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10/12/2014 | FRANCE | N°13-23508;13-23509;13-23510;13-23511;13-23512;13-23513;13-23514;13-23515;13-23516;13-23517

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 décembre 2014, 13-23508 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois W 13-23. 508, X 13-23. 509, Y 13-23. 510, Z 13-23. 511, A 13-23. 512, B 13-23. 513, C 13-23. 514, D 13-23. 515, E 13-23. 516 et F 13-23. 517 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, (Aix-en-Provence, 25 juin 2013), que M. X... et neuf autres salariés ont été employés sur son chantier naval de Toulon par la société DCN LOG, aux droits de laquelle se trouve la société DCNS, laquelle par arrêté du 7 juillet 2000 a été inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit

à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois W 13-23. 508, X 13-23. 509, Y 13-23. 510, Z 13-23. 511, A 13-23. 512, B 13-23. 513, C 13-23. 514, D 13-23. 515, E 13-23. 516 et F 13-23. 517 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, (Aix-en-Provence, 25 juin 2013), que M. X... et neuf autres salariés ont été employés sur son chantier naval de Toulon par la société DCN LOG, aux droits de laquelle se trouve la société DCNS, laquelle par arrêté du 7 juillet 2000 a été inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; que ces salariés, admis au régime de ACAATA, ont saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur les deuxième et troisième moyens réunis, ci-après annexés :
Attendu que la cour d'appel, qui a constaté que les salariés, qui avaient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'ils se soumettent ou non à des contrôles et examens réguliers, a ainsi, sans méconnaître les règles du procès équitable, ni le principe de la réparation intégrale du préjudice, caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété dont elle a souverainement apprécié le montant, sans être tenue d'en préciser les divers éléments ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société DCNS aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens communs produits aux pourvois n° W 13-23. 508, X 13-23. 509, Y 13-23. 510, Z 13-23. 511, A 13-23. 512, B 13-23. 513, C 13-23. 514, D 13-23515, E 13-23. 516 et F 13-23. 517 par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société DCNS
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
(compétence)
Il est reproché aux arrêts attaqués d'avoir rejeté l'exception d'incompétence formulée à l'encontre de la juridiction prud'homale et d'avoir dit la SA DCNS tenue d'indemniser les défendeurs aux pourvois de leur préjudice d'anxiété invoqué par ses anciens salariés ;
AUX MOTIFS QUE « 1) sur l'exception d'incompétence au profit du TASS et sur les irrecevabilités liées au FIVA Si la notion de " contamination " est mentionnée dans les conclusions du salarié, cette référence reste sans portée puisque le fondement des demandes ne vise ni l'existence d'une pathologie ayant été reconnue comme une maladie professionnelle provoquée par l'amiante, ni l'existence d'une pathologie n'ayant pas été reconnue comme une maladie professionnelle provoquée par l'amiante mais dont le constat vaut justification de l'exposition à l'amiante dans le cadre du FIVA conformément à l'arrêté du 5 mai 2002. La faute inexcusable de l'employeur n'est pas non plus invoquée. Pour le cas où le salarié aurait bénéficié du dispositif, le litige ne porte pas davantage sur une quelconque contestation de l'allocation spécifique dite ACAATA, étant d'ailleurs précisé que la demande au titre du préjudice économique, initialement présentée devant les premiers juges, n'est plus reprise en cause d'appel. Il sera également constaté qu'en l'absence d'une pathologie ayant été reconnue comme une maladie professionnelle provoquée par l'amiante ou d'une pathologie n'ayant pas été reconnue comme une maladie professionnelle provoquée par l'amiante mais dont le constat vaut justification de l'exposition à l'amiante dans le cadre du FIVA conformément à l'arrêté du 5 mai 2002, ni le FIVA ni le TASS n'indemnisent les préjudices extra-patrimoniaux. Au demeurant, même en cas de déclaration de la maladie, le FIVA et ou le TASS n'indemniseraient pas le préjudice d'anxiété exclusivement lié à la perspective du déclenchement d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante puisqu'il s'agirait d'un préjudice portant sur une période nécessairement antérieure à la maladie et qui serait différent du préjudice moral indemnisé par le FIVA et ou le TASS comme découlant de cette maladie, c'est à dire un préjudice portant sur une période postérieure à celle-ci. En réalité, le fondement invoqué au soutien des demandes indemnitaires est l'existence d'un contrat de travail ayant lié les parties au cours duquel le salarié aurait, selon lui, été exposé aux poussières d'amiante sans que l'employeur ait pris les mesures suffisantes de protection contre ces poussières ce qui caractériserait le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat. Les demandes sont donc fondées sur l'exécution entre les parties du contrat de travail. Or, il résulte de l'article L1411-1 du code du travail que les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient relèvent de la compétence du conseil de prud'hommes » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE lorsque l'objet du différend qui oppose l'employeur et certains salariés est l'existence d'un trouble mental caractérisant une anxiété, le juge prud'homal ne saurait se dispenser d'établir une relation causale certaine entre l'activité professionnelle et le préjudice individuellement allégué ; qu'en affirmant sa compétence par le motif que la notion médicale de « contamination », à laquelle est subordonnée la crainte de voir se développer une maladie évolutive, serait « sans portée » (p. 7) la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1411-1 du Code du travail et L. 451-1 du Code de la Sécurité Sociale ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'il importe peu que la victime d'un état d'anxiété, à laquelle il n'appartient pas, en présence de la règle d'ordre public des articles L. 451-1 et L. 461-1 du Code de la Sécurité Sociale, d'imposer la juridiction de son choix, se soit abstenue de viser dans ses demandes une pathologie ; qu'en usant cependant d'un tel motif inopérant pour justifier la compétence de la juridiction prud'homale quant à la caractérisation d'une anxiété préjudiciable et à l'évaluation de son ampleur, la Cour d'AIX-EN-PROVENCE a de nouveau privé sa décision de base légale à l'égard des textes susvisés ainsi que des articles R. 351-24-1 et R. 434-32 du Code de la Sécurité Sociale et des barèmes pris en exécution de ceux-ci pour indemniser les états dépressifs et les « troubles anxieux » ;
ALORS, ENFIN, QUE viole l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité Sociale par refus d'application, le juge qui énonce inexactement que le T. A. S. S. n'indemnise pas les préjudices extrapatrimoniaux non consécutifs à une maladie répertoriée, et qui, par ce motif inopérant, affirme a contrario la compétence exclusive des juridictions prud'homales pour statuer dans le cadre de l'article L. 1411-1 du Code du travail sur des préjudices dits « d'anxiété ».
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(responsabilité)
Il est reproché aux arrêts attaqués d'avoir alloué aux défendeurs aux pourvois une somme de 8. 000 ¿ au titre d'un préjudice d'anxiété et de 200 ¿ au titre de l'article 700 du C. P. C. ;

AUX MOTIFS QUE « comme il a déjà été indiqué, la société DCN LOG, qui a été créée en 1994, a été absorbée par la société DCNS, la seconde venant aux droits de la première. La société DCNS a pour activité principale la construction, la maintenance et la réparation navales de bâtiments militaires de surface et sousmarins sur le chantier naval de Toulon où était affecté le salarié. Il est établi par les multiples témoignages versés aux débats par le demandeur que la société DCNS, dans le cadre de son activité de construction navale, de réparation et de maintenance et, avant elle, la société DCN LOG aux droits et obligations de laquelle elle vient, avaient utilisé sur tous ses chantiers navals, dont celui de Toulon, des matériaux contenant de l'amiante et que dans le cadre de leur travail ses salariés avaient pu être exposés aux poussières d'amiante. Ces témoignages sont complétés par les autres pièces produites en demande. Ainsi, comme soutenu dans les conclusions du demandeur, une note interne à la société DCN du 27 octobre 2000 à évalué à plus de 5000 (5576) pour tous les sites DCN, le nombre total des salariés susceptibles d'avoir été exposés à l'amiante et, pour le seul site de DCN Toulon, à plus d'un millier (1100) de salariés. En outre, le procès-verbal du CHSCT en date du 5 avril 2001 du site de Toulon relate des faits non équivoques relatifs à la présence d'amiante, pour un taux pouvant atteindre jusqu'à 3 %, dans les peintures utilisées sur des sous-marins. C'est d'ailleurs pourquoi, par arrêté du 7 juillet 2000, la société DCN LOG a été inscrite sur la liste des établissements de construction et de réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA au profit des salariés concernés sur la période comprise de sa création en 1994 jusqu'en 2003, dans le cadre du dispositif prévu par la loi du 23 décembre 1998. La nature de l'emploi exercé par le salarié, qui figure d'ailleurs sur la liste des métiers fixée par l'arrêté du 7 juillet 2000, l'avait mis en contact direct avec des matériaux contenant de l'amiante et donc l'avait exposé à de telles inhalations nocives, comme cela est corroboré par les attestations régulières produites (Y...- Z...). Il a d'ailleurs bénéficié du dispositif légal. Les motifs précédents concernant l'obligation de sécurité de résultat à la charge de l'employeur ainsi que ceux concernant le fondement de la responsabilité contractuelle de ce dernier en cas de carence dans la mise en oeuvre des mesures de prévention des risques auxquels un salarié est exposé pendant l'exercice de son emploi, notamment au regard des dispositions spécifiques édictées par le décret du 17 août 1977, sont ici, reprises. En l'état de ces constatations, il appartient donc à la société DCNS, qui vient aux droits de la société DCN LOG, de rapporter la preuve qu'elle s'était libérée de son obligation d'assurer l'effectivité des mesures particulières prévues par le décret du 17 août 1977, notamment les prélèvements dans l'air atmosphérique, leur périodicité et les dispositifs de protection à mettre en oeuvre au-delà de certains seuils de présence dans l'air des micro-fibres d'amiante, pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié contre les poussières d'amiante. Les pièces qu'elle produit à cet effet sont toutefois très insuffisantes, En effet, il est versé aux débats par cette société des plans de prévention réalisés en 1997-1998 avec des fiches dites " évaluation des risques amiante " se référant au port des protections individuelles contre les fibres d'amiante et aux conditions de manipulation et d'évacuation de ce matériau sans pour autant démontrer, d'une part, que ces fiches avaient été mises en oeuvre systématiquement et ne concernaient pas qu'une partie des travaux effectués, et, surtout d'autre part, que les prélèvements atmosphériques avaient été réalisés dans les conditions préconisées par le décret du 20 août 1977. Le plan de prévention sur le programme dit " SAWAR12 ", les diagnostics sur l'éventuelle présence d'amiante réalisés, le 22 janvier 1996, par la Socotec et, en décembre 2005, par le laboratoire Cofrac et le Cabinet Eurosud Expertises, qui portent pour l'essentiel sur les immeubles bâtis sans concerner les navires et les sous-marins, n'apportent pas davantage de réponse si ce n'est qu'ils confirment que le risque amiante était connu de la société DCN pendant cette période. Il convient de relever en outre, à la lecture des comptes-rendus de réunion du CHSCT, datés des 12 janvier 1997, 18 novembre 1997 et 26 avril 2000, que la question de l'amiante était régulièrement évoquée ce dont il se déduit que le risque amiante n'était pas encore totalement et définitivement supprimé sur le site naval de Toulon pendant cette période. En tout état de cause, il n'y est nullement débattu des prélèvements atmosphériques réguliers, la seule référence à un prélèvement étant celle d'un compte-rendu d'analyse de l'APAVE-SUD du 1er décembre 1998, n'ayant détecté aucune trace d'amiante dans le prélèvement de poussière effectué dans le magasin " Pyro ", ce qui ne répond manifestement pas aux exigences du décret de 1977. Il s'ensuit que les manquements fautifs imputés à l'employeur sont établis quand bien même le demandeur ne serait atteint à ce jour d'aucune pathologie résultant de l'exposition à des poussières d'amiante, de telle sorte qu'il importe d'analyser les prétentions sur les préjudices allégués (¿) en ce qui concerne le préjudice d'anxiété le CGEA comme le liquidateur pour LA NORMED et la société DCNS venant aux droits de la société DCN LOG soutiennent qu'aucun élément probant n'est produit pour établir la réalité du préjudice d'anxiété et son lien avec un manquement fautif de l'employeur alors que l'ancien salarié invoque l'inhalation des poussières d'amiante générant un état d'anxiété légitime liée à la crainte permanente d'être atteint d'une pathologie due à cette situation du fait du caractère cancérigéne de ce produit scientifiquement établi. Il conteste l'argument de la partie adverse sur la nécessité de justifier d'un suivi médical pour prétendre à l'établissement d'un préjudice d'anxiété. Or, alors que la réalité de l'exposition de l'ancien salarié aux poussières d'amiante au cours de l'exercice de son emploi pendant plusieurs années sur l'un des sites de la société NORMED, et ensuite sur l'un des sites de la société DCNS, toutes deux formellement visées au titre des entreprises concernées par les pathologies en rapport avec l'amiante, et pour lesquelles le dispositif spécifique de l'ACAATA a été mis en place dans le cadre de la loi du 23 décembre 1998, est établie puisqu'il exerçait l'un des métiers visés par l'arrêté du 7 juillet 2000 ou dans des conditions identiques à ceux visés par cet arrêté, et que cette situation a mis en évidence les manquements fautifs de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, il est parfaitement compréhensible que dans ces circonstances, quand bien même aucune maladie n'a été constatée à ce jour en lien avec son exposition à l'amiante, l'ancien salarié soit confronté à une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, indépendamment des contrôles et examens médicaux réguliers et nécessaires ayant en fait pour effet que d'aggraver l'angoisse initiale. En l'état des éléments produits aux débats et compte tenu des circonstances spécifiques de la présente affaire (longue durée d'exposition, délai de déclaration de la maladie, surmortalité avérée chez les travailleurs de l'amiante, cumul d'exposition à l'amiante) le préjudice d'anxiété doit être réparé à hauteur de la somme de 8. 000, 00 ¿. Même si les relations de travail entre le salarié et chacun des deux employeurs attraits dans la cause se sont exécutées dans un cadre contractuel autonome et indépendant l'un de l'autre, en des lieux et des temps différents sans qu'aucun rapport de droit n'ait existé entre eux, il n'en demeure pas moins que le fait fautif de chacun des employeurs successifs a concouru à la réalisation du même dommage de sorte que la présente condamnation sera prononcée in solidum selon les modalités précisées au dispositif » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 a seulement pour objet de dispenser les salariés désireux de bénéficier de la prestation de Sécurité Sociale que constitue l'ACAATA de faire la preuve de leur exposition personnelle au risque résultant d'une faute de l'entreprise ; qu'en considérant cependant que le classement de la société DCNS et l'appartenance de l'intéressé au régime susvisé suffiraient, en droit commun, à caractériser un manquement à l'obligation de sécurité de résultat, la Cour d'appel a violé les articles 1147 du Code Civil, L. 4121-1 du Code du Travail et par fausse application l'article 41 susvisé ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QU'à supposer que l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l'arrêté de classement pris en application de celle-ci aient la valeur d'une présomption d'exposition à l'amiante, celle-ci ne saurait excéder l'objet pour lequel le législateur l'a instituée ; qu'il résulte des articles I, III et VII de la loi susvisée et de l'article 3 du décret n° 99-247 du 29 mars 1999 que l'appartenance des salariés à un site classé les dispense de la preuve de leur exposition au risque uniquement pour obtenir le bénéfice de l'allocation ACAATA et des prestations accessoires à celle-ci lesquelles sont mises à la charge, non de l'employeur, mais d'organismes publics, de sorte qu'en étendant le bénéfice de ladite présomption aux actions en responsabilité de droit commun dirigées personnellement contre l'employeur pour faire mettre à sa charge la condamnation à la réparation d'un « préjudice spécifique », la Cour d'AIX-EN-PROVENCE a sorti la présomption de son domaine propre et a violé, outre le texte susvisé, les articles 1315 et 1349 du Code Civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, ET DE TOUTE FACON, QUE l'article 41 susvisé, à supposer qu'il permette de présumer la responsabilité de l'entreprise dans la survenance d'un préjudice d'anxiété, impose, par voie d'arrêté réglementaire, une solution exclusivement collective plaçant les parties dans une situation réglementaire, non susceptible comme telle, d'être remise en cause devant la juridiction prud'homale ; qu'il en résulte que le recours à la décision de classement, prise par l'administration, pour dispenser le demandeur d'établir le lien de causalité entre le préjudice d'anxiété invoqué et la faute imputée à l'entreprise place celle-ci dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; qu'en se contentant de retenir l'affiliation de l'intéressé au régime ACAATA pour s'abstenir de vérifier concrètement l'exposition au risque de chaque salarié, la Cour d'appel a placé la société DCNS dans une situation de net désavantage par rapport à ses contradicteurs en violation de l'article 6 de la CESDH ;
ALORS, ENFIN, ET ENCORE PLUS SUBSIDIAIREMENT, QUE l'existence d'une obligation de sécurité de résultat, dont le fondement reste contractuel, ne dispense nullement le demandeur de prouver que son employeur n'a pas pris les mesures propres au danger auquel il dit avoir été personnellement exposé, de sorte qu'en déclarant « qu'il appartient à la DCNS de rapporter la preuve » qu'elle s'était libérée de son obligation de protéger la santé du salarié (p. 13, al. 1), que « les pièces qu'elle produit sont toutefois très insuffisantes », « qu'elle ne démontre pas que les fiches établies avaient été mises en oeuvre systématiquement et ne concernaient pas qu'une partie des travaux », que le plan de prévention « SAWARI 2 » porte essentiellement sur des immeubles, que les comptes rendus du CHSCT n'établissent pas que « les prélèvements atmosphériques étaient réguliers » (id. loc. al. 2), la Cour d'AIX-EN-PROVENCE qui, par ailleurs, ne se réfère à aucune donnée concernant l'exposition propre au poste de chaque intéressé, a totalement interverti la charge de la preuve en violation des articles 1147 du Code Civil et L. 4121-1 du Code du Travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(le préjudice et les frais irrépétibles)
Le pourvoi reproche aux arrêts attaqués d'avoir alloué en réparation d'un préjudice d'anxiété une indemnité de 8. 000 ¿ à chacun des défendeurs aux pourvois ainsi qu'une somme de 200 ¿ au titre de l'article 700 du C. P. C. ;
AUX MOTIFS QU'« alors que la réalité de l'exposition de l'ancien salarié aux poussières d'amiante au cours de l'exercice de son emploi pendant plusieurs années sur l'un des sites de la société NORMED, et ensuite sur l'un des sites de la société DCNS, toutes deux formellement visées au titre des entreprises concernées par les pathologies en rapport avec l'amiante, et pour lesquelles le dispositif spécifique de l'ACAATA a été mis en place dans le cadre de la loi du 23 décembre 1998, est établie puisqu'il exerçait l'un des métiers visés par l'arrêté du 7 juillet 2000 ou dans des conditions identiques à ceux visés par cet arrêté, et que cette situation a mis en évidence les manquements fautifs de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, il est parfaitement compréhensible que dans ces circonstances, quand bien même aucune maladie n'a été constatée à ce jour en lien avec son exposition à l'amiante, l'ancien salarié soit confronté à une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, indépendamment des contrôles et examens médicaux réguliers et nécessaires ayant en fait pour effet que d'aggraver l'angoisse initiale. En l'état des éléments produits aux débats et compte tenu des circonstances spécifiques de la présente affaire (longue durée d'exposition, délai de déclaration de la maladie, surmortalité avérée chez les travailleurs de l'amiante, cumul d'exposition à l'amiante) le préjudice d'anxiété doit être réparé à hauteur de la somme de 8. 000, 00 ¿ » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en fixant, sous couvert d'arrêts distincts, une réparation forfaitaire unique de 8. 000 ¿ pour l'ensemble des 10 défendeurs aux pourvois, sans mesurer objectivement le risque auquel chacun aurait été exposé, la Cour d'appel a méconnu le principe de l'équivalence entre le dommage et la réparation et a excédé ses pouvoirs au regard des articles 1147 et 1149 du Code Civil ;
ALORS, DE DEUXIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QU'en l'absence de contamination avérée et en l'absence de certificats médicaux de nature à caractériser objectivement l'existence d'un trouble psychologique dommageable d'anxiété, il incombe au juge, statuant en droit commun, de procéder, par lui-même, à une appréciation personnalisée des moyens susceptibles de réparer l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans l'état où elle se serait trouvée sans la survenance de celui-ci ; qu'en s'abstenant de toute recherche sur la situation personnelle du demandeur, notamment sur la date du départ de chaque intéressé, sur son âge et sa situation de famille, la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE a, encore une fois, privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1147 et 1149 du Code Civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-23508;13-23509;13-23510;13-23511;13-23512;13-23513;13-23514;13-23515;13-23516;13-23517
Date de la décision : 10/12/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 25 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 déc. 2014, pourvoi n°13-23508;13-23509;13-23510;13-23511;13-23512;13-23513;13-23514;13-23515;13-23516;13-23517


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.23508
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