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19/11/2014 | FRANCE | N°13-16780

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 novembre 2014, 13-16780


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 13 mars 2013) que Mme X..., salariée de la société Effitic et titulaire d'un mandat de délégué syndical, et le syndicat CFDT communication, conseil, culture Bretagne, ont saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de dommages-intérêts pour pressions et discrimination syndicale suite à la diffusion à tous les salariés par les sept représentants régionaux de l'entreprise d'une lettre dénonçant le comportement de la déléguée ;
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tendu que la société fait grief à l'arrêt de faire droit à cette demande, alors,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 13 mars 2013) que Mme X..., salariée de la société Effitic et titulaire d'un mandat de délégué syndical, et le syndicat CFDT communication, conseil, culture Bretagne, ont saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de dommages-intérêts pour pressions et discrimination syndicale suite à la diffusion à tous les salariés par les sept représentants régionaux de l'entreprise d'une lettre dénonçant le comportement de la déléguée ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de faire droit à cette demande, alors, selon le moyen :
1° / que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché, sauf abus notamment caractérisé par l'utilisation de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ; que la cour d'appel, qui a constaté que, dans un courrier de Mme X... aux responsables opérationnels en date du 28 mai 2010, celle-ci « dénonce l'attitude de la direction générale qui selon elle « En l'état actuel des négociations totalement fermées, nous avons l'impression que sa délégation n'est accessible ni à l'argumentation ni au raisonnement. Elle est concentrée sur une tâche : dénoncer l'intégralité des dispositions nous régissant avant de commencer à discuter. Ce qui a été fait ». Elle poursuit ainsi en s'adressant à ces responsables « Nous vous demandons donc d'exercer vos responsabilités et de faire preuve de courage pour conseiller à la direction de nous écouter. Nous vous demandons d'en exiger une négociation loyale et rapide qui doit aboutir d'ici la fin juin¿» » ; qu'en réponse à un tel courrier les directeurs opérationnels lui ont adressé un courrier « dans lequel ils accusent Mme X... de déformer la vérité en propageant de fausses intentions et lui demandent de cesser de convertir les souhaits et les efforts de la direction en éléments négatifs et de créer ainsi un climat social délétère » et que l'employeur lui a adressé des courriers ultérieurs l'accusant de créer une « situation de blocage » et de «renier ce qu'elle avait négocié », et ajoutant : « Démonstration est faite que nous ne sommes pas en situation de blocage à cause de notre refus de cette clause suspensive, mais bien à cause d'élus de la CFDT qui semblent confrontés à des difficultés internes dont nous ne connaissons pas la teneur », ne pouvait en déduire que la société Effitic aurait manoeuvré pour discréditer la déléguée syndicale lors de la phase de négociation des accords, ce qui aurait constitué une forme de pression prohibée et que le ton des échanges aurait dépassé l'utilisation d'un simple droit de réponse et mis directement en cause l'honnêteté et la crédibilité du syndicat et de sa représentante, alors que ces courriers ne contenaient aucun propos injurieux, diffamatoire ou excessif, sans méconnaître la portée de ses propres constatations et violer l'article L. 1121-1 du code du travail, ensemble les articles L. 2141-7 et L. 2141-8 de ce même code ;
2° / qu'en se prononçant ainsi et en affirmant que les courriers et courriels échangés n'auraient pu constituer l'exercice légitime par l'employeur d'un droit de réponse, sans rechercher, comme il le lui était demandé par la société Effitic, quel était le degré le virulence des courriers de Mme X... auxquels les dirigeants opérationnels ou l'employeur répondaient, quelle était l'attitude de la salariée à ce moment et, plus généralement, dans quel contexte les directeurs opérationnels, l'employeur et la salariée avaient échangé ces courriers et courriels, la cour d'appel ne pouvait affirmer que les courriers et courriels n'auraient pu constituer l'exercice légitime d'un droit de réponse, et a donc entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 1121-1 du code du travail, ensemble les articles L. 2141-7 et L. 2141-8 de ce même code ;
3° / que la société Effitic contestait avoir été à l'origine de la lettre ouverte litigieuse, en date du 7 juin 2010, par laquelle ses sept délégués régionaux avaient répondu à Mme X..., soutenant qu'« Il ne s'agit pas d'un courrier émanant de l'employeur, ni davantage, contrairement à ce qui est affirmé par les appelants, diffusé par celui-ci. La diffusion dudit courrier a bien été réalisée par l'un des directeurs opérationnels destinataires du courrier de Mme X... et aucunement par le directeur des ressources humaines de la concluante. Ainsi, les propriétés du document n'établissent en aucune manière que l'auteur dudit document serait M. Y..., directeur des ressources humaines » ; qu'après avoir relevé que « Mme X... produit en pièce 9 la description des propriétés du document la lettreouverte des sept directeurs opérationnels de laquelle il résulte clairement selon elle que Laurent Y..., DRH, est à l'origine de cette réponse » , la cour d'appel, qui a cru pouvoir affirmer que « sans contester ces éléments, l'employeur fait valoir que... »), constatant ainsi que la société Effitic ne contestait pas ces éléments, alors même qu'elle les contestait formellement, a dénaturé les écritures de la société Effitic et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé qu'à la suite d'une lettre envoyée par la déléguée syndicale aux sept responsables opérationnels de l'entreprise leur demandant « d'exercer leur responsabilité et de faire preuve de courage en demandant à la direction de nous écouter », les responsables avaient, en accord avec l'employeur, diffusé à l'ensemble des salariés de l'entreprise une lettre accusant notamment la salariée de « déformer la vérité en propageant de fausses intentions », de « créer un climat social délétère », de « renier ce qu'elle avait négocié » et d'agir « à cause d'élus de la CFDT qui semblent confrontés à des difficultés internes dont nous ne connaissons pas la teneur » ; qu'elle a pu en déduire, sans dénaturation, que cette lettre ne constituait pas l'exercice d'un simple droit de réponse mais une action visant à discréditer la déléguée syndicale lors d'une phase de négociation des accords ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Effitic aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... et au syndicat CFDT communication, conseil, culture Bretagne la somme globale de 3000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Roger, Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société Effitic
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la société Effitic avait exercé des pressions et des actes de discrimination à l'encontre de Madame Valérie X... dans l'exercice de son mandat syndical, condamné la société Effitic à verser à Madame X... la somme de 6.000 euros à titre de dommages-intérêts et au syndicat CFDT Communication Conseil Culturel Bretagne la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts, ordonné l'affichage de l'arrêt sur les panneaux d'information du personnel de l'ensemble des établissements de la société pendant le mois suivant la notification de l'arrêt et condamné la société Effitic à payer aux appelants la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Aux motifs qu'aux termes de l'article L.2141-7 du Code du travail, « il est interdit à l'employeur ou à ses représentants d'employer un moyen quelconque de pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale » ; que l'article L.2141-8 précise que « toute mesure prise par l'employeur contrairement à ces dispositions est considéré comme abusive et donne lieu à dommages-intérêts » ; qu'il résulte des documents versés aux débats que, dans le cadre de son action syndicale, Madame X... a choisi de s'adresser aux 7 responsables opérationnels de la société Effitic, à qui elle a adressé le 28 mai 2010 un courrier dans lequel elle dénonce l'attitude de la direction générale qui selon elle : « En l'état actuel des négociations est totalement fermée. Nous avons l'impression que sa délégation n'est accessible ni à l'argumentation, ni au raisonnement. Elle est concentrée sur une tâche : dénoncer l'intégralité des dispositions nous régissant avant de commencer à discuter. Ce qui a été fait » ; qu'elle poursuit ainsi en s'adressant à ces responsables : « Nous vous demandons donc d'exercer vos responsabilité et de faire preuve de courage pour conseiller à la direction de nous écouter. Nous vous demandons d'en exiger une négociation loyale et rapide qui doit aboutir d'ici la fin juin » ; que ce courrier a amené la réponse des personnels intéressés sous la forme d'une lettre ouverte adressée à l'ensemble du personnel, dans laquelle ils accusent Madame X... de « déformer la vérité en propageant de fausses intentions » et lui demandent de « cesser de convertir les souhaits et les efforts de la direction en éléments négatifs et de créer ainsi un climat social délétère » ; que ce courrier est signé des seuls 7 délégués régionaux, mais que Madame X... soutient que c'est l'employeur qui est à l'origine de ce courrier ; qu'elle produit en pièce 9 la description des propriétés du document de laquelle il résulte clairement selon elle que Laurent Y..., DRH, est à l'origine de cette réponse ; que, sans contester ces éléments, l'employeur fait valoir que « exclusivement pour des raisons évidentes de commodité et pour éviter des envois postaux multiples entre Brest, Nantes, Lyon, Toulouse et Paris, apposé à la demande des directeurs opérationnels leur signature électronique pour ensuite retransmettre ce document, revêtu desdites signatures à Monsieur Jean-Marc Z... qui l'a lui-même et lui seul diffusé dans les termes susvisés » ; que l'employeur ajoute, s'exprimant au nom des destinataires du courrier, qu' « il ne s'agissait pas pour ces directeurs de discréditer Madame Valérie X... mais exclusivement de faire état de leur position eu égard aux affirmations formulées sur les intentions de la direction générale, soit de répondre au courrier reçu » ; que, cependant, aucune attestation des destinataires du courrier de Madame X... n'est versée aux débats, confirmant la version de l'employeur sur le mode de réponse des directeurs opérationnels, lesquels disposaient à titre individuel et collectif d'un certain nombre de moyens, tant informatiques que postaux, pour communiquer entre eux et élaborer ensemble ou séparément une réponse à l'interpellation du syndicat ; qu'il convient dès lors de considérer que la réponse portée à la connaissance de l'ensemble du personnel émanait bien, non des destinataires du courrier de Madame X..., mais de la direction, par l'intermédiaire du DRH, Monsieur Y... ; que cette manoeuvre incontestablement destinée, sous couvert d'un droit de réponse des directeurs opérationnels, à discréditer la déléguée syndicale lors d'une phase de négociation des accords, constitue une forme de pression prohibée par le texte susmentionné ; que, de plus, dans des courriers postérieurs à la saisine du conseil de prud'hommes, l'employeur réitérait ses attaques à l'encontre de Madame X..., l'accusant ouvertement de créer une « situation de blocage » et de « renier ce qu'elle avait négocié » ; que l'employeur ajoutait « démonstration est faite que nous ne sommes pas en situation de blocage à cause de notre refus de cette clause suspensive, mais bien cause d'élus de la CFDT qui semblent confrontés à des difficultés internes dont nous ne connaissons pas la teneur » ; que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le ton de ces échanges dépasse l'utilisation d'un simple droit de réponse, et met directement en cause l'honnêteté et la crédibilité du syndicat et de sa représentante ;
Alors, de première part, que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché, sauf abus notamment caractérisé par l'utilisation de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ; que la Cour d'appel, qui a constaté que, dans un courrier de Madame X... aux responsables opérationnels en date du 28 mai 2010, celle-ci « dénonce l'attitude de la direction générale qui selon elle "En l'état actuel des négociations totalement fermées, nous avons l'impression que sa délégation n'est accessible ni à l'argumentation ni au raisonnement. Elle est concentrée sur une tâche : dénoncer l'intégralité des dispositions nous régissant avant de commencer à discuter. Ce qui a été fait". Elle poursuit ainsi en s'adressant à ces responsables "Nous vous demandons donc d'exercer vos responsabilités et de faire preuve de courage pour conseiller à la direction de nous écouter. Nous vous demandons d'en exiger une négociation loyale et rapide qui doit aboutir d'ici la fin juin " » (arrêt p. 3 in fine et p. 4 § 1 et 2), qu'en réponse à un tel courrier les directeurs opérationnels lui ont adressé un courrier « dans lequel ils accusent Madame X... de déformer la vérité en propageant de fausses intentions et lui demandent de cesser de convertir les souhaits et les efforts de la direction en éléments négatifs et de créer ainsi un climat social délétère» (arrêt p. 4 § 3 et 4) et que l'employeur lui a adressé des courriers ultérieurs l'accusant de créer une « situation de blocage » et de « renier ce qu'elle avait négocié », et ajoutant : « Démonstration est faite que nous ne sommes pas en situation de blocage à cause de notre refus de cette clause suspensive, mais bien à cause d'élus de la CFDT qui semblent confrontés à des difficultés internes dont nous ne connaissons pas la teneur » (arrêt p. 5 § 1 à 3), ne pouvait en déduire que la société Effitic aurait manoeuvré pour discréditer la déléguée syndicale lors de la phase de négociation des accords, ce qui aurait constitué une forme de pression prohibée (arrêt p. 4 in fine) et que le ton des échanges aurait dépassé l'utilisation d'un simple droit de réponse et mis directement en cause l'honnêteté et la crédibilité du syndicat et de sa représentante (arrêt p. 5 § 4), alors que ces courriers ne contenaient aucun propos injurieux, diffamatoire ou excessif, sans méconnaître la portée de ses propres constatations et violer l'article L.1121-1 du Code du travail, ensemble les articles L.2141-7 et L.2141-8 de ce même Code ;
Alors, subsidiairement, de deuxième part, qu'en se prononçant ainsi et en affirmant que les courriers et courriels échangés n'auraient pu constituer l'exercice légitime par l'employeur d'un droit de réponse, sans rechercher, comme il le lui était demandé par la société Effitic, quel était le degré le virulence des courriers de Madame X... auxquels les dirigeants opérationnels ou l'employeur répondaient, quelle était l'attitude de la salariée à ce moment et, plus généralement, dans quel contexte les directeurs opérationnels, l'employeur et la salariée avaient échangé ces courriers et courriels, la Cour d'appel ne pouvait affirmer que les courriers et courriels n'auraient pu constituer l'exercice légitime d'un droit de réponse, et a donc entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article L.1121-1 du Code du travail, ensemble les articles L.2141-7 et L.2141-8 de ce même Code ;
Alors, en tout état de cause, de troisième part, que la société Effitic contestait avoir été à l'origine de la lettre ouverte litigieuse, en date du 7 juin 2010, par laquelle ses sept délégués régionaux avaient répondu à Madame X..., soutenant qu'« Il ne s'agit pas d'un courrier émanant de l'employeur, ni davantage, contrairement à ce qui est affirmé par les appelants, diffusé par celui-ci. La diffusion dudit courrier a bien été réalisée par l'un des directeurs opérationnels destinataires du courrier de Madame Valérie X... et aucunement par le directeur des ressources humaines de la concluante. Ainsi, les propriétés du document n'établissent en aucune manière que l'auteur dudit document serait Monsieur Laurent Y..., directeur des ressources humaines » (conclusions p. 11 in fine) ; qu'après avoir relevé que « Madame X... produit en pièce 9 la description des propriétés du document la lettre ouverte des sept directeurs opérationnels de laquelle il résulte clairement selon elle que Laurent Y..., DRH, est à l'origine de cette réponse » (arrêt p. 4 § 6), la Cour d'appel, qui a cru pouvoir affirmer que « sans contester ces éléments, l'employeur fait valoir que... » (arrêt p. 4 § 7), constatant ainsi que la société Effitic ne contestait pas ces éléments, alors même qu'elle les contestait formellement, a dénaturé les écritures de la société Effitic et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-16780
Date de la décision : 19/11/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 13 mars 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 nov. 2014, pourvoi n°13-16780


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Roger, Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.16780
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