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10/12/2014 | FRANCE | N°13-19359;13-19360;13-19361;13-19362;13-19363;13-19364;13-19365;13-19366;13-19367;13-19368;13-19369;13-19370;13-19371;13-19372;13-19373;13-19374;13-19375;13-19376;13-19377;13-19378;13-19379;13-19380;13-19381;13-19382;13-19383;13-19384;13-19385;13-19386;13-19387;13-19388;13-19389;13-19390;13-19391;13-19392;13-19393;13-19394

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 décembre 2014, 13-19359 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° M 13-19.359 et Z 13-19.394 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et trente-cinq autres salariés ont été employés sur le site de La Ciotat pour le compte de l'une des sociétés dont l'activité chantiers navals a été reprise le 24 décembre 1982 par la société les Chantiers du Nord et de la Méditerranée (Normed), laquelle a été mise en redressement judiciaire le 30 juin 1986, puis en liquidation judiciaire le 27 février 1989, M. Y..., puis la Selafa

MJA en la personne de Mme Z... à partir du 10 juin 2003, ayant été désignés su...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° M 13-19.359 et Z 13-19.394 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... et trente-cinq autres salariés ont été employés sur le site de La Ciotat pour le compte de l'une des sociétés dont l'activité chantiers navals a été reprise le 24 décembre 1982 par la société les Chantiers du Nord et de la Méditerranée (Normed), laquelle a été mise en redressement judiciaire le 30 juin 1986, puis en liquidation judiciaire le 27 février 1989, M. Y..., puis la Selafa MJA en la personne de Mme Z... à partir du 10 juin 2003, ayant été désignés successivement en qualité de liquidateur de la société ; que par arrêté du 7 juillet 2000, l'activité de réparation et de construction navale de la Normed a été inscrite sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) au profit des salariés concernés pour la période comprise entre 1946 et 1989 ; que les salariés, bénéficiaires de l'ACAATA, ont saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est fait grief aux arrêts de fixer la créance de chaque ancien salarié à une certaine somme au titre du préjudice d'anxiété, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en l'absence d'obligation de sécurité de résultat, l'employeur ne peut être tenu de réparer le préjudice d'anxiété de son salarié au titre de la responsabilité contractuelle qu'à la condition que soit établie une faute contractuelle, consistant dans le non-respect de la règlementation en vigueur relative à l'amiante ; qu'en mettant à la charge de l'employeur le préjudice d'anxiété de l'ancien salarié, aux motifs abstraits et inopérants que l'employeur n'avait pas pris les précautions nécessaires pour éviter des expositions à l'amiante et que la nature de l'emploi l'avait exposé à de telles inhalations nocives, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée par la demanderesse, si la Normed s'était conformée à la réglementation en vigueur relative à l'amiante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ qu'en tout état de cause les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ; qu'en mettant à la charge de l'employeur l'obligation de réparer le préjudice d'anxiété de l'ancien salarié au titre d'une exposition à l'amiante, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si une telle obligation pouvait être mise, à cette époque, à la charge de l'employeur compte tenu de la réglementation en vigueur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1135 du code civil ;
3°/ que, s'agissant du préjudice d'anxiété, s'il a été jugé que le fait que l'ancien salarié se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers était indifférent pour autant, il lui appartient d'établir, au moins, par des éléments concrets et tangibles, qu'il se trouve personnellement, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'en se bornant à retenir qu'il était parfaitement compréhensible que compte tenu de la présence de l'ancien salarié dans une entreprise concernée par le dispositif de l'ACAATA, l'ancien salarié soit confronté à une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, sans autre justification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant constaté que les salariés, qui avaient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient, de par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'ils se soumettent ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, a ainsi, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, caractérisé l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 3253-8 1° du code du travail ;
Attendu, selon ce texte, que l'AGS garantit les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;
Attendu que pour dire que l'AGS devra garantir la créance fixée au passif de la Normed au titre du préjudice d'anxiété, les arrêts retiennent que ce préjudice découle du manquement contractuel fautif de l'employeur, lequel résulte de l'exposition à l'amiante des salariés au cours de l'exécution du contrat de travail, soit antérieurement à l'ouverture de la procédure collective ;
Attendu cependant que le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le préjudice d'anxiété était né à la date à laquelle les salariés avaient eu connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'activité de réparation et de construction navale de la Normed sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l' ACAATA, soit au plus tôt le 7 juillet 2000, à une date nécessairement postérieure à l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'Unedic délégation AGS-CGEA d'Ile-de-France ouest et de Marseille doit sa garantie, les arrêts rendus le 11 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute M. X... et les trente-cinq autres salariés de leurs demandes dirigées à l'encontre de l'Unedic ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens communs aux pourvois n° M 13-19.359 à Z 13-19.394 produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils pour l'Unedic et la société MJA
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'UNEDIC DÉLÉGATION AGS-CGEA d' ILE DE FRANCE OUEST et de MARSEILLE ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-8 du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 à L. 3253-21 du même code, et sous les limites du plafond de garantie applicable, en vertu des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le liquidateur dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 3253-20 de ce code;
Aux motifs que « pour s'opposer à la garantie du paiement des sommes allouées à l'ancien salarié, le CGEA soutient, sur le fondement de l'article L. 3253-8 du code du travail, que l'indemnité réparant le préjudice d'anxiété ne peut 'être de nature contractuelle, qu'elle n'est pas en lien avec l'exécution du contrat de travail mais qu'elle ne peut que résulter de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur.
A titre subsidiaire, cet organisme fait valoir, en l'état de l'ouverture de la procédure collective de la NORMED le 30 juin 1986, suivie de sa liquidation judiciaire le 27 février 1989, que la naissance de la créance relative au préjudice d'anxiété, qui est celle de la réalisation du dommage, exclusion faite de la période d'exposition à l'amiante qui n'équivaut qu' à un risque, ne peut qu'être postérieure à ces deux dates, le ressentiment d'anxiété et la conscience du risque étant lié à l'incertitude de l' avenir sur une mauvaise nouvelle découlant des visites médicales, de telle sorte que la garantie doit être écartée. Il soutient, en l'absence de précisions de l'ancien salarié qui ne justifie pas avoir pris conscience du risque auparavant, que la date de prise en compte de ce préjudice doit correspondre celle de la saisine du Conseil Prud'hommes.
Toutefois, dans la mesure où le préjudice d'anxiété subi par le salarié découle, non pas de l'obligation de sécurité édictée par l'article L. 4121-1 du code du travail, mais du manquement contractuel fautif de l'employeur ci-dessus caractérisé, lequel résulte de l'exposition à l'amiante au cours de l'exécution du contrat de travail, soit antérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la société NORMED, compte tenu de la durée du contrat de travail de cet ancien salarié au sein de cette société, au visa des règles de garantie susvisées, aucun obstacle ne s'oppose à l'opposabilité au CGEA de la créance fixée au titre du préjudice d'anxiété, créance au demeurant salariale et non commerciale comme soutenu à tort par ailleurs par l'UNEDIC, l'article 11 du traité d'apport partiel d'actif prévoyant en effet que la SPCN reprend sans recours contre la société apporteuse les obligations contractées par cette dernière en application des contrats de travail dans les conditions prévues aux articles L. 122-12 et L. 132-7 du code du travail concernant le personnel employé dans l'activité apportée.
Cette garantie doit prendre effet dans les limites légales prévues par les dispositions applicables à la date de rupture du contrat de travail.
En cas de défaut de disponibilité des fonds entre les mains du liquidateur de la NORMED, celui-ci devra transmettre un état de créance à l'UNEDIC DÉLÉGATION AGS-CGEA d'ILE DE FRANCE OUEST et de MARSEILLE dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ».
Alors que l'AGS ne garantit pas les créances nées postérieurement au jugement d'ouverture et que la créance de réparation du préjudice d'anxiété ne naît pas lors de l'exposition à l'amiante, mais au moment de la réalisation du préjudice, c'est-à-dire lors de l'apparition de la situation d'inquiétude permanente du salarié face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'en énonçant que l'AGS devait garantir les condamnations prononcées en ce que l'ancien salarié avait été exposé à l'amiante antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, la Cour d'appel a violé l'article L. 3253-8 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la créance de Monsieur X... à la somme de 8.000 ¿ au titre du préjudice d'anxiété ;
Aux motifs que « il est constant que le principe de la responsabilité civile implique la démonstration de l'établissement d'une faute d'autrui, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre eux qui justifie le droit à réparation de l'intégralité des dommages subis, La société Les Chantiers du Nord et de la Méditerranée, LA NORMED, a été créée le 24 décembre 1982 à la suite du regroupement à travers la Société de Participation et de Constructions Navales (SPCN) des branches navales de trois autres sociétés, la Société Industrielle et Financières des Chantiers de France Dunkerque, la Société des Chantiers Navals de La Ciotat (CNC) et la Société des Constructions Navales et Industrielles de la Méditerranée (CNIM).
Comme précédemment indiqué, LA NORMED a été mise en redressement judiciaire, le 30 juin 1986 et en liquidation judiciaire, le 27 février 1989.
Il est constant que dans le cadre de son activité de construction navale, de réparation et de maintenance, LA NORMED avait utilisé des matériaux contenant de l'amiante et que dans le cadre de leur travail des salariés de LA NORMED avaient pu être exposés aux poussières d'amiante. Par arrêté du 7 juillet 2000, LA NORMED a d'ailleurs été inscrite sur la liste des établissements de construction et de réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA au profit des salariés concernés sur la période comprise entre 1946 et 1989, dans le cadre du dispositif prévu par la loi du 23 décembre 1998,
Il est admis par la communauté scientifique que les poussières d'amiante avaient été identifiées comme vecteur potentiel de maladies professionnelles, dès 1945 et 1950, par l'inscription de pathologies liées à l'amiante au tableau des maladies professionnelles, que de nombreux documents, études et rapports publiés depuis le début du XX° siècle avaient apporté Ta preuve d'une connaissance bien antérieure à 1976 des dangers de l'amiante et qu'une pathologie liée à l'inhalation de poussières pouvait se révéler de nombreuses années plus tard.
Si l'obligation de sécurité mise à la charge de l'employeur a été codifiée par l'article L. 230-2 ancien du code du travail, devenu L. 4121-1, dont la rédaction est issue de la loi du 31 décembre 1991, il n'en demeure pas moins que sur le fondement de la responsabilité contractuelle résultant de l'article 1147 du code civil, ainsi qu'au visa des dispositions réglementaires prises antérieurement en matière de sécurité telles qu'évoquées par le demandeur (loi du 12 juin 1893, décret d'application du 11 mars 1894, décret du 13 décembre 1948 visant de manière générale la protection contre les poussières et le décret du 17 août 1977 visant de manière spécifique la protection contre les poussières d'amiante), la carence d'un employeur dans la mise en oeuvre des mesures de prévention des risques auxquels un salarié est exposé pendant l'exercice de son emploi, en l'espèce le fait de ne pas avoir pris les précautions suffisantes pour éviter une exposition potentiellement nocive aux poussières d'amiante, est constitutive d'un manquement à ses obligations contractuelles de nature à engager sa responsabilité et à justifier la réparation intégrale des préjudices subis.
En l'espèce, la réalité de ces expositions est attestée par les témoignages concordants produits aux débats, fussent -ils désormais contestés par les intimés, desquels il résulte que l'amiante avait été utilisée sur tout le chantier de La Ciotat sans que les salariés exposés avaient pu bénéficier de protections suffisantes ce qui les avait conduit à inhaler les poussières d'amiante et que beaucoup d'entre eux avaient été affectés par des pathologies liées à l'amiante dont certains étaient aujourd'hui décédés.
Contrairement à ce qu'affirment les intimés, il n'est aucunement justifié par les pièces versées aux débats que LA NORMED avait pris de façon effective, sur le chantier de La Ciotat où était affecté le salarié pendant la période considérée, les mesures nécessaires, notamment les mesures particulières visées par le décret du 17 août 1977, pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié contre les poussières d'amiante alors que la nature de l'emploi exercé par cet ancien salarié, qui figure d'ailleurs sur la liste des métiers fixée par l'arrêté du 7 juillet 2000, l'avait mis en contact direct avec des matériaux contenant de l'amiante et donc l'avait exposé à de telles inhalations nocives.
Il sera, en outre, relevé que le compte rendu de la réunion du comité d'entreprise de la société CNC du 11 avril 1978 faisait déjà état des interrogations des salariés sur les conséquences des poussières d'amiante sur le site de La Ciotat sans que la réponse apportée à l'époque par l'employeur ("Il y a tout de même des nécessités techniques qui nous amènent à utiliser certains produits, par exemple l'amiante, qui ne peuvent être remplacés par d'autres moins nocifs') ait pris la mesure de la gravité du problème pour l'avenir..
Le rapport du CHS rédigé le 29 mars 1978, pour l'année 1977 aux termes duquel, selon les intimés, toutes les mesures de protection contre l'inhalation des poussières d'amiante avaient été techniquement prises dès cette époque et la lettre de la Caisse Régionale d'Assurance Maladie du Sud-Est du 17 janvier 1985, également invoquée par les intimés, aux termes de laquelle l'amiante n'avait plus été utilisée à cette date ne concernent pas l'établissement de La Ciotat, où était employé le demandeur, mais uniquement l'établissement de La Seyne sur Mer. Il est également invoqué la circonstance que la plainte pénale visant les conditions de travail sur le chantier naval de DUNKERQUE avait l'objet d'une décision définitive de non-lieu. Toutefois, cette issue pénale est sans influence sur la présente instance.
Il s'ensuit que les manquements fautifs imputés à l'employeur sont établis quand bien même le demandeur ne serait atteint à ce jour d'aucune pathologie résultant de l'exposition à. des poussières d'amiante, de telle sorte qu'il importe d'analyser les prétentions sur les préjudices allégués »
Et que « le CGEA comme le liquidateur soutiennent qu'aucun élément probant n'est produit pour établir la réalité du préjudice d'anxiété et son lien avec un manquement fautif de l'employeur.
L'ancien salarié réitère sa prétention en invoquant le fait qu'il a été exposé à l'inhalation aux poussières d'amiante générant un état d'anxiété légitime liée à la crainte permanente d'être atteint d'une pathologie due à cette situation du fait du caractère cancérigène de ce produit scientifiquement établi. Il conteste l'argument de la partie adverse sur la nécessité de justifier d'un suivi médical pour prétendre à l'établissement d'un préjudice d'anxiété.
Or, alors que la réalité de l'exposition de cet ancien salarié aux poussières d'amiante au cours de l'exercice de son emploi pendant plusieurs années sur l'un des sites de la société NORMED, formellement visée au titre des entreprises concernées par les pathologies en rapport avec l'amiante, et pour lesquelles le dispositif spécifique de l' ACAATA a été mis en place dans le cadre de la loi du 23 décembre 199$, est établie puisqu'il exerçait l'un des métiers visés par l'arrêté du 7 juillet 2000, et que cette situation amis en évidence les manquements fautifs de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, il est parfaitement compréhensible que dans ces circonstances, quand bien même aucune maladie n'a été constatée à ce jour en lien avec son exposition à l'amiante, cet ancien salarié soit confronté à une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à. tout moment d'une maladie liée à l'amiante, indépendamment des contrôles et examens médicaux réguliers et nécessaires ayant en fait pour effet que d'aggraver l'angoisse initiale,
En l'état des éléments produits aux débats, le préjudice d'anxiété doit être réparé à hauteur de la somme de 8.000,00 ¿ » ;
Alors d'une part qu'en l'absence d'obligation de sécurité de résultat, l'employeur ne peut être tenu de réparer le préjudice d'anxiété de son salarié au titre de la responsabilité contractuelle qu'à la condition que soit établie une faute contractuelle, consistant dans le non-respect de la règlementation en vigueur relative à l'amiante ; qu'en mettant à la charge de l'employeur le préjudice d'anxiété de l'ancien salarié, aux motifs abstraits et inopérants que l'employeur n'avait pas pris les précautions nécessaires pour éviter des expositions à l'amiante et que la nature de l'emploi l'avait exposé à de telles inhalations nocives, sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée par l'exposante, si la NORMED s'était conformée à la règlementation en vigueur relative à l'amiante, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Alors qu'en tout état de cause les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ; qu'en mettant à la charge de l'employeur l'obligation de réparer le préjudice d'anxiété de l'ancien salarié au titre d'une exposition à l'amiante, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si une telle obligation pouvait être mise, à cette époque, à la charge de l'employeur compte tenu de la réglementation en vigueur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1135 du code civil ;
Alors enfin que, s'agissant du préjudice d'anxiété, s'il a été jugé que le fait que l'ancien salarié se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers était indifférent pour autant, il lui appartient d'établir, au moins, par des éléments concrets et tangibles, qu'il se trouve personnellement, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ; qu'en se bornant à retenir qu'il était parfaitement compréhensible que compte tenu de la présence de l'ancien salarié dans une entreprise concernée par le dispositif de l'ACAATA, l'ancien salarié soit confronté à une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, sans autre justification, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-19359;13-19360;13-19361;13-19362;13-19363;13-19364;13-19365;13-19366;13-19367;13-19368;13-19369;13-19370;13-19371;13-19372;13-19373;13-19374;13-19375;13-19376;13-19377;13-19378;13-19379;13-19380;13-19381;13-19382;13-19383;13-19384;13-19385;13-19386;13-19387;13-19388;13-19389;13-19390;13-19391;13-19392;13-19393;13-19394
Date de la décision : 10/12/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 déc. 2014, pourvoi n°13-19359;13-19360;13-19361;13-19362;13-19363;13-19364;13-19365;13-19366;13-19367;13-19368;13-19369;13-19370;13-19371;13-19372;13-19373;13-19374;13-19375;13-19376;13-19377;13-19378;13-19379;13-19380;13-19381;13-19382;13-19383;13-19384;13-19385;13-19386;13-19387;13-19388;13-19389;13-19390;13-19391;13-19392;13-19393;13-19394


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.19359
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