LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 5 mars 2012), qu'en 2007 Mme X...a assigné M. et Mme Y...en revendication de la propriété par prescription d'une parcelle cadastrée AC 65, en nullité de l'acte de notoriété acquisitive des 19 avril et 2 mai 2006 établi en faveur de ceux-ci et en expulsion ; que M. et Mme Y...ont reconventionnellement revendiqué la propriété de la parcelle par prescription et demandé l'expulsion de Mme X...;
Attendu que, pour accueillir la demande de Mme X..., l'arrêt relève que la présence des consorts Y...est attestée sur la parcelle à partir des années 70, qu'il est établi que Mme X..., qui effectue des travaux de culture de la canne à sucre depuis 1996, a reversé le cinquième de ce qu'elle percevait à Mme Y...et que suivant procès-verbal d'accord du 9 septembre 2005 devant le conciliateur de justice du tribunal d'instance de Pointe à Pitre saisi par Mme X..., il a été convenu que « Mme X...a appelé Mme Y...en régularisation d'un terrain appartenant à Mme Y...qu'elle exploite. Mme Y...ne pense plus continuer à laisser exploiter ses terres et demande à Mme X...de quitter les lieux dans les meilleurs délais et cela jusqu'au 9 octobre 2005 ce que Mme X...accepte » et retient que, cependant, le titre de la possession des consorts Y...n'a pas été interverti par la contradiction opposées aux droits de Mme X...et de ses auteurs, lesquels avaient travaillé et habité sur la parcelle à partir des années 1940 ;
Qu'en statuant ainsi par des motifs contradictoires, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne Mme X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X...à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Thouin-Palat et Boucard ; rejette les demandes de Mme X...;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour Mme Armande
Z...
, épouse Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté que Madame X...était propriétaire de la parcelle sise à Grand Bourg de Marie Galante section Vanniers cadastrée AC n° 65 pour une contenance de 2 ha 56 a et 59 ca, d'AVOIR en conséquence, déclaré nul et de nul effet l'acte de notoriété acquisitive dressé le 19 avril et 2 mai 2006 par Me Desgranges, et d'AVOIR ordonné l'expulsion des consorts Y...;
AUX MOTIFS QUE : « En premier, comme devant le premier juge, les consorts Y...ne sont pas en mesure de produire l'acte authentique contenant acquisition par M. Charles Y..., leur mari et père, courant 1971 de la parcelle litigieuse et se prévalent par conséquent de l'acte de notoriété acquisitive établi les 19 avril et 2 mai 2006, publié le 21 juin 2006 et discuté par Mme X...qui elle-même, ne produit aucun titre ; qu'ainsi aucune des parties n'est en mesure de se prévaloir d'un titre de propriété ; qu'en second lieu, suivant procès-verbal de constat d'accord des parties, passé le 9 septembre 2005 devant le conciliateur de justice du tribunal d'instance de Pointe à Pitre, saisi par Mme X..., il a été convenu ce qui suit « Mme X...a appelé Mme Y...en régularisation d'un terrain appartenant à Mme Y...qu'elle exploite. Mme Y...ne pense plus continuer à laisser exploiter ses terres et demande à Mme X...de quitter les lieux dans les meilleurs délais et cela jusqu'au 9 octobre 2005 ce que Mme X...accepte. ; qu'à cet égard, il est en effet justifié par Mme X...de la culture de canne à sucre depuis 1996 sur une terre non précisée mais relevant apparemment de la section Vanniers de la commune de Grand Bourg de Marie Galante au terme de l'attestation établie par la SCAMA et produite par Mme X...; qu'il est également établi que cette dernière a reversé le cinquième de ce qu'elle percevait à Mme veuve Y...; que par ailleurs, il résulte de l'attestation du trésorier de la trésorerie de Marie-Galante établie le 10 mars 2010 que la succession Y..., au nom de laquelle la parcelle litigieuse est référencée par le service du cadastre depuis au moins 2001, date de l'extrait le plus récent produit aux débats, était à jour de ses taxes foncières au 31 décembre 2009, leur existence étant justifiée depuis 1994 ; qu'enfin, le premier juge s'est livré à une minutieuse et exacte analyse des attestations produites devant lui par chacune des parties parfaitement contraires pour des périodes différentes ; que les nouvelles attestations produites ne remettent pas en cause cette contradiction sur des périodes différentes ; que cependant, l'ensemble des éléments produits atteste de périodes différentes mais aussi successives ; qu'en effet, les témoins de Mme X...attestent d'une présence sur la parcelle litigieuse à partir des années 40 alors que ceux des consorts Y...attestent d'une présence sur la même parcelle à partir des années 1970 ; qu'à cet égard, les consorts Y...ne peuvent prescrire que si le titre de leur possession se trouvait interverti notamment par la contradiction qu'ils ont ainsi opposée à Mme X...et à ses auteurs les consorts B...; que tel n'est pas le cas en l'espèce, les appelants ayant certes démontré l'accomplissement de travaux de défrichement et de culture apportant la contradiction à ceux de Mme X...et de ses auteurs mais ne les ayant fait constater l'acte de notoriété acquisitive publié le 21 juin 2006, l'interversion alléguée ne pouvant prendre effet qu'à compter de ce jour ; que dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge a fait droit aux prétentions de Mme X...
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES SELON LESQUELS « Certes les défendeurs communiquent un acte de notoriété acquisitive établi les 19 avril et. 2 mai 2006 mais cet acte notarié ne saurait restreindre la faculté du juge d'apprécier la réunion des conditions d'acquisition de l'immeuble ; qu'il convient donc de se livrer une étude attentive des pièces pour rechercher si Monique X...a détenu ou joui de la parcelle sise Vanniers durant plus de 30 ans et de manière non interrompue, paisible, publique non équivoque et à titre de propriétaire. Il est de jurisprudence constante que ces éléments doivent être caractérisés par des actes de matériels ; qu'en ce qui concerne les attestations, il convient de relever à titre liminaire que de nombreuses communiquées par les deux parties ne sont pas de la même écriture que la signature, contrairement aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ; que Monique X..., fille de Richarlia Odette B..., produit un grand nombre d'attestations de personnes vivant section Vanniers et d'un certain âge selon lesquelles ses parents et elle-même (née en 1953) ont " toujours " habité sur la parcelle litigieuse, dans la maison de tôle construite dessus ; Monique X...y serait née (M. D....), serait allée à l'école et y aurait élevé ses cinq enfants (M et Mme E..., Mmes F..., H...notamment). Mme I...et M. J...parlent d'une durée d'occupation par la famille B...supérieure à 45 ans. Selon d'autres témoins Monique X...a " toujours " travaillé cette terre en cultivant la canne à sucre et en élevant des animaux. Le nombre de personnes de la section ayant témoigné donne un caractère publique à cette possession ; que seules deux personnes indiquent qu'elle habitait chez sa grand-mère ; que Monique X...verse aussi au débat les attestations de récolte de canne à sucre de 1996 à 2006 sur laquelle figure l'adresse de la parcelle litigieuse pour des quantités variant entre 20 et 541 ; qu'on peut déplorer la non-production de l'acte d'acquisition allégué par les défendeurs ; qu'Amande Z...veuve Y...et Denis Y...ne formulent aucune critique quant au contenu de ces attestations ni à la qualité de leurs rédacteurs qu'ils se contentent de produire des attestations moins nombreuses et relatives à une autre période. En effet il ressort que Charles Apollon Y...-mari et père des défendeurs-se rendait régulièrement sur ce terrain acquis en 1971 par acte établi par Me C..., notaire, qui n'est toutefois pas communiqué ; que plusieurs de ses amis confirment qu'il y élevait des animaux, y cultivait la canne à sucre et avait construit la maison en tôle qui s'y trouve encore. M. L...se souvient avoir permis le déboisement de cette parcelle du vivant de Charles Y...et M M...soutient avoir continué à cultiver la terre pour la veuve et les enfants par des cultures vivrières ; que les trois autres personnes ayant témoigné devant le notaire pour l'établissement de l'acte de notoriété ont confirmé l'occupation de la parcelle par leur ami Charles Y...; qu'enfin Mme N...se souvient y être allée de 1971 au décès de Charles Y...puis moins régulièrement ; qu'elle fait allusion à la présence " tolérée " des demandeurs en contrepartie d'une indemnité ; que Monique X...critique la santé mentale ou le discernement de certains attestant mais M. O...vient seulement indiquer que son père souffre d'asthénie depuis plusieurs années ; que par contre il n'est pas contesté que les autres témoins ne sont pas tous originaires de Vanniers ; qu'Amande Z...veuve Y...et Denis Y...communiquent ensuite un relevé de propriété établi en 2001 mentionnant la succession de Charles Y...ainsi que la preuve de ce qu'ils sont à jour les taxes foncières depuis 1971, sans que ledit document n'indique précisément l'adresse de la parcelle ; qu'ils produisent aussi la lettre qu'ils ont adressée le 13 juin 2005 à Monique X...pour mettre fin au contrat de location et lui demander d'enlever les animaux et d'arrêter la culture sur cette terre ; que le procès-verbal établi par le conciliateur le 9 septembre 2005 prend acte de l'accord de Monique X...pour quitter les lieux avant le 9 octobre 2005 alors qu'elle l'avait saisi pour la régularisation sur cette terre ; que le maire a établi un certificat de prescription acquisitive le 17 janvier 2005 avec d'autres témoins que ceux qui se sont présentés ultérieurement devant le notaire (sur la validité duquel on peut s'interroger) et un huissier a dressé un constat de la parcelle le 16 octobre 2007 dans lequel il est fait mention d'une baraque en tôle et d'un terrain en friche ; qu'enfin Mme veuve Y...a eu recours à un géomètre pour dresser un procès-verbal de délimitation et de bornage de la parcelle le 12 novembre 2004 ; qu'Armande
Z...
veuve Y...et Denis Y...versent aux débats trois chèques établis par Monique X...en septembre 2003, 2004 et 2005 sur lesquels elle ne s'explique pas ; qu'ils soutiennent qu'ils correspondent au loyer qu'elle leur devait au titre de la location de la terre ; qu'ainsi l'un d'eux porte un calcul faisant comprendre que le montant de la provision correspond au cinquième du montant perçu de la Sucrerie et Rhumerie de Marie Galante pour la récolte de canne à sucre sur une parcelle sise à Vannier. Pour 2003 à 2005, Monique X...ne peut donc démontrer avoir possédé la parcelle litigieuse en qualité de propriétaire dès lors qu'elle versait à Mme Y...une quote-part de sa production agricole équivalent à un loyer ; que pour la période antérieure aucun élément ne vient caractériser la qualité de locataire de Monique X...et l'interversion évoquée par les défendeurs ne doit donc pas être recherchée ; qu'il résulte du dossier que les témoignages rapportés par Monique X...ne sont pas contredits par ceux établis par les défendeurs qui visent la période autour de 1971 ; que de plus les démarches juridiques ont été réalisées à partir de novembre 2004 et ils ne justifient d'aucun acte matériel de possession de ce terrain ; que par conséquent le tribunal considère que Monique X...a prescrit de manière continue, paisible, publique, non équivoque à titre de propriétaire durant 30 ans. Ces éléments conduisent à déclarer nul et de nul effet l'acte de notoriété acquisitive dressé les 19 avril et 2 mai 2006 par M° Desgranges, notaire » (jugement p. 3, 4 et 5).
ALORS 1°/ QUE : le possesseur actuel qui prouve avoir possédé anciennement est présumé avoir possédé pendant le temps intermédiaire ; que les consorts Y...ont déclaré avoir acquis la parcelle C 65 à Laman Vanniers en 1970 et s'être depuis lors comporté en seuls propriétaires de cette parcelle ; que la cour d'appel a constaté que les consorts Y...avaient établi leur présence sur la parcelle à compter des années 1970 et qu'ils avaient procédé à l'accomplissement de travaux de défrichement et de culture à partir de cette date ; qu'elle a constaté, par ailleurs, qu'ils justifiaient s'être acquittés des taxes et impôts locaux afférents à cette parcelle depuis 1994 et l'avaient donnée à bail depuis 1996, d'où il s'ensuivait que les consorts Y...pouvaient se prévaloir d'une prescription acquisitive trentenaire ; qu'en refusant cependant de constater la prescription acquisitive trentenaire au bénéfice des consorts Y..., en se fondant de manière inopérante sur la circonstance que les consorts Y...avaient démontré l'accomplissement d'actes apportant la contradiction à ceux de Madame X..., ils ne les avaient pas fait constater, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 2234 et 2262 anciens du code civil ;
ALORS 2°/ QUE : aux termes d'un procès-verbal de constat d'accord, Madame X...a reconnu le droit de propriété des consorts Y...sur la parcelle litigieuse et s'est engagée à le respecter en quittant les lieux dans les meilleurs délais ; qu'en décidant cependant que Madame X...était fondée à se prévaloir de la propriété par prescription acquisitive de la parcelle en cause, la cour d'appel a méconnu l'accord passé entre les parties et violé les articles 130 et 1134 du code civil ;
ALORS 3°/ QUE : à tout le moins, en s'abstenant de rechercher si par ce procès verbal de constat d'accord, Madame X...n'avait pas renoncé à se prévaloir d'une quelconque prescription acquisitive sur la parcelle en question, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et violé l'article 1134 du code civil.
ALORS 4°/ QU'en toute hypothèse, le locataire qui détient précairement le bien ne peut le prescrire ; que la cour d'appel a constaté que Madame X...avait loué à Madame Y...la parcelle litigieuse et avait exécuté ses obligations de locataire en payant le loyer fixé entre les parties ; qu'en décidant cependant que Madame X...était fondée à se prévaloir de la propriété de la parcelle litigieuse par prescription acquisitive, la cour d'appel a violé l'article 2236 ancien devenu 2266 du code civil.