LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que par acte du 6 novembre 2002, la société Suffren avait assigné la société Passage du port en revendication de la propriété d'une terrasse, sur laquelle celle-ci avait édifié et donné à bail un local commercial et que par arrêt du 19 décembre 2006 la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait confirmé le jugement disant que cette terrasse était la propriété de la société Suffren, ordonnant sa restitution et une expertise sur les éléments du préjudice, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que la société Passage du port n'avait pas possédé de mauvaise foi la terrasse antérieurement au 6 novembre 2002 a pu, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, ordonner la restitution des loyers constitutifs des fruits perçus à compter de cette date ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen auquel la société Suffren a déclaré renoncer :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Suffren aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Suffren ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils pour la société Suffren
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire ;
AUX MOTIFS QUE le jugement était confirmé en ce qu'il avait rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise formulée par la SCI Suffren et considéré que Mme X..., expert commis le 7 septembre 2005, avait régulièrement accompli sa mission en recherchant les différents éléments per-mettant de déterminer l'emprise de la terrasse litigieuse ; qu'elle avait répondu à l'ensemble des dires des parties et avait explicité son mode de calcul pour déterminer la base de l'indemnisation de la SCI Suffren ; que, ainsi que le tribunal l'avait relevé, le contenu du rapport ne révélait aucun élément de partialité à l'égard de la SCI Suffren (arrêt attaqué, p. 4, alinéa 5) ;
ALORS QUE l'expert ne peut porter d'appréciation d'ordre juridique ; que dans sa note de synthèse n° 1, l'expert judiciaire s'était prononcé sur la propriété du lot n° 130 ; qu'en affirmant que le technicien avait régulièrement accompli sa mission et que le contenu de son rapport ne révélait aucun élément de partialité à l'égard de l'exposante, sans s'expliquer sur le reproche adressé à l'expert d'avoir porté dans sa note de synthèse n° 1 des appréciations d'ordre juridique en dépit de l'interdiction qui en est faite aux techniciens, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 238, alinéa 3, du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'occupante d'un lot de copropriété (la SCI Passage du Port) à payer à la propriétaire dudit lot (la SCI Suffren, l'exposante) la somme de 80.739,53 ¿ à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la SCI Suffren sollicitait la réformation du jugement sur le montant de l'indemnisation de son préjudice lié à la privation de jouissance de la terrasse ; que, selon l'article 549 du code civil le simple possesseur ne faisait les fruits siens que dans les cas où il possédait de bonne foi ; que, dans le cas contraire, il était tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendiquait ; que, selon l'article 550 du code civil, le possesseur était de bonne foi, quand il possédait comme propriétaire en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignorait les vices ; qu'il cessait d'être de bonne foi du moment où ces vices lui étaient connus ; qu'en application de ces dispositions, le possesseur de bonne foi devait restituer les fruits à compter de la demande ; que l'assignation portant action en revendication de la terrasse avait été délivrée le 6 novembre 2002 par la SCI Suffren ; qu'à compter de cette date, la SCI Passage du Port, qui ne pouvait plus prétendre à sa qualité de possesseur de bonne foi, comme étant informée des vices qui affectaient son titre de propriété, devait restituer les fruits au véritable propriétaire ; que, dès lors, le tribunal ne pouvait procéder à une indemnisation à compter du 26 février 1974, en ce que, antérieurement au 6 novembre 2002, la SCI Passage du Port ne possédait pas de mauvaise foi ; qu'il était établi par bail commercial, régulièrement communiqué aux débats, que le 27 avril 1999 la SCI Passage du Port avait donné à bail à Pascal Y..., gérant de l'agence immobilière des Champs Elysées, le local de 17 m² implanté sur le lot n° 130, moyennant un loyer mensuel de 3.232,17 F, soit 492,74 ¿ (hors TVA et hors charges) ; que, selon l'actualisation prévue par ce contrat, l'expert judiciaire avait établi qu'au 1er avril 2009 le loyer s'élevait à 731,17 ¿ ; qu'aucun élément justifiant de la libération des locaux implantés sur la terrasse litigieuse et de la cessation de perception de loyer sur ce bien qui en résulterait, n'était produit aux débats ; qu'en conséquence il y avait lieu de fixer la durée concernant la perception des loyers constitutifs des fruits entre le 6 novembre 2002 et la date du présent arrêt (arrêt attaqué, p. 4, alinéas 6 et 7, p. 5, alinéas 1 à 12) ;
ALORS QUE le possesseur de mauvaise foi est tenu de restituer les fruits de la chose au véritable propriétaire spolié, tandis que le possesseur est de mauvaise foi à compter du moment où il connaît les vices de sa possession; qu'il résultait d'une décision de justice ayant acquis force de chose irrévocablement jugée (arrêt du 19 décembre 2006), et se trouvant aux débats, que la SCI Passage du Port était possesseur de mauvaise foi depuis l'origine, c'est-à-dire depuis qu'elle s'était approprié la terrasse lors de la création de la galerie marchande en 1974 ; que, dès lors, l'arrêt attaqué ne pouvait, sans méconnaître la chose jugée attachée à l'arrêt du 19 décembre 2006, retenir que la SCI Passage du Port n'était possesseur de mauvaise foi qu'à compter de l'action en revendication de la terrasse intentée le 6 novembre 2002 par la SCI Suffren et que les fruits n'étaient dus qu'à compter de cette date ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ensemble les articles 549, 550 et 555 du même code.