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10/12/2014 | FRANCE | N°13-18339

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 décembre 2014, 13-18339


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 4 février 2002 par la société Centre technique des industries de la fonderie en qualité de directeur commercial, a été licencié pour faute grave par lettre du 11 juin 2009 ;
Attendu que pour dire le licenciement prononcé pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à verser au salarié diverses somm

es au titre de la rupture, l'arrêt retient que la lettre de licenciement énonce...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 4 février 2002 par la société Centre technique des industries de la fonderie en qualité de directeur commercial, a été licencié pour faute grave par lettre du 11 juin 2009 ;
Attendu que pour dire le licenciement prononcé pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à verser au salarié diverses sommes au titre de la rupture, l'arrêt retient que la lettre de licenciement énonce hormis les griefs d'absence de plan de visite sérieux et de défaut de rapport d'activité commerciale, des motifs rédigés en des termes généraux et non circonstanciés consistant en une appréciation générale quant à l'implication et au travail du salarié et relevant d'une insuffisance professionnelle voire d'une insuffisance de résultat ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement reprochait au salarié notamment un refus d'exécuter les orientations arrêtées par la direction, une obstruction à la mise en place de la nouvelle organisation, une absence d'implication personnelle démontrée par une présence quasi permanente au bureau alors qu'il aurait dû être largement présent sur le terrain, une absence de plans de visite auprès de la clientèle et un défaut de rapport d'activité commerciale malgré plusieurs demandes en ce sens, ce qui constituaient des griefs précis et matériellement vérifiables et sans rechercher si les griefs reprochés au salarié n'étaient pas constitutifs d'une faute ou ne procédaient pas d'une mauvaise volonté délibérée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour le Centre technique des industries de la fonderie.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de Monsieur Henry X... par le Centre Technique des Industries de la Fonderie était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné ce dernier à lui payer les sommes de 42.768 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 4.276,80 euros au titre des congés payés afférents, 21.384 euros à titre d'indemnité de licenciement et 70.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, telle que notifiée à Monsieur X..., est rédigée en ces termes :
« (...) En raison de la crise qui touche particulièrement le secteur de l'industrie, et notamment celui de la fonderie, CTIF a mis l'accent, courant 2008, sur le besoin impératif de développer le chiffre d'affaires privé, priorité qui a été réaffirmée début 2009.
C'est pourquoi, le 15 janvier 2009, je vous ai personnellement reçu pour insister sur votre rôle essentiel et déterminant de Directeur Commercial et pour vous présenter les objectifs 2009, en soulignant particulièrement le fait que vous deviez améliorer drastiquement votre mode de management. Constatant une démotivation et un manque de réactivité de votre part, je vous ai convoqué à un entretien, le 30 mars 2009, afin de vous rappeler votre mission et de vous demander de vous ressaisir en urgence. J'ai en effet insisté sur votre démotivation avérée, votre résistance au changement qu'impose la réorganisation programmée en juin 2009, et votre détachement quant à la dégradation croissante constatée au niveau de l'activité marchande (indicateurs de carnets d'offres et de commandes en très forte baisse). J'ai souligné le décalage important et non acceptable entre les attentes que j'avais clairement formulées au travers des objectifs 2009 et le constat du moment. Je vous ai également reproché l'absence de plans de visites sérieux de la part des responsables commerciaux, l'inexistence de rapports d'activité commerciale, et votre absence d'implication personnelle, démontrée par votre présence quasi permanente au bureau de Sèvres, alors que votre rôle consiste aussi à être largement présent sur le terrain.
Nous sommes convenus alors de nous revoir rapidement compte tenu de cette situation problématique. Force est de constater que votre comportement ne s'est pas amélioré puisque vous avez fait preuve d'une réelle mauvaise volonté se traduisant par une obstruction à la mise en place de la nouvelle organisation programmée pour contrer la situation économique générale dégradée. Pour pallier votre carence, j'ai dû en effet intervenir personnellement pour expliquer devant vous aux Délégués Régionaux le nouveau rattachement nécessaire des deux laboratoires de province dont ils avalent la charge, pour imposer la décision de confier la gestion opérationnelle de ces deux laboratoires aux techniciens en place, et pour nommer une de vos collaboratrices à un poste de Responsable d'Activité, ce qu'imposait l'évolution de l'organisation. En vue de la réunion de "crise" programmée pour le 6 mai 2009, je vous ai alors envoyé un courrier aux termes duquel je vous demandais notamment de me transmettre vos suggestions permettant d'améliorer le chiffre d'affaires et vos propositions précises déclinées par Responsable Commercial. Je n'ai constaté au cours de cette réunion aucune réponse de votre part sur ces différents points. En outre, j'ai été désagréablement surpris par votre absence de propositions, traduisant un manque de travail avéré et un manque d'initiative, ce comportement préjudiciable ayant entrainé la démotivation totale de votre équipe commerciale. Pour exemple, en examinant l'agenda du mois de juin de votre équipe, je n'ai, en effet, relevé que la prise de deux rendez-vous en moyenne chez nos clients par semaine. Une telle situation n'est pas acceptable !
Il a été une nouvelle fois souligné, puisque vous n'aviez rien entrepris, qu'il était notamment impératif :
- d'intensifier les visites chez les clients en identifiant avec l'interlocuteur les produits de "crise",
- d'activer la définition de prestations flash et autres produits "catalogue",
- de mieux formater les offres pour "coller" aux besoins du Client,
- de lancer une action soutenue vers les clients "Labo Chimie Spectro",
- de soutenir l'action commerciale TDO vers les donneurs d'ordres, nombre de ces orientations ayant déjà été rappelées à maintes reprises, en particulier au cours de l'entretien du 30 mars 2009.
Votre manque de clarté quant aux actions que vous auriez conduites, votre désinvolture en total décalage avec les fonctions découlant du poste que vous occupez, voire le refus d'exécuter les orientations arrêtées lors de nos différentes entrevues, votre absence d'initiatives et votre déficience de management alors que je vous ai, à plusieurs reprises, mis en garde, me conduisent à vous licencier pour faute grave. Les explications que vous avez données au cours de l'entretien ne permettent pas d'atténuer la gravité de vos fautes. Cette faute grave implique ainsi une rupture immédiate de votre contrat de travail, dès la première présentation de cette lettre. Dans un délai de quine jours à compter de cette réception, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte avec le bulletin de paye correspondant et une attestation destinée au Pôle Emploi vous seront envoyés par lettre recommandée avec accusé de réception ».
que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail ; que la charge de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur ; qu'en outre, le licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs et imputables à ce dernier ; qu'il est reproché à Monsieur X... en conclusion de la lettre de licenciement, comme étant des éléments de la faute grave retenue à son endroit :
- un manque de clarté quant aux actions conduites, - une désinvolture « en total décalage avec les fonctions découlant du poste » occupé, - un refus d'exécuter les orientations arrêtées, - ses absences d'initiatives, - sa déficience de management ;
qu'il apparaît à la lecture que ces griefs sont rédigés en des termes généraux et ne sont pas circonstanciés ; que le texte de la lettre cite plus précisément :
- un entretien personnel du 15 janvier 2009 et l'accent mis sur le rôle essentiel de directeur commercial, le mode de management devant être "drastiquement" amélioré, - une convocation du 30 mars 2009 pour un rappel de mission, le rédacteur de la lettre soulignant une « démotivation », un « manque de réactivité », un « détachement quant à la dégradation croissante de l'activité marchande », - un « décalage entre les attentes formulées et le constat du moment », - l'absence de plan de visite sérieux, le défaut de rapports d'activité commerciale, - une « obstruction à la mise en place de la nouvelle organisation », - une absence de proposition, « traduisant un manque de travail avéré », - une référence est faite à une réunion de crise du 6 mai 2009 ;
que force est bien de constater que le texte même de la lettre de licenciement, hormis les griefs tirés de l'absence de plans de visite et du défaut de rapports d'activité commerciale, n'énonce pas non plus des faits précis mais que le rédacteur de cette lettre, Monsieur Y..., directeur général, fait état d'une appréciation générale quant à l'implication et au travail de Monsieur X... ; qu'il s'ensuit que cette appréciation générale a trait à l'insuffisance professionnelle, voire à une insuffisance de résultat ; que dès lors que dans la lettre de licenciement, l'employeur s'est placé sur le terrain disciplinaire, il n'appartient pas à la juridiction de requalifier ce licenciement en licenciement pour insuffisance professionnelle ; que le licenciement de Monsieur X... est en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse et que le jugement entrepris sera infirmé en ce sens ;
1°) ALORS QUE l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement ; que les griefs qui y sont énoncés doivent être précis et matériellement vérifiables ; qu'en décidant que les griefs adressés à Monsieur X... dans la lettre de licenciement, tirés d'un manque de clarté quant aux actions conduites, d'une désinvolture, d'un refus d'exécuter les orientations arrêtées, de ses absences d'initiatives, de sa déficience de management, ou encore de son obstruction à la mise en place de la nouvelle organisation, étaient rédigés en termes généraux et non circonstanciés, et que le texte de la lettre de licenciement faisait état d'une appréciation générale quant à l'implication et au travail de Monsieur X..., de sorte que la lettre de licenciement n'était pas motivée, bien que ces griefs aient été précis et matériellement vérifiables, la Cour d'appel a violé l'article L 1232-6 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement ; que les griefs qui y sont énoncés doivent être précis et matériellement vérifiables ; qu'en affirmant, pour décider que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, que les griefs énoncés dans sa lettre de licenciement étaient rédigés en termes généraux et n'étaient pas circonstanciés, après avoir admis que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement tirés de l'absence de plans de visite et du défaut de rapports d'activité commerciale étaient précis, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1232-6 du Code du travail ;
3°) ALORS QUE la défaillance du salarié dans l'exécution de ses obligations, lorsqu'elle procède d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée, constitue non une insuffisance professionnelle, mais une faute disciplinaire pouvant justifier son licenciement disciplinaire ; qu'en se bornant, pour décider que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, à énoncer que les faits qui lui étaient reprochés avaient trait à une insuffisance professionnelle, voire à une insuffisance de résultat, et qu'il ne lui appartenait pas de requalifier son licenciement prononcé pour faute grave en licenciement pour insuffisance professionnelle dès lors que, dans la lettre de licenciement, l'employeur s'était placé sur le terrain disciplinaire, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les faits reprochés à Monsieur X... étaient ou non fautifs et justifiaient son licenciement disciplinaire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1232-6, L 1331-1, L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-18339
Date de la décision : 10/12/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 27 mars 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 déc. 2014, pourvoi n°13-18339


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.18339
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