Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Robert Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 6 mai 2013, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de M. Christian X...du chef d'injures publiques envers particulier ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 octobre 2014 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Monfort, conseiller rapporteur, MM. Beauvais, Straehli, Finidori, Buisson, conseillers de la chambre, Mme Moreau, MM. Maziau, Barbier, Talabardon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Boccon-Gibod ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller MONFORT, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général BOCCON-GIBOD ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, 29, 31 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé le prévenu en considérant que les propos litigieux ne constituaient pas une injure mais une diffamation ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article 29, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure ; attendu, par ailleurs que selon l'article 29, alinéa premier, de la loi du 29 juillet 1881 est diffamatoire toute allégation ou imputation de faits précis de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée ; que peu importe que l'allégation ou l'imputation soit faite sous une forme dubitative ou interrogative ou même par insinuations dès lors qu'elle est suffisamment significative à l'encontre de cette personne ; que, par suite, les expressions " votre mauvaise éducation ", et " votre indignité à exercer des mandats publics " ne peuvent être considérées comme étant une injure mais doivent être qualifiées de diffamation publique dans la mesure où elles sont susceptible de faire l'objet d'un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité ; que s'agissant du mot " voyou ", il ne peut être pris dans sa seule acception mais doit s'apprécier comme étant le qualificatif du terme " comportement " dans l'expression " comportement de voyou ", que par suite, l'expression " c'est un comportement de voyou ", placée dans le contexte dans lequel elle a été tenue, renferme, elle aussi, des imputations précises de nature à faire l'objet de la preuve contraire ; que, dès lors, elle constitue une diffamation publique ; qu'en matière d'infraction à la loi sur la liberté de la presse, les faits doivent être appréciés au regard de la qualification fixée irrévocablement à l'acte initial des poursuites ; que la juridiction de jugement ne peut substituer un délit de presse à un autre délit de presse ; que, par suite, il convient de relaxer le prévenu des faits d'injure publique ;
" alors que la cour d'appel ne pouvait affirmer, sans violer, par fausse application, les dispositions visées au moyen et le principe précité, que les propos suivants : « votre mauvaise éducation », « votre indignité à exercer des mandats publics » et « comportement de voyou » constituaient une diffamation et non une injure aux motifs, totalement erronés, que ces expressions sont susceptibles de faire l'objet d'un débat contradictoire sur la preuve de leur vérité et que le mot « voyou » ne peut « être pris dans sa seule acception mais doit s'apprécier dans l'expression ¿ comportement de voyou'qui, placée dans le contexte dans lequel elle a été tenue, renferme, elle aussi, des imputations précises de nature à faire l'objet de la preuve contraire », de tels propos, qui s'analysent comme l'expression d'une opinion injurieuse, ne renfermant aucun fait précis " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'au cours d'une séance du conseil municipal de Nice, un incident est survenu entre M. Robert Y..., conseiller municipal d'opposition, et le maire, M. Christian X..., qui lui reprochait de vouloir interrompre l'exposé du premier adjoint, lors d'un débat d'orientation budgétaire ; que M. X...s'est adressé à ce conseiller en ces termes :
« S'il vous plaît, cela suffit ! Votre mauvaise éducation, votre indignité à exercer des mandats publics ¿ », et : « Vous quittez cet hémicycle si vous n'êtes pas digne d'y tenir la place qui est la vôtre ; je suis là pour faire respecter la police de séance, quand quelqu'un s'exprime, on l'écoute et on le respecte ; on vous a écouté beaucoup trop longtemps, mais on vous a écouté, ayez la correction d'écouter notre adjoint aux finances apporter des réponses, sinon ce n'est pas la peine d'intervenir et de poser de fausses questions », avant d'ajouter « c'est un comportement de voyou » ;
Que M. Y..., considérant que les expressions : " votre mauvaise éducation, votre indignité à exercer des mandats publics ", et : " c'est un comportement de voyou ", étaient injurieuses à son égard, a fait citer M. X...devant le tribunal correctionnel ; que celui-ci ayant déclaré le prévenu coupable, les parties, ainsi que le ministère public, ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour infirmer le jugement, et dire le délit d'injure non constitué à la charge de M. X..., l'arrêt retient que les expressions litigieuses, placées dans le contexte dans lequel elles ont été prononcées, renferment des imputations précises, de nature à faire l'objet d'un débat contradictoire et d'une preuve, et ne peuvent être qualifiées d'injures, mais constituent des diffamations ;
Attendu que, si c'est à tort que la cour d'appel a retenu que les propos litigieux caractérisaient une diffamation, en l'absence d'imputation ou d'allégation de faits suffisamment précis, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que, ainsi que la Cour de cassation est en mesure de s'en assurer, les paroles injurieuses incriminées, prononcées, dans le contexte d'un débat politique, par le maire, chargé de la police de l'assemblée municipale, s'analysaient en une critique du comportement de l'un de ses membres dans l'exercice de son mandat public, et ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d'expression, qui ne peut connaître d'ingérence ou de restriction, en une telle circonstance, que pour des motifs impérieux, dont l'existence n'est pas établie ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf décembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;