LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable et recevable :
Vu l'article L. 621-43 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que suivant acte sous seing privé du 2 juillet 2004, M. et Mme X... se sont portés cautions solidaires d'un prêt souscrit par la société L'Estaminet, qu'ils avaient constituée pour l'acquisition d'un fonds de commerce, auprès de la caisse de Crédit mutuel Lille liberté (la caisse), que la rédaction de l'acte à partir d'un modèle de contrat fourni par cette dernière a été confiée à la société Faber, qu'à la suite de la défaillance de l'emprunteur, la caisse a assigné M. et Mme X... en paiement du solde du prêt, que par arrêt du 25 juin 2009, l'engagement de caution a été annulé en raison de l'absence des mentions manuscrites exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ; que la caisse a recherché la responsabilité de la société Faber et de son assureur, la société Covea Risks ;
Attendu que pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'extinction de la créance faute de déclaration au passif de la procédure collective, l'arrêt, après avoir constaté que la société Faber avait été placée en redressement judiciaire par jugement du 4 mars 2005, énonce que l'ensemble des demandes formées par la caisse se rattache certes au prêt du 2 juillet 2004 et à sa signature, mais que, s'agissant d'une créance de dommages-intérêts pour responsabilité civile, il doit être considéré qu'elle est née le jour de l'annulation de l'engagement de caution, soit le 25 juin 2009, qui est le fait générateur de cette responsabilité, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une créance antérieure au jugement d'ouverture ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la créance de dommages-intérêts née de l'exécution défectueuse d'une prestation est soumise à déclaration lorsque cette prestation a été exécutée antérieurement au jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevables les demandes formées par la caisse de Crédit mutuel Lille liberté ;
Condamne la caisse de Crédit mutuel Lille liberté aux dépens exposés devant les juges du fond et la Cour de cassation ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la caisse de Crédit mutuel Lille liberté, demanderesse au pourvoi principal.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la CCM LILLE LIBERTE de ses demandes dirigées contre les sociétés FABER IMMOBILIER et COVEA RISKS ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « il résulte du courrier de la banque du 23 juin 2004 que sa demande avait trait à la rédaction de l'acte, qu'à cet effet elle adressait à l'intimée un contrat de prêt, la mission consistant à "confectionner un acte à base de ces documents et nous soumettre un projet définitif". Ce courrier était accompagné du modèle de contrat devant servir de base à la rédaction comprenant en page 7 les formalités de signature. Le 29 juin 2004, conformément à la demande, le cabinet Faber a fait parvenir à la banque le projet d'acte qui ne reprend manifestement pas les mentions obligatoires et manuscrites relatives à l'engagement de caution. Cependant le 1er juillet 2004, le Crédit Mutuel donne son aval sur le projet indiquant n'avoir aucune remarque particulière à faire. En conséquence, bien que ce projet ne comportait pas l'ensemble des mentions manuscrites obligatoires prescrites par le code de la consommation à peine de nullité, voire même était un modèle vierge de ce point de vue si l'on s'en tient à la télécopie du 1er juillet 2004, le Crédit Mutuel a validé le dit projet sans attirer l'attention du cabinet Faber sur la nécessité absolue de les faire apparaître malgré sa qualité d'organisme bancaire; à cet égard, le Crédit Mutuel ne peut prétendre que la transmission du modèle avec la mention prévue correspondrait à une interpellation suffisante du point de vue du devoir de mise en garde ; si l'on peut reprocher au cabinet Faber de ne pas avoir reporté des mentions qui figuraient sur le modèle fourni, l'on doit considérer qu'il n'est intervenu qu'en tant que rédacteur d'acte sur les conseils de la banque, qui devait en tant que spécialiste des questions de crédit être vigilante à la lecture du projet définitif sur la présence des mentions obligatoires, sans pouvoir reprocher à un cabinet immobilier, dont çà n'est pas la spécialité, son omission , à partir du moment où il était clair qu'il ne déléguait que la rédaction mais gardait le contrôle final du contenu. On ne peut considérer qu'un professionnel du crédit ait pu déléguer entièrement et la négociation du dit crédit et la liberté d'en assurer la rédaction à un professionnel de l'immobilier, ne pouvant reporter sur ce tiers les conséquences de sa propre négligence dans la relecture du projet d'acte, lequel s'il avait été relu correctement n'aurait pas comporté la nullité qui affecte le cautionnement et qui constituerait le préjudice dont ce professionnel se plaint. Il ne peut pas non plus plaider son absence lors de la signature du 2 juillet 2004 qui aurait dû augmenter sa vigilance lors de l'aval du projet. Le cabinet Faber a eu raison de considérer que le Crédit Mutuel, qui a un devoir de conseil en matière d'octroi de crédit, qui a plus que son interlocuteur la conscience des impératifs légaux quant à la rédaction d'un cautionnement, ne peut opposer au rédacteur de l'acte son devoir de conseil qui est celui d'un professionnel de l'immobilier, moins aguerri que lui à ces questions. On peut qualifier la négligence de la banque d'imprudence surprenante. Outre que la cour considère qu'il n' y a pas faute de la part du cabinet Faber qui n'avait pas de délégation totale en ce qui concerne la responsabilité de l'établissement de prêt et la conception du document, la faute de la prétendue victime serait de toute manière de nature à exonérer totalement le cabinet immobilier, sachant que la banque pouvait au moins interpeller son interlocuteur sur l'importance des mentions que celui-ci a omises du projet. Il s'en suit que le jugement doit être confirmé, qu'il n' y a donc pas lieu de discuter de la réalité du préjudice et de la garantie de l'assureur » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la responsabilité du cabinet FABER IMMOBILIER ; que le Crédit Mutuel de Lille Saint Sauveur a demandé au cabinet FABER IMMOBILIER de confectionner gratuitement un acte de prêt au profit des époux X..., qu'il a fourni au dit cabinet un document détaillé concernant les conditions d'attribution de ce prêt qu'il avait lui-même négocié et consenti, qu'il a approuvé le projet qui lui était soumis, le Tribunal dira que le cabinet FABER IMMOBILIER n'a fait que mettre en forme l'acte de prêt à la demande du Crédit Mutuel de Lille ; que dans son courrier du ler juillet 2004, la direction des engagements du Crédit Mutuel Nord Europe indique au cabinet FABER qu'elle lui transmettra une délégation de pouvoirs par l'intermédiaire de la caisse de Lille Liberté, que cette délégation de pouvoir n'est produite par aucune des parties, que la production de cette délégation aurait permis au Tribunal d'apprécier le contenu de ce mandat, qu'en l'absence de la connaissance des termes de cette délégation, le Tribunal s'en tiendra à son interprétation précédente à savoir une mise en forme d'acte dûment approuvée par le Crédit Mutuel avant signature ; qu'en ne donnant pas l'instruction au cabinet FABER IMMOBILIER de vérifier expressément la conformité à la loi du texte manuscrit employé par les cautions, le Crédit Mutuel a fait preuve d'une légèreté surprenante s'agissant d'un prêt d'un montant conséquent ; que le Crédit Mutuel a ainsi manqué à son devoir de conseil, ne pouvant, en la matière, déléguer sa responsabilité d'établissement de prêt à un cabinet immobilier dont l'activité principale n'est pas la conclusion d'actes de prêt et de cautionnement ; que la conséquence de ce manque d'information est l'emploi d'une formule de cautionnement non valable au regard de la loi, ainsi qu'en a jugé la Cour d'Appel de Douai, le Tribunal dira que le Crédit Mutuel, qui ne justifie pas du contenu du mandat qu'il aurait donné an cabinet FABER IMMOBILIER, est responsable de la nullité de l'acte de cautionnement donné par les époux X... ; que dans ces conditions, le Crédit Mutuel n'est pas recevable dans son action contre le cabinet FABER IMMOBILIER, le Tribunal le déboutera de ses demandes, fins et conclusions » ;
ALORS D'UNE PART QUE l'intermédiaire immobilier chargé de la négociation et de la rédaction d'un acte de prêt renfermant un cautionnement est tenu d'apporter soin et attention à l'acte qu'il rédige ; qu'il en est d'autant plus ainsi lorsqu'il a reçu du banquier prêteur un modèle d'acte contenant une formule-type de mention manuscrite que les cautions doivent se contenter de recopier servilement, et que le banquier l'a délégué pour le représenter lors de la signature de l'acte sous seing privé ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que le 23 juin 2004, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL avait adressé au cabinet FABER un projet d'acte de prêt comportant en page 7 la formule-type de mention manuscrite conforme aux exigences des articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation que les cautions devaient se contenter de recopier ; que la banque demandait au cabinet FABER « de bien vouloir prendre en charge la rédaction de l'acte appelé à régir nos relations. A cet effet nous vous adressons un contrat de prêt. Vous voudrez bien confectionner un acte à base de ces documents et nous soumettre un projet définitif » ; que postérieurement, la CCM recevait du cabinet FABER un projet qui, bien que ne contenant pas encore la mention manuscrite que les cautions ne devaient apposer qu'au jour de la signature, n'appelait aucune remarque particulière de la banque, laquelle adressait par conséquent au cabinet FABER une délégation de pouvoir pour signer l'acte ; qu'en l'état de ces constatations, la Cour d'appel qui considère que le cabinet FABER n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la banque, bien que la formule manuscrite qu'il a été demandé aux cautions d'apposer n'ait pas été conforme à celle figurant sur le modèle-type que ce cabinet avait reçu de la banque, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations en violation des articles 1147 et 1998 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE la négligence de la victime n'efface pas la faute de l'agent immobilier, dont la responsabilité doit être retenue dès lors que sa faute a contribué à la réalisation du dommage ; qu'en estimant que le défaut de vigilance et d'attention du cabinet FABER ne justifiait pas que sa responsabilité soit concomitamment engagée avec celle de la banque dans des conditions devant conduire à tout le moins à un partage de la charge du dommage, la Cour d'appel a derechef violé les articles 1147 et 1998 du Code civil.Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Faber, demanderesse au pourvoi incident.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les demandes formulées par la Caisse de crédit mutuel Lille liberté recevables ;
AUX MOTIFS QUE par jugement du 4 mars 2005, le cabinet Faber s'est trouvé placé en redressement judiciaire ; que le 3 mars 2006, le Tribunal de Grande Instance de Béthune a arrêté le plan de redressement ; que la législation applicable à cette procédure collective est la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises ; que l'article L 621-43 ancien du code de commerce disposait qu'à partir de la publication du jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture doit adresser sa déclaration de créance, alors même qu'elle n'est pas établie par un titre, faute de quoi en vertu de l'article L 621-46, les créances étaient éteintes à défaut de relevé de forclusion ; que le Crédit Mutuel sollicite la condamnation de la société Faber, responsable selon lui de la perte du cautionnement des époux X... qui garantissait un prêt du 2 juillet 2004, à une somme de 304 369,10¿ et intérêts ; que l'ensemble de ces demandes se rattache certes au prêt du 2 juillet 2004 et à sa signature, mais s'agissant d'une créance de dommages et intérêts pour responsabilité civile, il doit être considéré qu'elle est née le jour de l'annulation de la caution soit le 25 juin 2009 qui est le fait générateur de cette responsabilité (cass com 4 avril 2006) ; qu'ainsi il ne s'agit pas d'une créance antérieure au jugement d'ouverture et la demande est recevable ;
ALORS QUE la créance née de l'exécution défectueuse d'une prestation a pour fait générateur l'exécution défectueuse et doit donc être considérée comme ayant son origine antérieurement à un jugement d'ouverture de procédure collective si la prestation critiquée a été réalisée avant le dit jugement, et ce même si la décision de condamnation reconnaissant l'existence de cette créance est postérieure au jugement d'ouverture ; qu'en retenant comme fait générateur de la créance invoquée par la Caisse de crédit mutuel Lille liberté la décision de justice ayant annulé l'acte de cautionnement, et non la prestation critiquée de la société Faber dans la rédaction de l'acte de cautionnement, la cour d'appel a violé l'article L.621-43 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.