LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Vu les articles L. 2261-1 du code du travail, 1 de la convention collective nationale des cadres et agents de maîtrise de la distribution des films de l'industrie cinématographique du 30 juin 1976 et 2 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 ;
Attendu, selon le deuxième de ces textes, que la convention collective nationale des cadres et agents de maîtrise de la distribution des films de l'industrie cinématographique du 30 juin 1976 règle les rapports entre les employeurs, d'une part, et les cadres et agents de maîtrise, d'autre part, exerçant leurs activités dans la distribution des films cinématographiques en France métropolitaine ; que constitue un film cinématographique, une oeuvre, ayant obtenu le visa d'exploitation au sens de l'article L. 211-1 du code du cinéma et de l'image animée et celle, qui n'a pas obtenu ce visa, mais a fait l'objet d'une exploitation cinématographique commerciale significative hors de France ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc., 28 mai 2011, n° 09-43. 176) que M. X... a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée du 31 octobre 1995 en qualité de directeur administratif et financier par la société Avantages, acquise par la société Europe images international aux droits de laquelle vient la société Lagardere Entertainment Rights ; que soutenant que son licenciement, prononcé le 3 février 2006, était dépourvu de cause réelle et sérieuse et revendiquant les indemnités de rupture prévues par la convention collective nationale des cadres et agents de maîtrise de la distribution des films de l'industrie cinématographique du 30 juin 1976 qui était appliquée volontairement par son employeur antérieurement à son absorption par la société Europe images international, laquelle l'avait dénoncée pour appliquer la convention collective de la publicité, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement de diverses indemnités en application de la convention collective nationale des cadres et agents de maîtrise de la distribution des films de l'industrie cinématographique du 30 juin 1976, l'arrêt retient que si, à s'en tenir aux chiffres communiqués par l'appelante dans ses conclusions et au descriptif catalogue au 13 juillet 2006 qu'elle verse aux débats quant à la répartition des oeuvres distribuées, la distribution de films longs métrages est minoritaire par rapport par exemple au catalogue « documentaires » et « fictions » qui représentent à eux deux l'essentiel des oeuvres distribuées, il convient de retenir que tant des documentaires que des fictions même diffusés sur support audiovisuel ne représentant en fait rien d'autre que des oeuvres cinématographiques, peu important leur mode d'exploitation, de diffusion et leur support dès lors qu'ils ont tous été créés pour la diffusion sur écran que ce soit de cinéma, de télévision ou autres supports modernes ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le moyen unique du pourvoi incident, qui, concernant le chef de dispositif, objet de la cassation, est recevable :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Lagardere Entertainment Rights.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la convention collective applicable est celle de l'industrie cinématographique et d'AVOIR condamné la SAS LAGARDERE ENTERTAINMENT RIGHTS à payer à Monsieur X... les sommes de 118. 645, 20 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus 11. 864, 52 € pour les congés payés afférents, et d'AVOIR condamné la société LAGARDERE ENTERTAINMENT RIGHTS à verser à Monsieur X... la somme de 65. 749, 21 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 3. 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « la convention collective de la distribution des films de l'industrie cinématographique du 30 Juin 1976 étendue par arrêté du 15 Avril 1977 définit son champ d'application comme s'appliquant aux rapports entre employeurs, cadres et agents de maîtrise exerçant leurs activités dans la distribution des films cinématographiques en France métropolitaine ; la SAS LAGARDERE Entertainment Rights (anciennement dénommée EUROPE IMAGES INTERNATIONAL) définit son activité sociale au RCS (extrait du 22 mai 2007) comme étant la production de programmes de télévision et la réalisation de programmes audiovisuels ; il ressort cependant des pièces versées aux débats notamment de ses statuts du 2 février 2006 que son activité est beaucoup plus étendue et s'étend à l'édition, la distribution, la location, la vente, l'importation et l'exportation de tous programmes audiovisuels, l'acquisition, la vente et l'exploitation sous toutes ses formes des droits de reproduction et de représentation des oeuvres de l'esprit notamment audiovisuelles ; qu'indépendamment du fait que le code APE figurant sur le cachet de la SAS Lagardère Entertainment Rights apposé sur l'attestation ASSEDIC délivrée à Monsieur Jacky X... est 921F, c'est-à-dire le même que celui de M5 qui correspond à la distribution de films cinématographiques et que la situation de la SAS Lagardère Entertainment Rights au répertoire SIRENE mentionnait toujours au 1er février 2013 comme activité principale de la SAS Lagardère Entertainment Rights « 5913A - Distribution de films cinématographiques », il convient de relever que dans un communiqué de presse (pièce 31 de l'intimé) la SAS Lagardère Entertainment Rights se présente comme commercialisant un catalogue d'environ 8500 heures comprenant des fictions, des documentaires, des dessins animés, des longs métrages (Tenue de soirée, le Hussard sur le toit, Clair de femme...) et des spectacles vivants ; et encore comme distribuant son catalogue auprès de tous les diffuseurs hertziens et assurant la distribution nationale et internationale de son large et diversifié catalogue ; que le catalogue 2005 est versé aux débats concernant le cinéma et les longs métrages ; qu'en pièce 30, l'intimé communique encore la première page « Catalogues/ Distribution » suite à l'acquisition de M5 par la SAS Lagardère Entertainment Rights sur lequel le nouveau pôle constitué par les deux sociétés est présenté comme offrant 13000 heures de programmes très diversifiés (fictions, animations, documentaires, films de cinéma et spectacles vivants) et comme exerçant son activité de distribution en France et à l'international auprès de tous les opérateurs hertziens et éditeurs vidéo et sur le marché des droits dérivés ; que la SAS Lagardère Entertainment Rights (anciennement dénommée EUROPE IMAGES INTERNATIONAL) ne peut soutenir utilement que se définit uniquement comme une oeuvre cinématographique, une oeuvre exclusivement diffusée en salle de cinéma de sorte que n'ayant aucune activité de distribution de films en salle de cinéma, la convention collective revendiquée par Monsieur Jacky X... ne lui est pas applicable, raison pour laquelle elle applique volontairement la convention collective de la publicité ; qu'en effet, si, à s'en tenir aux chiffres communiqués par l'appelante dans ses conclusions et au descriptif catalogue au 13 Juillet 2006 qu'elle verse aux débats quant à la répartition des oeuvres distribuées, la distribution de films longs métrages est minoritaire par rapport par exemple au catalogue « documentaires » et « fictions » qui représentent à eux deux l'essentiel des oeuvres distribuées, il convient de retenir que tant des documentaires que des fictions même diffusés sur support audiovisuel ne représentant en fait rien d'autre que des oeuvres cinématographiques, peu important leur mode d'exploitation, de diffusion et leur support dès lors qu'ils ont tous été créés pour la diffusion sur écran que ce soit de cinéma, de télévision ou autres supports modernes ; qu'il s'ensuit que l'activité principale de la SAS Lagardère Entertainment Rights (anciennement dénommée EUROPE IMAGES INTERNATIONAL) est bien la distribution de films cinématographiques, que son activité n'est en rien rattachable à la convention collective de la publicité qu'elle a appliquée volontairement et que c'est à bon droit que Monsieur Jacky X... revendique le bénéfice des dispositions de la convention collective de la distribution des films de l'industrie cinématographique ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de ce chef, étant observé que les parties ne revendiquent l'application d'aucune autre convention collective » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « le code NAF qui figure sur le tampon utilisé par la société EII sur l'attestation Assedic est le 921 F ; la fiche d'avis ¿ situation sire INSEE éditée par la partie demanderesse en date du 31/ 01/ 2006 indique également que le code NAF est le 921F ; or, à ce code NAF correspond la convention des industries cinématographiques » ;
1. ALORS QUE la Convention collective des cadres et agents de maîtrise de la distribution des films de l'industrie cinématographique du 30 juin 1976, étendue par arrêté du 15 avril 1977, prévoit qu'elle est applicable aux employeurs « exerçant leurs activités dans la distribution des films cinématographiques en France métropolitaine » ; qu'il résulte de l'article L. 211-1 du Code du cinéma et de l'image animée, de l'article 2 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 et de l'article 6 du décret n° 99-130 du 24 février 1999 que constituent des « films cinématographiques » les oeuvres projetées en salles de spectacles cinématographiques et ayant obtenu un visa d'exploitation à cet effet ; que l'activité de distribution de films cinématographiques, réglementée par le Code du cinéma et de l'image animée, consiste à assurer la gestion des droits d'un film cinématographique en vue de son exploitation en salles de cinéma ; qu'en affirmant que l'oeuvre cinématographique ne se définit pas uniquement comme une oeuvre exclusivement diffusée en salle de cinéma et que toutes oeuvres audiovisuelles, tels que documentaires et fictions, ne représentent rien d'autre que des oeuvres cinématographiques, peu important leur mode d'exploitation, de diffusion et leur support dans la mesure où elles ont été créées pour la diffusion sur écran que ce soit de cinéma, de télévision ou autres supports modernes, la cour d'appel a violé l'article L. 211-1 du Code du cinéma et de l'image animée, l'article 2 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 et l'article 6 du décret n° 99-130 du 24 février 1999 ;
2. ALORS QUE le champ d'application d'une convention collective de branche étendue doit être interprété strictement ; que la Convention collective des cadres et agents de maîtrise de la distribution des films de l'industrie cinématographique du 30 juin 1976, étendue par arrêté du 15 avril 1977, prévoit qu'elle est applicable aux employeurs « exerçant leurs activités dans la distribution des films cinématographiques en France métropolitaine » ; qu'il en résulte que seules les entreprises dont l'activité principale consiste à assurer la distribution de films cinématographiques auprès de salles de cinéma relèvent du champ d'application de cette convention collective ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la société EUROPE IMAGES INTERNATIONAL exerçait une activité de distribution, en France et à l'international, d'un catalogue de fictions, documentaires, dessins animés, longs métrages et spectacles vivants auprès de tous les opérateurs hertziens, des éditeurs vidéo ainsi que sur le marché des droits dérivés ; que la cour d'appel a au surplus constaté que les films longs métrages ne constituaient qu'une part minoritaire de ce catalogue, tandis que les documentaires et fictions représentent à eux deux l'essentiel des oeuvres distribuées ; qu'il en résulte que l'activité de la société EUROPE IMAGES INTERNATIONAL ne consiste pas en la distribution d'oeuvres cinématographiques ; qu'en affirmant néanmoins que son activité entre dans le champ d'application de la convention collective de la distribution de films cinématographiques, au motif erroné que la distribution de toute oeuvre audiovisuelle peut être assimilée à celle de films cinématographiques, la cour d'appel a violé l'article L. 2261-1 du Code du travail et l'article 1er de la Convention collective précitée ;
3. ALORS, ENFIN, QUE la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale réellement exercée par l'entreprise ; que le référencement de l'entreprise auprès de l'INSEE n'a qu'une valeur indicative ; qu'en relevant, pour retenir que la Convention collective de la distribution des films cinématographiques était applicable, que le code APE et la situation au répertoire SIRENE de la société EUROPE IMAGES INTERNATIONAL, devenue la société LAGARDERE ENTERTAINMENT RIGHTS, correspondent à la distribution de films cinématographiques, cependant qu'il résultait de ses constatations que l'activité réellement exercée par la société EUROPE IMAGES INTERNATIONAL consiste à distribuer des programmes audiovisuels en tout genre auprès de chaînes de télévision, d'éditeurs vidéo et sur le marché des droits dérivés, la cour d'appel a violé l'article L. 2261-1 du Code du travail et l'article 1er de la Convention collective précitée.
Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. X....
- PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a déclaré Monsieur Jacky X... non fondé à se prévaloir de l'absence de dénonciation de la convention collective de la distribution de films cinématographiques par la SAS Lagardère Entertainment Right ;
- AUX MOTIFS QUE « Monsieur Jacky X... ne peut valablement soutenir que n'ayant pas signé le courrier du 16 septembre 2004 ainsi qu'il lui était demandé au terme de cette lettre courrier par lequel la SAS Lagardère Entertainment Right l'informait de la dénonciation de la convention collective des industries cinématographiques et de l'application de celle en vigueur au sein de la société EUROPE IMAGES à l'issue d'un délai de 15 mois, la preuve de sa dénonciation expresse n'est pas rapportée et que la convention collective des industries cinématographiques est demeurée automatiquement applicable ; que la réalité de la remise de cette lettre à Monsieur Jacky X... résulte suffisamment et de façon probante, tant de l'attestation de Madame Marie Z...alors responsable des RH qui indique avoir remis cette lettre à Monsieur Jacky X... et que celui-ci n'a pas souhaité la signer sur le champ, mettant en avant sa qualité de directeur général que du courriel qu'elle lui a envoyé le 29 octobre 2004 lui réclamant son contrat signé ; que l'absence d'émargement du courrier par le salarié est dès lors sans conséquence sur l'opposabilité de la dénonciation de la convention collective de la distribution cinématographique par la SAS Lagardère Entertainment Right » ;
- ALORS, D'UNE PART, QUE lors d'un changement d'employeur, le nouvel employeur doit dénoncer expressément la convention collective dont son prédécesseur avait fait application volontaire, cette dénonciation n'étant pas automatique ; qu'en l'espèce, pour dire que M. X... s'était vu remettre en main propre le courrier du 16 septembre 2004 portant dénonciation de l'application volontaire de la convention collective de la distribution de films cinématographiques, la cour d'appel a retenu que la réalité de la remise de cette lettre résultait « de l'attestation de Madame Marie Z...alors responsable des RH qui indique avoir remis cette lettre à Monsieur Jacky X... » (arrêt, p. 4, al. 7) ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que l'attestation de Mme Z..., établie plus de 4 ans après les faits, ne visait aucune lettre en particulier mais se bornait à viser « la lettre jointe à la présente attestation », la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler que, comme l'affirme l'arrêt, dans son attestation Mme Z...se référait bien à la lettre du 16 septembre 2004 portant dénonciation de l'application volontaire de la convention collective de la distribution de films cinématographiques ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 2261-2 du code du travail, ensemble l'article 1 de la convention collective nationale des cadres et agents de maîtrise de la distribution des films de l'industrie cinématographique du 30 juin 1976 ;
- ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se déterminant par la considération selon laquelle dans son attestation Mme Z...« indique avoir remis cette lettre à Monsieur Jacky X... » (arrêt, p. 4, al. 7), sous entendant qu'il s'agissait de la lettre du 16 septembre 2004 portant dénonciation de l'application volontaire de la convention collective de la distribution de films cinématographiques, quand il résultait de ladite attestation que Mme Z...avait remis à M. X... « la lettre jointe à la présente attestation », la cour d'appel a dénaturé l'attestation de Mme Z...en violation de l'article 1134 du code civil ;
- ALORS, DE TROISIEME PART, QUE lors d'un changement d'employeur, le nouvel employeur doit dénoncer expressément la convention collective dont son prédécesseur avait fait application volontaire, cette dénonciation n'étant pas automatique ; qu'en l'espèce, en déduisant la réception par M. X... du courrier du 16 septembre 2004 portant dénonciation de l'application volontaire de la convention collective de la distribution de films cinématographiques, de la circonstance que par un e-mail du 29 octobre 2004, Mme Z..., alors responsable des RH, lui avait réclamé son contrat de travail signé (arrêt, p. 4, al. 7), la cour d'appel a statué par un motif radicalement inopérant en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;