonnateur, il convient de débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, dirigées à tort à l'encontre de la société CS BTP 10 et de la compagnie AXA IARD, ainsi que la Caisse primaire d'assurance maladie de Lyon de ses demandes dirigées à l'encontre des mêmes ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article L. 4532-2 du Code du travail prévoit qu' "une coordination en matière de sécurité et de santé des travailleurs est organisée pour tout chantier de bâtiment ou de génie civil où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, entreprises sous-traitantes incluses, afin de prévenir les risques résultant de leurs interventions simultanées ou successives el de prévoir, lorsqu'elle s'impose, l'utilisation des moyens communs tels que les infrastructures, les moyens logistiques et les protections collectives" ; que l'article R. 4532-43 du même code énonce quant à lui que "le plan général de coordination est un document écrit qui définit l'ensemble des mesures propres à prévenir les risques découlant de l'interférence des activités des différents intervenants sur le chantier, ou de la succession de leurs activités lorsqu'une intervention laisse subsister après son achèvement des risques pour les autres entreprises" ; que l'article R. 4532-64 du Code du travail énonce que "le plan particulier de sécurité (établi par chaque entreprise intervenant sur le chantier) est adapté aux conditions spécifiques de l'intervention sur le chantier. A cet effet, outre la prise en compte des mesures de coordination générale décidées par le coordonnateur et l'énumération des installations de chantier et des matériels et dispositifs prévus pour la réalisation de l'opération, le plan mentionne, en les distinguant : - les mesures spécifiques prises par l'entreprise pour prévenir les risques spécifiques découlant de l'exécution par d'autres entreprises de travaux dangereux pouvant avoir une incidence sur la santé et la sécurité des travailleurs de l'entreprise ou du travailleur indépendant, - les contraintes propres au chantier ou à son environnement, en particulier en matière de circulations ou d'activités d'exploitation particulièrement dangereuses, - la description des travaux et des processus de travail de 'entreprise pouvant présenter des risques pour la santé et la sécurité des autres intervenants sur le chantier, notamment lorsqu'il s'agit de travaux comportant des risques particuliers tels que ceux énumérés sur la liste prévue à l'article L 4532-8, - les dispositions à prendre pour prévenir les risques pour la santé et la sécurité que peuvent encourir les travailleurs de l'entreprise lors de l'exécution de ses propres travaux" ; que l'article L. 4532-6 du Code du travail énonce quant à lui que "l'intervention du coordonnateur ne modifie ni la nature, ni l'étendue des responsabilités qui incombent à chacun des participants aux opérations de bâtiment et de génie civil" ; qu'enfin, l'existence d'une faute commise par le coordonnateur requiert la démonstration que ses actions ont été prises en infraction aux règles ou aux usages reconnus en matière de prévention des risques sur les chantiers ; qu'il résulte du rapport établi par la DRIRE de Champagne Ardenne que pour la réalisation de la déviation sous la Seine à Conflans-sur-Seine de la canalisation de gaz dite de "Le Gault Soigny-Barberey Saint Sulpice" la direction transport région est de Gaz de France a confié la maîtrise d'oeuvre au département projet de Gaz de France et a retenu en tant que coordonnateur en matière de sécurité et de prévention de la santé la société CSBTP qui a établi le plan général de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (PGCSPS) le 15 février 2003 ; que le marché a fait l'objet d'un contrat conclu avec la société DLE le 8 août 2003 ; que le forage dirigé permettant le passage sous la Seine au lieudit la Come des Ornes situé sur la commune de Conflans-sur-Seine a été sous traité à la société Forages PACA qui a en application de l'article R. 4532-64 du Code du travail établi le 1er septembre 2003 son plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS) ; que pour ce chantier la société Forages PACA a utilisé une foreuse qui anime un train de tiges équipé d'une tête de forage ; que le 23 septembre 2003, après une journée de forage qui a débuté vers 7 heures 30, le tir pilote d'une longueur de 130 mètres a débouché sur l'autre rive de la Seine vers 16 heures ; que M. Xavier Z..., le conducteur de la foreuse, a reculé l'équivalent d'une tige et demie le train de tiges pour que l'équipe présente sur place de la société DLE réalise, avec une pelleteuse, la fouille de sortie ; qu'une distance de 130 mètres environ séparait en conséquence la foreuse située sur la rive droite de la Seine de 1'extrêmité du train de tiges débouchant sur l'autre rive à partir d'une excavation en plan incliné et profonde de 1,70 mètres ; que l'assistant foreur, M. X..., en charge du changement de tête de forage a demandé à M. Z... d'ajouter deux tiges représentant une longueur de 6 mètres si bien que l'extrémité du train de tiges devenait accessible à partir du sol naturel au niveau de ta partie supérieure de la fouille de sortie ; qu'ayant remplacé la sonde utilisée pour le tir pilote par la tête intermédiaire, il a bloqué cette dernière en rotation à l'aide d'une clé à griffe serrée sur les méplats de la tête et posée perpendiculairement sur deux madriers; que vers 16 heures 45 il a demandé par téléphone au foreur de mettre en rotation le train de tiges pour commencer le vissage ; que M. Z... a ainsi mis en mouvement la foreuse en attendant le signal d'arrêt de M. X... avant le serrage complet ; qu'alors que M. X... tentait en vain de donner le signal d'arrêt, la clé, entraînée par le mouvement de rotation, est passée sous le train de tiges et a été projetée jusqu'à atteindre la tête de l'assistant foreur, qui était positionné à l'intérieur de la fouille en contrebas à environ 1 mètre de la tête d'aléseur, et ne portait pas son casque de sécurité malgré les prescriptions du PPSPS de la société Forages PACA ; que le rapport de la DRIRE indique que la flexibilité du train de tiges du fait de sa longueur libre d'environ 6 mètres a rendu possible le déplacement vertical de la tête, que la proximité de M. X... a permis qu'il fût atteint et l'absence de casque a participé a l'aggravation de ses blessures; que selon ce rapport les éléments ayant permis la survenance de l'accident sont : - l'absence de port des protections individuelles bien qu'elles aient été prescrites, - la proximité de l'opérateur par rapport à une pièce en mouvement, - l'absence de contact visuel entre le poste de conduite de la foreuse et l'assistant foreur, - le recours à des moyens particuliers de communication (téléphone portable), - l'absence de procédure préétablie relative au changement de tête utilisant la force motrice de la foreuse ; qu'enfin, la DRIRE a retenu à l'encontre de M. Jacques Z..., PDG de la SA Forages PACA, un manquement aux dispositions du Code du travail en raison des méthodes de travail utilisées et de l'absence de prise en compte de leurs particularités dans le PPSPS du 1er septembre 2003 ; que les demandeurs reprochent au coordonnateur de sécurité de ne pas s'être inquiété de l'absence de description de la procédure de changement de la tête de forage dans le PPSPS de la société Forages PACA et de ne pas en avoir fait la remarque à cette société ; mais que cette opération, effectuée par la seule société Forages PACA dans une fouille d'une profondeur d'1,70 m, ne présentait pas de risques liés à la coactivité ; qu'il ne peut en conséquence être reproché au coordonnateur de sécurité aucun manquement aux obligations de sa fonction ;
1) ALORS QU'il entre dans la mission du coordonnateur de sécurité de veiller à la mise en oeuvre effective des principes généraux de prévention des risques, en vérifiant que le chantier est exécuté selon les prescriptions techniques prévues lors de la conception du projet et en adaptant si nécessaire le plan de général de coordination afin d'assurer la sécurité de toutes les personnes intervenant sur ledit chantier, soit simultanément, soit successivement ; qu'il lui incombe par ailleurs, dans la phase de réalisation de l'ouvrage, d'anticiper les situations de risque pouvant résulter notamment des dispositions prises par les entreprises intervenant sur le chantier ; qu'au cas d'espèce, les juges du fond ont constaté que le plan particulier de sécurité et de protection de la santé élaboré par la société Forages PACA, employeur de M. X..., présentait des carences avérées s'agissant de la description précise de la procédure à utiliser lors de l'opération de changement des têtes de forage ; qu'en écartant néanmoins toute faute ou négligence commise par le coordonnateur de sécurité, motif pris de ce que le plan général de coordination de sécurité et de protection de la santé qu'il avait élaboré était efficient, qu'il ne lui incombait pas d'élaborer lui-même la procédure spécifique à l'activité de l'entreprise de forage et que le risque ayant conduit à l'accident subi par M. X... n'était pas lié à la coactivité elle-même, quand le coordonnateur, qui était un professionnel de l'activité de forage et avait connaissance du plan particulier de sécurité et de protection de la santé élaboré par la société Forages PACA, devait s'inquiéter des carences de celui-ci dès lors qu'elles étaient susceptibles de créer un danger grave pour la sécurité des personnes sur le chantier, peu important que ce danger ne fut pas intrinsèquement lié à la coactivité, la cour d'appel a violé les articles L. 235-1, L. 235-3, L. 235-4, L. 235-6 et L. 235-7 anciens (devenus les articles L. 4531-1, L. 4532-2, L. 4532-3, L. 4532-4, L. 4532-8 et L. 4532-9 nouveaux) du code du travail, ensemble les articles R. 238-18, R. 238-21, R. 238-22, R. 238-23, R. 238-31 et R. 238-32 anciens (devenus les articles R. 4532-11 à R. 4532-16, R. 4532-43 à R. 4532-48 et R. 4532-63 à R. 4532-68 nouveaux) du code du travail, ensemble les articles L. 454-1 du code de la sécurité sociale et 1382 du code civil ;
2) ALORS QUE le coordonnateur de sécurité est tenu de prendre toutes mesures utiles lorsqu'il est amené à déceler un risque pour la sécurité des intervenants sur le chantier, notamment à l'examen des plans particuliers de sécurité et de protection de la santé qui sont élaborés par les entrepreneurs, sans pouvoir s'en dispenser au prétexte que le risque lui-même, quoique avéré, n'est pas lié à la coactivité desdits entrepreneurs ; qu'au cas d'espèce, en excluant toute responsabilité du coordonnateur, motif pris de ce que le risque qui s'était réalisé et avait conduit à l'accident de M. X... ne tenait qu'aux carences avérées du plan particulier de sécurité et de protection de la santé élaboré par son employeur la société Forages PACA, sans trouver sa source dans l'activité simultanée ou successive de différents entrepreneurs, quand les carences du plan particulier de sécurité et de protection de la santé de la société Forages PACA ne pouvaient être ignorées du coordonnateur qui était tenu d'agir dès lors qu'il existait un risque pour la sécurité ou la santé des salariés, qui s'était d'ailleurs réalisé, la cour d'appel a de ce point de vue encore violé les articles L. 235-1, L. 235-3, L. 235-4, L. 235-6 et L. 235-7 anciens (devenus les articles L. 4531-1, L. 4532-2, L. 4532-3, L. 4532-4, L. 4532-8 et L. 4532-9 nouveaux) du code du travail, ensemble les articles R. 238-18, R. 238-21, R. 238-22, R. 238-23, R. 238-31 et R. 238-32 anciens (devenus les articles R. 4532-11 à R. 4532-16, R. 4532-43 à R. 4532-48 et R. 4532-63 à R. 4532-68 nouveaux) du code du travail, ensemble les articles L. 454-1 du code de la sécurité sociale et 1382 du code civil ;
3) ALORS, subsidiairement, QUE, les consorts X... et la SMAC faisaient valoir qu'au moment de la survenance de l'accident, des salariés de plusieurs entreprises intervenaient simultanément sur le chantier, en sorte qu'un risque lié à la coactivité existait nécessairement à ce moment là, sachant qu'un salarié d'une autre entreprise aurait pu être blessé par la projection de la clé, ce qui excluait que le coordonnateur puisse se retrancher derrière l'absence de risque lié à la coactivité pour décliner sa responsabilité s'agissant des carences avérées du plan particulier de sécurité et de protection de la santé élaboré par la société Forages PACA, employeur de M. X..., qui avaient conduit à l'accident (conclusions d'appel des consorts X... et de la SMAC en date du 26 décembre 2011, p. 7) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, avant de conclure qu'il n'existait pas de risque lié à la coactivité en sorte que la responsabilité du coordonnateur ne pouvait être engagée, la cour d'appel n'a en tout état de cause pas donné de base légale à sa décision, au regard des articles L. 235-1, L. 235-3, L. 235-4, L. 235-6 et L. 235-7 anciens (devenus les articles L. 4531-1, L. 4532-2, L. 4532-3, L. 4532-4, L. 4532-8 et L. 4532-9 nouveaux) du code du travail, ensemble les articles R. 238-18, R. 238-21, R. 238-22, R. 238-23, R. 238-31 et R. 238-32 anciens (devenus les articles R. 4532-11 à R. 4532-16, R. 4532-43 à R. 4532-48 et R. 4532-63 à R. 4532-68 nouveaux) du code du travail, ensemble les articles L. 454-1 du code de la sécurité sociale et 1382 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 13-20833
Date de la décision : 11/12/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 09 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 11 déc. 2014, pourvoi n°13-20833


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.20833
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