LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° J 13-25. 682 et H 13-24. 507 ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1315 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a signé, avec M. Y... et M. Z..., un acte sous seing privé portant accord sur la cession, au profit de ceux-ci, d'un ensemble immobilier ; que, M. X... n'ayant pas donné suite à cet accord, une procédure en exécution forcée de la vente a été engagée, à laquelle est intervenue Mme A..., épouse de M. X... sous le régime de la communauté universelle dont dépendait l'ensemble immobilier litigieux ;
Attendu que, pour déclarer la vente parfaite et renvoyer les parties devant le notaire aux fins de régularisation de celle-ci par acte authentique, l'arrêt retient notamment que l'absence de mention de Mme X... dans l'acte, alors même que les biens immobiliers concernés dépendent de la communauté universelle existant entre les deux époux, ne suffit pas à lui rendre la vente inopposable en application de l'article 1424 du code civil et que leurs cocontractants sont fondés à invoquer l'existence d'un mandat apparent donné à M. X... par son épouse pour conclure en son nom l'accord litigieux, tel qu'il ressort des faits relatés dans une attestation établie par Mme B..., présente à la signature de l'acte ;
Qu'en se déterminant ainsi, au vu d'un seul témoignage dont les époux X... contestaient le contenu et dont ils soutenaient, sans être contredits, qu'il avait été dressé à l'avantage de M. Z... par la compagne de celui-ci, avec lequel elle partageait nécessairement une communauté d'intérêts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne MM. Y... et Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. Y... et Z... ; les condamne in solidum à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit-identique aux pourvois n° H 13-24. 507 et J 13-25. 682- par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré parfaite la vente entre les époux Roger et Jacqueline X... et Messieurs Y... et Z... des parcelles 334 et 335 sises 13 impasse Perthuis ¿ Boulevard Kennedy 65000 TARBES, pour le prix global de 250. 000 ¿, D'AVOIR renvoyé les parties devant tel notaire qu'il plaira aux consorts Y...- Z... pour la régularisation de la vente par acte authentique, et D'AVOIR condamné les époux X... à payer aux consorts Y...- Z..., à titre de dommages et intérêts, une indemnité d'un montant égal à celui des loyers par eux acquittés pour les biens litigieux depuis le 15 mars 2010 et jusqu'à la régularisation de la cession,
AUX MOTIFS QUE « l'acte sous seing privé du 22 avril 2009 doit être considéré comme une promesse synallagmatique de vente entre M. X... et les consorts Y...- Z... en ce qu'il exprime de manière non équivoque un accord des parties sur la chose et sur le prix marquant leur double et commune volonté de vendre et d'acquérir, étant par ailleurs constaté qu'il ne résulte d'aucun élément intrinsèque ou extrinsèque à ce document que les parties ont fait de l'établissement d'un compromis de vente puis de la régularisation par acte authentique un élément constitutif de leur consentement. La circonstance que l'acte ne fait aucune mention de l'épouse de M. X... alors que les biens dépendaient de la communauté universelle de biens des époux X...-A... est insuffisante à justifier sur le fondement de l'article 1424 du code civil son inopposabilité à Mme X... dès lors que les consorts Y...- Z... étaient fondés à se prévaloir en l'espèce de l'existence d'un mandat apparent au profit de M. X.... Il résulte en effet de l'attestation de Mme Nathalie B... (qui ne saurait être écartée des débats au seul motif de son irrégularité par rapport aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile qui ne sont pas prescrites à peine de nullité) que le 23 avril 2009, cette dernière a fait lire aux époux X..., assis autour de la table de leur cuisine, le protocole, qu'après lecture de celui-ci, M. et Mme X... lui ont signifié que le protocole était conforme aux accords et que M. X..., en signant, a indiqué à son épouse qu'elle n'avait pas besoin de signer car il était le décisionnaire et le représentant du couple. On déduit de cette attestation précise et détaillée, non arguée de faux par Mme X... qui ne conteste ni sa présence ni celle de Mme B... lors de la réunion de signature du 23 avril 2000, que les acquéreurs ont pu légitimement croire que leur cocontractant agissait tant pour son compte que pour celui de son épouse dont l'attitude, telle que décrite ci-dessus, les autorisaient à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs dont se prévalait M. X..., en présence même de son épouse et sans opposition de sa part. Il ne peut être considéré, comme l'a estimé le premier juge, sur la seule base des attestations de MM. Thierry et Roger Z... que non seulement Mme X... n'a pas donné mandat apparent à son mari mais qu'elle s'opposait à cette vente, n'étant pas d'accord avec le montant dès lors :- d'une part, que l'attestation établie par M. Thierry Z... lui-même (dont se prévalent les époux X... eux-mêmes) indiquant que Mme X... lui a précisé être en accord avec son époux sur l'ensemble du protocole sauf sur le montant de la transaction doit demeurer à cet égard sans incidence dès lors que l'opposition qu'elle traduit de la part de Mme X... n'a été exprimée que lors d'une rencontre organisée le 2 février 2010 et non le 23 avril 2009, date de la signature de l'acte litigieux à laquelle il y a lieu de se placer pour en apprécier la validité et l'opposabilité,- d'autre part, que l'attestation de M. Roger Z... indiquant n'avoir jamais rencontré ni encore moins eu affaire à Mme X... est dépourvue de tout Intérêt probant dès lors qu'elle fait référence à un séjour du témoin à Tarbes pendant une période comprise entre février et avril 2005. Il convient dès lors de réformer le jugement entrepris de ce chef et statuant à nouveau, de déclarer parfaite la vente retranscrite dans le protocole d'accord daté du 22 avril 2009 et de renvoyer les parties devant tel notaire qu'il plaira aux consorts Y...- Z... pour la régularisation de la vente par acte authentique. La demande des consorts Y...- Z... en " remboursement des loyers versés depuis le 15 mars 2010 " doit s'analyser en une demande en dommages-intérêts complémentaire tendant à la réparation du préjudice financier résultant du paiement, à compter de la date de régularisation prévue dans le protocole litigieux, de loyers pour des biens dont ils auraient, sans la résistance injustifiée des époux X..., acquis la propriété à cette date. En refusant, sans justifier d'un motif légitime, de régulariser la vente aux charges et conditions du protocole d'accord du 22 avril 2009 par eux accepté, les époux X... ont commis une faute de nature à engager à l'égard des consorts Y...- Z... leur responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil et ayant causé à ceux-ci un préjudice certain équivalent au montant des loyers par eux acquittés pour des biens dont ils auraient dû acquérir la propriété à compter du 15 mars 2010. Il convient dès lors, réformant de ce, chef le jugement entrepris, de condamner les époux X... à payer aux consorts Y...- Z..., à titre de dommages-intérêts, le montant des loyers par eux acquittés pour les biens objets du protocole du 22 avril 2009, à compter du 15 mars 2010 et jusqu'à la régularisation de la cession. Les époux X... qui succombent dans leurs prétentions seront déboutés de leurs demandes reconventionnelles en dommages-Intérêts pour harcèlement moral (dont lis ne rapportent nullement la preuve) et procédure abusive. A défaut de preuve d'une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit des époux X... d'assurer en justice la défense de leurs intérêts (laquelle ne saurait se déduire de leur seule succombance) les consorts Y...- Z... seront déboutés de leur demande en dommages-intérêts pour procédure abusive. L'équité commande de condamner les époux X... à payer aux consorts Y...- Z..., en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2. 000 ¿ au titre des frais irrépétibles par eux exposés tant en première instance qu'en cause d'appel. Les époux X... seront condamnés aux entiers dépens d'appel et de première instance » ;
1°) ALORS QUE la Cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées dans le dispositif des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, les époux X... demandaient l'annulation du protocole d'accord du 22 avril 2009 portant sur la cession à Messieurs Y... et Z... de deux terrains leur appartenant moyennant un prix de 250. 000 ¿, et prévoyant la réitération de la vente par acte authentique au plus tard le 15 mars 2010 ; que dans le dispositif de leurs conclusions, Messieurs Y... et Z... demandaient à la Cour d'appel de « dire la vente des lots n° 334 et 335 (¿) entre Mr X..., vendeur, d'une part, Mrs Christophe Y... et Thierry Z..., acquéreurs, d'autre part, parfaite au prix de 250. 000 ¿ à la date du 15 mars 2010 » ; que la Cour d'appel a néanmoins jugé, pour déclarer parfaite la vente des parcelles 334 et 335 au prix de 250. 000 ¿, que le protocole d'accord du 22 avril 2009, signé le 23 avril 2009, devait être considéré comme une promesse synallagmatique de vente dans la mesure où il exprimait de manière non équivoque un accord des parties sur la chose et le prix et où il ne résultait d'aucun élément intrinsèque ou extrinsèque à ce document que les parties aient fait de l'établissement d'un compromis de vente puis de la régularisation par acte authentique un élément constitutif de leur consentement ; qu'en statuant de la sorte, quand Messieurs Y... et Z... soutenaient que la vente, contestée par les époux X..., n'était parfaite qu'au 15 mars 2010, la Cour d'appel a violé l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble les articles 4 et 5 du même code ;
2°) ALORS QUE nul ne peut se constituer un titre à soi-même ; qu'il en résulte que la preuve d'un acte juridique ne peut être déduite des seuls éléments de preuve fournis par la partie qui se prévaut de l'acte, ou d'une personne partageant avec elle une communauté d'intérêts ; que les époux X... faisaient valoir (leurs conclusions d'appel, page 6, troisième paragraphe ; page 8, deuxième paragraphe) que l'attestation établie par Madame B... relatant la présence de Madame X... lors de la signature par Monsieur X... seul du protocole d'accord du 22 avril 2009 portant sur la cession à Messieurs Y... et Z... de deux terrains dépendant de la communauté des époux X..., ne pouvait être retenue dans la mesure où elle émanait de la compagne de Monsieur Z..., avec lequel elle était par conséquent liée par une communauté d'intérêts ; qu'en déduisant néanmoins de cette seule attestation la preuve d'un mandat apparent qu'aurait donné Madame X... à son époux pour conclure en son nom le protocole d'accord litigieux, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
3°) ALORS QU'aux termes de leurs conclusions d'appel, les époux X... contestaient la valeur probante de l'attestation établie par Madame B... faisant état de la présence de Madame X... lors de la réunion de signature du protocole d'accord du 22 avril 2009 (page 6, troisième paragraphe ; page 8, deuxième paragraphe) ; qu'ils soulignaient que les photographies versées aux débats par les consorts Y...- Z... ne pouvaient suffire « pour étayer la soi-disant présence de Mme X... lors du protocole » (page 8, deuxième paragraphe) ; qu'ils soutenaient en outre que « la tentative de démonstration par l'attestation d'une personne présentant une communauté d'intérêt et d'alliance avec les demandeurs, que l'épouse aurait été présente, apparaît extrêmement suspecte et à tout le moins peu crédible » (page 8, cinquième paragraphe) ; qu'en retenant que l'attestation établie par Madame B... n'était pas « arguée de faux par Mme X... qui ne conteste ni sa présence ni celle de Mme B... lors de la réunion de signature du 23 avril 2009 », pour en déduire que cette attestation permettait de caractériser l'existence d'un mandat apparent autorisant les acheteurs à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs dont se prévalait Monsieur X... pour représenter son épouse, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions des époux X..., violant ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la preuve du mandat qu'aurait donné un époux à son conjoint pour conclure en son nom la vente d'un immeuble commun ne peut se déduire de la seule attitude passive de l'époux avant la signature de l'acte de cession ; qu'en l'espèce, pour retenir que les consorts Y...- Z... étaient fondés à se prévaloir de l'existence d'un mandat apparent dont avait disposé Monsieur X... pour représenter son épouse au protocole d'accord du 22 avril 2009, la Cour d'appel s'est fondée sur l'attestation établie par Madame B... dont elle a constaté qu'il en résultait « que le 23 avril 2009, cette dernière a fait lire aux époux X..., assis autour de la table de leur cuisine, le protocole, qu'après lecture de celui-ci, M. et Mme X... lui ont signifié que le protocole était conforme aux accords et que M. X..., en signant, a indiqué à son épouse qu'elle n'avait pas besoin de signer car il était le décisionnaire et le représentant du couple » ; qu'elle en a déduit que « les acquéreurs ont pu légitimement croire que leur cocontractant agissait tant pour son compte que pour celui de son épouse dont l'attitude, telle que décrite ci-dessus, les autorisaient à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs dont se prévalait M. X..., en présence même de son épouse et sans opposition de sa part » ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser l'existence du mandat qu'aurait consenti Madame X... à son époux pour conclure le protocole d'accord du 22 avril 2009, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1424 du code civil.