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10/12/2014 | FRANCE | N°13-19677

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 décembre 2014, 13-19677


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis :
Vu l'article L. 4624-1 du code du travail et l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, doit en assurer l'effectivité ; qu'il doit prendre en compte les recommandations du médecin du travail et, en cas de refus, faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite ; que dans l'hypothèse où le salarié conteste la compatibilité du poste auquel il est affecté avec les recommandations du

médecin du travail, il appartient à l'employeur de solliciter un nouvel...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis :
Vu l'article L. 4624-1 du code du travail et l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, doit en assurer l'effectivité ; qu'il doit prendre en compte les recommandations du médecin du travail et, en cas de refus, faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite ; que dans l'hypothèse où le salarié conteste la compatibilité du poste auquel il est affecté avec les recommandations du médecin du travail, il appartient à l'employeur de solliciter un nouvel avis de ce dernier ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Tumas hôtel opérations Evian pour occuper un emploi de voiturier-chasseur-bagagiste, à compter du 17 septembre 2008 ; qu'il a été victime d'un accident du travail le 16 mai 2010 ; qu'à l'issue d'une visite de reprise le 15 juin 2010, le médecin du travail l'a déclaré apte à reprendre son poste, puis a délivré le 12 juillet 2010 une nouvelle fiche d'aptitude ; qu'à l'issue d'un examen périodique réalisé le 12 juillet 2010, le médecin du travail a délivré une nouvelle fiche d'aptitude formulée comme suit : « apte avec aménagement de poste. Absence de port de charges lourdes ou de manutention lourde pendant deux mois (risque de rechute d'accident du travail), aptitude limitée à deux mois » ; que par un message électronique du même jour adressé à l'employeur, il a précisé que la mention « absence de port de charge lourde » signifiait que la limite réglementaire de 55 kg était abaissée à 30 kg et dans certains cas à 20 kg ; que par lettre du 30 juillet 2012, la société Tumas hôtel opérations Evian a notifié au salarié son licenciement pour faute grave ; que contestant cette mesure, M. X... a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation de cette rupture et subsidiairement la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement de diverses sommes ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'il ressort d'un échange de messages électroniques que le salarié refusait toutes les directives données par son supérieur hiérarchique, même simplement de pousser les bagages ou de les prendre et les tirer avec le poignet, qu'il a exclu toute contribution de sa part au service des bagages le 14 juillet 2010, spécialement à l'occasion de l'arrivée d'un groupe important de voyageurs, allant jusqu'à quitter l'établissement sans veiller à conserver une liaison téléphonique ; que ces comportements ne peuvent être considérés comme totalement excusables à l'égard d'un salarié qui restait en mesure d'accomplir l'essentiel de ses missions contractuelles ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié contestait devoir continuer à remplir ses fonctions au regard des restrictions médicales émises par le médecin du travail, la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur la véritable cause du licenciement, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Tumas hôtel opérations Evian à payer à M. X... la somme de 500 euros en dédommagement du préjudice occasionné par le non-respect des règles régissant l'organisation de la visite de reprise, l'arrêt rendu le 16 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la société Tumas hôtel opérations Evian aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Tumas hôtel opérations Evian à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR débouté l'exposant de sa demande tendant à la nullité de son licenciement, de ses demandes indemnitaires y afférentes et d'avoir limité la condamnation de la société employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire, outre congés payés y afférents, d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité en dédommagement du préjudice occasionné par le non respect des règles régissant l'organisation de la visite de reprise au terme de la période de suspension du contrat de travail consécutive à l'accident du travail en date du 16 mai 2010 et débouté l'exposant du surplus de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE Sur les demandes tendant à voir déclarer nulle et de nul effet la rupture du contrat de travail et à obtenir le paiement de dommages et intérêts, pour nullité du licenciement ; étant observé que l'article L. 1226-13 du Code du travail, auquel l'appelant s'est référé, sanctionne exclusivement par la nullité toute rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée prononcée en méconnaissance des dispositions de l'article L1226-9 du même Code, la mesure de licenciement prise par la SAS TUMAS HÔTEL OPÉRATIONS ÉVIAN à l'égard de Nadir X... le 30 juillet 2010, postérieurement au terme de la dernière période de suspension de son contrat de travail consécutive à l'accident du travail dont il avait été victime le 16 mai 2010, ne saurait être de plein droit frappée de nullité ; que la SAS TUMAS HÔTEL OPÉRATIONS ÉVIAN ne peut pour autant se prévaloir d'un respect scrupuleux de ses obligations relatives à l'organisation de la visite de reprise, dans le strict délai de huit jours qui lui était imparti par les-prescriptions du second alinéa de l'article R4624-22 du Code du travail à partir du 1er juin 2010, jour de reprise de son poste de travail par Nadir X..., puisque cette visite n'a eu lieu en réalité que le 15 juin 2010 ; qu'or, l'analyse des correspondances échangées entre la SAS TUMAS HÔTEL OPÉRATIONS ÉVIAN et le service Santé au Travail du Léman conduit à constater :- que l'employeur a simplement demandé la fixation de douze rendez-vous pour faire procéder à des visites médicales à l'intention de ses salariés, au cours des mois de mai et de juin 2010, par lettre en date du lundi 17 mai 2010 (pièce n° 24 du dossier de l'intimée), soit à la même date que celle figurant sur la déclaration d'accident du travail établie à la demande de Nadir X... (pièce n° 8 du même dossier), sans qu'il fût question encore de la reprise de ce salarié ;- qu'après avoir obtenu du service de médecine du travail, dès le 18 mai 2010, un planning de douze rendez-vous étagés entre le mardi 15 juin et le jeudi 24 juin (pièce n° 25 du même dossier), l'employeur a prévu la répartition de ces rendez-vous en y incluant la visite de reprise de Nadir X..., nécessairement après le retour de celui-ci à son poste le 1er juin 2010 mais à une date indéterminée, et confirmé, par lettre en date du 15 juin 2010, le rendez-vous pris pour ce salarié en vue d'une « visite suite à Accident travail » le 15 juin 2010 à 16h15 (pièce n° 26 du même dossier) ;- que, pour autant, aucune autre initiative n'a été prise pour anticiper une visite médicale de reprise, qui s'imposait tout particulièrement, pour que l'employeur soit en mesure de laisser Nadir X... reprendre régulièrement son travail, conformément aux prescriptions du 3° de l'article R4624-21 du Code du travail, après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail ; qu'il se déduit de ces observations que la SAS TUMAS HÔTEL OPÉRATIONS ÉVIAN a indéniablement manqué à ses obligations de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale d'un salarié précédemment victime d'un accident du travail, reconnu comme tel par la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie, dès le 31 mai 2010 (pièce n° 6 du dossier de l'appelant), quand bien même l'avis d'aptitude émis par le médecin du travail au bénéfice de Nadir X... le 15 juin 2010 ne comportait pas de contre-indication d'ordre médical à la reprise de son poste de travail de Chasseur Voiturier Bagagiste ; que, pour autant, si ce manquement aux dispositions de l'article L4121-1 du Code du travail, outre les dispositions spéciales de l'article R4624-22 du même Code, a nécessairement causé un préjudice au salarié, il ne peut en résulter que la nullité de la rupture du contrat de travail prononcée a posteriori soit encourue à titre de sanction du laxisme reprochable à l'employeur ;
ALORS QUE le licenciement motivé par l'état de santé d'un salarié est nul ; que lorsqu'ils sont saisis d'un moyen en ce sens, les juges du fond sont tenus de rechercher si la véritable cause du licenciement ne réside pas dans un motif autre que celui invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement ; que dans ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience, l'exposant avait fait valoir que la véritable cause de son licenciement résidait dans sa pathologie et dans l'impossibilité dans laquelle il se trouvait pour faire face à l'intégralité des impératifs de son emploi en suite de l'avis d'aptitude avec réserve émis par le médecin du travail le 12 juillet 2010 ; que l'exposant soulignait à cet égard la concomitance entre cet avis du médecin du travail et la procédure disciplinaire engagée par l'employeur dès le 15 juillet suivant à raison de prétendus faits d'insubordination qui auraient été commis lors de la journée du 14 juillet ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la véritable cause du licenciement ne résidait pas dans des considérations liées à l'état de santé de l'exposant, tel que constaté par le médecin du travail dans son avis d'aptitude avec réserve émis trois jours avant l'engagement de la procédure de licenciement assortie d'une mise à pied à titre conservatoire, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1235-1 du Code du travail, ensemble les articles 1132-1 et 1132-4 dudit Code ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR jugé que le licenciement de l'exposant reposait sur une cause réelle et sérieuse et limité la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire, outre congés payés y afférents, d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité en dédommagement du préjudice occasionné par le non respect des règles régissant l'organisation de la visite de reprise au terme de la période de suspension du contrat de travail consécutive à l'accident du travail en date du 16 mai 2010 et débouté l'exposant du surplus de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE Sur la contestation des motifs du licenciement ; que c'est à l'employeur, tenu de justifier à l'égard d'un salarié licencié, suivant le principe général énoncé au second alinéa de l'article 1315 du Code civil, les faits qui ont pu produire l'extinction de son obligation d'observer le préavis auquel ce salarié a droit, le cas échéant, par application des dispositions des articles L. 1234-1 et suivants du Code du travail et/ ou de lui verser l'indemnité de licenciement dont il est éventuellement créancier, dans les conditions définies par les articles L. 1234-9 et suivants du même Code, qu'il incombe de prouver que ce salarié a commis des manquements ou agissements suffisamment graves pour être sanctionnés par une rupture immédiate de son contrat de travail ; qu'en l'espèce, la SAS TUMAS HÔTEL OPÉRATIONS ÉVIAN a d'abord reproché à Nadir X..., en lui notifiant sa décision de le licencier pour faute grave le 30 juillet 2010, après l'avoir soumis à une première mesure conservatoire de mise à pied à compter du 15 juillet 2010, d'avoir refusé, le 14 juillet 2010, d'effectuer les tâches qui lui incombaient dans l'exercice de ses fonctions de voiturier/ chasseur/ bagagiste, à l'arrivée d'un groupe KUONI à 17h00, constitué de voyageurs descendus ce jour-là dans l'hôtel Hilton d'Evian-les-Bains où il occupait l'emploi ainsi qualifié, plus précisément de n'avoir pas respecté les directives de son supérieur hiérarchique, M. Mauro Y..., lequel lui avait demandé de prendre en charge les bagages isolés, à roulettes, de manière à limiter cette tâche aux bagages dont la charge correspondait à ses capacités restreintes, suivant l'avis émis par le médecin du travail le 12 juillet 2010, qui l'avait déclaré apte médicalement à occuper son emploi pendant deux mois, sous la double réserve d'un aménagement de son poste et d'une interdiction d'assurer le port de charges lourdes ou de manutentions lourdes pendant deux mois, en considération d'un risque de rechute d'accident du travail ; que, pour stigmatiser le refus, exprimé « catégoriquement et de manière ostentatoire » par ce salarié, d'exécuter « toutes les directives émanant de votre supérieur hiérarchique et notamment celles relatives aux bagages en vous retranchant derrière votre aménagement de poste, bien que celui-ci n'interdise que le port de charges lourdes », la SAS TUMAS HÔTEL OPÉRATIONS ÉVIAN s'est référée à des précisions apportées par le médecin du travail, par mail complémentaire, précisions aux termes desquelles « la charge et manutention lourde étaient définies à 30 kg, voire 20 kg, dans certaines conditions », en déduisant de cette réponse formulée à une interrogation émanée de l'employeur, que l'intéressé ne pouvait exclure « toute manipulation, tout traitement des bagages, et ce, quelle que soit la taille du bagage » ; que c'est en ces termes que le médecin du travail avait complété son avis, dans le cadre d'un message électronique adressé à la Responsable des Ressources Humaines de l'Hôtel Hilton d'Évian-les-Bains le 12 juillet 2010 : le port de charges lourdes est défini pour un adulte normal, sans restrictions, et de sexe masculin par le décret 2008-244 du 7 mars 2008 : « Lorsque le recours à la manutention manuelle est inévitable et que les aides mécaniques prévues au 2° de l'article R4541-5 ne peuvent être mises en oeuvre, un travailleur ne peut être admis à porter de façon habituelle les charges supérieures à 55 kg qu'à condition d'y avoir été reconnu apte par le médecin du travail... », J'attire votre attention sur la notion implicite d'obligations de recours à des aides mécaniques que prévoit ce texte lorsqu'une mention d'absence de port de charge lourde est mentionnée, cela signifie que la limite de 55 kg est abaissée de manière à ne pas porter plus de 30 kg et dans certains cas 20 kg pour un adulte, et ce de manière répétée ; qu'or, le décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 était le texte qui portait codification de la partie réglementaire du Code du travail, dont le médecin du travail a simplement extrait une partie de l'article R. 4541-9 nouveau de ce Code ; qu'il importe également de prendre en considération d'autres dispositions de nature réglementaire contenues au chapitre Ier intitulé Manutention des charges du Titre quatrième du Livre cinquième de la Quatrième Partie du code du travail :- L'article R. 4541-1, qui étend des dispositions de ce chapitre à toutes les manutentions dites manuelles comportant des risques, notamment dorso-lombaires, pour les travailleurs en raison des caractéristiques de la charge ou des conditions ergonomiques défavorables,- L'article R. 4541-2, qui définit comme manutention manuelle, toute opération de transport ou de soutien d'une charge, dont le levage, la pose, la poussée, la traction, le port ou le déplacement. qui exige l'effort physique d'un ou de plusieurs travailleurs,- L'article R. 4541-3, qui recommande à l'employeur de prendre les mesures d'organisation appropriées ou d'utiliser les moyens appropriés, et notamment les équipements mécaniques, afin d'éviter le recours à la manutention manuelle de charge par les travailleurs,- L'article R. 4541-4, qui invite l'employeur à prendre les mesures d'organisation appropriées ou à mettre à la disposition des travailleurs les moyens adaptés, si nécessaire en combinant leurs effets, de façon à limiter l'effort physique et à réduire le risque encouru lors de cette opération, lorsque la nécessité d'une manutention manuelle de charges ne peut être évitée, notamment en raison de la configuration des lieux où cette manutention est réalisée,- L'article R. 4541-5, également applicable dans l'hypothèse où la manutention manuelle ne peut pas être évitée, qui prescrit à l'employeur 1°- d'évaluer les risques que font encourir les opérations de manutention pour la santé et la sécurité des travailleurs, 2°- d'organiser des postes de travail de façon à éviter ou à réduire les risques, notamment dorsolombaires, en mettant en particulier à la disposition des travailleurs des aides mécaniques ou, à défaut de pouvoir les mettre en oeuvre, les accessoires de préhension propres à rendre leur tâche plus sûre et moins pénible... ; que, cependant, alors que l'économie de ces différents textes ne peut qu'inciter à une grande prudence et surtout à une réflexion relativement aboutie, en considération des risques spécifiques auxquels un salarié se trouve lui-même exposé, sur la mise en oeuvre de mesures et de moyens comme sur l'aménagement du poste de travail, d'une part, et que le médecin du travail, tout en se référant à des normes d'ergonomie qui ne sont pas précisément reprises dans les prescriptions réglementaires précitées, a encore tenu à attirer l'attention de la SAS TUMAS HOTEL OPÉRATIONS ÉVIAN sur la nécessité de privilégier le plus possible les aides mécaniques dont ces dispositions font état, d'autre part, la direction de la SAS TUMAS HÔTEL OPÉRATIONS ÉVIAN a seulement donné une traduction simplifiée et incomplète de recommandations qui tendaient à orienter une évaluation des risques et l'organisation d'une prévention plus en adéquation avec les conditions particulières dans lesquelles devait s'opérer la manutention des bagages au sein de l'établissement, notamment en raison de la configuration des lieux, mais qui devaient donner lieu à des consignes assez précises relevant de la responsabilité directe de l'employeur et permettant une adaptation claire et immédiate à l'exécution des tâches confiées à Nadir X..., au cours d'une relativement courte période de deux mois : à l'assistant chef de réception de l'hôtel, supérieur hiérarchique de ce voiturier/ chasseur/ bagagiste, il a été brièvement indiqué par message électronique en date du 12 juillet 2010 que le médecin du travail avait apporté le même jour une restriction à l'aptitude de Nadir X... et préconisé « l'absence de port de charges lourdes-30 kg-ou de manutentions lourdes-30 kg-pendant deux mois », après que la Responsable des Ressources Humaines eut contacté ce médecin pour des explications et l'eut averti d'une décision de refus opposée à une demande de vacances formulée par ce salarié ; que la transmission par la Direction à l'encadrement de la Réception de l'hôtel, par ce mode de communication express, d'une directive formulée en termes évasifs et laconiques n'a pas manqué de susciter de la part de l'assistant chef de réception, confronté à des difficultés de réorganisation pour pallier un refus de Nadir X..., un questionnement exprimé de manière alternative dans le cadre d'un autre message électronique en date du 13 juillet 2010 : « serait-il possible de prévoir un remplaçant ou des actions par rapport à cela, s'il vous plaît ? » (Pièce n° 18 du dossier de l'intimée) ; que, cependant, c'est a posteriori, dans le cadre d'un nouvel échange de messages électroniques poursuivi les 21 et 22 juillet 2010, pour répondre aux demandes de précisions émanées de la Responsable des Ressources Humaines consécutivement à l'engagement de la procédure disciplinaire avec la convocation de Nadir X... assortie de la notification d'une mesure de mise à pied conservatoire, le 15 juillet 2010, que l'assistant chef de réception a pu indiquer : « il refusait toutes les directives que je donnais, même simplement de pousser les bagages ou de les prendre et les tirer avec le poignet » (pièce n° 17 du même dossier) ; que, quand bien même l'intransigeance dont a fait montre Nadir X..., en excluant toute contribution de sa part au service des bagages le 14 juillet 2010, spécialement à l'occasion de l'arrivée d'un groupe important de voyageurs en fin d'après-midi, et son comportement d'évitement allant jusqu'à quitter l'établissement sans veiller à conserver une liaison téléphonique, suivant l'attestation circonstanciée donnée par un réceptionniste de l'hôtel, (pièce n° 20 du même dossier), comportement qualifié d'abandon de poste par l'employeur aux termes de la lettre de licenciement, ne peuvent être considérés comme totalement excusables, la situation objectivement embarrassante dans laquelle se sont retrouvés les salariés du service de la réception de l'hôtel un jour férié, en raison de l'indéniable marge d'incertitude qui subsistait sur les limites et conditions des interventions du voiturier/ chasseur/ bagagiste, et de la contrainte pour eux de composer avec les effectifs du « team », faute d'avoir obtenu de la Direction, interrogée la veille sur ces différents points, la possibilité de recourir à un remplaçant ou de prévoir d'autres actions, impliquait corollairement de la part de la SAS TUMAS HOTEL OPÉRATIONS ÉVIAN une appréciation relativement nuancée des incidences d'une gestion quelque peu approximative de risques pourtant appréciables, de telle sorte que l'éviction immédiate de son poste de travail de Nadir X..., dès le 15 juillet 2010, ne pouvait se justifier inéluctablement, à l'égard d'un salarié qui restait en mesure d'accomplir l'essentiel des missions définies par l'article de l'avenant à son contrat de travail en date du 15 janvier 2010 et même, à la faveur d'un recadrage approprié, certaines tâches incombant à un bagagiste, au moins pendant la durée limitée de son préavis ; qu'en conséquence, et alors que la SAS TUMAS HÔTEL OPÉRATIONS ÉVIAN n'a communiqué aucune pièce permettant d'apprécier objectivement en quoi l'attitude de Nadir X... vis-à-vis de ses supérieurs hiérarchiques aurait pu être irrespectueuse, au-delà de l'expression de son refus réitéré d'appliquer les directives initialement notifiées de manière équivoque, mais qu'il ne lui est pas permis de faire état dans ses conclusions en cause d'appel de mises en demeure notifiées au salarié pour justifier d'absences, ni des difficultés relationnelles rencontrées par celui-ci, soit de faits dont il n'était pas question dans le cadre de l'énonciation des motifs de licenciement, la Cour déduit de ses constatations que la qualification de faute grave donnée par l'employeur à l'ensemble des faits reprochés à l'appelant ne se justifiait en aucune façon et que la mesure de licenciement prise à son encontre ne reposait que sur une cause réelle et sérieuse ;
ALORS D'UNE PART QU'à la suite d'un avis d'aptitude avec réserve émis par le médecin du travail, il appartient à l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat s'agissant de la santé du salarié, de prendre toutes les mesures individuelles nécessaires et utiles pour assurer l'effectivité des prescriptions du médecin du travail et des restrictions émises s'agissant des tâches susceptibles d'être accomplies par le salarié eu égard à son état de santé ; qu'à défaut, le refus du salarié de se conformer aux instructions de l'employeur ne peut caractériser une faute et justifier son licenciement ; qu'ayant expressément relevé qu'en suite de l'avis d'aptitude avec aménagement de poste émis par le médecin du travail le 12 juillet 2010 et préconisant « l'absence de port de charges lourdes ou de manutention lourde pendant deux mois. (Risque de rechute d'accident du travail) », l'employeur a seulement donné « une traduction simplifiée et incomplète de recommandations » en indiquant « brièvement » par message électronique, au supérieur hiérarchique de l'exposant, que le médecin du travail avait apporté le même jour une restriction et préconisé « l'absence de port de charges lourdes 30 kg ou de manutention lourde 30 kg pendant deux mois » (arrêt p. 10, dernier §), que l'employeur avait ainsi transmis à l'encadrement de la réception de l'hôtel, par « ce mode de communication express », « une directive formulée en termes évasifs et laconiques » (arrêt p. 11, § 1), que les salariés du service de la réception de l'hôtel se sont trouvés dans une situation objectivement embarrassante « en raison de l'indéniable marge d'incertitude qui subsistait sur les limites et conditions des interventions du voiturier/ chasseur/ bagagiste, et de la contrainte pour eux de composer avec les effectifs du team faute d'avoir obtenu de la direction, interrogée la veille sur ces différents points, la possibilité de recourir à un remplaçant ou de prévoir d'autres actions » (arrêt p. 11, § 2), que l'employeur s'était rendu coupable d'une « gestion quelque peu approximative de risques pourtant appréciables », et encore que l'exposant n'avait pas adopté une attitude irrespectueuse vis-à-vis de ses supérieurs hiérarchiques « au-delà de l'expression de son refus réitéré d'appliquer les directives initialement notifiées de manière équivoque », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations selon lesquelles l'employeur, en transmettant des directives formulées en termes évasifs et laconiques, des recommandations incomplètes et insuffisamment précises et des directives notifiées de manière équivoque, avait manqué à son obligation d'assurer l'effectivité des mesures individuelles et des réserves préconisées par le médecin du travail afin d'assurer l'adaptation du poste de l'exposant aux contraintes liées à son état de santé, de sorte que le licenciement mis en oeuvre immédiatement par l'employeur était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a violé les articles L 4121-1 et L 4624-1 du code du travail, ensemble l'article L 1235-1 du Code du travail ;

ALORS D'AUTRE PART QU'ayant tour à tour constaté, d'une part, que l'avis d'aptitude avec réserve émis par le médecin du travail le 12 juillet 2010, prévoyant « Apte avec aménagement de poste. Absence de port de charges lourdes ou de manutention lourde pendant deux mois. (Risque de rechute d'accident du travail) », avait été complété par un courriel du même jour aux termes duquel le médecin du travail indiquait « la charge et manutention lourde étaient définies à 30 kg, voir 20 kg, dans certaines conditions, » et, d'autre part que, faisant suite à ces préconisations, l'employeur, dans le cadre de ses consignes, avait brièvement indiqué par message électronique en date du 12 juillet 2010, à l'assistant chef de réception de l'hôtel, supérieur hiérarchique de l'exposant, que le médecin du travail avait apporté le même jour une restriction à l'aptitude de l'exposant et préconisé « l'absence de port de charges lourdes de 30 kg ou de manutention lourde de 30 kg pendant deux mois », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations selon lesquelles l'employeur n'avait pas appliqué les mesures individuelles préconisées par le médecin du travail s'agissant du poids maximum des charges et de la manutention susceptibles d'être effectuées par l'exposant compte tenu de son état de santé, privant ainsi nécessairement de tout caractère fautif le refus de l'exposant de se conformer aux directives de l'employeur et de toute cause réelle et sérieuse le licenciement intervenu immédiatement et de manière précipitée à la suite de ce refus et a violé les dispositions des articles L 4121-1 et L 4624-1 du code du travail, ensemble l'article L 1235-1 du Code du travail ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE si, à la suite de l'avis du médecin du travail émettant des réserves sur l'aptitude du salarié et préconisant un aménagement de son poste, le salarié conteste la compatibilité du poste auquel il est affecté et des fonctions qui lui sont assignées avec les recommandations du médecin du travail, l'employeur doit à nouveau solliciter l'avis de celui-ci et ne peut prononcer le licenciement de ce salarié à raison d'une telle contestation, fût-ce sous couvert d'une prétendue insubordination ; qu'en retenant que constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, le fait pour l'exposant, à la suite de l'avis d'aptitude avec réserves émis par le médecin du travail le 12 juillet 2010 prévoyant un aménagement de son poste avec « absence de port de charges lourdes ou de manutention lourde pendant deux mois. (Risque de rechute d'accident du travail) », d'avoir exclu, lors de la journée du 14 juillet 2010, toute contribution de sa part au service des bagages spécialement à l'occasion de l'arrivée d'un groupe important de voyageurs en fin d'après midi, et, sans adopter une attitude irrespectueuse vis-à-vis de ses supérieurs hiérarchiques, manifesté son « refus réitéré d'appliquer les directives initialement notifiées de manière équivoque », cependant qu'il appartenait au contraire à l'employeur, face à un tel refus du salarié, contestant la compatibilité des missions qui lui étaient ainsi assignées au regard des prescriptions du médecin du travail, de solliciter à nouveau l'avis de ce dernier, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article L 4624-1 du code du travail, ensemble l'article L 1235-1 du Code du travail ;
ALORS DE QUATRIEME PART QU'en l'état des termes clairs et précis de l'attestation de Madame Stéphanie Z...selon lesquels « A quelques reprises, j'ai eu des difficultés pour travailler avec Nadir X.... Pour exemple, les quelques exemples cités ci-dessous :- le 12 juillet, celui-ci est parti en pause. Je lui ai demandé de prendre un téléphone durant sa pause, car j'étais avec Mathieu, un extrabagagiste dont c'était son premier jour. Nadir me confirme qu'il prend son téléphone durant sa pause. Quelques minutes après son départ, j'essaye de le joindre pour avoir une information et je découvre qu'il n'a pas pris son téléphone et que, en plus, celui est hors portée. Donc, par conséquence, hors de l'établissement. Pour information, cela arrivait régulièrement qu'il soit injoignable durant sa pause (hors portée) et ne respecte pas sa durée de pause. Il prenait plus que dix min ¿ », dont il ressortait que les faits relatés avaient trait à la journée du 12 juillet 2010, la Cour d'appel qui retient que ressort de cette attestation la réalité du « comportement d'évitement » de l'exposant « allant jusqu'à quitter l'établissement sans veiller à conserver une liaison téléphonique » au cours de la journée litigieuse du 14 juillet, a dénaturé cette attestation, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
ALORS ENFIN QUE les motifs invoqués dans la lettre de licenciement circonscrivent les termes du débat judiciaire ; que le fait pour un salarié de ne pas prendre son téléphone au cours d'une pause, empêchant par là même ses collègues de le joindre au cours de celle-ci, n'est pas constitutif d'un abandon de poste ; qu'en l'état des termes de la lettre de licenciement reprochant au surplus au salarié un abandon de poste, la Cour d'appel qui retient que la réalité de ce grief ressort de l'attestation de la réceptionniste qui se bornait à indiquer que « A quelques reprises, j'ai eu des difficultés pour travailler avec Nadir X.... Pour exemple, les quelques exemples cités ci-dessous :- le 12 juillet, celui-ci est parti en pause. Je lui ai demandé de prendre un téléphone durant sa pause, car j'étais avec Mathieu, un extra-bagagiste dont c'était son premier jour. Nadir me confirme qu'il prend son téléphone durant sa pause. Quelques minutes après son départ, j'essaye de le joindre pour avoir une information et je découvre qu'il n'a pas pris son téléphone et que, en plus, celui est hors portée. Donc, par conséquence, hors de l'établissement. Pour information, cela arrivait régulièrement qu'il soit injoignable durant sa pause (hors portée) et ne respecte pas sa durée de pause. Il prenait plus que dix min ¿ », s'est prononcée au regard de motifs autres que ceux invoqués dans la lettre de licenciement, en violation de l'article L 1232-6 du Code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-19677
Date de la décision : 10/12/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 16 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 déc. 2014, pourvoi n°13-19677


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Bouzidi et Bouhanna

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.19677
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