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03/12/2014 | FRANCE | N°13-20501

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 décembre 2014, 13-20501


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 juin 2013) que M. F... a été engagé le 13 juillet 1993 en qualité d'avocat salarié par la SCP G...
H...
X...
Y..., actuellement dénommée société J. X...- S. Z...- M. A...- A. J...- I. C...- S. K...- M. B...- L. L... ; qu'à la suite de reproches que lui a fait l'employeur sur la qualité de son travail, qu'il a contestés par lettre du 12 septembre 2011 en dénonçant un harcèlement moral, les parties ont procédé à un nouvel écha

nge de lettres ; que le salarié a été licencié pour faute grave par lettre du 4 nove...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 juin 2013) que M. F... a été engagé le 13 juillet 1993 en qualité d'avocat salarié par la SCP G...
H...
X...
Y..., actuellement dénommée société J. X...- S. Z...- M. A...- A. J...- I. C...- S. K...- M. B...- L. L... ; qu'à la suite de reproches que lui a fait l'employeur sur la qualité de son travail, qu'il a contestés par lettre du 12 septembre 2011 en dénonçant un harcèlement moral, les parties ont procédé à un nouvel échange de lettres ; que le salarié a été licencié pour faute grave par lettre du 4 novembre 2011 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire qu'il a commis une faute constitutive d'une cause réelle et sérieuse et de le débouter, en conséquence, de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que la dénonciation par le salarié de faits de harcèlement moral dont il est victime n'est pas de nature à caractériser une faute, même si l'existence n'en est pas démontrée, sauf à établir que le salarié était de mauvaise foi pour avoir connaissance de leur fausseté ; qu'en retenant que M. Jean-Luc F... ne rapporte la preuve que les allégations, insinuations et reproches que l'employeur lui reproche, d'une part, d'avoir formulés à l'encontre des associés du cabinet d'avocat dont il était salarié et, d'autre part, d'avoir diffusés au bâtonnier, au médecin du travail et à l'inspection du travail, étaient constitutifs d'un harcèlement moral, quand la dénonciation par le salarié de faits de harcèlement moral dont il avait été victime ne pouvait pas justifier son licenciement, même si l'existence n'en était pas établie, la cour d'appel qui n'a pas constaté que M. Jean-Luc F... avait connaissance de leur fausseté, a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
2°/ que la perte de confiance ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement et moins encore une faute, même quand elle repose sur des éléments objectifs ; qu'en décidant que les allégations, insinuations et reprochés formulés à l'encontre de plusieurs associés du cabinet avaient rompu la relation de confiance qui devait exister entre l'employeur et le salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3°/ que sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression ; qu'il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que M. Jean-Luc F..., dans ses conclusions (p. 12), a soutenu que les termes employés dans son courrier n'étaient pas plus excessifs de ceux de son employeur si on les mettait en parallèle : «- « allégations mensongères »..../... « ériger le mensonge en stratégie de défense » ;- « ignominie des écrits ».../... « manque de dignité » ; « summum du mensonge ».../... « contrevérités et outrances-travestir la vérité » ; « incompétence ».../... « insuffisances, carences, manque de fiabilité » ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la teneur des écrits imputés à Me Jean-Luc F... n'était pas proportionnée à la gravité des attaques de son employeur, la cour d'appel qui s'est bornée à énoncer que les écrits de M. F... constitueraient manifestement une réaction excessive, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1121-1 du Code du travail ;
4) QUE sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle ci, de sa liberté d'expression ; qu'il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que M. Jean-Luc F..., dans ses conclusions (p. 12), a soutenu que les termes employés dans son courrier n'étaient pas plus excessifs de ceux de son employeur si on les mettait en parallèle : «- allégations mensongères ».../... « ériger le mensonge en stratégie de défense » ;- « ignominie des écrits ».../... « manque de dignité » ; « summum du mensonge ».../... « contrevérités et outrances-travestir la vérité » ; « incompétence ».../... « insuffisances, carences, manque de fiabilité » » ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que la dénonciation à l'inspecteur du travail de faits concernant l'entreprise et lui paraissant anormaux ne constitue pas une faute ; qu'en reprochant à M. Jean-Luc F... d'avoir communiqué au bâtonnier, au médecin du travail et à l'inspection du travail, les courriers qu'il avait adressés à son employeur, quand il appartenait au juge de vérifier si les faits rapportés sont ou non mensongers et dans ce cas si le salarié a agi avec légèreté ou mauvaise foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le salarié avait été licencié, non pas pour avoir dénoncé des faits de harcèlement mais pour avoir porté des accusations d'incompétence et de malhonnêteté contre son employeur dans des termes virulents et excessifs, que n'appelaient pas la lettre de l'employeur à laquelle il répondait, et constaté que le salarié en avait assuré une publicité en transmettant ses lettres à des tiers, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a caractérisé un abus de la liberté d'expression constitutif d'une faute ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. F... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. F....
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR décidé que M. Jean-Luc F... avait commis une faute constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement qui n'avait pas le caractère d'une faute grave, D'AVOIR débouté M. Jean Luc F... des demandes qu'il avait formées à l'encontre de la SCP G... devenue la SCP J. X..., S. Z.... M. A.... A J..., I.
C...
. S. K..., M. B..., L. L..., pour obtenir le paiement de dommages et intérêts d'un montant de 120. 000 € et de n'AVOIR alloué à Me Jean Luc F... que les sommes de 18. 810 € brut au titre de son indemnité compensatrice de préavis de 1. 880 € à titre d'indemnités de congés payés, de 3. 503, 50 € brut au titre des salaires dus pour la période de mise à pied conservatoire, de 350, 35 € au titre de l'incidence des congés payés, de 29. 282. 75 € au titre de l'indemnité de licenciement, de 1. 851. 25 € à titre de salaires sur les RTT non prises ;
AUX MOTIFS QUE le 16 juillet 1993, a été signé entre M. Pierre Y..., représentant la SCP G...
H...
X...
Y... et M. Jean-Luc F... avocat, un contrat de travail à durée indéterminée ; que le 29 janvier 1999, les mêmes parties ont conclu un nouveau contrat de travail modifiant les conditions de rémunération du salarié par son intéressement aux honoraires hors taxes qu'il aura réalisés ; qu'enfin, un nouveau contrat a été signé le 24 mai 2000 se substituant au contrat précédent ; que le 7 septembre 2011, la SCP G... avocats a adressé à M. Jean-Luc F... une lettre recommandée avec accusé de réception par laquelle elle reprochait à ce dernier un manque de rigueur dans son travail qui s'était révélé dans plusieurs dossiers qui lui étaient confiés et au terme duquel il lui était demandé de redresser rapidement la situation, en fournissant un travail d'une qualité et d'une rigueur irréprochables, indispensables à la bonne marche du cabinet ; que le 12 septembre 2011, M. Jean-Luc F... répondait en protestant contre l'organisation de l'entretien ayant eu lieu le 5 septembre 2011 qu'il qualifiait de " guet-apens " et " assimilait à du harcèlement moral ayant des répercussions sur sa santé physique et mentale ; que faisait suite à ce premier échange un second échange épistolaire fin septembre-mi-octobre 2011, à l'issue duquel M. F... était convoqué à la médecine du travail qui le déclarait apte au travail ; que le 18 octobre 2011. la SCP G... notifiait à M. Jean-Luc F... son licenciement pour faute grave et mise à pied conservatoire et convocation pour un entretien Je 27 octobre à 17 heures ; que l'entretien avait lieu au jour et à l'heure fixés et faisait l'objet d'un compte-rendu rédigé par Madame Dany E... salariée du cabinet G... avocats qui assistait à l'entretien à la demande de M. Jean-Luc F... ; que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 novembre 2011, la SCP G... avocats a notifié à M. Jean-Luc F... son licenciement pour faute grave aux motifs suivants :- accusations de malhonnêteté de votre employeur transmises au Bâtonnier, à l'inspection du travail et au médecin du travail ;- mises en cause des qualités professionnelles et managériales de votre employeur, transmises au bâtonnier, à l'Inspection du travail et au médecin du travail ; que le 5 novembre 2011, M. Jean-Luc F... faisait part de son désaccord sur les motifs invoqués ; que M. Jean-Luc F... soutient, pour contester le bien-fondé de la décision du bâtonnier de l'Ordre des avocats de Nantes qui s'est fondé sur les seules répliques de Maître F... pour en retenir à son encontre un manquement aux principes de la profession, que la responsabilité de la SCP G... avocats est évidente dans J'escalade des propos ; qu'il fait valoir que les dispositions de l'article L 1152-2 du Code du travail ont été violées, aucun salarié ne pouvant être sanctionné ou licencié pour avoir notamment refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour les avoir relatés ; que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ; qu'en conséquence la rupture du contrat de travail est nulle aux termes de l'article L 11 52-3 du Code du travail ; que M. Jean-Luc F... fait également valoir que le grief de diffusion auprès de tiers des lettres qu'il a rédigées, est infondé ; que s'agissant de la communication au bâtonnier, celui-ci est investi d'une mission de conciliation avant toute saisine officielle ; qu'elle est donc admissible même si le bâtonnier a manqué de réactivité ; que s'agissant de la communication de sa lettre au médecin du travail, M. F... rappelle qu'il a été convoqué à la demande de la SCP G... avocats devant le médecin du travail pour vérifier son aptitude et que dès lors il lui était nécessaire d'informer ce praticien, tenu au secret professionnel, de la situation de harcèlement qu'il subissait susceptible d'avoir des répercussions sur son état de santé ; qu'il estime également qu'il est nécessaire pour un salarié subissant une situation de harcèlement moral de transmettre à l'inspection, du travail des informations sur sa situation dans l'entreprise, l'inspecteur du travail étant compétent pour veiller à l'application du Code du travail en matière de harcèlement moral et constater les infractions éventuelles et étant lui-même soumis au secret professionnel ; qu'en définitive, M. Jean-Luc F... demande que soit respectée la liberté d'expression, y compris dans les entreprises, nul ne pouvant, en application des dispositions de l'article L 11 21-1 du Code du travail apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles ou collectives, des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché : que la SCP G... avocats réplique que le licenciement de M. F... pour faute grave était justifié et que ce dernier ne remet pas en cause la matérialité des faits qui lui sont reprochés qui ressort des lettres qu'il a adressées à son employeur ; qu'elle fait valoir que M. F... a commis un abus de liberté d'expression en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, notamment à l'égard de trois des associés du cabinet, M. Jacques X..., Madame Isabelle
C...
et M. Mathieu A... ; que la SCP G... avocats conteste également que M. Jean-Luc F... ait été victime d'harcèlement moral ; qu'il appartient selon elle à ce dernier d'établir des faits précis et concordants permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'elle rappelle que M. F... n'a pas été licencié en raison de ses insuffisances professionnelles alors qu'il avait été relevé une dégradation de la qualité de son travail entraînant le mécontentement de clients mais pour un motif disciplinaire ; que de plus, si l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 institue l'indépendance de l'avocat salarié qui n'est soumis à un lien de subordination à l'égard de son employeur que pour la détermination de ses conditions de travail, ce texte ne confère pour autant aucune immunité au collaborateur salarié qui agit pour le compte du cabinet qui l'emploie ; qu'enfin la SCP G... avocats soutient que la transmission des deux courriers au bâtonnier supposait que ce dernier soit saisi d'un différend opposant M. F... à la SCP G... avocats, ce qui n'était pas le cas ; que de même, la transmission des mêmes courriers à la médecine du travail était inutile et enfin que l'inspection du travail ne connaissant pas des litiges entre salariés et employeurs, la transmission des courriers était opérée dans le but de dénigrer l'employeur ; qu'il sera rappelé que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant d'un contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la période de préalable de préavis ; que la charge de la preuve incombe à l'employeur qui l'invoque ; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que les griefs reprochés à M. Jean-Luc F... sont issus des lettres que celui-ci a adressées à la SCP G... avocats, après son entretien avec Madame Isabelle
C...
, le 5 septembre 2011 ; qu'il lui est reproché d'avoir tenu des accusations de malhonnêteté à l'égard de son employeur et mis en cause les qualités professionnelles de celui-ci en les diffusant au surplus au bâtonnier, au médecin du travail et à l'inspection du travail ; que M. F... ne conteste pas ses propos écrits dont il a lui-même indiqué maintenir tous les termes dans son second courrier du 11 octobre 2011 ; qu'il met en cause longuement les qualités professionnelles de Madame Isabelle
C...
, associée qui a mené l'entretien préalable ; qu'ainsi, il lui reproche son ignorance de la notion d'UES, à savoir l'Unité économique et sociale qui est, en droit français du travail, une notion contraignant au regroupement de plusieurs entreprises juridiquement distinctes pour la mise en place d'un comité d'entreprise commun ; que cette notion d'origine jurisprudentielle est relativement ancienne puisque 1'arrêt fondateur est un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 23 avril 1970 ; qu'au surplus cette notion qui a été reprise dans les lois Auroux de 1982 et Aubry de 1998 et 2000 que nul ne peut ignorer est largement connue des spécialistes du droit du travail ; que non sans une certaine condescendance vis-à-vis de sa consoeur, M. F... lui a rappelé sa propre expérience de trente-cinq années, tout en lui reprochant de ne pas être à même de poser clairement des questions juridiques ainsi que son autoritarisme ; qu'il a également insinué que Madame Isabelle
C...
ne devait son entrée dans le cabinet qu'à son amitié indéfectible à l'une des associées et a en outre manifesté sa rancune sur le fait qu'elle était devenue associée sans qu'il en ait lui-même été averti, ce qui n'était pas une obligation pour l'employeur puisque M. Jean-Luc F... n'était pas lui-même associé ; que M. Jean-Luc F... a également accusé d'autres associés, Messieurs Jacques X... et Mathieu A..., de ne pas respecter le Code du travail et la loi Evin au sein du cabinet ; qu'il s'est estimé victime de brimades permanentes et d'un isolement important ; que ces allégations, insinuations, reproches formulés à rencontre de plusieurs associés du cabinet ne sont étayés par aucune preuve ; que les attestations de confrères ou consoeurs de M. F... sur sa propre compétence ne suffisent pas à rapporter la preuve ou même un commencement de preuve de faits qu'il a lui-même reproché aux associés du cabinet d'avocats dont il était le salarié et qu'il estime constitutifs de harcèlement moral ; que cette faute est d'autant avérée qu'elle émane d'un avocat, rompu au droit social et aux procédures de licenciement qui connaît exactement les conséquences de ses écrits et de ses actes ; que cette faute a rompu la relation de confiance qui devait exister entre l'employeur et le salarié ; qu'elle constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement sans toutefois constituer une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la période de préalable de préavis ; qu'en effet, les propos écrits de M. F... constituent manifestement une réaction excessive aux reproches qui ont été formulés sur la baisse de qualité de son travail et la nécessité pour lui de fournir à nouveau un travail conforme à celui qui est attendu d'un collaborateur confirmé ; que dès lors, cette faute n'était pas de nature, comme l'a relevé à juste titre le bâtonnier dans sa décision, à justifier la rupture immédiate du contrat de travail notamment en raison de l'ancienneté de 18 ans de M. F... dans le cabinet et de la reconnaissance de son investissement puisqu'il était rémunéré par intéressement au chiffre d'affaires réalisé par lui depuis 1999 ; que la décision du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Nantes déférée à la cour sera confirmée en ce qu'elle a jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et accordé à M. Jean-Luc F... une indemnité de préavis et les congés payés afférents, un rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire ainsi qu'une indemnité de licenciement et une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; que de même, le rappel de salaire au titre des jours RTT non pris est dû puisqu'il appartient non pas au salarié de démontrer qu'il n'a pu les prendre mais à l'employeur de tenir compte des congés et RIT pris par les salariés et d'y opposer une pièce justificative de relevé pour s'opposer à la demande, ce que ne fait pas la SCP G... avocats ; que la décision sera également confirmée en ce qu'elle a débouté M. Jean-Luc F... de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement abusif, sans cause réelle ou sérieuse ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE Maître Jean-Luc F... considère que les courriers que son employeur lui a adressés les 7 et 29 septembre 2011 constituent une critique généralisée et infondée de son travail et de ses compétences professionnelles et qu'ils sont empreints d'une certaine agressivité, voire de violence et de dénigrement ; qu'il considère qu'il s'agit là d'une violation de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 rappelant l'indépendance de l'avocat salarié par rapport à son employeur en dehors de ses conditions de travail et estime qu'il était de son droit de répondre à son employeur et que sa réponse a été proportionnée et adaptée et ne constitue pas un abus de sa liberté d'expression ; qu'il fait valoir que sa transmission des correspondances échangées à des tiers était légitime au Bâtonnier, eu égard à son rôle défini aux articles 21 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971 et 175 du décret du 27 novembre 1991, à la Médecine du Travail, eu égard à l'article R. 4624-9 du Code du travail soumettant cette institution au secret professionnel, à l'Inspection du Travail, eu égard à l'article 1. 8112-1 du Code du travail et à la mission générale de veille et de conseil de cette administration dans 1'application du droit du travail, ainsi qu'en raison de sa soumission au secret professionnel ; qu'il estime n'avoir commis aucune faute et que, par conséquent, le licenciement dont il a été l'objet est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que la SCP G... réplique que l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 n'interdit pas à l'employeur de critiquer et contrôler le travail d'un avocat salarié ni de sanctionner ses manquements et que, par conséquent, les courriers qu'elle lui a adressés sont exempts de toute faute ; qu'elle soutient que les courriers de M. Jean-Luc F... contiennent des propos injurieux, diffamatoires et excessifs et qu'ils constituent un abus de sa liberté d'expression ; qu'elle conteste par ailleurs la légitimité de la transmission des courriers à des tiers : au Bâtonnier, en ce que cette transmission ne l'a pas valablement saisi et qu'il ne s'agissait pas d'un litige encore né ; à la Médecine du travail et à l'inspection du travail en ce qu'il n'y avait nul rapport entre le contenu des courriers et le rôle de ces administrations ; que selon elle, ces envois n'ont eu d'autre but que de nuire à la réputation du Cabinet ; que la lettre de licenciement du 4 novembre 2011 est motivée comme suit : « Nous vous informons que nous avons décidé de procéder à voire licenciement pour faute grave aux motifs suivants :- accusations de malhonnêteté de votre employeur (pris en la personne de ses représentants légaux) transmises au Bâtonnier, à l'Inspection du Travail et au Médecin du Travail :- mises en cause des qualités professionnelles et managériales de votre employeur transmises au Bâtonnier, à l'Inspection du Travail si au Médecin du Travail... ; que « ces attaques personnelles, dans des termes pour le moins excessifs portent atteinte à l'intégrité et à la respectabilité des membres de notre Cabinet » ; que la lettre d'énonciation des motifs du licenciement fixant les limites du litige qu'il importe de déterminer si les deux motifs invoqués par la SCP G... dans sa lettre de licenciement du 4 novembre 2011 sont constitutifs d'une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail de M. Jean-Luc F... et, dans la négative, s'ils constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que la SCP G... a licencié Maître Jean-Luc F... pour avoir porté dans ses deux courriers des 12 septembre et 11 octobre 2011, des accusations de malhonnêteté à l'égard de son employeur et des mises en cause de ses qualités professionnelles et managériales et d'avoir porté ces accusations à la connaissance du Bâtonnier, de l'Inspection du Travail et du Médecin du Travail ; que le courrier de la SCP G... Je 7 septembre 2011, s'il n'est empreint d'aucune agressivité, contient un certain nombre de reproches et une invitation « à redresser rapidement la situation en fournissant un travail d'une qualité et d'une rigueur irréprochable, indispensable à la bonne marche de notre Cabinet » ; que les faits évoqués dans cette lettre ne sont pas datés et constituent une critique assez générale de la qualité du travail effectué par M. Jean-Luc F... ; qu'il convient de préciser que c'est le premier courrier de ce type que M. Jean-Luc F... a reçu de son employeur au terme de 18 années de présence sans heurt dans le Cabinet ; que dans son courrier du 12 septembre 2012, M. Jean-Luc F... s'est défendu des manquements qui lui étaient imputés, tout en inscrivant les reproches qui lui étaient faits dans une volonté globale de harcèlement moral de la part des associés de la SCP G... ; qu'il a également évoqué la dégradation de sa situation depuis l'arrivée dans le Cabinet en 2006, de Madame Isabelle
C...
et, plus encore, à compter de 2010, lorsqu'elle est devenue associée ; qu'il a également fait état d'un certain nombre de difficultés dans ses relations avec un associé plus particulièrement qui, à en croire, aurait également fait preuve de harcèlement moral à son encontre ; que si le ton de ce courrier révèle une certaine animosité à rencontre de ses employeurs de la part de Maître Jean-Luc F..., on n'y relève pas, néanmoins, un abus de la liberté d'expression ; que la Société G... n'en a d'ailleurs pas sérieusement disconvenu puisqu'elle lui a répondu le 29 septembre 20 Il en lui reprochant, certes, le ton qu'il avait employé et les accusations qu'elle considérait infondées à l'encontre des associés de la Société mais sans tirer de conséquence du contenu de cette correspondance sur la poursuite du contrat de travail ; que la lettre de la SCP G... du 29 septembre 20 Il est une réponse à celle de Jean-Luc F... du 12 septembre 2011 ; qu'elle contient une critique des accusations portées à son encontre et une dénégation formelle de ces accusations sur un ton qui ne peut donner lieu à une critique particulière ; que Maître Jean-Luc F... ne l'a pas ressentie comme telle puisqu'il a immédiatement répondu le 11 octobre 2011 en considérant qu'elle contenait « encore une fois des allégations mensongères 11et des insultes » ; qu'il a indiqué maintenir tous les termes de son courrier du 12 septembre 2011 et a répondu à tous les points développés par son employeur dans sa lettre du 29 septembre ; que c'est manifestement cette correspondance qui a amené la SCP G... à lui notifier une mise à pied conservatoire et à le convoquer à un entretien préalable a son licenciement ; que, pour l'essentiel, cette lettre du 11 octobre 2011 reprend les reproches déjà formulés dans celle du 12 septembre mais en ces termes plus virulents ; que c'est ainsi que Maître Jean-Luc F... fait état, à plusieurs reprises, « d'allégations mensongères de son employeur » (pages 2, 5 et 6), et qu'il indique, notamment : « Vos écrits atteignent l'ignominie... vous atteignez le summum du mensonge... sauf lorsque vous constatez votre incompétence à en traiter » : qu'il n'est sans doute pas inutile de rappeler que le présent litige oppose deux parties qui ont la qualité d'avocat ; qu'elles sont, l'une comme l'autre, tenues de respecter les principes essentiels de la profession et de faire preuve, entre elles, notamment de confraternité, de délicatesse et de modération ; que si les deux lettres de la SCP G... des 7 et 29 septembre 2011 révèlent une dégradation des relations professionnelles dont nous n'avons pas à nous faire juge, puisqu'il ne s'agit pas du motif du licenciement, l'employeur considérant que le salarié était défaillant dans ses obligations professionnelles et le salarié contestant formellement ce reproche et mettant en cause les propres qualités professionnelles de son employeur, les répliques de Maître F..., notamment et principalement celles du 11 octobre 2011, nous révèlent un manquement à ces principes essentiels et un abus à sa liberté d'expression ; qu'il paraît évident qu'un employeur ne peut accepter d'envisager la poursuite d'une relation contractuelle avec un salarié qui s'autorise à faire état, à son encontre « d'allégations mensongères, d'ignominie, de summum du mensonge et de son incompétence » ; qu'il le peut d'autant moins que Maître Jean-Luc F... s'est cru autoriser à assurer une diffusion auprès de tiers, non seulement de ses réponses mais également des lettres qu'il recevait de son employeur ; que si on peut admettre qu'un avocat collaborateur salarié tienne informé son Bâtonnier des difficultés qu'il rencontre avec son employeur, il n'en va pas de même pour ce qui concerne l'Inspection du Travail et la Médecine du Travail ; que si l'une et l'autre peuvent parfaitement être saisies par un salarié dans le cadre d'un différend avec l'employeur, il ne s'est pas agi de cela en l'espèce puisque Maître F... s'est contenté de leur communiquer les correspondances sans formuler aucune demande particulière ; que cette façon de procéder est encore plus étonnante de la part d'un Avocat qui n'ignore pas que son juge naturel est le Bâtonnier qu'il pouvait solliciter pour lui demander d'organiser une conciliation ou de réunir les parties pour tenter d'apaiser leurs relations ; qu'il nous apparaît donc que les propos contenus par Maître Jean-Luc F... dans sa lettre du 11 octobre 2011, aggravés par la publicité qu'il leur a donnée auprès de la Médecine du Travail et de l'inspection du Travail, sont constitutifs d'une faute ; que cela étant, cette faute n'était pas de nature à justifier la rupture immédiate du contrat de travail, notamment au regard de l'ancienneté de Maître Jean-Luc F... dans le Cabinet, de sa contribution importante à son développement et de l'investissement dont il a fait preuve tout au long de sa collaboration ; qu'il sera permis d'ajouter que la SCP G... ne pouvait pas ne pas prendre en compte le fait que son collaborateur à qui elle n'avait jamais adressé aucun reproche pendant 18 années réagisse de façon virulente et excessive aux critiques de son activité professionnelle ; qu'en conclusion, nous considérons que la faute grave reprochée à Maître Jean-Luc F... n'est pas justifiée, mais qu'il a commis une faute constitutive d'une cause et sérieuse de licenciement ;

1. ALORS QUE la dénonciation par le salarié de faits de harcèlement moral dont il est victime n'est pas de nature à caractériser une faute, même si l'existence n'en est pas démontrée, sauf à établir que le salarié était de mauvaise foi pour avoir connaissance de leur fausseté ; qu'en retenant que Me Jean-Luc F... ne rapporte la preuve que les allégations, insinuations et reproches que l'employeur lui reproche, d'une part, d'avoir formulés à l'encontre des associés du cabinet d'avocat dont il était salarié et, d'autre part, d'avoir diffusés au Bâtonnier, au Médecin du Travail et à l'Inspection du travail, étaient constitutifs d'un harcèlement moral, quand la dénonciation par le salarié de faits de harcèlement moral dont il avait été victime ne pouvait pas justifier son licenciement, même si l'existence n'en était pas établie, la cour d'appel qui n'a pas constaté que Me Jean-Luc F... avait connaissance de leur fausseté, a violé les articles L 1152-2 et L 1152-3 du Code du travail ;
2. ALORS QUE la perte de confiance ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement et moins encore une faute, même quand elle repose sur des éléments objectifs ; qu'en décidant que les allégations, insinuations et reprochés formulés à l'encontre de plusieurs associés du cabinet avaient rompu la relation de confiance qui devait exister entre l'employeur et le salarié, la cour d'appel a violé les articles L 123-1-1, L 123-1-5 et L 123-1-9 du Code du travail.
3. ALORS QUE sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression ; qu'il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que Me Jean-Luc F..., dans ses conclusions (p. 12) a soutenu que les termes employés dans son courrier n'étaient pas plus excessifs de ceux de son employeur si on les mettait en parallèle : «- " allégations mensongères ".../...''ériger le mensonge en stratégie de défense'':- " ignominie des écrits''.../... " manque de dignité " : " summum du mensonge ".../...''contrevérités et outrances travestir la vérité ·';.. incompétence ".../... " insuffisances, carences, manque de fiabilité " » ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la teneur des écrits imputés à Me Jean-Luc F... n'était pas proportionnée à la gravité des attaques de son employeur, la cour d'appel qui s'est bornée à énoncer que les écrits de M. F... constitueraient manifestement une réaction excessive, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1121-1 du Code du travail ;
4. ALORS QUE sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression ; qu'il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; que Me Jean-Luc F..., dans ses conclusions (p. 12), a soutenu que les termes employés dans son courrier n'étaient pas plus excessifs de ceux de son employeur si on les mettait en parallèle : «- " allégations mensongères ".../... " ériger le mensonge en stratégie de défense " ;- " ignominie des écrits''.../... " manque de dignité''; · · summum du mensonge ".../..... contrevérités et outrances travestir la vérité " : " incompétence''.../... " insuffisances carences, manque de fiabilité " » ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
5. ALORS QUE la dénonciation à l'inspecteur du travail de faits concernant l'entreprise et lui paraissant anormaux ne constitue pas une faute ; qu'en reprochant à Me Jean Luc F... d'avoir communiqué au Bâtonnier, au Médecin du Travail et à l'inspection du Travail, les courriers qu'il avait adressés à son employeur, quand il appartenait au juge de vérifier si les faits rapportés sont ou non mensongers et dans ce cas si le salarié a agi avec légèreté ou mauvaise foi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 123-1-1, L 123-1-5 et L 123-1-9 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-20501
Date de la décision : 03/12/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 18 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 déc. 2014, pourvoi n°13-20501


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.20501
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